C'est souvent une période riche en rebondissements : les ministres et les chefs d’État ont l'autorité nécessaire pour conclure des accords inaccessibles aux négociateurs de la semaine précédente, mais ils connaissent aussi moins bien les dossiers. Les désaccords peuvent s’aplanir comme par magie ou bien dégénérer brusquement.
Avant d'entrer dans cette phase critique, on commence à distinguer les deux objets qui devraient naitre de la la COP22, et sur lesquels les discussions vont probablement se concentrer dans les jours qui viennent.
Le "rulebook" : les règles du jeu de l'Accord de Paris
Je vous le disais il y a deux semaines : le rendez-vous majeur de la Conférence de Marrakech, c'est la CMA1, la première réunion des pays qui ont adhéré à l'Accord de Paris. Cette réunion doit préciser l'Accord, qui est un texte relativement court et forcément vague, et le rendre opérationnel.
On n'a pas beaucoup avancé sur ce sujet, et on avancera sans doute pas beaucoup plus cette semaine, mais au moins on a trouvé un nom au problème : il s'agit d'établir le rulebook, la règle du jeu, de l'Accord de Paris.
Cette règle du jeu doit détailler comment concrètement l'Accord de Paris va fonctionner, c'est-à-dire répondre à de nombreuses questions horriblement techniques. Liste non-exhaustive :
- Sous quelles formes les États vont-ils déclarer leurs actions (réduction d'émission, financement...) ? Cet exercice de transparence est la pièce centrale de l'Accord de Paris mais comment parvenir à des communications qui soient cohérentes et comparables avec 196 parties aussi différentes que les Etats-Unis et la Chine, les Vanuatu et l'Union Européenne ?
- Comment ces déclarations vont-elle être analysée ou vérifiée ? Question très sensible puisqu'elle peut ouvrir la voie à une forme d'ingérence...
- Quelles sont les hypothèses, les méthodologies, les normes comptables qui seront utilisées ?
- Comment se déroulera la révision des objectifs nationaux (les NDC) tous les 5 ans ?
Un appel de Marrakech à haut risque
Voilà un sujet qui fait beaucoup parler. Avant même le début de la COP22, le Maroc voulait que la conférence se conclue sur un appel à l'action et à la mobilisation. .
On pouvait s'interroger sur l’intérêt de cet appel de Marrakech (purement politique) alors que l'encre n'est pas encore sèche sur l'Accord de Paris (qui lui a une valeur juridique). Mais après l'élection de Donald Trump, voir les dirigeants de la planète rappeler leurs engagements peut être vraiment utile.
Le problème, c'est que l'Accord de Paris n'a fait l'unanimité que grâce à un équilibre savant et très délicat. Un exploit qui semble difficile à reproduire.
Le brouillon de l'appel n'a circulé que dans des cercles très restreints mais apparemment il a de quoi énerver les pays en développement qui l'ont fait savoir : pas de mention de la responsabilité commune mais différenciée (on se souvient que la question avait été critique l'année dernière), un satisfecit sur les financements calqué sur le discours des pays industrialisés, une place insuffisante pour l'agenda pre-2020 et l'adaptation, etc.
Même la méthode est critiquée : les pays en développement se plaignent d'un manque de consultation alors que la présidence marocaine estime qu'il s'agit d'un simple appel pas d'un texte négocié, et qu'il n'a pas besoin d'être approuvé formellement. Sous couvert d’anonymat, certains négociateurs disent craindre un scénario comparable à celui de Copenhague où la présidence de la COP avait présenté un texte "à prendre ou à laisser" entrainant l'échec de la conférence.
Publié le 14 novembre 2016 par Thibault Laconde
Illustration : By Ludovic Péron (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
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