Une nouvelle géopolitique du climat pour 2030

Une étape importante a été franchie il y a une semaine, à moins de 60 jours de la COP21 : les 196 participants avaient jusqu’au 1er octobre pour communiquer les engagements qu’ils seraient prêts à prendre dans le cadre du futur accord de Paris. Les trois-quarts des pays ont rendu leur « contribution prévue  déterminée au niveau national », ou INDC en anglais, dans les temps.

Derrière cette montagne de documents, on voit se dessiner la carte d'un monde profondément changé (1) :
"En 2030, l'Inde émettra trois fois plus de gaz à effet de serre que les Etats-Unis et un Européen polluera moins qu'un indonésien."



S'il veut stabiliser le climat dans les décennies qui viennent, c'est sur ces perspectives, et non sur la situation actuelle, que l'Accord de Paris doit être négocié.



Le Moyen Orient et les producteurs de pétrole tentés par la résistance


Commençons par ceux qui n’ont pas rendu leurs contributions : 47 pays exactement. Une moitié environ peuvent être excusés : personne n’en voudra au Sud-Soudan ou à la Micronésie de n’avoir pas trouvé le temps ou les moyens de se prêter au jeu.
Pour les autres, ceux dont l’absence manifeste clairement une mauvaise volonté, il s’agit presque exclusivement de pays moyen-orientaux ou producteurs de pétrole. En particulier tous les membres de l’OPEP ont fait l’impasse à l’exception de l’Algérie et de l’Equateur. L’Egypte, la Syrie ou le Pakistan n’ont pas non plus rendu leurs copies. Il suffit de regarder une carte pour comprendre que le ventre mou de la lutte contre le changement climatique se situe désormais quelque part entre le Nil et l’Indus…

Ce n’est pas un hasard, plutôt la conséquence de négociations internationales qui entendent réglementer les émissions d’un sous-produit des énergies fossiles, le dioxyde de carbone, sans jamais aborder directement la production et le commerce du charbon, du pétrole et du gaz. Il faudra bien un jour résoudre cette contradiction...
La même cause explique les contributions médiocres d’autres pays producteurs comme l’Australie et le Canada qui devraient rester parmi les plus polluants par habitant (respectivement 15.3 et 13.6 tonnes équivalent-CO2 par habitant en 2030).


L’émergence de deux super-pollueurs


L’autre leçon importante que l’ont peut tirer de l’analyse des INDC, c’est l’émergence prochaine de la Chine et de l’Inde comme premiers émetteurs mondiaux et largement. En 2030, la Chine devrait rejeter environ 14 milliards de tonnes équivalent-CO2 et l’Inde un peu plus de 9GTeqCO2. Ces deux pays émettraient ainsi à eux seul autant que l’ensemble du monde en 1990 ! Les États-Unis viennent compléter ce podium, mais loin derrière avec 3.6GTeqCO2.

Bien sur ces émissions s’expliquent en partie par l’immense population des deux pays. Mais même les émissions par habitant sont appelées à croître de façon spectaculaire : 10 tonnes équivalent-CO2 pour un chinois moyen en 2030, soit presque autant qu’un américain la même année, et 6TeqCO2/hab. pour un indien... ce qui fait quand même trois fois plus qu’aujourd’hui !

Infographie : évolution des émissions de GES par habitant pour les 10 plus gros pays émetteurs entre 1990 et 2030
 
En 1997, le Protocole de Kyoto avait pour objectif de réduire les émissions des pays industrialisés, ni la Chine ni l’Inde n’avaient la moindre obligation. Aujourd’hui le monde a changé : si l'objectif est vraiment de réduire les émissions sur les deux décennies à venir, alors tous les efforts doivent se concentrer sur ces deux pays. Obtenir une fraction de pourcent de mieux sur les objectifs chinois et indiens aurait un impact massif, bien plus important que de demander des efforts à des pays moins émetteurs. Pensez, par exemple, qu'une diminution de seulement 0.5% des émissions chinoises en 2030 équivaudra à une baisse de 15% en Australie !


De nouveaux modèles ?


A l’inverse, certains pays ont remis des contributions ambitieuses. C’est le cas du Brésil qui envisage de baisser ses émissions par habitant de moitié entre 2010 et 2030 pour atteindre 2.6TeqCO2/hab. – un niveau sans équivalent parmi les autres grands pollueurs et particulièrement remarquable pour un pays qui doit encore se développer.
L’Union Européenne mérite également d’être citée. Même si ses propositions ont fait l’objet de critiques, en 2030 un européen devrait émettre 5.7TeqCO2 soit un peu moins qu’un indonésien la même année… On est encore loin d’un niveau qui permettrait une stabilisation du climat mais aucun autre pays industrialisé n’affiche une telle ambition.

S’ils se montrent à la hauteur de leurs annonces, le Brésil et l’Union Européenne pourraient devenir de nouveaux modèles dans la lutte contre le changement climatique. Le premier en montrant le chemin d’un développement sans émissions de gaz à effet de serre. La seconde en prouvant qu’une économie développée peut se décarbonner tout en restant prospère.


(1) : l'ensemble des chiffres utilisés dans cet articles sont issus de mes propres calculs sur la base des INDC. Le détail peut être trouvé ici.


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1 commentaire :

  1. Un exercice de prospective très intéressant. Relisez-vous en revanche, il y a une ou deux coquilles (le "à" manque à la fin par exemple).

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