Si vous me suivez depuis longtemps, vous vous souvenez peut-être que la toute première appli d'évaluation des risques climatiques que j'ai réalisée était un chatbot capable de répondre à des questions simples sur l'évolution locale du climat.
La génération automatique de texte a toujours eu un rôle à jouer pour démocratiser l'étude des effets du changement climatique. Même si cela peut sembler marginal par rapport aux étapes de traitement des projections ou de modélisation d'impact, qui sont le coeur technique et scientifique du projet, c'est bien le rapport produit à la fin -sa précision, sa fluidité et son intelligibilité- qui va déterminer si les résultats seront compris par l'utilisateur, et pourront être réellement mis au service d'une démarche d'adaptation.
J'ai donc naturellement été attentif au buzz provoqué depuis quelques semaines par ChatGPT. Cette technologie pourrait-elle venir compléter notre boite à outil ? Peut-elle être mise au service de la lutte contre le changement climatique ?
Vous avez des questions ? ChatGPT a des réponses !
Si vous habitez dans une grotte, ChatGPT est un robot conversationnel développé par l'entreprise américaine OpenAI. Il s'appuie en réalité sur le modèle de language GPT-3, existant depuis 2020, mais avec la différence majeure qu'il est accessible via une interface simple. N'importe quel internaute peut créer un compte et venir dialoguer de tout et de rien avec le système.
Vous avez une question sur les effets du changement climatique ? Pas de problème, il sera ravi de vous répondre :
Cette réponse est à la fois impressionnante et decevante.
Impressionnante parce qu'elle hierarchise correctement les informations et avance une recommandation tout-à-fait raisonnable.
Même si ce n'est pas explicitement demandé dans la question, le deuxième paragraphe aborde logiquement le changement climatique. Les valeurs numériques et la référence sont irreprochables : dans le 5e rapport du GIEC, la borne inférieure de l'intervalle de confiance à 95% de l'élévation moyenne du niveau de la mer à la fin du siècle dans le scénario d'émissions le plus bas (RCP2.6) est effectivement de 26 cm et la borne supérieure de l'intervalle de confiance à 95% dans le scénario d'émissions le plus haut (RCP8.5) est bien de 82 cm.
Des informations publiques, anciennes et... aléatoires
Le premier problème de cette réponse, c'est qu'elle ne répond pas à la question.
Ce n'est pas vraiment une surprise : le modèle est entrainé sur des textes disponibles sur le web en 2021. ChatGPT ne peut donc vous donner que des informations suffisamment anciennes et publiques pour qu'il ait effectivement pu les rencontrer dans son jeu de données d'entrainement.
Les projections du niveau de la mer au Havre (ou dans la plupart des villes côtières du monde) n'en font pas partie. Elles existent mais confinées dans des bases de données scientifiques, elles n'ont pas été assez discutées sur internet pour que le modèle puisse en avoir connaisance. Le choix de la source (le 5e rapport du GIEC sorti en 2013) est peut-être aussi lié au jeu de données d'entrainement : le modèle a sans doute été peu exposé aux projections plus récentes, publiées avec le 6e rapport du GIEC mi-2021.
Inutile cependant d'analyser trop précisément cette réponse parce qu'elle est générée aléatoirement : si on lui repose la même question, le système produira un autre texte. Celui-ci peut-être une simple reformulation ou bien être entièrement différent.
C'est un problème plus fondamental de ChatGPT, ses réponses ne sont pas stables. Une fois il nous dira que, selon l'Organisation météorologique mondiale, le
niveau de la mer pourrait augmenter de 0,3 à 0,7 mètre, une autre fois que l'Institut français de la biodiversité anticipe une élévation de 10 centimètres. A moins que ce ne soit l'ANDRA ? Les projections du GIEC, souvent citées, seront parfois de 20 à 60 centimètres, parfois de 0.26 à 0.55, parfois de 30 centimètres à un mètre... Et occasionnellement, il peut dire que la prévision est impossible et conclure, philosophe, que "en fin de compte, seul le temps nous dira comment le niveau de la mer au Havre évoluera".
Une utilisation en data-to-text est-elle envisageable ?
ChatGPT n'est donc pas en mesure de fournir des informations actualisées et fiables. Mais s'il échoue sur le fond, peut-il aider sur la forme ? Si on lui donne des chiffres, peut-il en rédiger l'explication ou l'interprétation ?
Pour essayer de répondre à cette question, j'ai réalisé des tests avec l'API de GPT3. J'ai donné explicitement des valeurs d'élévation du niveau
de la mer sur 2 horizons de temps et deux scénarios et j'ai demandé au modèle de me proposer 5 textes à partir de ces données.
Résultat, sur les 5 textes :
Trois reprennent correctement les données fournies,
Un se trompe (proposition 1)
Un est complétement aux fraises (proposition 4)
On attend au minimum que les données soit reprises complétement et sans erreur - le critère pourrait être par exemple qu'un lecteur ordinaire puisse reconstituer les données fournies au modèle. Dans le contexte de l'étude des effets du changement climatique, avec des risques humains et matériels importants, je ne vois pas comment on pourrait utiliser un système qui n'est pas irréprochable sur ce point. Et clairement GPT est loin du compte...
Probablement que la requête pourrait être améliorée. Et les textes étant générés aléatoirement, on n'a peut-être pas eu de chance au tirage... Mais justement la dimension aléatoire du résultat implique que même si une requête semble marcher, on ne pourra jamais garantir que le texte généré sera toujours exempt d'erreur.
Prendriez-vous des conseils de gestion des risques climatiques auprès d'une IA ?
Si on lui demande des chiffres, ChatGPT (ou GPT-3) régurgite de façon plus ou moins exacte des bouts
d'information auxquelles il a été exposé pendant son entrainement. Si on lui donne les chiffres, il peut les reprendre fidélement comme il peut se tromper du tout au tout.
Qu'est-ce qui décide du succès ? C'est en partie aléatoire, en partie le
résultat de mathématiques complexes dans la grande boite noire qu'est un
réseau de neurones profond.
Rien n'est fiable, rien n'est reproductible, rien n'est explicable.
Quelque
soit votre domaine, c'est évidemment un problème si vous imaginez que GPT va pouvoir se substituer à un expert. En matière de risques
climatiques, c'est tout simplement inenvisageable : si vous prétendez
dire à quelqu'un ce qui va lui arriver en 2050 ou 2100, sans
vérification possible avant des décennies, la confiance est clé. Tout
doit être explicable, sourcé et transparent.
Au-delà de ce cas, c'est la raison pour laquelle je suis très prudent vis-à-vis des utilisations de l'intelligence artificielle pour l'adaptation au changement climatique en général, et chez Callendar en particulier. A mon avis, l'IA ne doit être envisagée que comme dernier recours et en privilégiant des modèles simples, peut-être moins précis mais dont on maitrise parfaitement le fonctionnement.
Pendant la dernière semaine de juin, une canicule de proportions historiques s'est abattue sur le nord-ouest du continent américain. Dans cet article un peu particulier, je cherche à recencer les dommages physiques causés par cet épisode. Cette liste est forcément non-exhaustive, si vous constatez que des impacts manquent n'hésitez pas à me l'indiquer en commentaire.
Pourquoi lister les dommages causés par la canicule ?
La vague de chaleur américaine de juin 2021 s'inscrit dans une liste déjà longue d'épisodes de chaleur très improbables au regard des températures historiques - en Sibérie en 2020, en Europe en 2019, au Japon en 2018, pour ne citer que quelques exemples. Et il ne fait guère de doute qu'elle en annonce d'autres tout aussi extraordinaires : il existe beaucoup d'incertitudes sur les conséquences du changement climatique mais l'apparition de canicules de plus en plus intenses n'en fait pas partie.
Parmi les évenements climatiques extrêmes, les vagues de chaleur occupent une place un peu particulière : elles nous touchent tous directement, mais en même temps leurs conséquences sont difficilement perceptible. Au contraire, vous avez peu de chance d'être frappé directement par une innondation ou un ouragan et pourtant vous pouvez certainement visualiser sans problème les dommages causés par ces phénomènes.
En appartée, je pense que si tant de médias ont des difficultés à illustrer leurs articles sur les vagues de chaleur, s'obstinant à mettre des photos de familles à la plage ou d'enfants mangeant une glace pour évoquer un phénomène meurtrier, c'est en partie à cause de cette spécificité des canicules. La grande majorité de la population est touchée modérément, occultant les vraies victimes et des dégats déjà peu visibles.
Dans cet article je cherche à lister autant d'exemples que possible de dommages matériels causés par la vague de chaleur. L'objectif est de les rendre un peu plus visible et peut-être de contribuer à la compréhension des impacts de ces événements.
Impacts matériels de la vague de chaleur américaine de juin 2021
Pour l'instant, il s'agit un peu d'une liste à la Prévert mais j'essaierai de la complèter et de l'organiser progressivement.
Electricité et énergie
Des coupures d'électricité ont touché jusqu'à 15000 foyers dans l'état de Washington du 28 au 30 juin. Ces délestages ont apparemment été causés par une saturation du réseau de distribution, pas par un manque de production (1).
Dans la région de Portland jusqu'à 6000 foyers ont été coupés d'électricité (1), ces coupures sont probablement liées à des défautts causé par l'augmentation de la température et de la consommation (2).
Des coupures ponctuelles ont eu lieu ailleurs en raison de défauts causés par la chaleur (dont l'explosion d'un transformateur dans la région de Seattle) ou de contact entre les lignes et la végétation (1).
Quelques centaines de foyers ont été coupés en Colombie Britannique (1, 2).
L'augmentation de la consommation a entrainé une forte hausse du prix du gaz et de l'électricité : jusqu'à 334$/MWh pour cette dernière (1).
Routes et transports
De nombreuses routes ont été endommagées par la chaleur. Au moins 6 cas de soulèvement se sont produit à Seattle (1), certaines réparations nécessitent une quinzaine de jour de travaux (2). Plusieurs autoroutes ont été touchés : Interstate 5 (3), State Route 544 (4), Highway 195 (5)
A Portland, le trafic du métro a été totalement interrompu du 27 au 29 juin (1)
La
dilation des pièces métalliques peut empecher les ponts mobiles de
fonctionner. A Seattle et Tacoma, des ponts ont du être refroidis par
aspersion (1, 2).
La
chaleur à un impact sur la charge utile des avions et sur le personnel.
La compagne Alaska Air a subi de nombreux retard et quelques
annulations de vols (1, 2). La chaleur peut rendre certains petits aérodromes innacessibles (3).
Entreprises, activités économiques
De nombreuses pannes de réfrigération ont été signalées dans la restauration et la distribution alimentaire (1, 2). Ces pannes ont entrainé des pertes de marchandises et contraint certains restaurants et commerce à fermer (3), d'autres ont fait le choix de cesser leur activité pendant la vague de chaleur pour préserver matériel et salariés (4).
Dans au moins deux cas, des salariés ont cessé le travail pour protester contre la chaleur dans les locaux (1). Certains ont été licenciés (2).
Un entrepots Amazon de l'état de Washington a suspendu ses opérations le 28 en raison d'une température trop élevée et de défauts de ventilation (1).
Agriculture
La chaleur peut endommager les fruits et perturbe les récoltes (1).
Impacts indirects
La fonte accélérée de la neige a entrainé un risque d'inondation et des évacuations au Canada (1).
En Colombie Britannique, 106 incendies étaient actifs le 2 juillet dont celui qui a détruit le village Lytton (1). Des routes et des installations hydroélectriques ont été endommagées (2).
Les conditions météorologiques ont entrainé des pics de pollution (1, 2).
Les Etats-Unis connaissent ces jours-ci une vague de froid historique avec de nombreux records battus dans le centre du pays et des conséquences dramatiques : coupures d'électricité, puits de pétrole et de gaz gelés, centrales électriques et raffineries à l'arrêt...
Si cette vague de froid est exceptionnelle par sa sévérité, l'épisode n'est pas isolé : en janvier 2019 aussi le centre des Etats-Unis avait connu une période glaciale, en janvier 2017 la température sur 5 jours en Europe centrale et dans les Balkans est descendue jusqu'à 15°C sous les normales et en 2013-2014 un hiver particulièrement rude avait fait presque intégralement geler les grands lacs.
A chacun de ces épisodes, une question revient : comment un climat qui, globalement, se réchauffe peut-il donner naissance à des vagues de froids aussi extrêmes ?
Un effet du réchauffement accéléré des pôles
Le dérèglement du climat peut rendre les hivers plus extrêmes dans les région tempérées via plusieurs mécanismes, mais tous partagent une même origine : le réchauffement accéléré de l'Arctique.
Aussi contre-intuitif que puisse paraitre ce phénomène, il est en fait relativement simple de comprendre pourquoi le réchauffement des régions polaires peut entrainer des périodes de froid extrêmes dans les régions tempérées d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie.
La densité de l'air est fonction de sa température : si vous chauffez l'air contenu dans un ballon, le volume du ballon augmente, c'est le principe de la montgolfière. C'est aussi vrai sur notre planète : la même masse d'air occupera moins de place au pôle, où il fait plus froid, qu'à l'équateur. Le résultat c'est que, à une altitude donnée, la pression atmosphérique est plus faible dans les régions polaires que dans une zone plus chaude. Ou pour le dire autrement "l'atmosphère est en pente" : Si vous vous déplaciez de l'équateur vers le pôle nord sur une surface de pression constante, vous seriez presque toujours en train de descendre. Par exemple la limite des 0.3 bars est en moyenne autour de 10 kilomètres d'altitude à l'équateur et 8.5 au pôle.
Concrètement, cette dépression a tendance à attirer et retenir l'air. La différence de température fait que les mouvements de l'atmosphère vont globalement de l'équateur vers les pôles (en tourbillonnant de l'ouest vers l'est en raison de la rotation de la terre).
Comme les pôles se réchauffent environ deux fois plus vite que le reste de la planète, le différentiel de température qui est à l'origine de ce mouvement se réduit. L'attraction exercée par les pôles devient plus faible et il est plus facile pour des masses d'air froid de s'en échapper pour venir congeler des régions tempérées.
Perturbation du vortex polaire
Voilà pour l'intuition générale. Si on veut entrer un peu plus dans les détails, il existe principalement deux phénomènes à connaitre.
Le premier est le fameux vortex polaire.
C'est un phénomène qui se produit uniquement en hiver. Pendant
la nuit polaire, l'atmosphère située au-dessus du pôle se refroidit rapidement en particulier dans la stratosphère qui est normalement réchauffée par l'énergie des UV absorbés par le couche d'ozone. Ce refroidissement entraine l'apparition d'une zone de basse
pression autour de laquelle se forme un immense tourbillon : le vortex polaire.
En temps normal, le vortex polaire empêche l'air froid de
s'échapper vers les moyennes latitudes. Mais son fonctionnement peut être perturbé par des courants d'air venus des régions
plus chaudes.
Ces perturbations peuvent avoir des effets
spectaculaires : inversion du sens de rotation du vortex, augmentation de la température
au-dessus du pôle de plusieurs dizaines de degrés en quelques jours, déplacement du vortex vers le sud voire dislocation en systèmes plus petits...
Tout cela entrainant souvent des vagues de froid durables aux moyennes latitudes.
A gauche : vortex polaire normal en novembre 2013 (une zone de basse pression centrée sur le pôle), à droite : vortex perturbé en janvier 2014 à l'origine de vagues de froid en Asie et en Amérique
Les jets streams ("courants de jet" en bon québécois) sont des
couloirs de vent situés à une dizaine de kilomètres d'altitude, l'air y
circule vers l'est à très grande vitesse. Chaque hémisphère a deux
courants principaux : un situé autour de 30° de latitude (jet stream
tropical), l'autre autour de 60° (jet stream polaire).
Même si la
réalité est beaucoup plus compliquée que ça, ces courants matérialisent la
limite entre des régions chaudes, tempérées et froides relativement
isolées les unes des autres.
Mais ces limites ne sont ni fixes ni
en ligne droite. Sous l'effet du relief et des
différences de température au niveau de la surface, le jet stream forme des méandres se déplaçant lentement. C'est particulièrement le cas dans l'hémisphère nord où la disposition des terres émergées favorise ces
variations. Il est donc possible pour une même région d'être parfois au sud
et parfois au nord du jet stream ce qui va déterminer des conditions
météorologiques très différentes.
Animation représentant l'évolution du jet stream polaire au-dessus du continent américain (NASA)
Résultat
: il devient plus probable qu'une grande oscillation du jet stream polaire permette à de l'air froid de descendre loin en zone tempérée, ou à l'inverse entraine un épisode de chaleur anormal aux
hautes latitudes. Ces périodes extrêmes ont aussi tendance à durer plus longtemps.
Quelle est la morale de l'histoire ?
Est-il possible d'imputer ou non une vague de froid au changement climatique ? Et peut-être s'attendre à des périodes de froids plus extrêmes en dépit d'une tendance au réchauffement ? Ces deux questions sont encore largement en débat : comme c'est souvent le cas au début, l'intensification de la recherche sur ces sujets a eu tendance à faire augmenter les incertitudes plutôt qu'à les réduire...
Mais comme toujours lorsqu'on parle de gestion des risques, savoir ce qu'on ne sait pas est presque aussi important que savoir. La climatologue canadienne Katharine Hayhoe emploie à ce sujet une expression que je trouve intéressante : "global weirding" (bizarification ? climatique) plutôt que de "global warming" (réchauffement climatique).
En effet, lorsqu'on s'intéresse aux effets du changement climatique au-delà de
raisonnements qualitatifs ou de grandes moyennes, on découvre des évolutions complexes et souvent équivoques. Pour ne citer qu'un exemple (sur lequel on reviendra) : saviez-vous que même si le changement climatique fait, globalement, augmenter le niveau de la mer, il existe des endroits où il devrait baisser au cours du XXIe siècle ?
De la même façon, il ne fait guère de doute que la température moyenne en hiver augmente et va continuer à augmenter au cours des prochaines décennies. Cependant la vague de froid qui frappe actuellement le centre des Etats-Unis doit être prise comme un avertissement par ceux qui voudraient en tirer des conclusions trop rapides.
Je vais profiter de la journée la plus chaude de cette semaine caniculaire pour une petite aventude urbaine : rechercher, caméra thermique à la main, les îlots de chaleur et de fraicheur dans Paris et en proche banlieue.
Vous suivre cette expérience et me suggérer des lieux à visiter via Twitter avec le hashtag #ExpeditionCanicule. Les résultats seront aussi visibles sur cette carte interactive (cliquez ici si elle ne s'affiche pas) :
Il y a quelques jours, les rédactions de plusieurs médias ont reçu un document qui au premier coup d'oeil ressemble plus à une demande de rançon qu'à un programme politique. Il tient en fait un peu des deux : c'est une liste de 42 "directives du peuples" hétéroclites adressées aux députés pour qu'ils les "transposent en loi", le tout est signé "les gilets jaunes".
Impossible de connaître l'origine ou la représentativité de ce document mais faute de mieux, il peut servir de base pour réfléchir à ce que pourrait attendre les manifestants en matière d'énergie. Il contient en effet plusieurs points qui sont directement liés à la politique énergétique. Je vous propose de les passer en revue et de les discuter.
N'hésitez pas à en débattre dans les commentaires ou à me contacter pour compléter.
Comme tous le monde, j'observe l'agitation autour du prix des carburants. Et du coup je m'interroge : est-ce que le prix du carburant est vraiment élevé ? Pour répondre à cette question, j'ai comparé le carburant à d'autres produits de consommation courante avec l'aide des données de l'INSEE sur les prix moyens de vente au détail :
Cliquez pour agrandir
Le résultat me parait sans appel : non, le carburant n'est pas cher. Au contraire.
Parmi les liquides que nous consommons au quotidien, seuls l'eau et le lait sont meilleur marché. Lorsqu'on songe à tout le travail qui est nécessaire pour amener un litre de pétrole dans votre réservoir - financement, exploration, extraction, transport sur des milliers de kilomètres, raffinage..., il semble même incroyable qu'en bout de chaîne le prix au litre soit inférieur, par exemple, à celui de l'huile de tournesol qui est un produit local et infiniment moins technique.
Si vous vous dites que ça vous fait une belle jambe parce que vous avez beaucoup plus besoin d'essence ou de diesel que de lait ou d'huile, c'est peut-être de là que vient votre problème et non du prix.
L’Accord de Paris sur le Climat a été adopté le 12 décembre 2015 au terme d’un cycle de négociation commencé lors du sommet de Durban en 2011. Il devrait entrer en vigueur d’ici 3 à 5 ans.
Cet accord contient trois points principaux :
Une méthodologie pour recueillir, actualiser et vérifier régulièrement les engagements de réduction d’émission des Etats,
Une obligation légale pour les pays industrialisés d’aider financièrement le reste du monde à lutter contre le changement climatique,
Un mécanisme de flexibilité de type marché du carbone accompagné d’un cadre, restant largement à préciser, pour des démarches non fondées sur le marché (partie II).
L’Accord de Paris ne sera pas sans conséquences pour les acteurs économiques qui doivent s’y préparer dès maintenant. Pour atteindre les objectifs de Paris, les émissions mondiales de gaz à effet de serre devront baisser d’au moins 860MTeqCO2 par an d’ici à 2050, cette décroissance est un défi sans précédent pour les activités intensives en carbone et une incitation à développer des technologies de capture des gaz à effet de serre. L’Accord de Paris laisse également présager un développement des marchés du carbone et diverses conséquences pour d’autres secteurs de l’économie.
Entre le 3 et le 13 décembre, j'ai publié tous les matins à 9h un point des négociations sur le climat et un bref résumé des événements de la veille à la COP21. En voici la version intégrale avec juste quelques modifications destinées à éviter les répétitions...
Pour plus de détails sur le Conférence de Paris, vous pouvez également consulter :
La première semaine de la conférence est déjà à moitié derrière nous.
Après l'agitation de premiers jours, ponctués de discours et
d'annonces, on glisse doucement dans les pourparlers. Ces discussions
complexes (et souvent derrière des portes closes) sont frustrantes pour
tout le monde, sauf les diplomates qui semblent aimer ça. Pour un
observateur distrait, elles peuvent même donner l'impression qu'il ne se
passe plus grand chose et que la conférence s'enfonce dans
l'anecdotique.
Nous sommes au contraire dans une phase décisive où
il faut bâtir sur l'impulsion des premiers jours et effacer le maximum
de points de blocage, un travail de fourmi qui conditionne ce qui va se
passer la semaine prochaine.
Un projet de texte doit
être remis à la présidence de la COP21 samedi 5 décembre, à midi. Pour
que les ministres puissent travailler efficacement la semaine prochaine,
il faudrait que le maximum de désaccords aient été éliminés d'ici-là.
Compte-tenu du rythme actuel des négociations, il existe un risque que
le texte de samedi soit encore trop inabouti... Mais il reste deux jours
de travail : de nouveaux brouillons devraient être publiés ce soir et
demain soir.
Ce qui reste en débat :
Le mécanisme de revoyure semble en bonne voie. Les engagements pris pendant la conférence de Paris ne suffiront sans doute pas de limiter le réchauffement de la planète à 2°C
comme le souhaite la communauté internationale. Il faut donc prévoir
les futures réunions qui permettront de prendre des engagements plus
ambitieux. On s'oriente vers une révision tous les 5 ans à partir de
2020, les pays en développement souhaitent que les financements soient
revus en même temps.
Quel objectif la communauté internationale va-t-elle se fixer à long-terme ?
Cette question fait l'objet d'une querelle de wording : "Zéro émission"
? "Décarbonation de l'économie" ? "Neutralité climatique" ? Les
discussions évoluent vers cette dernière (et très vague) formulation.
Dans les limbes : l'objectif de 1.5°C et les "pertes et dommages".
Il s'agit de deux points qui tiennent particulièrement à coeur des pays
les plus vulnérables : d'une part mentionner dans l'accord l'objectif
de limiter la hausse de la température moyenne à 1.5°C entre le début de
l'ère industrielle et la fin du XXIe siècle (même si cet objectif semble largement hors de portée),
de l'autre obtenir une compensation pour les dommages subis à cause
d'émissions de gaz à effet de serre dont ils ne sont pas responsables.
Ce qui semble acquis :
L'impulsion de début de conférence qui valide la stratégie adoptée par la France d'inviter les chefs d'Etat et de gouvernement le premier jour plutôt qu'à la fin.
Vendredi 4 décembre
Nous sommes déjà vendredi, les négociateurs sont au travail depuis
presque une semaine... Hier, on pouvait croire que les discussions
étaient en train de s'engourdir mais voilà le première montée
d'adrénaline de cette COP : un projet de texte doit être remis demain à
midi à la présidence. S'il reste en l'état, long et indécis (le dernier
brouillon comptait 50 pages et 1412 crochets
!), les ministres qui arrivent la semaine prochaine risquent de
s'enliser dans d'interminables querelles... et on voit déjà le spectre
de Copenhague pointer le bout de son nez.
Si, au contraire, les
négociateurs parviennent à un texte simplifié dans les prochaines 24
heures, alors l'accord historique qu'on nous a promis sera en vue.
Une
nouvelle organisation a été mise en place hier avec moins de "spin-off
group", les groupes travaillant en parallèle sur des questions précises.
Il faudra encore attendre un peu pour savoir si elle est efficace : le
prochain brouillon du texte est attendu dans la matinée, il sera être
accompagné d'une proposition de consensus proposé par les co-présidents
et les facilitateurs.
Le même processus se répétera aujourd'hui : spin-off groups dans la journée puis synthèse dans la soirée et la nuit, pour aboutir avant la date limite de samedi.
Samedi 5 décembre
Hier,
je vous promettais la première montée d'adrénaline de cette COP... Après
les discours de lundi et l'enthousiasme exceptionnel des premiers jours,
les discussions s'étaient tendues en milieu de semaine. On craignait
déjà l'enlisement quand le premier coup de théâtre de la conférence a eu
lieu. Et il est positif : d'un seul coup, la moitié des incertitudes
ont été éliminées du projet d'accord !
Dans quelques heures, la
première semaine de négociation se refermera par la remise du texte à la
présidence. On pourra sans doute la considérer comme un succès.
Peut-être est-ce trop tôt, mais j'ai aussi l'impression que cette COP ne
ressemblera à aucune de celles qui ont précédé. Touchons du bois...
Hier matin, deux
nouveaux textes ont été publiés : celui issu des négociations de la
veille, dans lequel il y avait un peu moins de pages qu'avant (46 contre
50) mais toujours autant de passages entre crochets
(1400), et une proposition de compromis mise au point par les
co-présidents avec "seulement" 38 pages et 750 crochets. Dans
l'après-midi, à l'initiative du G77+Chine,
ce deuxième texte a été accepté comme base de discussion. Belle
accélération : En 24h, la moitié des incertitudes ont ainsi été
éliminées !
Ce coup de théatre oblige aussi les réfractaires à sortir du bois. Sans surprise, il s'agit des pays pétroliers,
en particulier de l'Arabie Saoudite et du Vénézuela, qui tentent de
plus en plus ouvertement de réduire l'ambition de l'accord et de
ralentir les négociations.
Les travaux se sont poursuivis cette nuit et un nouveau projet doit être remis à la présidence aujourd'hui à midi.
Dimanche 6 décembre
Si nous récapitulions cette première semaine ?
Un début en fanfare : plus de 150 chefs d'Etat qui appellent à l'action, avec aussi quelques annonces intéressantes.
Un coup de théatre : en milieu de semaine, les négociations se
tendente et les progrès sont très lent. Mais vendredi, les pays
perviennent à s'entendre sur une proposition de compromis qui marque une
brusque accélération.
Un objectif relativement atteint : le projet d'accord bien abouti a été remis dans les temps.
Maintenant, ce sont les ministres qui vont entrer en scène. A eux de réduire les derniers points problématiques...
L'objectif est désormais
de parvenir à un texte définitif pour jeudi 10 au matin, ce qui
laissera environ 36h pour les traductions et les vérifications
juridiques. L'adoption devrait avoir lieu vendredi 11 au soir.
Ensuite,
le texte devra être ratifié par chaque signataire selon la procédure en
prévue par son droit national. L'accord de Paris devrait entrer en vigueur
en 2020.
Ce qui coince encore :
La différenciation s'annonce comme un point dur de la seconde semaine. Ce principe, inscrit dans la Convention Climat de 1992, veut
que certains pays listés dans l'Annexe I (Europe, Amérique du Nord,
Japon, Australie... ) aient une responsabilité historique et portent
l'essentiel des efforts. Aujourd'hui, les participants se divisent entre
ceux qui en défendent une interprétation stricte du texte de 92 et ceux
qui veulent assouplir ce principe pour l'adapter aux évolutions du
monde depuis 20 ans. (rappelons qu'aujourd'hui un Chinois moyen émet
plus de gaz à effet de serre plus qu'un Français et que le salaire
minimum en Chine est supérieur à celui de certains pays européens).
Les questions financières, très liées au point précédent, restent aussi largement en suspens. En particulier les pertes et dommages, c'est-à-dire les compensations réclamées par certains pays qui souffrent d'un phénomène dont ils ne sont pas responsables.
L'objectif de long-terme ("Zéro émission"
? "Décarbonation de l'économie" ? "Neutralité climatique" ?) reste en
débat. La mention de l'objectif de l'objectif de 1.5°C, réclamé par les
pays les plus vulnérables même si il n'est plus atteignable, pose également problème.
Ce qui semble acquis à ce stade :
La révision tous les 5 ans des engagements d'émissions est en bonne voie. Ce point est capital : les engagements pris pendant la conférence de Paris ne suffiront sans doute pas de limiter le réchauffement de la planète à 2°C
comme le souhaite la communauté internationale, il faut donc
d'ores-et-déjà prévoir
les futures réunions qui permettront de prendre des engagements plus
ambitieux. Par contre, les détails restent à régler : quand aura lieu la
première révision ? Les objectifs financiers seront-ils revus en même
temps que les objectifs d'émission ?
L'impulsion de début de conférence qui valide la stratégie adoptée par la France d'inviter les chefs d'Etat et de gouvernement le premier jour plutôt qu'à la fin.
Lundi 7 décembre
Dans
sa bulle extraterritoriale du Bourget, très loin de l'agitation politicienne du premier tour des régionales, la COP21 continue... Elle entre
dans son "segment de haut niveau", la seconde semaine pendant laquelle
les négociateurs sont rejoints par leurs ministres.
Lors des COP
précédentes, cette phase a rarement conduit à des progrès sur le fond :
apparemment, les politiques préfèrent débattre sur la forme et s'aligner
sur le plus petit dénominateur commun pour le reste... A leur décharge,
lors des COP précédentes, les ministres trouvaient généralement des
négociations déjà bien embourbées avec des textes qui faisaient souvent
plus de 150 pages. Est-ce que les choses peuvent se passer différemment à
Paris après une bonne première semaine et avec un projet d'accord qui
ne fait qu'une vingtaine de pages ?
Mardi 8 décembre
Aujourd'hui,
c'est le jour des hasards de calendrier. D'abord le 8 décembre est la
journée mondiale du climat, ce qui tombe plutôt a propos.
Ensuite
Ecofin, le conseil des ministres des finances de l'Union Européenne, se
tient à Bruxelles... Précisément au moment où les négociations
climatiques achoppent sur la question des financements. Une annonce des
ministres européens pourrait aider à débloquer la situation : la taxe
sur les transactions financières, dont la France veut faire une des
sources de financement du Fond Vert pour le Climat, est justement au sujet de cette réunion.
On
reproche souvent aux négociations sur le climat d'être trop isolées des
autres discussions internationales. Pour une fois, le calendrier est
favorable, reste à voir si les européens saisiront cette occasion de
joindre les actes à la parole.
Les ministres ont eu,
hier matin, l'occasion de s'exprimer comme l'avaient fait les chefs
d'Etat la semaine dernière. Ensuite, une nouvelle organisation s'est mise en place avec des consultations sur quatres sujets précis : les moyens (financements, transferts
de technologie...), la différenciation, les ambitions (notamment
l'objectif de long-terme et le mécanisme de revoyure) et les actions
pré-2020. Chacune de ces discussions est animée par un binome de ministres (un du Nord, un du Sud).
Ils
ont présenté leurs premiers rapports hier soir au "Comité de Paris", un
groupe informel dont la tâche est de préparer le texte final. Cette
première réunion a abouti... au lancement de plus de consultations (sur
le préambule, l'adaptation, les forêts...).
Mercredi 9 décembre
Il
reste désormais à peine plus de 24h pour trouver accord. Les minutes
sont comptées, et pourtant tout semble aller si lentement ! Pendant
cette deuxième semaine, les discussions se font aussi plus discrètes. Si
peu d'informations filtrent qu'on ne sait plus très bien si une crise
couve en coulisse ou si au contraire un compromis est sur le point
d'être trouvé... Dans l'incertitude, beaucoup d'observateurs commencent à
craindre un accord sans envergure - et il faut bien reconnaitre que
l'expérience des 20 COP précédentes n'incite pas l'optimisme.
Nous
approchons du paroxysme de cette conférence. Et on se sent partagé
entre l'envie de conclure et la crainte de voir apparaître un texte
minimal. Encore quelques heures de suspense.
Les "facilitateurs"
chargés des consultations sur les sujets qui restent en débat ont fait
leur rapport au Comité de Paris hier en fin d'après-midi. Et nombre
d'entre-eux semblent piétiner, c'est notamment le cas pour les pertes et
dommages et la différentiation.
La présidence de la COP a
cependant annoncé un nouveau texte pour aujourd'hui 13h (on imagine
qu'ils n'ont pas beaucoup dormi cette nuit) et une réunion du Comité de
Paris à 17h. L'objectif est toujours de parvenir à un texte définitif
demain pour une adoption vendredi soir au plus tard.
Jeudi 10 décembre
"Votre texte est équilibré, la preuve : personne n'est content."
Le délégué malais a parfaitement résumé la journée (et surtout la
soirée) d'hier. Un nouveau texte a été présenté dans l'après-midi, il a
été accepté comme base de négociation mais...
En fait le texte
d'hier parvient à faire consensus en laissant ouvertes des options
radicalement opposées. Résultat : l'accord reste encore très indécis, il
peut être à la hauteur si les options ambitieuses sont choisies mais
tout peut aussi s'effondrer dans les prochaines heures...
Normalement, le texte
définitif de l'accord de Paris devrait être publié aujourd'hui. Sauf
coup de théatre, ce ne sera pas le cas. Par conséquent, l'adoption
formelle du texte, qui était prévue pour demain soir, risque aussi
d'être retardée.
Un nouveau brouillon a été publié aujourd'hui, la
version précédente datait déjà de samedi... une éternité. On ne peut
pas nier que des progrès ont été faits. L'accord lui-même (hors
décisions et annexes) est passé de 20 à 14 pages avec 200 passages entre crochets
contre près de 500 dans la version précédente. Mais lorsqu'on regarde
en détail, le texte reste très ouvert : sur les points cruciaux des
options volontaristes cohabitent encore avec d'autres sans envergure.
Vendredi 11 décembre
Ambiance gueule de bois ce matin...
Hier
dans la soirée un nouveau projet de texte a été publié. Le nombre
d'options avait été radicalement réduit (il ne restait plus qu'une
quarantaine de passages entre crochets) tout en préservant l'essentiel de l'ambition... Un accord satisfaisant semblait réellement à portée de main aujourd'hui.
Mais
au lieu de régler les derniers détails, les consultations de la nuit
ont réouverts des points qui semblaient acquis. Plusieurs pays ont donné
l'impression de rehausser leurs exigences.
La nuit a été longue
et difficile mais je crois que rien d'irréversible n'a été commis. Un
accord reste possible, au plus tôt samedi.
La réunion du Comité de
Paris, mercredi soir, a donné à une longue série de prises de parole
(une cinquantaine de pays pendant près de 3h). Les discussions se sont
poursuivies sur un format réduit (ou Indaba) pendant la nuit de mercredi
à jeudi.
Elles ont abouti à un nouveau projet d'accord, présenté
hier soir à 21h. Ce texte semblait pratiquement finalisé avec seulement
48 passages entre crochets (contre ~400 avant-hier) et 18 options
(contre 83 dans la précédente version). Malgré l'effort de synthèse, les
points essentiels du projet avait été préservés.
En particulier, ce qui semblait acquis dans le texte d'hier :
Un objectif "bien en dessous de 2°C" avec une mention du seuil de 1.5°C : depuis la conférence de
Copenhague, l'objectif officiel de la communauté internationale est de
limiter la hausse de la température moyenne à 2°C entre le début de
l'ère industrielle et la fin du XXIe siècle. Mais les pays les plus
vulnérables réclament une limite plus basse à 1.5°C, la formulation retenue est entre les deux et évite sagement de fixer un objectif de température irréaliste.
Un objectif de long-terme relativement ambitieux : Pic
des émissions dès que possible suivie d'une réduction rapide pour
arriver à la "neutralité des émissions de gaz à effet de serre" dans la
seconde moitié du XXIe siècle.
La révision des engagements tous les 5 ans à partir de 2023. Ce point est capital : les engagements pris pendant la conférence de Paris ne suffiront sans doute pas à limiter le réchauffement de la planète à 2°C
comme le souhaite la communauté internationale, il faut donc
d'ores-et-déjà prévoir
les futures réunions qui permettront de prendre des engagements plus
ambitieux. Certaines parties (dont l'Union Européenne) souhaitaient une première révision plus tôt.
Cinq points importants restaient en suspens :
Le mécanisme de flexibilité de l'article 3ter : cet article pourrait créer un système de marché des permis d'émissions
comparable à celui qui existait dans le protocole de Kyoto. Les
propositions qui restent sur le table comprennent un mécanisme portant
uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre ou un système plus
large, réservés ou non aux pays en développement...
Les pertes et dommages, c'est-à-dire les compensations
demandées par les pays en développement qui souffrent du changement
climatique aux pays industrialisés (art. 5). Trois grandes options
restent ouvertes : une simple déclaration de principe, un nouveau
mécanisme ou la continuation du mécanisme existant, crée lors de la
COP19 de Varsovie.
Une guerre de wording fait rage sur les financements destinés
aux pays en développement (art. 6) : doivent-ils être nouveaux,
additionnels, adéquates, prévisibles, accessibles, durables et/ou
renforcés ?
La définition de cas particuliers pour certains groupes de pays :
les États insulaire, les pays les moins avancés et/ou les pays africains
pourraient bénéficier d'un régime de faveur (obligations réduites,
accès facilité aux financements...). Ces options se retrouvent dans de
nombreux passages du projet d'accord (articles 3, 4, 6...), il s'agit
d'une façon de contourner l'intransigeance des pays émergents sur la différentiation.
Les conditions d'entrée en vigueur de l'accord restent
indécises (art. 18). Quelles proportion des émissions doivent
représenter les pays qui ont ratifié l'accord pour qu'il entre en
vigueur (55%, 70%...) ? Si ce seuil est atteint, l'accord pourra-t-il
entrer en vigueur avant 2020 ? Le sujet n'est pas anecdotique : un seuil
élevé donne un quasi droit de veto aux gros émetteurs... On se souvient
que c'est ce qui avait retardé l'entrée en vigueur du Protocole de
Kyoto jusqu'en 2005.
La présentation de ce texte a été suivie d'une nuit de
consultation (de 23h30 à 5h30 !) au cours de laquelle beaucoup de points
ont été remis en discussion. Ce matin, il est difficile de dire à quel
point le texte d'hier va devoir être réécrit...
La prochaine
version sera présentée demain 9h. Ce sera normalement la dernière et
elle sera proposée directement à l'adoption samedi. La COP21 peut
s'écrouler à ce moment-là, avec comme cas le plus extrême une fin de la
conférence sans accord si le texte présenté ne parvient pas à recueillir
l'unanimité, mais une issue positive reste possible...
Les discussions des prochaines 24h vont être décisives mais discrètes : nous ne saurons où nous en sommes que demain au réveil.
Samedi 12 décembre
Grosse fatigue... Le projet d'accord publié jeudi soir représentait un réel progrès : le nombre
d'options avait été radicalement réduit (seulement une
quarantaine de passages restaient entre crochets) tout en préservant l'essentiel de l'ambition, mais
au lieu de régler les derniers détails, les consultations de la nuit
ont taillé en pièces cette proposition.
Les consultations ont
continué en bilatéral toute la journée d'hier mais rien ou presque n'a
filtré. C'est extrêmement frustrant : ce que nous vivons est, au moins,
l'équivalent diplomatique d'une finale de coupe du monde. Et on nous
fait attendre le score final, sans le son ni l'image...
De nombreuses discussions
bilatérales ont eu lieu vendredi, elles auront sans doute été décisives
mais nous n'en savons rien... Les quelques ministres aux traits tirés qui
se sont aventurés à donner une conférence de presse sont restés
énigmatiques. Nous ne saurons où nous en sommes que samedi à 11h30,
lorsque le texte sera présenté au Comité de Paris. Le Comité de
Paris n'étant qu'un groupe informel de consultation, il faudra ensuite une
réunion de la COP (qui n'est pas encore annoncé à l'heure actuelle)
pour l'adopter formellement. Dans le meillleur des cas, on peut espérer
que la COP21 se terminera avec l'Accord de Paris dans l'après-midi.
Dimanche 13 décembre
C'est fait !
Le texte final de ce qui est désormais l'Accord de Paris a été publié peu après 13h30 samedi, il était en réalité très proche de la version précédente. Une dernière réunion du Comité de Paris a été programmée à 14h45, reculée à 18h30 pour ne commencer finalement que vers 20h15. Tout est allé extremement vite ensuite et l'Accord a été formellement adopté peu après 20h30.
Il reste évidemment beaucoup de travail... Pour analyser le texte final de l'Accord de Paris, pour le préciser et le rendre opérationnel lors des prochaines conférences sur le climat, pour le ratifier, et bien sur pour traduire en actes, en décisions politiques ou en choix industriels ce qui n'est encore qu'une série de promesses... Mais quelles promesses ! Le premier accord international sur le climat depuis presque 20 ans, sans doute le plus ambitieux jamais adopté !
Comme l'a dit la ministre sud-africaine de l'environnement hier soir : Aujourd'hui, prenons le temps de mesurer le chemin parcouru et de profiter de l'instant. Mais dès demain, il faudra se remettre en route...
Publié le 3 décembre 2015 par Thibault Laconde, dernière mise à jour le 13 décembre 2015
Passé le moment d'effroi, que faire dans de telles circonstances si ce n'est aller de l'avant ? Alourdi par le deuil, peut-être un peu tremblant, mais ni arrêté, ni ralenti, ni détourné de nos objectifs.
Alors voilà... Dans tout juste deux semaines s'ouvrira à Paris la 21e conférence de l'ONU sur le climat. Il ne nous reste que quelques jours pour en faire succès, et quelle meilleure réponse pourrions nous apporter à la barbarie que l'image d'une communauté internationale réunie et solidaire pour faire face aux défis qui l'assaillent ?
La COP21 aura lieu malgré tout
L'annulation ou le report de ce rendez-vous aurait été dramatique. Sans même parler du signal que ce renoncement enverrait à nos agresseurs ou des enjeux de la conférence, c'est une machinerie trop imposante pour être arrêtée à deux semaines de l'ouverture : des années de négociations avec un mandat qui prévoit l'adoption d'un accord avant fin 2015, des centaines d'évènements d'ores-et-déjà prévus, des dizaines de milliers de personnes en route pour Paris...
Pour la même raison, je ne crois pas beaucoup à l'idée de limiter la COP aux seules négociations. Même si il faut déjà réfléchir à de nouvelles formes de mobilisations, même si certains événements vont vraisemblablement être annulés, notamment la marche pour le climat du 29 novembre à Paris où 300.000 personnes étaient attendues ou les concerts dans l'espace public, je pense que la majorité des salons, débats, expositions, etc. se tiendront comme prévus.
L'ambiance de la conférence sera cependant bouleversée. On peut imaginer que le drame de vendredi va conférer à la COP21 une solennité particulière et remettre la diplomatie au premier plan au détriment des autres acteurs notamment des ONG. La Conférence de Paris ne sera pas la fête populaire qu'elle aurait pu être mais au fond, c'est ça la réalité d'une COP : une négociation internationale austère avec des enjeux immenses.
Parler de terrorisme plutôt que de climat ? Pourquoi pas les deux.
Bien sur, les discussions risquent d'être polluées. Il n'a pas fallu attendre bien longtemps avant d'entendre par quelques individus s'offusquer que l'on réunisse les
dirigeants de la planète pour discuter du changement climatique plutôt
que pour agir face à la menace immédiate du terrorisme :
Substituer un sommet international pour en finir avec Daesh à la Cop21 serait conforme à l'ordre des priorités.
Mais est-ce réellement incompatible ? La question de la sécurité a toute sa place dans une conférence sur le climat car une chose est certaine : nos émissions de gaz à effet de serre
nous préparent un monde dans lequel les grandes sécheresses sont plus
fréquentes, les rendements de l'agriculture baissent et la montée du
niveau des mers déplace des millions de personnes... Dans beaucoup d'endroits,
le siècle qui vient sera sans doute plus instable et plus violent que
le précédent.
Quelques cyniques diront peut-être
que les habitants de pays les plus pauvres et les plus fragiles sont les premiers concernés et que nous, pays développés,
avons les moyens de nous adapter et de préserver nos conditions de vie.
Ça n'a rien d'évident : souvenez de Katrina et comment même la première puissance mondiale a pu être déstabilisée par un phénomène climatique. De plus les attaques de vendredi nous rappellent qu'il serait naïf de penser
que l'on pourra tenir à distance la violence dans un monde en chaos.
Ce
n'est certainement pas un hasard si, aux États-Unis, le Pentagone tire la sonnette d'alarme depuis des années face à l'inertie des politiques !
Le Moyen-Orient, avant-goût du réchauffement climatique
Le Moyen Orient, d'où sont venus les attaques de vendredi, est justement un laboratoire grandeur nature du monde
qui pourrait naître d'un réchauffement incontrôlé. Le Croissant
Fertile a toujours connu des périodes de sécheresse mais elles sont
devenues plus sévères et plus longues avec le changement climatique.
Entre 2007 et 2010, la Syrie a connu la plus grave sécheresse jamais
enregistré dans le pays. Résultat : 1.5 millions de syriens ont
été déplacés, généralement des habitants des campagnes qui sont venus
s'entasser en ville dans l'espoir de survivre à la perte de leurs
récoltes et de leurs troupeaux.
Combiné à
d'autres facteurs économique, politiques et sociaux, ce choc démographique a conduit au soulèvement de Daraa en 2011
et, de fil en aiguille, à la guerre civile et à la montée en puissance
de Daech. Il ne s'agit pas là de spéculations mais d'un lien établi par
plusieurs études publiées récemment dans des revues scientifiques (notamment celle-ci ou celle-ci).
Autre point commun entre la destabilisation du Moyen Orient et le changement climatique : notre dépendance aux énergies fossiles. Daech tire des centaines de millions de dollars du trafic de pétrole, un pétrole qui après un long chemin en contrebande atterrit... dans nos réservoirs. Directement ou indirectement (via les pays pétroliers du Golfe qui les financent), les groupes terroristes du Moyen-Orient s'enrochisse de notre dépendance aux énergies fossiles.
Plus résolus que jamais !
Évidemment, il ne s'agit pas de dire que le changement climatique est responsable des attaques de vendredi mais prenons cette occasion pour rappeler deux vérités élémentaires :
Le changement climatique n'est pas une menace lointaine et incertaine, c'est un phénomène en cours qui fait déjà des victimes.
Limiter l'ampleur du changement climatique ce n'est pas faire plaisir aux arbres et aux petits oiseaux mais tenter de nous protéger, nous et nos sociétés, d'un choc d'une ampleur sans précédent.
C'est pour ces raisons, et maintenant plus que jamais, que nous devons faire de la conférence de Paris un succès.
Ça vous a peut-être échappé mais deux grands pays émetteurs de gaz à effet de serre viennent de changer de premier ministre : l'Australie, où Tony Abbott a été remplacé par Malcolm Turnbull le 15 septembre, et le Canada, où les libéraux de Justin Trudeau ont écrasé Stephen Harper hier.
Même s'ils ont exercé aux antipodes l'un de l'autre, Tony Abbott et Stephen Harper ont en commun d'avoir dirigé un des plus gros pollueurs de la planète et d'avoir pris des positions très conservatrices en matière de lutte contre le changement climatique. A 40 jours de l'ouverture de la conférence de Paris, leurs chutes quasi-simultanées lèvent deux obstacles vers un nouvel accord sur le climat.
"House of Carbon"
L'histoire du premier ministre australien, pour commencer, semble tirée directement d'un thriller politique dans lequel le changement climatique serait à la fois l'enjeu et l'arme du crime...
"Le destin politique de Tony Abbott ferait une bonne saison de House of Cards, et le climat y joue un rôle central."
Tony Abbott s'est imposé comme leader de l'opposition libérale australienne en décembre 2009 en détrônant Malcom Turnbull. Pour y parvenir, il a coalisé les climatosceptiques de son camp dans un vote de défiance à l'encontre de son prédécesseur qui était ouvertement favorable à une régulation des émissions. Turnbull ne s'est pas déclaré vaicu pour autant et s'est présenté à sa propre succession, Abbott l'a emporté... avec une majorité d'une seule voix ! Le tout à quelques jours de la conférence de Copenhague.
Après une campagne dont il avait fait un référundum contre la taxe carbone, Tony Abbott est devenu premier ministre en septembre 2013. Deux an plus tard, le 14 septembre 2015, il a été renversé par une manoeuvre interne au parti libéral menée... par Malcom Turnbull. Celui-ci lui a succédé au poste de premier ministre dès le lendemain.
L'avis d'un spécialiste sur l'éviction de Tony Abbott (via PlacetoB)
Même si la question climatique occupe une place centrale dans cette histoire, la position de Tony Abbott sur le sujet est restée assez inconsistante. Remettant parfois en cause le consensus scientifique avant 2009, il a reconnu ensuite la réalité du réchauffement tout en s'opposant au projet de marché du carbone porté par la travaillistes. Il a entrepris dès son arrivée au pouvoir de faire annuler ce système entré en vigueur en 2012 mais cela ne l'a pas empêché de soutenir d'autres projets, par exemple la loi de 2010 fixant des objectifs en termes d'énergie renouvelables.
Tony Abbott reflète plutôt la position des milieux d'affaires australiens : l'Australie a un des mix énergétiques les plus sales de la planète avec 45% de charbon et seulement un petit pourcent d'énergies renouvelables. Résultat : ses émissions par habitants sont parmi les plus élevées du G20. Par ailleurs elle dispose des 4e réserves mondiales de charbon et les combustibles fossiles représentent près du tiers de ses exportations... Autant dire que les industriels australiens peuvent voir avec une certaine inquiétude la mise en place de politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre en Australie et à l'international.
Fin d'un long règne au Canada
La situation au Canada est bien différente : Stephen Harper, qui a perdu sa place après les élections d'hier, était premier ministre depuis février 2006.
Avant même son arrivée au pouvoir, Stephen Harper s'était illustré par des position tout en nuance sur les questions climatiques, qualifiant par exemple le protocole de Kyoto de "conspiration socialiste" et contestant les effets négatifs du dioxyde de carbone. C'est donc sans grande surprise que le Canada s'est retiré du protocole de Kyoto en décembre 2011. Son gouvernement s'est également illustré en verrouillant l'information sur le changement climatique - par exemple en obligeant les journalistes à obtenir une autorisation avant toute interview d'un scientifique. Harper avait d'ailleurs déjà annoncé qu'il n'avait pas l'intention de se déplacer pour la COP21.
"Entre le climat et Stephen Harper, c'était une affaire personnelle... Il voyait le protocole de Kyoto comme un "complot socialiste" !"
Longtemps le Canada s'est abrité derrière les États-Unis pour camoufler son inaction sur le climat, affirmant que cette question devait être traitée à l'échelle continentale. Avec l'arrivée de Barack Obama, Stephen Harper a du assumer seul ses décisions. Pour beaucoup d'observateurs, sous sa direction, le Canada a remplacé les États-Unis comme principal ennemi d'une action internationale contre le changement climatique.
Il faut dire que le pays s'est lancé depuis les années 1990 dans l'extraction à grande échelle des sables bitumineux. L'exploitation de ces hydrocarbures particulièrement polluants a doté le Canada de réserves de pétrole supérieures à celles de l'Iran et du Qatar réunies ! Mais les canadiens se classent aujourd'hui parmi les plus gros pollueurs de la planète par habitant.
Et maintenant ?
Sans surprises, l'Australie et le Canada avait remis des contributions décevantes en amont de la conférence de Paris. Selon leurs INDC, ils devraient faire partie du top10 des pays les plus émetteurs en 2030 et se trouver en tête de ce classement en termes d'émissions par habitant. Dans 15 ans, un canadien pourrait émettre 2.4 fois plus de gaz à effet de serre qu'un européen, et un australien 2.7 fois plus !
Le renouvellement des premiers ministres australiens et canadiens va-t-il conduire à un infléchissement de ces positions pendant la COP21 ? On peut l'espérer mais il ne faut pas s'attendre à une révolution...
En Australie, Malcom Turnbull est un opposant historique de la politique climatique de Tony Abbott mais il a sans doute aussi appris de ses erreurs et il est peu probable qu'il prenne le risque de diviser son camps par des mesures trop ambitieuses. Au Canada, Justin Trudeau, le successeur probable de Stephen Harper, a promis de travailler avec les provinces dans les premiers jours de son mandat pour mettre en place un plan de réduction des émissions mais il n'a pas pris d'engagements sur le contenu de ce plan.
Il ne faut pas oublier que, au-delà de leurs parcours et de leurs convictions personnelles, les positions de Stephen Harper et de Tony Abbott reflétaient la situation énergétique de leurs pays, avec d'un coté la manne des sables bitumineux et de l'autre le règne du charbon. Ces situations ne vont pas changer du jour au lendemain...
Reste que l'éviction de deux des pires "climate villains" de la planète est un bon signe à quelques semaines de la COP21. C'est un message adressé aux dirigeants tentés par le populisme climatique : la recette ne marche pas à tous les coups !
Et surtout le remplacement de ces deux premiers ministres ouvre une fenêtre d'opportunité qui risque de se refermer avec l'élection probable d'un républicain à la Maison Blanche en 2016... Il faudra sans doute attendre de longues années avant de retrouver une situation politique aussi favorable à un accord sur le climat. C'est maintenant qu'il faut agir !
Je suis ingénieur et consultant, spécialiste des risques climatiques avec une inclinaison pour l'énergie. Depuis 2011, ce blog m'accompagne dans ma réflexion. Vous y trouverez des explications simples sur des sujets compliqués, du fact-checking et parfois quelques idées neuves.