"Ses mineurs,
ses actionnaires,
le Wyoming, l'Illinois et le Queensland,
le lobby du charbon
et tous ses amis
ont la douleur de vous faire part du décès de
Peabody Energy
Survenu le 14 avril 2016
au terme d'une longue maladie.
Ni fleurs, ni couronnes."
La chute d'un symbole
Le 15 mars, Peabody Energy n'a pas pu trouver les 71 millions de dollars d’intérêts qu'il devait verser à ses créanciers. Le charbonnier américain dispose maintenant d'un délai de grâce de 30 jours pour honorer ses engagements après quoi il sera officiellement en défaut de paiement.
Sauf coup de théâtre l'entreprise devrait donc se déclarer en banqueroute avant mi-avril et réclamer la protection de la loi américaine sur les faillites.
Ce serait l'aboutissement d'une longue descente aux enfers : il y a 5 ans, les actions de Peabody s'échangeait à plus de 1000$, début 2013 elles valaient encore 300$, 100$ en 2015... et autour de 2.5$ aujourd'hui.
L'entreprise croule sous les dettes : près de 6 milliards de dollars, plus de 100 fois sa valeur en bourse... Et elle a encore perdu 2 milliards l'année dernière.
Cette chute est d'autant plus remarquable que Peabody Energy n'est pas n'importe quel charbonnier. Créée en 1883, c'est, ou c'était, le plus grand producteur de charbon privé de la planète et le leader du secteur aux États-Unis.
Peabody est aussi un des pilier du lobby pro-charbon (et par extension anti-climat) à Washington. Malgré ses difficultés, l'entreprise a encore dépensé plus de 2 millions de dollars l'année dernière pour influencer ou soutenir des dizaines d'initiatives parlementaires. Ses lobbyistes ont été omniprésents sur tous les sujets en lien avec le climat, la pollution de l'air ou le "charbon propre".
En 2014, Peabody s'était même lancé dans une campagne mondiale en faveur du charbon sous le nom d'Advanced energy for life.
Le charbon est-il en train de rejoindre les livres d'histoire ?
Les ennuis de Peabody Energy sont loin d'être isolés : 49 charbonniers américains ont fait faillite depuis de 2012. Le dernier en date, Arch Coal, qui s'est déclaré en banqueroute début janvier était le n°2 du secteur aux États-Unis après Peabody.
En Chine, qui est de loin le premier producteur et le premier consommateur, la production de charbon thermique (celui qui est utilisé pour produire de l'énergie contrairement au charbon métallurgique) s'est effondré de 6% depuis le début de l'année. Une restructuration à haut risque s'annonce avec la fermeture de 1000 mines en 2016 et le licenciement de centaines de milliers de mineurs.
En Inde, troisième consommateur après la Chine et les États-Unis, des mines sont contraintes de se mettre à l'arrêt faute de pouvoir écouler leurs stocks. L'équivalent d'un sixième de la production annuelle attend déjà sur le carreau des mines ou dans les centrales.
Même chez nos voisins allemands où la consommation de charbon reste élevée, les opérateurs de mines et de centrales, notamment Eon et RWE, sont à peine en meilleure forme que leurs confrères américains. Les dernières mines de houilles vont d'ailleurs être fermées dans les 2 années qui viennent et une "sortie du charbon" s'ébauche.
Alors est-ce la fin du charbon ? Probablement pas : malgré la crise qu'il traverse, nous ne sommes pas prêt à nous en passer.
Même si on en entend rarement parler, le charbon représente encore un quart de l'énergie consommée sur la planète et surtout il reste d'assez loin la première source d'électricité : 39% contre 22% pour le gaz.
De plus, la plupart des centrales à charbon sont récentes : la moitié environ ont moins de 20 ans alors que leur durée de vie est dépasse 40 ans. Il est donc peu probable que le charbon recule significativement avant au moins deux décennies.
Age des centrales à charbon dans le monde (source : AIE, 2012) |
Le chapitre final de l'histoire du charbon reste encore largement à écrire, une seule certitude : il ne ressemblera pas à l'avenir mirifique que les publicistes de Peabody imaginaient il y a encore quelques mois...
Publié le 21 mars 2016 par Thibault Laconde
Et pourquoi y a-t-il un crise du charbon ?
RépondreSupprimerFaites votre choix :
Supprimer- Demande d'énergie revue à la baisse (pour cause de croissance revue à la baisse)
- Demande également en baisse dans la métallurgie
- Réglementations hostiles (qualité de l'air, accès au réseau, climat...)
- Anticipation de nouvelles politiques de réduction des émissions
- Prix du gaz au plancher (alors qu'il est le principal concurrent du charbon pour la production d'électricité)
- Développement des énergies renouvelables (qui en produisant à coût marginal nul tirent les prix de l'électricité vers le bas)