Qu'en pensez-vous ? Est-il efficace selon vous ?
Dénoncer un comportement, c'est déjà le promouvoir
Le psychologue américain Robert Cialdini, qui a particulièrement étudié les mécanismes d'influence et de persuasion, pense que non. En 2003, il consacré un article à ce spot dans lequel il explique que nous modelons nos comportement en fonction de deux types de normes :
- des normes injonctives : ce que les gens devraient faire ou ne pas faire, ce qui est perçu comme bien ou mal,
- des normes descriptives : ce que les gens font ou ne font pas, ce qui est perçu comme fréquent ou rare.
- d'un coté, il ne faut pas polluer (norme injonctives)
- mais de l'autre coté, le comportement général est de polluer (norme descriptive).
Et en pratique ?
Cialdini a eu l'occasion de tester son idée dans une situation réelle lorsqu'il a été sollicité par le parc national de Petrified Forest dans l'Arizona.
Un des troncs fossiles du parc de Petrified Forest |
"Chaque jour, votre patrimoine est vandalisé par le vol 14 tonnes de fossiles par an, le plus souvent un petit morceau à la fois"
On retrouve clairement le problème décrit par Cialdini, ce message contient en fait deux informations :
- Vous ne devez pas prélever des fossiles dans le parc
- Vous êtes très nombreux à le faire (imaginez combien de personnes il faut pour déplacer 14 tonnes de rochers "un petit morceau à la fois" !)
"Merci de ne pas prélever de bois fossilisé afin de préserver ce site naturel"
Ce dispositif a été laissé en place pendant 5 semaines. Après quoi les fossiles numérotés ont été collectés et le nombre de pièces manquantes a été calculé.
Résultat : avec le premier message 7.92% des fossiles numérotés avaient disparus contre 1.67% avec le second. Une différence de presque 1 à 5 !
Communication environnementale et équilibres non-coopératifs
Cette observation est valable dans tous les domaines où l'on peut être amener à faire des messages de sensibilisation - conduites à risque, addictions, suicides... - mais elle est particulièrement importante dans le secteur du développement durable.
En effet c'est un domaine dans lequel des équilibres non-coopératifs peuvent se mettre en place facilement. Pour reprendre l'exemple précédent, chaque visiteur souhaite sans doute préserver le parc national puisqu'il s'y rend en week-end mais il aimerait aussi emporter un fossile. Il est possible de concilier ces deux objectifs si les visiteurs qui volent des fossiles ne sont pas trop nombreux, individuellement il y a donc un intérêt à ne pas coopérer : profiter des efforts des autres pour préserver le site tout en n'en faisant pas soi-même. Mais s'il devient évident qu'un nombre significatif de personnes ne coopèrent pas, pourquoi les autres devraient-ils le faire ?
En informant dès l'entrée du parc qu'un nombre important d'autres visiteurs ne coopèrent pas, la première pancarte réduit à néant la probabilité de parvenir à un équilibre coopératif.
Caricatural ? Pas tant que ça... La sensibilisation au développement durable est encore trop souvent basée sur la dénonciation des conséquences des mauvais comportements plutôt que sur la valorisation des comportements vertueux.
Pourtant, d'après d'autres études représenter un comportement même sans lui donner de sens moral conduit à son adoption (Dittmann, 2004).
Publié le 17 septembre 2013 par Thibault Laconde
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