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Il est temps de parler sérieusement de la climatisation

Dernier exemple d'une stupéfiante série de records, la France vient de connaitre son mois de mai le plus chaud jamais enregistré. Et si cette vague de chaleur précoce peut paraitre assez bénine, ce n'est certainement pas le cas de celle qui a frappé le sous-continent indien en avril, ou de celle de juin dernier au Etats-Unis et au Canada, ou des trois vagues caniculaires de l'été 2020 en France...

Alors que la liste continue à s'allonger, parfois avec des températures approchant des limites physiologiques humaines, et que la protection contre la chaleur devient enjeu de santé publique, il temps de poser sérieusement la question de la climatisation. 


En finir avec un tabou : l'usage de la climatisation augmente en France, et il va continuer à augmenter

Vous vous souvenez probablement de la canicule nord-américaine, à la fin de juin 2021, et de l'image choc des "cooling centers", les refuges climatisés mis en place, par exemple, à Seattle et Vancouver pour acceuillir les habitants exténués par la chaleur. En France, nous n'avons pas encore vu ces images mais, depuis 2005, les établissements acceuillant des personnes agées doivent disposer d'une "zone refuge" où les pensionnaires peuvent se rafraichir. Et pour les autres personnes vulnérables, âgées, malades ou handicapées ? On leur recommandera, sans ironie, de se transporter dans un lieu public climatisé.

Si vous êtes pris par surprise et que vous devez gérer dans l'urgence une vague de chaleur inattendue, toutes ces idées sont raisonnables. Mais enfermer les personnes à risque dans une unique pièce climatisée ou leur demander d'aller passer leurs journées dans une galerie commerciale est un bien triste substitut à une vraie prévention... ne serait-ce que parce que l'impact sanitaire est autant causé par les chaleurs nocturnes que diurnes. Face à l'aggravation chronique des canicules, la seule solution durable pour les personnes vulnérables est de disposer d'un logement rafraîchi.

Appareils de climatisation en vente dans un supermarché français pendant la canicule
En parallèle, l'équipement en climatisation "de confort" augmente aussi à grande vitesse : en 2020, 800.000 climatiseurs ont été vendus en France. Pour comparaison en 2000 à peine plus de 300.000 foyers en étaient équipés ! Selon une enquête réalisée par l'ADEME, près d'un quart des particuliers possédaient un climatiseur en 2020, contre 14% en 2017.

Ces chiffres sont discutables : en 2018, l'Agence Internationale de l'Energie évaluait encore le taux d'équipement des foyers français à 5%. Mais il est clair que la climatisation se diffuse rapidement en France, comme d'ailleurs dans tout le sud de l'Europe. Toujours selon l'AIE, 12 millions de climatiseurs sont vendus chaque années dans l'UE, les 3/4 à usage résidentiel. Le nombre de climatiseurs en Europe aurait ainsi doublé entre 1990 et 2016 et devrait encore tripler avant 2050 pour atteindre 275 millions.

 

Les limites de la réglementation thermique

Même si la France a encore le climatiseur honteux, l'explosion de l'usage de la climatisation est déjà en cours. Et ce n'est pas la réglementation thermique des bâtiments qui sera en mesure d'infléchir cette tendance.

Jusqu'à récemment, elle écartait à demi-mot la climatisation pour les nouveaux logements. En effet, les consommations d'énergie maximales autorisées par mètre carré étaient a priori incompatibles avec son usage en dehors du pourtour méditerranéen. Cependant la climatisation n'était pas explicitement interdite et, dans la pratique, ces règles ne faisaient souvent que repousser son installation de quelques mois : beaucoup de logements neufs se retrouvaient très vite équipés après leur livraison.

La toute nouvelle réglementation environnementale 2020 reconnait cette réalité et change d'approche. Elle introduit le concept de "climatisation fictive" dans le calcul de la performance énergétique des futurs bâtiments : même si le projet ne la prévoit pas, une climatisation est comptabilisée dans la consommation d'énergie lorsque la température intérieure dépasse certains seuils.

Le message de la RE2020 : "Vous avez un projet de construction neuve non climatisée ? Bravo citoyen ! Mais on a vu vos plans et on sait que vous allez changer d'avis à la première vague de chaleur." La nouvelle réglementation thermique prend acte que l'équipement de certains logements ne pourra pas être évité.

 

Comment anticiper les effets de l'équipement en climatisation ?

C'est déjà un progrès puisque cette reglementation sanctionne indirectement les concepteurs de nouveaux projets qui n'assurent pas un confort thermique minimal en été. Malheureusement, elle ne porte que sur les logements neufs, c'est-à-dire sur une toute petite partie du problème. Pour les logements existants, les rayons des supermarchés sont déjà encombrés de climatiseurs mobiles attendant la prochaine vague de chaleur, et la ruée...

Est-ce que cela signifie qu'il est impossible d'endiguer l'usage de la climatisation ? Je pense que oui : avec la multiplication des vagues de chaleur estivales, il est illusoire d'espérer que les français vont arrêter d'acheter des climatiseurs et, une fois qu'ils seront équipés, il est illusoire de penser qu'ils ne les utiliseront pas.

La bonne question est plutôt : est-ce que les conséquences de cet usage croissant sont gérables, et comment peut-on en limiter les effets négatifs ? Une étude publiée récemment par Callendar et Colombus apporte un début de réponse.

Pour cette étude, nous avons simulé la consommation électrique d'un quartier du sud de la France pendant un été des prochaines décennies. Le quartier est composé de 100 logements climatisés dont les caractéristiques (surface, nombre de pièces, performance thermiques, etc.) sont basées sur une ville moyenne de la région Sud. Les besoins journaliers en électricité sont calculés à partir de ces caractéristiques et de conditions météos issues d'une projection du climat 2021-2050 réalisée par Météo France. 

Pour évaluer l'impact technique, économique et social de l'équipement en climatiseurs, nous avons réalisé plusieurs dizaines de simulations en faisant varier la vitesse de rénovation des logements, la façon dont la climatisation est utilisée, la performance des appareils, etc.

 

Climatiser sans drame : quelques pistes

Première conclusion : dans tous les cas, l'équipement en climatisation entraine une hausse de la consommation d'électricité et de la thermosensibilité. Climatiser a donc toujours un coût pour l'utilisateur et pour le système électrique, pas de surprise ici... Cependant il apparait très vite que le même niveau d'équipement en climatisation peut avoir des impacts très différents selon les hypothèses choisies.

Augmentation de la puissance électrique consommée par un quartier à cause de la climatisation
Puissance nécessaire à la climatisation du quartier pour différents scénarios (rénovation thermique, rendement des climatiseurs, etc.),
en fonction de la température moyenne de la journée
L'idée la plus immédiate est sans doute de mieux isoler les logements, mais ce n'est pas la meilleure. Cette solution est couteuse, longue à mettre en oeuvre et seule la rénovation complète des pires passoires thermiques permet des gains vraiment importants. Elle peut aussi être à double tranchant : une bonne isolation permet certes de maintenir la fraicheur à moindre coût dans les périodes les plus chaudes, mais l'absence de ventilation naturelle peut aussi inciter à abuser de la climatisation.

Améliorer l'efficacité des climatiseurs offre probablement un meilleurs rapport coût/efficacité surtout si cela peut être fait pendant que le taux d'équipement est encore limité. Et même sans progrès technique, il existe une réelle marge de progression. En Europe, la performance moyenne des climatiseurs reste faible par rapport à l'offre disponible. Equiper notre quartier avec les climatiseurs les plus performants disponibles sur le marché plutôt qu'avec le climatiseur moyen actuel permettrait par exemple de diviser par deux la consommation d'énergie nécessaire !

Enfin, les simulations montrent que le comportement de l'utilisateur est crucial : bien régler la température de commande, aérer avant de climatiser, fermer les volets en journée... Des actions simples et peu contraignantes permettent de réduire significativement la consommation d'électricité.

Ce dernier axe est particulièrement important, tout simplement parce que lorsque vous brancherez votre premier climatiseur, il n'y a aucune raison que vous sachiez l'utiliser efficacement : on vous a appris à bien utiliser l'éclairage ou le chauffage mais jamais la climatisation... Pour préparer les étés caniculaires des prochaines décennies, il est donc indispensable de développer l’éducation à l’utilisation efficace de la climatisation, et plus généralement la sensibilisation aux effets de la chaleurs et aux moyens de s’en protéger.

Publié le 31 mai 2022 par Thibault Laconde

 

Avis d'expert : "Il n'y a pas de contradiction entre la protection du climat et l'accès universel à l'énergie"

Dans quelques jours, l'Accord de Paris sur le climat sera ouvert à la signature au siège new-yorkais de l'ONU. C'est une première étape vers son entrée en vigueur, et l'occasion se s’interroger sur les effets de cet accord dans les années et les décennies qui viennent.

> Cet entretien est extrait d'une étude sur les effets à long-terme de l'Accord de Paris, notamment sur l'économie et les choix technologiques. Vous pouvez télécharger l'étude complète ici.


Les objectifs adoptés par la communauté internationale lors de la COP21 ne pourrons être atteint que pas une baisse rapide des émissions. Cette baisse implique notamment un usage plus économe de l'énergie. Mais il ne faut pas oublier qu'une partie importante de l'humanité n'a toujours pas accès à l'électricité et souffre régulièrement de pénuries d'énergie. Dans ce cas n'y a-t-il pas une contradiction entre la lutte contre le changement climatique et l'accès universel à l'énergie, qui fait aussi partie des objectifs de la communauté internationale ?
J'ai posé la question à Clara Kayser-Bril. Clara est ingénieure et consultante, spécialiste de l'accès à l'énergie dans les pays en développement, elle est intervenue sur des projets dans une vingtaine de pays.



Quelle est la situation actuelle en matière d'accès à l'énergie ?


Aujourd’hui, 1.1 milliard de personnes n’ont toujours pas l’électricité et 2.9 milliards n’ont pas accès à des énergies propres et modernes pour cuisiner. C’est énorme, mais cela reflète une réalité très disparate. Sur le plan de l’électrification par exemple, certains pays ont fait d’importants progrès au cours des dernières années – l’Inde par exemple, où près de 80% de la population est maintenant électrifiée, ou encore le Rwanda où le taux d’accès est passé de 6% à 16% en cinq ans. Derrière ces chiffres, il y a des politiques publiques volontaristes qui ont permis d’étendre le réseau vers des zones plus reculées et de proposer des tarifs spécifiques pour les plus pauvres. Le soutien financier et technique des grands bailleurs de fonds internationaux a aussi joué un rôle.
Dans le même temps, dans de nombreux autres pays et notamment en Afrique sub-saharienne, la situation a stagné et s’est même par endroit dégradée : mathématiquement, le taux d’accès recule lorsque les efforts d’électrification n’arrivent pas à suivre le rythme de la croissance démographique. Cette situation est souvent le reflet de graves problèmes de gouvernance : l’électricité se trouve de fait réservée à une petite élite urbaine tandis que les zones périurbaines et rurales sont laissées pour compte. Il faut également accepter le fait que l’électrification coûte cher, d’autant plus cher que l’habitat est dispersé et reculé. Les avancées technologiques récentes, dont le boom des kits solaires individuels est une belle illustration, permettent de réduire ce coût. Mais mettre l’électricité à la portée des plus pauvres requiert d’importants efforts financiers que nombre de pays ne sont pas en état de fournir.
Le problème se pose différemment sur le plan des énergies de cuisson : alors que l’électrification d’un ménage rural revient typiquement à 500-1500 dollars, 50 dollars peuvent suffire pour améliorer nettement les conditions en cuisine. La diffusion des foyers et combustibles améliorés est cependant très lente, malgré d’importants efforts entrepris depuis plus de trente ans. C’est qu’il n’est pas aisé de changer ses habitudes en ce qui concerne la préparation des repas. Mais on constate aussi, trop souvent, que l’énergie de cuisson est la grande absente des politiques énergétiques : il est plus valorisant de s’attaquer à la construction de grandes infrastructures que de se lancer dans la résolution de ce problème diffus, éminemment domestique, et très majoritairement féminin.


"L'accès universel à l'électricité, même la plus polluante, n'augmenterait les émissions mondiales de CO2 que de 0.2%."






L'objectif d'une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre inscrit dans l'Accord de Paris est-il compatible avec l'accès à l'énergie pour tous ?


L’accès universel à l’énergie ne signifie pas que 100% de l’humanité va subitement consommer autant d’énergie que les habitants des pays riches. Les personnes aujourd’hui privées d’accès appartiennent typiquement à des populations pauvres, aux moyens limités. Une famille rurale au Népal ou en Tanzanie, si elle est raccordée au réseau électrique, consommera de l’ordre de 300 à 500 kWh par an. Sur la base de cet ordre de grandeur, si les 1.1 milliards de personne qui en sont aujourd’hui privées bénéficiaient demain de l’électricité, quand bien même la totalité de cette électricité proviendrait de centrales au charbon (les plus polluantes), l’impact sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre serait de +0,2%. Il n’y a donc aucune incompatibilité entre accès à l’énergie et réduction des émissions de gaz à effet de serre.


"Il faut éviter le dogme de l'électrification 100% renouvelable et privilégier la complémentarité des sources."





Quels sont les retours d’expérience en matière d'électrification bas-carbone ? Qu'est-ce qui a marché ? Qu'est-ce qu'il faut éviter ?


Les pays en développement s’engagent de plus en plus sur la voie des énergies renouvelables. Souvent dotés de potentiels importants pour le photovoltaïque (Afrique sahélienne), l’hydroélectricité (Afrique équatoriale, Asie du Sud-Est), ou encore la géothermie (Afrique de l’Est, Philippines), ces pays pourraient ainsi bénéficier d’une énergie sûre, produite localement, et préservée des fluctuations des marchés internationaux.
Mais il faut éviter le dogme du "tout renouvelable" pour les pays en développement. Construire de nouvelles capacités d’électricité  renouvelable est complexe et risqué. Il s’agit de projets très gourmands en capitaux, l’essentiel des coûts correspondant à la construction de la centrale avec peu de coûts d’exploitation ensuite. Or la capacité d’investissement des pays en développement est limitée : les budgets publics sont faibles, l’endettement déjà élevé. Dans des contextes souvent marqués par les incertitudes politiques, mobiliser les importantes sommes nécessaires à la construction d’une centrale hydroélectrique ou d’une ferme solaire est parfois "mission impossible". Par ailleurs, l’électricité renouvelable peut être intermittente (photovoltaïque, éolien) ou marquée par une forte saisonnalité (hydroélectricité, biomasse). Certains pays qui ont tout misé sur l’hydro se retrouvent en situation de crise énergétique en cas de sécheresse. Ceux qui en ont les moyens se tournent alors massivement vers les générateurs diesel individuels hautement polluants. Cette production thermique gagnerait à être centralisée pour en diminuer les émissions et les coûts.
Il est illusoire, et contreproductif, d’attendre des pays en développement la mise en place de politiques d’électrification 100% verte. Il faut certes poser les bases de la croissance verte, mais en privilégiant les complémentarités entre différentes sources – comme le font depuis des décennies les pays industrialisés.


"Au-delà de la production, l'utilisation rationnelle de l'énergie doit être une priorité dans les pays en développement."





Selon vous, quelles technologies ou quelles méthodes ont le plus de chance de se développer dans le cadre de la mise en œuvre de l'Accord de Paris ?


On parle beaucoup d’électricité renouvelable mais il ne faudrait pas oublier les questions d’efficacité énergétique et plus globalement, d’utilisation rationnelle de l’énergie. A quoi sert-il de produire une électricité 100% verte, si elle est immédiatement engloutie par des climatiseurs inefficaces qui tournent à plein régime dans des pièces mal isolées ? Les constructions modernes tout-béton qui poussent comme des champignons dans les pays en développement sont un véritable non-sens énergétique. A mon avis, les techniques qui devraient être le plus soutenues sont celles qui permettent de réduire d’entrée de jeu le besoin, à commencer par l’architecture – bioclimatique, matériaux traditionnels etc. Le chauffe-eau solaire, très répandu en Chine par exemple, est encore balbutiant en Afrique alors que c’est une solution abordable, robuste et efficace. Ce n’est pas de la high-tech, c’est sûrement moins sexy qu’une éolienne ou un panneau photovoltaïque, mais ça marche !
Sur le plan de la production d’électricité, l’Accord de Paris va certainement permettre de poursuivre le soutien apporté à travers le monde à l’électrification décentralisée. Des technologies bien établies comme la petite hydroélectricité, d’autres en plein essor comme les hybrides photovoltaïque-diesel ou les gasifieurs biomasse de petite taille, devraient se développer.  A l’échelle domestique, les solutions photovoltaïques individuelles (lanternes, kits solaires) devraient poursuivre leur progression en bénéficiant d’un soutien plus marqué – couplé au développement des appareils très économes en énergie, comme les lampes à LED.


Publié le 18 avril 2016 par Thibault Laconde




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Pour le solaire, la Chine est un exemple... mais pas celui que vous croyez

Solaire thermique en Chine : chauffe-eau solaire sur un toit près de Shanghai
Dans le petit monde du solaire, le mois d'avril a été marqué par un brusque accès de sinophilie. Alors que la Chine s'était longtemps contenté de vendre des panneaux solaires au reste du monde, elle semble désormais décidée à développer son propre parc photovoltaïque à marche forcée. Plusieurs statistiques publiés ces derniers jours ont confirmé ce tournant avec des chiffres qui, vu de chez nous, sont à peine croyables.
On ne peut que se réjouir de cette situation mais comme souvent dans le solaire, le photovoltaïque éclipse le thermique... Or s'il faut citer les chinois en exemple, c'est surtout pour leur usage massif du chauffe-eau solaire individuel.


La Chine adopte enfin le solaire photovoltaïque...


Le 30 mars, un rapport du programme photovoltaïque de l'Agence International de l'Energie a suscité une première vague d'enthousiasme en évaluant le parc solaire photovoltaïque chinois à 38.2 GigaWattcrêtes (pour comprendre ce qu'est un Wattcrête, voir cet article) en hausse de 60% par rapport à l'année précédente. Deuxième salve le 20 avril, lorsque l'administration chinoise de l'énergie a publié les chiffres de raccordement pour le premier trimestre 2015 :  5.04GWc, soit l'équivalent de la totalité du parc français (5.7GWc en 2014).
A ce rythme, la Chine va très certainement rattraper l'Allemagne et devenir le leader mondial du solaire photovoltaïque en 2015. Pas si mal quand on sait qu'en 2011, elle faisait jeu égal avec... la Belgique. Et qu'en 2007, l'ensemble du parc chinois ne dépassait pas la puissance d'une grosse centrale solaire !

Croissance explosive du parc solaire photovoltaïque chinois entre 2000 et 2014

On peut certainement parler de croissance explosive : entre 2000 et 2014, le parc solaire photovoltaïque chinois a été multiplié par 2000 ! Mais ces chiffres doivent quand même être mis en perspective avec les dimensions de la Chine et le retard qu'elle avait accumulé : l'électricité solaire ne représente toujours qu'une fraction du mix chinois (de l'ordre de 35TWh d'après mes estimations, soit 0.7%) très largement derrière l'Italie, championne du monde en la matière avec 7.92% de son électricité d'origine solaire. Malgré son envol, le solaire photovoltaïque chinois est encore loin d'entamer la dépendance du pays au charbon. Après avoir été longtemps un immense fabricant de panneaux solaires mais un très petit installateur (un paradoxe dont je vous parlais en 2013), la Chine ne fait somme toute que rattraper son retard.
Il existe cependant un domaine dans lequel le solaire chinois est vraiment impressionnant : c'est l'usage du solaire thermique.


... mais c'est dans le solaire thermique que la Chine est vraiment révolutionnaire


La différence entre solaire photovoltaïque et solaire thermique ? Le solaire photovoltaïque, ce sont les panneaux solaires "classiques" que l'on voit régulièrement sur les toits français et qui permettent de produire de l'électricité. Le solaire thermique permet lui de produire de l'eau chaude, généralement pour des usages sanitaires ou pour le chauffage. Le principe est grosso modo le même que lorsque vous laissez un tuyaux d'arrosage au soleil et que l'eau en sort tiède quelques heures plus tard, avec quelques petits raffinements qui permettent par exemple de produire de l'eau chaude même lorsque la température extérieure est négative.

Si vous vous êtes déjà rendu en Chine, et si vous avez un oeil d'énergéticien, vous avez certainement noté l'omniprésence des chauffe-eaux solaires. Pas un toit qui en soit dépourvu même dans l'habitat collectif et dans la moitié sud du pays il n'est pas rare que ce soit la seule source d'eau chaude du domicile y compris pour la classe moyenne urbaine.
Les statistiques de l'Agence internationale de l'Energie illustrent l'avance de la Chine dans ce domaine : avec 180GW installés, elle possède les deux-tiers de la capacité solaire thermique mondiale, les États-Unis sont deuxième avec 16GW. Même en ramenant le parc à la population, la Chine reste en tête avec 33 watt par habitant contre 29 pour l'Australie (la France est loin derrière avec 2.7W/hab). Et les installations se poursuivent : en 2012, la Chine a installé 44.7GW, soit 85% des installations mondiales et autant que l'ensemble du parc existant en Europe !

Solaire thermique : 70% de la capacité mondiale est installée en Chine
Chauffe-eaux solaires près de Shanghai

Comme chauffer de l'eau est très énergivore, cet usage massif du solaire thermique permet d'importantes économies d'énergies et de carbone : en 2012, toujours, l'AIE estimait que la Chine économisait ainsi 186TWh par an. Pour comparaison, la production d'électricité renouvelable chinoise (hors hydroélectrique) était à la même époque d'environ 160TWh. La contribution du solaire thermique au verdissement de la Chine est supérieure à celle du solaire photovoltaïque, de l'éolien et de la biomasse réunies ! En terme d'empreinte carbone, le gain est tout aussi important : l'AIE l'évalue à 52 millions de tonnes de CO2 par an, soit grosso-modo l'équivalent des émissions du Portugal ou de l'Autriche. Dernière précision : le secteur emploie 3.5 millions de chinois...

De mon point de vue, la Chine est bien en train de révolutionner l'énergie solaire, mais ce n'est pas parce que le photovoltaïque y a connu quelques années de forte croissance. Au contraire alors que les pays développés s'orientaient pour la plupart vers le solaire photovoltaïque et ses nombreux problèmes, du stockage de l'électricité jusqu'au recyclage des panneaux, la Chine a résolument donné la priorité à une solution low-tech, plus simple mais aussi plus efficace.
Aujourd'hui le solaire thermique est largement adopté par les chinois et, pratiquement sans aucune aide publique, il réduit sensiblement la demande en énergie du pays et ses émissions de gaz à effet de serre. Voilà une success story que nous serions bien inspiré de méditer...

Si cet article vous a intéressé, voici quelques lectures complémentaires :

Publié le 4 mai 2015 par Thibault Laconde

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Avis d'expert - En Chine, ce sont les pressions intérieures qui poussent à la transition énergétique.

Wang Tao est chercheur au Carnegie-Tsinghua Center for Global Policy de Pékin où son travail porte plus précisément sur les politiques énergétiques et climatiques chinoises. Il a travaillé précédemment pour le WWF-Chine et pour plusieurs centres de recherches et universités.


Énergie et développement : L'actualité d'abord... Quel est votre sentiment au sujet de la conférence sur le climat de Varsovie qui s'est terminé samedi ?

Wang Tao : Je ne l'ai pas suivie précisément, mais j'ai entendu que les résultats sont plutôt décevants, même si la plupart des gens n'attendent plus grand chose de ces rendez-vous. L'objectif était principalement de préparer l'avenir pour l'année prochaine et surtout pour la suivante à Paris. Mais le recul de pays comme le Japon ou le Canada qui renoncent à leurs promesses n'augure rien de bon.


E&D : Quel est la position de la Chine dans ces négociations ? 

Dans ces négociations, la Chine est ouverte et tente de se montrer plus flexible. En tant que pays en développement, nous sommes attachés au principe de responsabilité commune mais différenciée mais dans le même temps la Chine est prête à prendre ses responsabilités et à faciliter les négociations. Nous sommes en discussion avec d'autre pays en développement pour former une nouvelle plateforme [le G77+Chine je suppose, ndr] et parvenir à un accord sur ce que nous pouvons faire après 2020.


E&D : En quoi la situation intérieure chinoise influence-t-elle cette position ?

En Chine, la pression vient beaucoup plus de l'intérieur que de l'extérieur : la peur de la pollution, le rejet des grands projets, le risque de désordres sociaux... sont des inquiétudes plus présentes que les pressions des États-Unis ou de l'Union Européenne. Ce qui ne veut pas dire qu'il y a une incompatibilité. Au contraire, tous ces problèmes ont la même origine : l'utilisation d'énergies fossiles, le charbon bien sur mais aussi de plus en plus le pétrole et même le gaz. Aujourd'hui la moitié des provinces chinoises sont en train de chercher des solutions.


E&D : Et quelles pourraient être ces solutions ?

A court-terme, le gaz et le nucléaire pourraient se substituer en partie au charbon et à long-terme nous plaçons de grands espoirs dans les énergies renouvelables. Mais il faut veiller à ce que cette évolution reste abordable.

https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEgpyDk_pv5T2fhgWtRA8WqLaXGsPGaV9yhAa4pm4wcpw6heO4qHc4eJDEr33qTqpBIVsWcO_aW6wUV1GZW98A_5_Rz3Gh34KNuDTqiwoiH-8kLi9V7F0lPUo5yt4u0nZHjw-jLYmGh5wlo/s1600/Haojiazhai+85-12+largeur+10km.gif
Extension d'une mine de charbon à l'ouest de Pékin
(source : la Terre en timelapse)

E&D : Dans le même temps, la Chine tente-t-elle de réduire sa consommation d'énergie ?

Il s'agit plus de réduire la croissance de la consommation que la consommation elle-même ! La croissance économique se poursuit et la consommation d'énergie suit cette dynamique. Cependant il est possible de gagner en efficacité énergétique et d'améliorer les infrastructures.
La priorité reste plutôt de réduire l'impact sur l'environnement d'une demande d'énergie croissante.


E&D : Le système administratif et politique chinois est composé de plusieurs échelons, depuis le gouvernement central jusqu'aux provinces et aux cantons qui disposent d'une certaine autonomie. Comment les différents échelons collaborent-ils en matière d'énergie ?

Le gouvernement central est en charge de la planification générale : combien de gigawatts de nucléaire, etc. Ensuite, il faut que cela soit mis en œuvre au niveau local, c'est à eux de mettre en place les politiques sur le terrain. Mais les gouvernements locaux ont parfois des orientations sensiblement différentes. Leur principale préoccupation est d'assurer leur croissance car c'est ainsi qu'ils pourront faire avancer leurs carrières.
Ainsi même si le gouvernement central souhaite améliorer la sécurité énergétique ou la protection de l'environnement, les autorités locales n'auront pas nécessairement les mêmes idées. Cela peut parfois compromettre la politique mise en place par le gouvernement central.


E&D : Vous avez un exemple ?

Oui. Par exemple si le gouvernement central souhaite développer les énergies renouvelables mais que les autorités locales n'adhèrent pas à cette politique et s'intéressent seulement à l'atteinte de leurs objectifs, il peut arriver que les installations soient construites mais pas raccordées au réseau. Les indicateurs seront là, la croissance sera là, mais l'objectif du gouvernement central ne sera pas atteint.
Un autre cas : le gouvernement local peut être tenté de doper son économie en continuant à investir dans les secteurs qui ont assurés la croissance de la Chine : la métallurgie, le charbon, l'industrie pétrochimique... en contradiction avec les priorités affichées au niveau central. Et bien souvent ceux qui prennent ces décisions seront promus avant que les impacts sur l'environnement soient devenus perceptibles.
Ce type de comportement est devenu un problème important en Chine dans les dernières années et le gouvernement central tente d'y apporter une réponse.


E&D : On dit parfois que la Chine a besoin d'une révolution énergétique, mais cette révolution est-elle possible sans réformes politiques et économiques ?

Quand on parle de révolution énergétique, il s'agit de changer aussi bien l'offre que la demande. Cela pose donc la question des modes de vie. Le gouvernement central étudie également des réformes pour introduire plus de compétition dans le secteur énergétique ou évaluer différemment les fonctionnaires locaux de façon à améliorer les usages de l'énergie. Une autre voie consiste à augmenter le prix des ressources et des externalités afin de guider les gens vers des modes de consommation plus vertueux. Nous devons continuer dans ce sens, et je ne crois pas que la Chine puisse se permettre de s’arrêter maintenant.

Publié le 25 novembre 2013 par Thibault Laconde

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Avis d'expert - Pollution lumineuse et gaspillage d'énergie, la Défense est sur la bonne voie

Depuis mai 2012, le cabinet de conseil en développement durable B&L Evolution scrute régulièrement l’éclairage des tours de la Défense pour estimer les gaspillages d’énergie et la pollution lumineuse dans le quartier d’affaires. Charles-Adrien Louis, directeur général de B&L évolution, nous détaille les tendances de la quatrième édition de cette étude, publiée la semaine dernière.

Energie et développement : Tout d’abord, pouvez-vous nous expliquer l’objectif de cette étude et la méthodologie employée ?

Charles-Adrien Louis : Notre objectif lorsque nous avons mené pour la première fois cette étude en 2012, était de sensibiliser le grand public à la pollution lumineuse que génère quotidiennement l’activité humaine, mais aussi au gaspillage énergétique que cette pollution peut engendrer. Pour mener cette étude, nous avons sélectionné le quartier de la Défense : ce choix nous permet de sensibiliser les citoyens, mais aussi dans le même temps d’interpeller les grandes entreprises françaises présentes dans notre classement, et les amener ainsi à remettre en question leurs pratiques.
Energie et developpement - éclairage nocturne dans le quartier d'affaires de la Défense à Paris
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Avis d'expert - les certificats d'économie d'énergie, outil de la transition énergétique pour les particuliers

Travaux d'isolation,  achat d'appareils économes, mise en place d'automatismes... Les économies d'énergie passent souvent par des investissements importants, rentables à long terme mais difficilement abordables par les particuliers. Le système des certificats d'économie d'énergie (CEE) tente de résoudre ce problème.
M. Philippe LE MOAL gérant de Chèques Travaux, une entreprise spécialisée dans le commerce des CEE, nous explique de quoi il s'agit et nous donne le point de vue du praticien sur ce système.  

Énergie et développement : Tout d'abord, pouvez-vous nous expliquer l'activité de votre entreprise ? 

Philippe LE MOAL : Notre entreprise est un acteur de la valorisation des travaux d'économie d'énergie pour les particuliers. Nous versons des primes énergie aux personnes qui engagent dans leur logement des travaux ayant pour  but l'économie d'énergie. En échange, nous collectons les certificats d'économie d'énergie acquis grâce à ces travaux.

E&D : Concrètement,  qu'est-ce qu'un certificat d'économie d'énergie ? 

Les Certificats d'Economie d'Energie (CEE) sont issues de la loi POPE de 2005 (loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique) qui impose à tous les fournisseurs d'énergie et de carburant des actions en faveur des économies d'énergie. Les obligations d'économie fixées aux fournisseurs d'énergie dépendent des volumes d'énergie qu'ils commercialisent.
Les fournisseurs d'énergie peuvent mener eux-même ces actions ou bien acheter des certificats d'économie d'énergie à des entreprises ou des particuliers qui en ont réalisé.

E&D : Qu'est ce que représente le marché des CEE en France et quels en sont les principaux acteurs ? 

Entre la mise en place du dispositif et mi-2013, 405TWh de certificats ont été délivrés. Cela représente un marché important mais surtout de belles économies d'énergie ! Plus de 80% de ces économies portent sur de l'habitat résidentiel.
Les principaux acteurs de ce marché sont EDF, GDF, TOTAL et la grande distribution.

E&D : Côté vendeurs, quel est le profil type ? Quel sont les travaux les plus fréquemment réalisés et quelle proportion de leur montant peut-on espérer financer grâce aux CEE ? 

Le profil des personnes engageant les travaux sont des propriétaires de maison individuelle construite avant 1990 et pour lequel la maison reste avant tout un capital.
Le type de travaux que nous traitons le plus sont les remplacements de chaudières et les isolations de combles et de murs. La prime provenant de la valorisation des CEE peut représenter jusqu’à 20 % du montant des travaux. Le particulier pourra ensuite bénéficier du Crédit d’impôt de développement durable. Pour des travaux d'isolation par exemple, un investissement de 20 000 €uros, auquel il faut déduire la prime chèques travaux et le crédit d’impôt, peut permettre au propriétaire de la maison de réaliser une économie d’énergie de 1 000 €uros par an soit un rendement de 5 %. Un placement bien plus performant qu’un livret A à 1,25% !

E&D : Diriez-vous que ce système atteint ses objectifs ? Et quelle place lui voyez-vous dans à future loi sur l'énergie promise pour 2014 par le gouvernement ? 

La Cour des Comptes doit rendre un rapport le 15 octobre sur l'efficacité des certificats d'économie d'énergie mais nous pouvons déjà considérer que l'objectif de la loi POPE est atteint. Le montant des primes très important sur les isolations est vraiment incitatif sur la décision des travaux. La seconde période d'engagement, dans laquelle nous nous trouvons va être prolongée d'un an jusqu'à la fin de l'année 2014.
Une troisième période d'engagement est d'ores et déjà prévue pour 2015 et le gouvernement a annoncé sa volonté de fixer des objectifs plus ambitieux mais aussi de simplifier le dispositifs en ciblant plus spécifiquement les travaux de rénovation thermique.

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On vous a appris à éteindre la lumière en sortant de la pièce ? Et bien manifestement cette leçon n'a jamais été apprise par les entreprises. Selon une étude réalisé en septembre 2012, jusqu'à 60% des lampes restent allumées dans les tours de la Défense le soir, ce qui représente un gaspillage d'énergie estimé à 1.8GWh  par mois soit la consommation moyenne de 3000 français.
Au niveau national, le ministère de l'écologie estime que l'extinction des bâtiments tertiaires et des commerce de 1h à 7h du matin permettra d'économiser l'équivalent de la consommation annuelle d'électricité de 750 000 ménages.

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Vous utilisez de l'énergie sous différentes formes : de l'essence dans votre voiture, du gaz pour le chauffage, de l'électricité qui elle-même est produite essentiellement à partir d'uranium, de gaz ou de charbon... En additionnant l'ensemble, on obtient en moyenne 46 200 kWh par français et par an, soit l'énergie contenue dans 4 tonnes de pétrole.
Que se passerait-il si vous n'aviez à votre disposition que 3 tonnes de pétrole, voire 1.5 tonnes ou même 500 kilogrammes ? Prenez quelques secondes pour imaginer votre vie quotidienne et le monde qui vous entourerait...
 
Prêt ? Vérifions que votre imagination est correcte avec 3 bandes dessinées connues pour leur soucis du détail.

 

3 tonnes de pétrole par an : Gaston en 1970


Energie et développement - Consommation d'énergie en 1970 Gaston LagaffeLe personnage de Franquin, avec sa vie urbaine, son travail de bureau, sa voiture, son goût pour les loisirs, les vacances et les gadgets divers, a un mode vie proche de celui que nous connaissons aujourd'hui. Parmi ses collègues, Fantasio peut même - comble de la modernité ! - se permettre d'habiter un pavillon avec jardin en banlieue et posséder une voiture bien plus puissante que nécessaire.
La consommation d'énergie de Gaston est donc importante, 3 tonnes équivalent pétrole s'il est dans la moyenne française du début des années 70, mais elle reste inférieure de 25% à la nôtre. Cet écart vient essentiellement d'un niveau de vie et de consommation plus bas qu'aujourd'hui : depuis 1970, la richesse par habitant a doublé en France. Et au-delà de notre confort quotidien, l'énergie est aussi un facteur de production.

Lancement du débat national sur la transition énergétique. Ce qu'il faut savoir.

Energie et développement - Lancement du débat national sur la transition énergétique, première réunion du CNTE
C'est donc le jeudi 29 novembre à 15h que débutera le "grand débat national sur le transition énergétique" voulu par le président Hollande.

Le contexte : des objectifs connus, des moyens à définir...

Même si la question énergétique porte sur la production, la transformation et la consommation de l'ensemble des énergies et ne se limite pas à la production d'électricité, l'objectif principal de ce débat est de mettre en œuvre la promesse du candidat Hollande de baisser de faire baisser à 50% la part du nucléaire dans le mix électrique. En effet, la France se trouve à un moment clé de son histoire énergétique : les premières centrales nucléaires arrivent en fin de vie et il faut soit confirmer le choix du tout nucléaire effectué dans les années 70, soit réorienter le mix électrique.

Dans un cas comme dans les autres des investissements très lourds seront nécessaires. Un numéro d'équilibriste quand on sait que les marges de manœuvres budgétaires sont inexistantes et que ni les entreprises ni les particuliers ne semblent disposés à voir leurs factures augmenter...

Une brève histoire du pétrole... en attendant la transition.

Cet automne aura lieu un grand débat sur la transition énergétique, ce sera l'occasion de s'interroger sur les énergies de demain. En attendant, et pour mieux saisir les enjeux et le contexte de ce débat, je vous propose une série d'article sur l'histoire de l'énergie. Après l'histoire de l'énergie nucléaire, voici celle du pétrole.

XIXe siècle : l'histoire du pétrole commence aux États-Unis


Une première révolution énergétique a eu lieu à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle avec l’introduction du charbon qui devient en moins d’un siècle force motrice (chemin de fer, 1827 en France), source de chaleur domestique et industrielle, matière première pour la chimie et source de lumière (gaz de charbon, Londres 1807).
Mais l'histoire moderne de l'énergie ne commence qu'avec le pétrole.

Cette histoire est d'abord américaine, elle débute en en 1859 lorsque le Colonel Drake découvre un gisement de pétrole à Titusville. Le pétrole est d’abord utilisé comme lubrifiant puis, raffiné pour l’éclairage, il remplace peu à peu l'huile de baleine.
Dans la plupart des pays l’exploitation du pétrole se fera sous contrôle de l'État mais pas aux États-Unis : le propriétaire du sol y est aussi propriétaire du sous-sol, par conséquent, il existe une multitude de petits producteurs qui exploitent les ressources parfois de façon anarchique (en 1967, 85% des puits de la planète de trouvaient sur le sol américain). 

Energie et développement - Rockefeller et les débuts de l'industrie pétrolière
Un symbole de l'industrie pétrolière toute
puissante : John D. Rockefeller (à gauche)
En 1863, à Cleveland, John D. Rockefeller crée  la plus grande raffinerie des États-Unis et commence à absorber ses concurrents. En 1895, son entreprise, la Standard Oil, est en situation de monopole (seul vendeur d'huile raffinée) et de monopsone (seul acheteur de pétrole brut), annonce qu’elle fixera elle-même le prix du brut. En 1911, la Standard Oil est démembrée en 33 sociétés dont trois feront plus tard partie des Sept Sœurs (Exxon, Mobil et Chevron).
En 1901, la découverte d’un immense gisement au Texas donne naissance à deux autres des Sept Sœurs : Gulf Oil et Texaco. Rockefeller, quant à lui, a négligé l'extraction et s'est privé de la rente minière.

Souvent associé au pétrole, le gaz a d’abord était considéré comme un sous-produit encombrant et brulé à la torchère. Ce n’est qu’à partir des années 20 que les progrès de la soudure permettent d’envisager son transport, il va alors progressivement remplacer le gaz de charbon aux États-Unis qui en seront quasiment les seuls utilisateurs jusqu'à la seconde Guerre Mondiale.

EROEI : combien d'énergie pour produire de l'énergie ?

Comme toute activité humaine, la production d'énergie nécessite... de l'énergie.
La quantité d'énergie nécessaire pour produire un baril de pétrole, un kilowatt-heure d'électricité, un mètre-cube de gaz ou une tonne de charbon dépend de la technologie utilisée et du lieu de production mais elle donne une indication essentielle sur la soutenabilité d'une filière.

Le taux de retour énergétique

Energie et développement - champs de derrick aux Etats-Unis
Au début du siècle, il fallait 1 baril de pétrole pour en produire 100,
aujourd'hui le taux de retour n'est plus que de 1 pour 10

Un exemple : en moyenne dans le monde il faut consommer 1 baril de pétrole pour en produire 35. Mais pour les États-Unis, ce taux est beaucoup plus bas : 1 pour 11.
Ce rapport est appelé taux de retour énergétique (ou EROEI en anglais : Energy Returned On Energy Invested).

Comme pour le retour sur investissement en finance, plus le taux de retour énergétique est élevé mieux c'est. Un investissement reste "rentable" tant que l'EROEI est supérieur à 1. S'il devient inférieur à 1, cela signifie qu'il faut dépenser plus d'énergie que l'on ne pourra en produire.
Notez que contrairement aux investissements financiers, les investissement énergétiques peuvent rester intéressants même lorsque leur rendement est inférieur à 1. En effet, toutes les énergies ne se valent pas : obtenir une énergie facilement transportable comme l'essence ou l'électricité peut être avantageux même avec un rendement exécrable.

L'EROEI baisse régulièrement depuis un siècle


On l'a vu, aujourd'hui, il faut en moyenne 1 baril de pétrole pour en produire 35. Au début du XXe siècle, ce rapport était 3 fois meilleur : pour produire 100 barils il suffisait d'en "investir" un seul.

Bonus-malus énergétique : Ce qui va changer sur les factures d'électricité ou de gaz

Les commentaires sont désormais clos. Vous avez été très nombreux à réagir et je vous en remercie. Vous trouverez les réponses aux questions les plus fréquentes dans cet article : Bonus-malus énergie, retour sur un débat. 
Merci de vous reporter à cet article si vous souhaiter continuer la discussion. 

François Brottes, président PS de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, a présenté aujourd'hui un mécanisme de tarification progressive de l'énergie. Voici quelques réflexion sur sa proposition de loi.

A quoi ressemblera votre facture d'électricité ou de gaz ?

Avant même sa présentation, ce mécanisme était qualifié par certains d'usine à gaz, terme également repris par l'ancienne ministre de l'environnement Nathalie Kosciusko-Morizet.

En réalité du point de vue du consommateur, le fonctionnement est relativement simple. Les besoins théoriques de chaque logement seront calculés en fonction du nombre d'occupants, de sa situation géographique et de son mode de chauffage afin de fixer un seuil correspondant aux besoins de base du logement, le minimum vital en quelque sorte : éclairage, chauffage, électroménager, etc.
En dessous de ce seuil "de base" l'électricité ou le gaz seront facturés à un tarif avantageux inférieur au tarif actuel. Au-delà de ce seuil, l'énergie sera légèrement plus chère qu'elle ne l'est aujourd'hui.
Si la consommation continue à augmenter et dépasse de plus de 50% le seuil de base, on considère que l'énergie est gaspillée et le tarif augmentera à nouveau plus fortement.

Pour un abonnement EDF standard, le prix du kilowattheure variera donc de la façon suivante :

Prix du kilowatt-heure d'électricité avec le bonus-malus énergie

Tarification progressive de l'énergie : intérêt et problématiques

Mercredi 5 septembre, François Brottes, président PS de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, présentera une proposition de loi destinée à rendre la tarification du gaz et de l'électricité progressive, l'eau devrait aussi être concernée.
La progressivité des prix de l'énergie est une promesse de campagne du candidat Hollande mais ce n'est pas une nouveauté : ce système fonctionne en Californie depuis près de 40 ans... Une loi à ce sujet devrait être examinée en octobre et adoptée avant même la conclusion du débat national sur la transition énergétique. La progressivité des tarifs a un double objectif : alléger les charges des 8 millions de français touchés par la précarité énergétique et faire baisser la consommation d'énergie.
En attendant que le texte de la proposition de loi soit rendu public, voici quelques éléments pour comprendre les enjeux de la tarification progressive.

Mise à jour :
Suite au dépot de la proposition de loi, vous trouverez une analyse du projet ici : Bonus-malus énergétique : ce qui va changer sur les factures d'électricité et de gaz
De très nombreuses questions m'ont été posées sur ce projet. Je répond aux plus fréquentes dans cet article : Bonus-malus énergie, retour sur un débat.

Actuellement, plus vous consommez d'énergie moins elle est chère

Aujourd'hui lorsque vous réglez votre facture d'électricité ou de gaz, vous payez une part fixe (l'abonnement) et une part variable calculée en fonction du nombre de kilowatt-heure que vous avez consommés.

Par exemple si vous avez un abonnement de base chez EDF avec une puissance de maximale de 12kVA, vous payez 147.20€ par an d'abonnement plus 0,1249€ par kilowattheure consommé (d'après le site d'EDF).
Imaginons que vous consommiez 1kWh dans l'année (ce qui est peu probable, certes), vous payerez 147.3249€, pas loin de 150€ le kWh. Si vous consommez  2kWh, vous payez 147.4498€, soit 73.72€ le kWh. Si vous consommez 10kWh, vous payez 148.449€ soit un peu moins de 15€ le kWh. Vous voyez le problème ? Plus vous consommez moins l'énergie est chère !

Prix de l’électricité en fonction de la consommation avec le tarif base d'EDF (12kVA)

Fiche de lecture : Manifeste négaWatt

Energie et développement - Manifeste négawatt
A la veille de la conférence environnementale de septembre et du débat sur la transition énergétique, je prend le temps de vous parler d'un livre qui va sans doute être beaucoup évoqué dans les prochains mois : le manifeste Négawatt.

Négaquoi ? NégaWatt.


Négawatt, avant d'être un gros volume de 367 pages, c'est une idée (ou une "démarche" pour reprendre le terme du livre) et une association.

L'idée est due au physicien américain Amory Lovins qui l'a énoncée en 1989 : une économie de puissance électrique peut être considérée comme une source d'électricité.
Par exemple, en France au cœur de l'hiver à l'heure de plus forte consommation 92.000MW environ peuvent être appelés. Pour y faire face, on peut
  • soit construire des centrales électriques capables de produire cette puissance :
    Puissance installée (Watt) = Puissance maximale consommée (Watt)
  • soit effacer une partie du pic par une politique d'économie d'énergie, si on parvient par exemple à économiser 5.000MW, il suffira de construire 87.000MW de centrales électriques. Les 5.000 négaWatt "produits" permettront d'équilibrer le réseau et de faire face à la pointe de consommation :
    Pinstallée (Watt) + Péconomisée (négaWatt) = Puissance max. consommée (Watt)
NégaWatt, ensuite, c'est une association française crée en 2001 pour promouvoir une transition énergétique basée sur l'efficacité, la sobriété et les énergies renouvelables. Afin de démontrer la faisabilité de cette transition et de le faire connaitre au plus grand nombre, l'association a élaboré un scénario retraçant l'évolution de la production et de la consommation d'énergie française jusqu'en 2050.
Le Manifeste négaWatt est la troisième version de ce scénario publiée en 2011.

L'efficacité énergétique va-t-elle sauver l'économie française ?

Ce sujet fait suite à "Transition énergétique : quels liens entre croissance et énergie ?". Dans cet article, nous avions vu que la croissance économique dépend en première approximation de la croissance de la consommation d'énergie. Quand l'énergie disponible stagne, ou pire si elle décroit, le seul levier restant est une baisse de l'intensité énergétique.
Malheureusement celle-ci s’améliore très lentement. Si la consommation d'énergie de l'économie française baissait de 10% au cours de 10 prochaines années, il faudrait que l'intensité énergétique baisse de 3.5% par an pour atteindre une croissance de 2.5%. Une telle baisse n'a jamais été atteinte au cours de 20 dernières années...

Voici quelques réflexions complémentaires suite à cet article.

L'intensité énergétique chinoise baisse rapidement. Pourquoi pas la notre ?


Certaines régions du monde voient leurs intensités énergétiques baisser beaucoup plus rapidement que la France : en Chine, par exemple, l'intensité énergétique a baissé de 19.06% pendant le XIe plan quinquennal (2006-2010). Un objectif de -16% est fixé dans le cadre du du XIIe plan quinquennal.

Mais une telle baisse n'est possible qu'à deux conditions :
  1. Partir de très haut : entre 2000 et 2005, l'intensité énergétique chinoise avait fortement augmenté et malgré une amélioration rapide, l'économie chinoise a encore besoin de 4 fois plus d'énergie que l'économie française pour produire un 1€...
  2. Investir massivement : Avez-vous noté que la Chine a annoncé qu'elle investirait 372 milliards de dollars au cours des 3 prochaines années pour faire baisser sa consommation d'énergie ?
Et même dans ces conditions, 19.06% en 5 ans, ça ne fait que 3.8% par an en moyenne : à peine de quoi assurer une croissance décente si dans le même temps la consommation d'énergie baisse ou stagne.

Doit-on souhaiter une baisse rapide de l'intensité énergétique ?


Même si l'objectif était atteignable, une baisse rapide l'intensité énergétique serait-elle une bonne chose ? Pour l'économie, oui sans aucun doute. Mais pour l'environnement vraisemblablement non.

L'amélioration de l'efficacité énergétique au XIXe siècle a entrainé  une augmentation de la consommation de charbon.  (Usine d'Asnières, Vincent Van Gogh) En effet, dans ce cas il faudrait lutter contre "l'effet rebond". Ce phénomène, décrit dès 1865 par William Jevons pour le charbon, est bien connu des économistes et des énergéticiens : l’amélioration de l'efficacité énergétique rend la consommation d'énergie plus rentable de telle sorte celle-ci augmente au lieu de diminuer.
Un exemple très simple : imaginons qu'un bond technologique permette de diviser par 2 la consommation en carburant des automobiles. Les ventes d'essence vont-elles baisser ? Rien n'est moins sur : les nouvelles voitures vont faire concurrence plus facilement aux transports en commun dans les villes, elles vont aussi devenir une alternative intéressante au train , il redeviendra peut-être avantageux d'habiter en lointaine banlieue plutôt qu'en centre-ville proche de son travail, le transport routier de marchandises sera stimulé, etc.

Compte-tenu des efforts entrepris un peu partout dans le monde pour faire progresser l'efficacité énergétique, nous allons très vraisemblablement être confronté à cet effet rebond au cours des prochaines années. Les contraintes environnementales, principalement le changement climatique mais aussi la baisse des stock qui oblige à recourir à des techniques d'extraction toujours plus chères et dangereuses, nous obligeront à accompagner l'amélioration de l'efficacité énergétique par des mesures fiscales (hausse des taxes sur les carburants, par exemple) qui in fine réduiront fortement les gains en termes de croissance.

En conclusion, l'amélioration de l'efficacité énergétique ne permettra de toute façon pas d'assurer une croissance économique soutenue tout en limitant la consommation d'énergie. Elle reste néanmoins la meilleure, si ce n'est la seule, voie pour sortir de la boulimie énergétique sans passer par un effondrement économique.

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Transition énergétique : leçons de la "sortie du nucléaire" en Allemagne


L'Allemagne,  qui est comparable à la France par son histoire, sa culture, sa population et son niveau de développement, s'est engagée depuis une dizaine d'années dans une politique volontariste visant à augmenter fortement la part des énergies renouvelables au détriment du nucléaire dans son mix électrique.
Quel a été le chemin suivi par nos voisins Allemands ? Et quelles leçons peut-on en tirer alors que la France s’apprête à se lancer dans sa propre transition énergétique ?

Sommaire:
1. Les étapes de la transition allemande
2. Bilan en 2012
3. Leçons pour la France
 

Les étapes de la transition allemande : 3 périodes mais surtout une remarquable continuité


A partir de la fin des années 1980, l'Allemagne affiche ses ambitions pour les énergies renouvelables. Dès 1991, les prix d'achat de l'électricité renouvelable sont garantis par la loi. Solarworld, Enercon, Repower, Nordex... les champions du secteur prennent leur envol dans les années 1990 soutenus par un solide réseau de PME.

Le mouvement anti-nucléaire a été à l'origine du déclenchement
de la transition énergétique allemande et de ses orientations
Dans les années 2000, le gouvernement de Gehrard Schröder (coalition SPD-vert) annonce la "sortie du nucléaire". En réalité il s'agit de l'arrêt des construction de centrales auquel s'ajoute un accord avec RWE, Eon, EnBWE et Vattenfall, les 4 producteurs d'électricité nucléaire, pour fixer la durée de vie des réacteurs à 32 ans, ce qui conduit à la fin de la production en 2020. Cet accord donne une totale visibilité aux producteurs puisqu'il précise la quantité d'électricité qui peut être produite par chaque centrale avant sa fermeture.
Cette politique ne fait pas consensus : elle est critiquée par les opposants au nucléaire qui y voient des garanties offertes aux exploitants sans réel engagement de leur part d'autant que l'accord ne concerne pas les stades amonts (recherche et enrichissement) et aval (retraitement).
Plus grave : elle est attaquée par la droite qui promettait si elle avait remporté les élections de 2002 de "sortir de la sortie". En 2005, Angela Merkel est élue chancelière mais le SPD reste dans la coalition gouvernementale. Ce n'est qu'à partir de 2009, lorsqu'une nouvelle coalition CDU-FDP est formée, que la sortie du nucléaire peut réellement être remise en cause. En 2010, une loi prolonge d'une dizaine d'années la durée de vie des centrales existantes.

Mais quelques mois plus tard, l'accident de Fukushima entraîne un revirement spectaculaire, le gouvernement d'Angela Merkel revient à une position comparable à celle défendue par la coalition SPD-Vert 10 ans plus tôt. Dès le 15 mars 2011, 4 jours après le séisme, la loi prolongeant la durée de vie des centrales est suspendue conduisant à l'arrêt de 7 réacteurs. Un "paquet énergie" de 11 lois est voté par le Bundestag en juin 2011 à une très large majorité, les principaux points de ces textes sont :
  • Arrêt définitif de la production d'électricité nucléaire en 2022. Les réacteurs à l'arrêt (7 concernés par le moratoire plus le réacteur de Krummel qui connaissait des pannes à répétition) ne seront pas remis en service, l'un d'eux est cependant maintenu opérationnel jusqu'en 2013 afin de pouvoir être redémarré en cas de besoin exceptionnel.
  • Réduction de la consommation d'électricité de 10% entre 2010 et 2020 et encouragement de l'efficacité énergétique (recherche, standards thermiques, crédit, étiquetage...).
  • Soutien massif aux énergies renouvelables afin de doubler la production et atteindre 35% de la production d'électricité en 2020 ans puis 80% (60% de la consommation totale d'énergie) en 2050 : installation de 25GW d'éolien off-shore avant 2030, soutien renforcé à l'éolien terrestre, développement des infrastructures de transmission mais réduction des aides au solaire photovoltaïque...
  • Construction de centrales à gaz et à charbon pour assurer la transition : 10GW supplémentaires en 2020 qui s'ajoutent aux projets déjà en cours (12.5GW environ). 
  • Confirmation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre : -40% par rapport à 1990 en 2020, -80% en 2050.
  • Limitation de la hausse des prix de l'électricité à 0.035€ par kilowatt-heure et compensation des surcoûts pour les industries fortement consommatrices en énergie.
Enfin, les investissement dans la recherche sont fortement relevés : Sur la période 2011-2014, 3.5 milliards d'euro seront consacrés à la recherche énergétique (+75% par rapport à la période précédente) dont 80% aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique.

La transition énergétique allemande n'a donc pas commencé après Fukushima : elle s'étale sur une dizaine d'années pendant lesquelles, malgré quelques tentatives, les grandes orientations n'ont pas été remises en cause.

Bilan 1 an après le paquet énergie : l'Allemagne tient la trajectoire


Un an après l'adoption du du paquet énergie, le bilan est encourageant. Les craintes affichées des deux cotés du Rhin suite à l'arrêt précipité de 8 réacteurs représentant 8% de la production allemande ne se sont pas réalisées : l'Allemagne n'a pas connu de coupures d'électricité pendant l'hiver 2011-2012 et elle est restée exportatrice d'électricité en 2011.
Les énergies renouvelables progressent vite : elles ont doublé le nucléaire et dépasseront 20% de la production cette année. L'objectif de 35% en 2020 semble largement accessible.

Cependant les énergies fossiles restent majoritaires et leur part va augmenter au moins temporairement. En effet la progression des énergies renouvelables est insuffisante pour remplacer le parc nucléaire, qui produisait environ un quart de l'électricité allemande en 2010, dans le délai imparti. C'est pourquoi 23GW de centrales à charbon ou a gaz devraient être mis en service d'ici 2020. Plus de la moitié de ces nouvelles capacités étaient déjà en projet avant le paquet énergie et la meilleure efficacité des nouvelles unités limitera leur impact... Mais un risque demeure : si les efforts venaient à ralentir ou si des difficultés techniques apparaissaient (par exemple dans l'équilibrage du réseau), cette période transitoire pourrait se prolonger, conduisant l'Allemagne à un mix électrique durablement plus émetteur en CO2.

Un autre point de préoccupation est le coût de la transition. Il est évalué à 250 milliards d'euros en 10 ans par la KfW, l'équivalent de la Caisse des dépôts, un chiffre difficilement exploitable sans une évaluation du coût des autres scénarios. Actuellement les ménages payent 0.036€/kWh au titre du soutien aux énergie renouvelables, c'est 3 fois plus qu'en 2009 mais le gouvernement allemand refuse une aide financière pour ne pas décourager les économies d'énergie.

Leçons pour la transition énergétique française


La transition énergétique française ne ressemblera certainement pas à celle de l'Allemagne. D'abord parce que celle-ci a porté essentiellement sur l'électricité alors que le grand débat national sur la transition énergétique qui aura lieu à l'automne devrait concerner toute les énergies. Ensuite parce qu'il est peu probable que la France se fixe comme objectif une sortie du nucléaire (le président Hollande ayant annoncé que la construction de l'EPR se Flamanville se continuerait).
Cependant, il est possible de tirer des leçons utiles de l'expérience allemande :
  • Une évidence d'abord : l'exemple allemand est en train de démontrer la faisabilité technique et économique d'un abandon maîtrisé du nucléaire.
  • Cependant, il montre aussi qu'une transition énergétique est un processus long. La transition allemande n'a pas commencé après Fukushima : elle s'étale déjà sur une dizaine d'années et son accélération en 2011 explique certains de ses défauts (augmentation temporaire de la consommation d'énergie fossile, recours des exploitants de centrales...). Il ne suffit pas d'une loi pour changer d'ère...
  • D'autant que c'est un processus réversible et par conséquent il est indispensable qu'il s’appuie sur un large consensus politique afin d'être à l'abri des changements de majorité. De façon très concrète, la transition énergétique française ne pourra réussir que si l'UMP adhère aux moins à ses grandes lignes. Quelques soient les orientations qui seront fixées, elles auront besoin d'entreprises et d'investisseurs, peut-on espérer qu'ils s'engagent si un parti de gouvernement proclame qu'il fera faire demi-tour au pays en 2017 ?
  • Le coût de la transition et son financement posent problème. Le faire porter par le consommateur envoie un signal important pour l'adoption de comportement d'économie d'énergie mais aggrave la précarité énergétique.
Enfin, il existe une différence importante entre la France et l'Allemagne. Lors de ses grandes lois sur l'énergie, en 2000 comme en 2011, l'Allemagne faisait partie des leaders mondiaux des technologies qu'elle adoptait. Ce n'est pas le cas de la France et c'est un défi supplémentaire : il faudra parvenir à concilier émergence de nouvelles filières et efficacité budgétaire ce qui plaide pour une logique d'apprentissage avec un effort important de R&D, à l'image finalement de ce qui avait été fait pour le nucléaire au début des années 70.


Publié le 20 août 2012 par Thibault Laconde


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