Voici quelques éléments de réponse sur des questions encore largement ouvertes.
La 22e COP sera pro-business ou ne sera pas
Le commentaire sur l'élection américaine était une figure imposée hier et le nom de Donald Trump, sur toutes les lèvres... Par recoupement, il n'a pas été très difficile de voir les éléments de langage se dessiner.
Le mot-clé, c'est "self-interest" : contribuer à la lutte contre le changement climatique est dans l’intérêt bien compris de l'Amérique de Trump, et pas seulement à long-terme : devenir une "super-puissance de l'énergie propre" (même si la formule est d'Hillary Clinton), créer des emplois, assurer la sécurité des États-Unis... Voilà quelques-uns des thèmes qui ont été déclinés.
On va sans doute lourdement insister sur l’intérêt des entreprises pour la lutte contre le changement climatique, avec l'espoir de parler à l'homme d'affaire autant qu'au président. Les grandes entreprises américaines qui se sont déjà engagées, et surtout celles qui perdraient à un retournement de la politique américaines, vont devenir les ambassadeurs du climat à Washington. Jill Duggan a bien résumé le raisonnement : "Trump is pro-business and business is pro-climate", Trump soutient le monde affaires et le monde des affaires soutient le climat.
En sens inverse, on peut s'attendre à voir disparaître toute idée un peu subversive (Responsabilité des multinationales ? Redistribution ? Décroissance ? Accueil des réfugiés climatiques ? Berk !). Elles n'occupaient de toute façon pas beaucoup de place dans les COP...
Est-ce que ça suffira à infléchir la politique du nouveau président ? Pour reprendre l'expression d'un autre participant : on espère que c'est Trump le négociateur qui entrera à la Maison Blanche, pas Trump le démagogue.
Stratégie du containment
S'il n'est pas possible de convaincre Donald Trump et si les États-Unis doivent vraiment sortir de l'Accord de Paris voire de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, il faut à tout prix éviter un effet domino. Avant même de connaître la position exacte de l'administration Trump, son endiguement est devenu un enjeu majeur de la COP22.
"Après la victoire de Trump, les chefs d’État doivent venir à la COP22 réaffirmer leur soutien à l'Accord de Paris."
Comme à chaque COP, un "segment de haut niveau" réunira du 15 au 17 novembre des chefs d’État et de gouvernement. On attendra d'eux qu'ils confirment fermement les engagements qu'ils ont pris l'année dernière, même au prix de quelques discrètes concessions. S'il y a une chose à retenir de l'expérience Bush/Kyoto, c'est qu'il vaut mieux transiger avant qu'après : en 2001, les Européens avaient fini par céder sur presque tout pour sauver le Protocole, sans parvenir à ramener les États-Unis dans le processus.
Il faut aussi espérer que la situation décidera des responsables politiques qui n'ont pas encore confirmé leur présence à faire le déplacement. Au dernier comptage, 43 chefs d’État sont attendus (contre 150 l'année dernière à Paris). Parmi les dirigeants européens seuls le président français et le prince de Monaco ont confirmé, excusez du peu...
Chine et Russie au cœur du jeu
Enfin, on regardera avec une attention particulière en direction de Pékin et de Moscou.
L'histoire des négociations climatiques est largement celle d'une dialectique entre la Chine et les États-Unis. En septembre, les deux pays avaient ratifié simultanément l'Accord de Paris, Pekin est-il prêt à aller de l'avant sans Washington ? Ce n'est pas impossible : la transition énergétique chinoise répond d'abord à des pressions internes et les engagements pris à Paris ont déjà largement été transposés dans le 13e plan quinquennal. Pourquoi se priver d'affirmer à si bon compte son leadership ?
Si la Chine s’engageait inconditionnellement à respecter l'Accord de Paris et à atteindre les objectifs fixés par son INDC, elle enverrait un signal très fort en faveur de la lutte contre le changement climatique. Par ailleurs, elle invaliderait un pan entier de l'argumentaire de Donald Trump, qui comme on le sait voit dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre une sorte de complot chinois contre l'industrie américaine.
La Russie quant à elle n'a pas encore ratifié l'Accord de Paris, même si la procédure est en cours. C'est le dernier grand émetteur de gaz à effet de serre dans cette situation. Compte-tenu de la sympathie affichée entre Trump et Poutine, le risque est évidemment de voir se former une coalition États-Unis + Russie hostile à l'action climatique.
"Il faut éviter un effet domino si Trump dénonce l'Accord de Paris. Les réactions chinoise et russe seront décisives."
La sortie des États-Unis, si elle se réalise, ne suffirait peut-être pas à tuer l'Accord de Paris. Mais qu'un autre grand émetteur annonce son retrait, ou qu'une poignée de petits pays reculent, et l'édifice bâti lors de la COP21 s'effondrera irrémédiablement. C'est ce scénario catastrophe qu'il faut éviter.
Publié le 10 novembre 2016 par Thibault Laconde
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