Pour nous qui ne sommes que spectateurs, plus encore que les souffrances, c'est la passivité et l'impuissance de la communauté internationale qui semble intolérable. Ne pourrait-on pas intervenir ? Obliger au moins les belligérants à respecter les populations civiles et à laisser passer l'aide humanitaire ?
Tout cela semblerait naturel et de bon droit, mais qu'en dit réellement le droit international ?
Conventions de Genève : la protection des civils héritée de la Seconde Guerre Mondiale
Jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale, il n'existait pratiquement aucune protection pour les populations civiles. Le droit de la guerre hérité des conflits du XIXe siècle ne traitait que des combattants, notamment des armes qu'ils pouvaient ou non utiliser et de leur sort une fois fait prisonnier ou blessé.
En 1945, alors que l'on dénombre près de 50 millions de morts civils, il est évident que ces textes ne sont plus adaptés. La quatrième convention de Genève, adoptée en 1949 et ratifiée par 196 États, est destinée à corriger ce manque. Elle oblige chaque État à protéger les civils se trouvant sur les territoires qu'il occupe et à assurer leur ravitaillement et l'accès aux soins (art. 55 et 56). Dans le cas où la puissance occupante n'est pas en mesure de remplir ces obligations, elle doit accepter l'aide fournie par un État tiers ou une organisation humanitaire et assurer sa libre circulation et sa protection (art. 59).
Mais voilà, le droit international est toujours en retard d'une guerre : la plupart des garanties des conventions de Genève ne s'appliquent qu'en cas de conflits entre États. Que se passe-t-il en cas de guerre de civile (comme en Syrie) ou lorsqu'un des belligérants se cache derrière des groupes armés (l'Ukraine) ou ne reconnaît pas son adversaire (Palestine) ?
Pour les conflits "ne présentant pas un caractère international" seul s'applique l'article 3 commun aux quatre conventions de Genève. Il interdit notamment le meurtre, la torture ou la prise en otage des personnes ne participants aux hostilités, mais il n'oblige pas les belligérants à se préoccuper du bien être des populations civiles ou à accepter l'aide humanitaire.
Et que se passe-t-il en cas de violation ?
Mais même ces droits minimaux ne sont pas toujours respectés. Les responsables peuvent avoir à répondre de crimes de guerre mais pas avant des années de procédure. Que faire face à une danger immédiat pour les populations ? La communauté internationale peut-elle intervenir pour assurer leur protection ?
En théorie, seule l'ONU peut autoriser l'emploi de la force lorsque "la paix ou la sécurité internationale" sont menacées (chapitre VII de la Charte des Nations Unies). Est-ce le cas lorsque qu'un conflit menace la population ou empêche l'aide humanitaire de lui parvenir ? Il y a bien un précédent en la matière : la résolution 668 en faveur des kurdes irakiens, mais elle a été prise dans un contexte très particulier qui en fait plus un exception que la règle.
Deux principes s'opposent au moment de prendre une telle décision. Le premier est d'ordre juridique : la souveraineté des États et la non-ingérence dans les affaires internes, le second est moral : la nécessité de protéger la population contre les crimes les plus graves, y compris lorsque les autorités locales ne peuvent pas ou ne veulent pas s'en charger.
La décennie de 1990 a cruellement illustré ce dilemme. D'un coté, en 1994, 800.000 rwandais ont pu être massacrés sans que la communauté internationale ne s'interpose. De l'autre, en 1999, lorsque l'OTAN intervient au Kosovo après le massacre de Račak, c'est clairement en violation du droit international, notamment de l'article 2 § 4 de la Charte des Nations Unies qui proscrit le recours à la force.
Cette faille a été résumée par le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan dans son discours d'ouverture du Sommet du Millénaire : "Si l'intervention humanitaire est une atteinte inacceptable à la souveraineté, alors comment devrions-nous répondre à un drame comme le Rwanda ou à celui de Srebrenica, à des violations systématiques des droits de l'homme qui offensent tous les préceptes de notre humanité commune ?"
La réflexion lancée dans les années 2000 a abouti la définition d'un nouveau principe : la responsabilité de protéger ("responsibility to protect" ou R2P). Sa formulation rappelle la quatrième convention de Genève : un État a la responsabilité de protéger sa population contre les génocides, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les nettoyage ethnique, s'il échoue manifestement dans cette obligation, la communauté internationale a le devoir d'intervenir.
Ce principe a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée Générale de l'ONU en 2005.
Cependant l'enthousiasme autour de la R2P a été de courte durée et c'est largement la France qui en est responsable. La première intervention militaire autorisée au nom de la R2P a eu lieu en Libye en 2011 (résolution 1973). Illustration de la force qu'avait alors la notion de R2P : la Russie et la Chine ne se sont pas opposé à cette intervention.
Malheureusement la protection des civils s'est vite transformé en une opération destinée à renverser Mouammar Kadhafi, y compris en fournissant des armes aux rebelles du CNT en violation de l'embargo décrété par l'ONU. La responsabilité de protéger qui y a gagné l'image d'un nouvel avatar de la "guerre juste" impérialiste.
Il faut bien admettre que la communauté internationale n'a pas trouvé de réponse aux violations des droits des populations. Peut-être est-ce tout simplement parce que la guerre ne peut jamais être une réponse à la guerre. Reste que cette impuissance de la communauté internationale ne doit pas nous empêcher, nous, citoyens, d'agir.
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