C'est d'ailleurs comme ça que le voyait Svante Arrhenius, le premier a avoir montré que l'utilisation à grande échelle d'énergies fossiles allait faire augmenter la température moyenne de la planète.
En 1896, il calcule qu'un doublement de la concentration en dioxyde de carbone dans l'athmosphère conduirait à un réchauffement de 4°C (c'est à peu de choses près ce que prévoit toujours aujourd'hui le GIEC). Mais cette perspective ne l'inquiète pas particulièrement. D'autant qu'il sait déjà que le climat change naturellement : l'observations des glaciers notamment a permis dès le début du XIXe siècle de comprendre que la température a changé significativement dans le passé - c'est d'ailleurs pour expliquer ces découvertes qu'Arrhenius s'intéresse à l'effet de serre.
Les variations climatiques du paléolithique supérieur et leur impact sur l'homme
S'il avait disposé des connaissances que nous avons actuellement sur sur les variations passées du climat et de leurs conséquences pour les premiers hommes, il aurait peut-être été un peu moins enthousiaste....
Lorsque les premiers hommes modernes débarquent en Europe, il y a environ 40.000 ans, ils y trouvent un climat a priori hostile : nous sommes en plein dans le dernier maximum glaciaire, une période de refroidissement global qui a culiminé il y a environ 20.000 ans, et la moitié nord de l'Europe est recouverte de quelques kilomètres de glace. Cependant cette période est ponctuée de rechauffements rapides et brefs. La température remonte alors pour atteindre des niveaux tempérés pendant quelques siècles. Ces anomalies sont connues sous le nom d'évenements de Heinrich et de cycle de Dansgaard-Oeschger et leur origine reste incertaine.
Question : comment se sont comportés nos lointain ancètres lorsque ces événements leur offraient pour quelques générations un climat tempéré ?
On peut répondre, au moins en partie, grâce aux progrès de la la datation au carbone 14 (notamment à la spectrométrie de masse par accélérateur) qui permet de dater précisément les vestiges et donc d'extrapoler les variations de population dans le temps. Et là, surprise...
Les premiers européens préféraient le froid...
Comme tout bon européen, nos ancètres sont allés se mettre à l'abri du froid en Espagne et dans le Sud de la France. Ils y resteront pendant toute la période glaciaire avec une population ne dépassant pas 40.000 individus (Van Andel et Davies, 2003).
Plus surprenant : les intermèdes tempérés ne permettent pas à la population de croitre. C'est même le contraire qui s'est produit : la fréquences des sites baisse nettement à chaque réchauffement (d'Errico, 2010). Les premiers européens semblent bien avoir préféré les périodes de basse température...
Les paléontologues expliquent ce résultat contre-intuitif par l'évolution de la végétation : nos ancètres étaient des chasseurs, grands consommateurs d'ongulés. Or ceux-ci se trouvent plus facilement dans les steppes, lorsque le climat se réchauffe, la steppe laisse place à une végétation plus dense, la chasse devient difficile et la population baisse.
Et à l'âge de bronze ?
Bon, vous me direz qu'il s'agissait de chasseurs dépendant très directement de leur environnement et qui n'avaient sans doute pas de connaissances techniques ou de structures sociales leur permettant de s'adapter à une variation du climat. Vous n'avez pas tort... Mais une société plus avancée garantit-elle un meilleurs résultat ?
Faisons un grand bond en avant pour arriver en 850 avant notre ère. A ce moment-là, l'Europe connait encore un changement climatique rapide : son climat devient plus frais et plus humide.
Au Pays-Bas, ce climat plus humide provoque une élévation rapide des nappes phréatiques : les plaines se tranforment progressivement en marais et en tourbières. Cette fois nos ancètres tentent de s'adapter : des fouilles ont montré queles habitants de Hollande Septentrionale, installés sur place depuis près d'un millénaire, ont modifié leurs techniques de constructions afin de surélever les habitations. Mais c'est insuffisant : les marécages continuant à gagner sur les terres arables, ces populations ont finalement été contraintes d'émigrer.
Mais pour d'autres l'effet a été positif : c'est le cas des scythes, un peuple nomade installé à l'époque en Sibérie centrale. Pendant que les agriculteurs européens peinent, eux connaissent un remarquable développement démographique et culturel et une extension vers l'Europe de l'est et du Sud-est (ce qui les fera entrer en contact avec les Grecs). L'explication de cet essor semble tenir encore une fois à la végétation : avec un climat plus humide, des zones semi-arides se sont transformées en steppes favorables aux herbivores, donc aux nomades (Van Geel, 2009).
Morale de l'histoire
Parmi une multitude d'autres, ces quelques exemples montrent à quel point il est difficile de prévoir les effets d'une variation du climat sur une communauté humaine. Seront-ils positifs ou négatifs ? C'est l'interaction entre, d'une part, les modifications physiques de l'environnement causées par un changement climatique et, d'autre part, les caractéristiques (économiques, sociales, politiques, culturelles...) de la communauté considérée qui le dira. Interactions d'autant plus complexe et dynamiques que les sociétés sont développées et interdépendantes.
De ce point de vue, je crois qu'il serait vraiment ambitieux d'essayer de prévoir comment le réchauffement que nous connaissons actuellement va influer sur nos propres sociétés et d'essayer de deviner des gagnants et des perdants, comme le font manifestement certains pays qui ne collaborent pas aux efforts de réduction des émissions.
Nous pouvons sans doute, au moins en partie, prévoir les impacts du changement climatique actuel sur notre environnement physique mais beaucoup moins sur notre environnement humain. Et à l'arrivée, le résultat peut se révéler assez contre-intuitif...
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