Énergie et développement : L'actualité d'abord... Quel est votre sentiment au sujet de la conférence sur le climat de Varsovie qui s'est terminé samedi ?
Wang Tao : Je ne l'ai pas suivie précisément, mais j'ai entendu que les résultats sont plutôt décevants, même si la plupart des gens n'attendent plus grand chose de ces rendez-vous. L'objectif était principalement de préparer l'avenir pour l'année prochaine et surtout pour la suivante à Paris. Mais le recul de pays comme le Japon ou le Canada qui renoncent à leurs promesses n'augure rien de bon.E&D : Quel est la position de la Chine dans ces négociations ?
Dans ces négociations, la Chine est ouverte et tente de se montrer plus flexible. En tant que pays en développement, nous sommes attachés au principe de responsabilité commune mais différenciée mais dans le même temps la Chine est prête à prendre ses responsabilités et à faciliter les négociations. Nous sommes en discussion avec d'autre pays en développement pour former une nouvelle plateforme [le G77+Chine je suppose, ndr] et parvenir à un accord sur ce que nous pouvons faire après 2020.E&D : En quoi la situation intérieure chinoise influence-t-elle cette position ?
En Chine, la pression vient beaucoup plus de l'intérieur que de l'extérieur : la peur de la pollution, le rejet des grands projets, le risque de désordres sociaux... sont des inquiétudes plus présentes que les pressions des États-Unis ou de l'Union Européenne. Ce qui ne veut pas dire qu'il y a une incompatibilité. Au contraire, tous ces problèmes ont la même origine : l'utilisation d'énergies fossiles, le charbon bien sur mais aussi de plus en plus le pétrole et même le gaz. Aujourd'hui la moitié des provinces chinoises sont en train de chercher des solutions.E&D : Et quelles pourraient être ces solutions ?
A court-terme, le gaz et le nucléaire pourraient se substituer en partie au charbon et à long-terme nous plaçons de grands espoirs dans les énergies renouvelables. Mais il faut veiller à ce que cette évolution reste abordable.Extension d'une mine de charbon à l'ouest de Pékin (source : la Terre en timelapse) |
E&D : Dans le même temps, la Chine tente-t-elle de réduire sa consommation d'énergie ?
Il s'agit plus de réduire la croissance de la consommation que la consommation elle-même ! La croissance économique se poursuit et la consommation d'énergie suit cette dynamique. Cependant il est possible de gagner en efficacité énergétique et d'améliorer les infrastructures.La priorité reste plutôt de réduire l'impact sur l'environnement d'une demande d'énergie croissante.
E&D : Le système administratif et politique chinois est composé de plusieurs échelons, depuis le gouvernement central jusqu'aux provinces et aux cantons qui disposent d'une certaine autonomie. Comment les différents échelons collaborent-ils en matière d'énergie ?
Le gouvernement central est en charge de la planification générale : combien de gigawatts de nucléaire, etc. Ensuite, il faut que cela soit mis en œuvre au niveau local, c'est à eux de mettre en place les politiques sur le terrain. Mais les gouvernements locaux ont parfois des orientations sensiblement différentes. Leur principale préoccupation est d'assurer leur croissance car c'est ainsi qu'ils pourront faire avancer leurs carrières.Ainsi même si le gouvernement central souhaite améliorer la sécurité énergétique ou la protection de l'environnement, les autorités locales n'auront pas nécessairement les mêmes idées. Cela peut parfois compromettre la politique mise en place par le gouvernement central.
E&D : Vous avez un exemple ?
Oui. Par exemple si le gouvernement central souhaite développer les énergies renouvelables mais que les autorités locales n'adhèrent pas à cette politique et s'intéressent seulement à l'atteinte de leurs objectifs, il peut arriver que les installations soient construites mais pas raccordées au réseau. Les indicateurs seront là, la croissance sera là, mais l'objectif du gouvernement central ne sera pas atteint.Un autre cas : le gouvernement local peut être tenté de doper son économie en continuant à investir dans les secteurs qui ont assurés la croissance de la Chine : la métallurgie, le charbon, l'industrie pétrochimique... en contradiction avec les priorités affichées au niveau central. Et bien souvent ceux qui prennent ces décisions seront promus avant que les impacts sur l'environnement soient devenus perceptibles.
Ce type de comportement est devenu un problème important en Chine dans les dernières années et le gouvernement central tente d'y apporter une réponse.
E&D : On dit parfois que la Chine a besoin d'une révolution énergétique, mais cette révolution est-elle possible sans réformes politiques et économiques ?
Quand on parle de révolution énergétique, il s'agit de changer aussi bien l'offre que la demande. Cela pose donc la question des modes de vie. Le gouvernement central étudie également des réformes pour introduire plus de compétition dans le secteur énergétique ou évaluer différemment les fonctionnaires locaux de façon à améliorer les usages de l'énergie. Une autre voie consiste à augmenter le prix des ressources et des externalités afin de guider les gens vers des modes de consommation plus vertueux. Nous devons continuer dans ce sens, et je ne crois pas que la Chine puisse se permettre de s’arrêter maintenant.Publié le 25 novembre 2013 par Thibault Laconde
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