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Avis d'expert : "Il n'y a pas de contradiction entre la protection du climat et l'accès universel à l'énergie"

Dans quelques jours, l'Accord de Paris sur le climat sera ouvert à la signature au siège new-yorkais de l'ONU. C'est une première étape vers son entrée en vigueur, et l'occasion se s’interroger sur les effets de cet accord dans les années et les décennies qui viennent.

> Cet entretien est extrait d'une étude sur les effets à long-terme de l'Accord de Paris, notamment sur l'économie et les choix technologiques. Vous pouvez télécharger l'étude complète ici.


Les objectifs adoptés par la communauté internationale lors de la COP21 ne pourrons être atteint que pas une baisse rapide des émissions. Cette baisse implique notamment un usage plus économe de l'énergie. Mais il ne faut pas oublier qu'une partie importante de l'humanité n'a toujours pas accès à l'électricité et souffre régulièrement de pénuries d'énergie. Dans ce cas n'y a-t-il pas une contradiction entre la lutte contre le changement climatique et l'accès universel à l'énergie, qui fait aussi partie des objectifs de la communauté internationale ?
J'ai posé la question à Clara Kayser-Bril. Clara est ingénieure et consultante, spécialiste de l'accès à l'énergie dans les pays en développement, elle est intervenue sur des projets dans une vingtaine de pays.



Quelle est la situation actuelle en matière d'accès à l'énergie ?


Aujourd’hui, 1.1 milliard de personnes n’ont toujours pas l’électricité et 2.9 milliards n’ont pas accès à des énergies propres et modernes pour cuisiner. C’est énorme, mais cela reflète une réalité très disparate. Sur le plan de l’électrification par exemple, certains pays ont fait d’importants progrès au cours des dernières années – l’Inde par exemple, où près de 80% de la population est maintenant électrifiée, ou encore le Rwanda où le taux d’accès est passé de 6% à 16% en cinq ans. Derrière ces chiffres, il y a des politiques publiques volontaristes qui ont permis d’étendre le réseau vers des zones plus reculées et de proposer des tarifs spécifiques pour les plus pauvres. Le soutien financier et technique des grands bailleurs de fonds internationaux a aussi joué un rôle.
Dans le même temps, dans de nombreux autres pays et notamment en Afrique sub-saharienne, la situation a stagné et s’est même par endroit dégradée : mathématiquement, le taux d’accès recule lorsque les efforts d’électrification n’arrivent pas à suivre le rythme de la croissance démographique. Cette situation est souvent le reflet de graves problèmes de gouvernance : l’électricité se trouve de fait réservée à une petite élite urbaine tandis que les zones périurbaines et rurales sont laissées pour compte. Il faut également accepter le fait que l’électrification coûte cher, d’autant plus cher que l’habitat est dispersé et reculé. Les avancées technologiques récentes, dont le boom des kits solaires individuels est une belle illustration, permettent de réduire ce coût. Mais mettre l’électricité à la portée des plus pauvres requiert d’importants efforts financiers que nombre de pays ne sont pas en état de fournir.
Le problème se pose différemment sur le plan des énergies de cuisson : alors que l’électrification d’un ménage rural revient typiquement à 500-1500 dollars, 50 dollars peuvent suffire pour améliorer nettement les conditions en cuisine. La diffusion des foyers et combustibles améliorés est cependant très lente, malgré d’importants efforts entrepris depuis plus de trente ans. C’est qu’il n’est pas aisé de changer ses habitudes en ce qui concerne la préparation des repas. Mais on constate aussi, trop souvent, que l’énergie de cuisson est la grande absente des politiques énergétiques : il est plus valorisant de s’attaquer à la construction de grandes infrastructures que de se lancer dans la résolution de ce problème diffus, éminemment domestique, et très majoritairement féminin.


"L'accès universel à l'électricité, même la plus polluante, n'augmenterait les émissions mondiales de CO2 que de 0.2%."






L'objectif d'une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre inscrit dans l'Accord de Paris est-il compatible avec l'accès à l'énergie pour tous ?


L’accès universel à l’énergie ne signifie pas que 100% de l’humanité va subitement consommer autant d’énergie que les habitants des pays riches. Les personnes aujourd’hui privées d’accès appartiennent typiquement à des populations pauvres, aux moyens limités. Une famille rurale au Népal ou en Tanzanie, si elle est raccordée au réseau électrique, consommera de l’ordre de 300 à 500 kWh par an. Sur la base de cet ordre de grandeur, si les 1.1 milliards de personne qui en sont aujourd’hui privées bénéficiaient demain de l’électricité, quand bien même la totalité de cette électricité proviendrait de centrales au charbon (les plus polluantes), l’impact sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre serait de +0,2%. Il n’y a donc aucune incompatibilité entre accès à l’énergie et réduction des émissions de gaz à effet de serre.


"Il faut éviter le dogme de l'électrification 100% renouvelable et privilégier la complémentarité des sources."





Quels sont les retours d’expérience en matière d'électrification bas-carbone ? Qu'est-ce qui a marché ? Qu'est-ce qu'il faut éviter ?


Les pays en développement s’engagent de plus en plus sur la voie des énergies renouvelables. Souvent dotés de potentiels importants pour le photovoltaïque (Afrique sahélienne), l’hydroélectricité (Afrique équatoriale, Asie du Sud-Est), ou encore la géothermie (Afrique de l’Est, Philippines), ces pays pourraient ainsi bénéficier d’une énergie sûre, produite localement, et préservée des fluctuations des marchés internationaux.
Mais il faut éviter le dogme du "tout renouvelable" pour les pays en développement. Construire de nouvelles capacités d’électricité  renouvelable est complexe et risqué. Il s’agit de projets très gourmands en capitaux, l’essentiel des coûts correspondant à la construction de la centrale avec peu de coûts d’exploitation ensuite. Or la capacité d’investissement des pays en développement est limitée : les budgets publics sont faibles, l’endettement déjà élevé. Dans des contextes souvent marqués par les incertitudes politiques, mobiliser les importantes sommes nécessaires à la construction d’une centrale hydroélectrique ou d’une ferme solaire est parfois "mission impossible". Par ailleurs, l’électricité renouvelable peut être intermittente (photovoltaïque, éolien) ou marquée par une forte saisonnalité (hydroélectricité, biomasse). Certains pays qui ont tout misé sur l’hydro se retrouvent en situation de crise énergétique en cas de sécheresse. Ceux qui en ont les moyens se tournent alors massivement vers les générateurs diesel individuels hautement polluants. Cette production thermique gagnerait à être centralisée pour en diminuer les émissions et les coûts.
Il est illusoire, et contreproductif, d’attendre des pays en développement la mise en place de politiques d’électrification 100% verte. Il faut certes poser les bases de la croissance verte, mais en privilégiant les complémentarités entre différentes sources – comme le font depuis des décennies les pays industrialisés.


"Au-delà de la production, l'utilisation rationnelle de l'énergie doit être une priorité dans les pays en développement."





Selon vous, quelles technologies ou quelles méthodes ont le plus de chance de se développer dans le cadre de la mise en œuvre de l'Accord de Paris ?


On parle beaucoup d’électricité renouvelable mais il ne faudrait pas oublier les questions d’efficacité énergétique et plus globalement, d’utilisation rationnelle de l’énergie. A quoi sert-il de produire une électricité 100% verte, si elle est immédiatement engloutie par des climatiseurs inefficaces qui tournent à plein régime dans des pièces mal isolées ? Les constructions modernes tout-béton qui poussent comme des champignons dans les pays en développement sont un véritable non-sens énergétique. A mon avis, les techniques qui devraient être le plus soutenues sont celles qui permettent de réduire d’entrée de jeu le besoin, à commencer par l’architecture – bioclimatique, matériaux traditionnels etc. Le chauffe-eau solaire, très répandu en Chine par exemple, est encore balbutiant en Afrique alors que c’est une solution abordable, robuste et efficace. Ce n’est pas de la high-tech, c’est sûrement moins sexy qu’une éolienne ou un panneau photovoltaïque, mais ça marche !
Sur le plan de la production d’électricité, l’Accord de Paris va certainement permettre de poursuivre le soutien apporté à travers le monde à l’électrification décentralisée. Des technologies bien établies comme la petite hydroélectricité, d’autres en plein essor comme les hybrides photovoltaïque-diesel ou les gasifieurs biomasse de petite taille, devraient se développer.  A l’échelle domestique, les solutions photovoltaïques individuelles (lanternes, kits solaires) devraient poursuivre leur progression en bénéficiant d’un soutien plus marqué – couplé au développement des appareils très économes en énergie, comme les lampes à LED.


Publié le 18 avril 2016 par Thibault Laconde




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[Invité] Changement climatique et hydroélectricité : y aura-t-il de l’eau dans nos barrages en 2100 ?

L’hydroélectricité représente plus des trois quarts de l’électricité renouvelable produite à travers le monde. Les avis divergent quant à la pertinence de cette technologie dans la lutte contre le changement climatique : certains considèrent que c’est une énergie propre qu’il faut encourager, d’autres, que ses impacts environnementaux représentent une menace supplémentaire pour le climat. Prenons pour une fois la question dans l’autre sens : qu’en est-il des impacts du changement climatique sur l’hydroélectricité ?


Des sécheresses préoccupantes


Qui dit hydro dit eau. La production électrique est étroitement liée aux précipitations et au débit des rivières ; toute variation climatique a des répercussions immédiates. Ainsi le Hoover Dam, un des emblèmes de l’hydroélectricité aux Etats Unis, construit sous l’égide de Roosevelt dans les années 1930, a vu sa capacité de production réduite de 2100MW à 1200MW en raison de la sécheresse qui frappe l’Ouest de ce pays. Non loin de là, l’état de Californie a vu la part de l’hydro baisser de 20% à 10% dans son mix électrique sous l’effet combiné d’une baisse des précipitations, d’un enneigement moindre et d’une fonte des glaces précoce. Ce sont alors d’autres sources d’énergie, notamment des centrales au gaz, qui viennent combler le déficit – augmentant au passage les coûts et les émissions de CO2.

Le réchauffement climatique et les sécheresses menacent-t-ils l'approvisionnement en électricité hydraulique ?
Les berges à nu d’un lac de barrage EDF, août 2015 (La Girotte, Savoie). Photo CKB

Si une sécheresse peut mettre en difficulté le système électrique des Etats-Unis, dans des pays plus vulnérables c’est le blackout. En Tanzanie l’hydro a pendant longtemps constitué la principale source d’électricité. La sécheresse qui s’installe depuis le début des années 2000 a des répercussions importantes sur la production électrique et par ricochet, sur la population et l’économie du pays. En 2011, au plus fort d’une crise énergétique qui a laissé les habitants dans le noir 12 à 16 heures par jour, le FMI a dû revoir à la baisse ses prévisions de croissances pour le PIB tanzanien. En effet, le pays ne disposait pas de capacités suffisantes pour prendre la relève des centrales hydroélectriques : la seule solution est alors de procéder au délestage, c’est-à-dire de couper purement et simplement le courant pour une partie des habitants. Face à l’incertitude de l’hydroélectricité, la Tanzanie fait à présent le choix de développer sa production thermique notamment à partir de gaz naturel. Une option plus chère, plus polluante, mais considérée comme plus fiable.


Stabilité globale, fluctuations locales


A en juger par ces exemples l’avenir de l’hydroélectricité pourrait sembler compromis. Qu’en est-il au niveau global ? D’abord, il faut comprendre que les variations observées en Californie ou en Tanzanie ne peuvent pas être attribuées avec certitude au changement climatique. On a toujours connu une alternance d’années plutôt sèches et d’autres, plutôt humides. Les climatologues mettent régulièrement en garde contre les interprétations hâtives : si au niveau global le réchauffement est indéniable, au niveau local il est difficile de discerner ce qui relève de la variabilité naturelle de ce que l’on peut imputer au changement climatique. Sur le long terme, d’après le GIEC, l’impact du changement climatique sur la production mondiale d’hydroélectricité pourrait s’avérer… légèrement positif ! Mais il s’agit là d’une moyenne globale recouvrant de fortes variations au niveau régional. Les projections faites par deux scientifiques norvégiens montrent par exemple que le Canada et la Russie verraient leur potentiel augmenter d’ici au milieu du 21e siècle tandis qu’il diminuerait en Europe de l’Ouest et en Afrique australe.

En fait, pour se faire une idée des évolutions, il faut travailler à petite échelle, au niveau du bassin versant d’un fleuve. En France, la Compagnie Nationale du Rhône exploite 18 aménagements hydroélectriques entre Genève et Arles. Directement exposée aux modifications du régime hydrologique du Rhône, elle a conduit une étude très locale sur les répercussions du changement climatique sur sa production d’énergie qui conclut à une baisse de 2% à 23% du productible à l’horizon 2050. Des études similaires ont été conduites à de plusieurs endroits du globe (citons celle-ci pour les Etats Unis, celle-là pour l’Afrique du Sud) mais les experts s’accordent à dire que le phénomène n’est pas suffisamment étudié. Or les barrages sont des investissements de long terme, qui se rentabilisent sur plusieurs dizaines d’années : mieux vaut donc avoir des projections fiables du climat futur. Et si les pays les plus avancés peuvent réaliser de telles études, requérant une modélisation fine des évolutions climatiques et des phénomènes hydrologiques pour chaque grand bassin versant, les pays les plus pauvres sont loin de disposer des moyens techniques et humains nécessaires.


De plus en plus d’incertitudes sur la disponibilité de l’eau


A cela s’ajoute une autre difficulté : la production hydroélectrique est très sensible aux phénomènes extrêmes. Une crue sévère qui endommage les installations, une sécheresse pendant laquelle la centrale produit peu, peuvent remettre en cause du tout au tout la rentabilité économique d’un projet. La fréquence de ces phénomènes pourrait s’accroître avec le changement climatique, mais il est très difficile de les prédire : cette incertitude représente un risque supplémentaire.

Ne pourrait-on pas stocker l’eau des crues et l’utiliser en période de sécheresse ? Certaines installations sont accolées de grands lacs de retenue qui peuvent stocker l’eau d’une saison à l’autre, parfois d’une année à l’autre. Cependant la majorité des centrales ne disposent que d’une capacité de stockage modeste, voire, d’aucune. On parle alors d’aménagement « au fil de l’eau », c’est le cas des barrages sur le Rhône cités plus haut. En effet tous les sites ne sont pas propices à la création de réservoirs importants. Il faut des conditions géologiques et topographiques favorables – sans parler du coût, et bien sûr des impacts sur l’environnement et la population. Et avec le réchauffement, les pertes par évaporation pourraient augmenter significativement. Heureusement s’il n’est pas envisageable de construire des réservoirs à tout va, d’autres solutions techniques existent : par exemple, le Hoover Dam a bénéficié d’un programme de rénovation de ses turbines pour fonctionner plus efficacement en période de basses eaux. D’une manière générale il est possible de concevoir des centrales hydroélectriques offrant un bon rendement sur une plage de débits plus large, limitant ainsi les conséquences des variations hydrologiques.

Mais cela ne résoudra pas un autre problème, et pas des moindres : celui de la gestion de l’eau. Aujourd’hui, une même rivière est utilisée pour produire de l’électricité, irriguer des champs, alimenter une ville en eau potable, refroidir une installation industrielle… Le tout encadré – théoriquement – par des lois et des règlements stricts qui fixent à l’avance les droits à l’eau de chacun. Demain, dans un contexte de raréfaction de la ressource, comment ce cadre évoluera-t-il ? L’hydroélectricité est remplaçable, l’eau potable ne l’est pas.

A court terme, les prémisses du changement climatique ne semblent pas constituer une menace pour la filière hydroélectrique. A en juger par le nombre de barrages en construction à travers le monde, la production d’hydroélectricité devrait continuer de croître dans les années qui viennent. Mais la situation de certains pays très dépendants de l’hydro risque d’empirer – je pense par exemple au Népal dont l’électricité est produite en quasi-totalité par des centrales au fil de l’eau et où chaque année les délestages augmentent en saison sèche. D’une manière générale le risque hydrologique, à savoir l’incertitude sur les débits futurs de la rivière, va peser de plus en plus lourd. Voire, à terme, détourner les investissements vers d’autres technologies jugées plus sûres ?

Publié le 15 octobre 2015 par Clara Kayser-Bril

Clara Kayser-Bril est ingénieur, spécialiste de l’accès à l’électricité dans les pays en développement. L’impact environnemental du système énergétique mondial est une problématique à laquelle elle s’intéresse particulièrement : peut-on concilier énergie pour tous et développement durable ?


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[Article invité] Après l'inauguration d'une centrale équipée : le "charbon propre", déjà une réalité ?

Clara Kayser-Bril est ingénieur, spécialiste de l’accès à l’électricité dans les pays en développement. L’impact environnemental du système énergétique mondial est une problématique à laquelle elle s’intéresse particulièrement : peut-on concilier énergie pour tous et développement durable ?


Les premiers kWh au "charbon propre" arrivent sur le réseau


Boundary Dam 3 (centrale électrique à charbon avec captage et séquestration du carbone)
Brûler du charbon pour produire de l’électricité, c’est à peu près ce qui se fait de pire pour le climat : à chaque kilowatt-heure produit, l’équivalent de 900 g de CO2 est envoyé dans l’atmosphère – deux fois plus qu’avec du gaz naturel, trente fois plus qu’avec du solaire photovoltaïque. Mais, grâce à une technologie peu coûteuse et bien maîtrisée, le charbon continue de séduire, en permettant notamment de produire à bas coût l’électricité dont ont tant besoin les pays émergents. Et les réserves mondiales de charbon sont suffisantes pour plus d’un siècle.
C’est pour tenter de réconcilier énergie abondante et protection environnementale qu’est né le concept de "charbon propre" : capter le CO2 émis par la combustion du charbon, le stocker en lieu sûr, et voilà l’une des technologies les plus polluantes de la planète devenue quasi-inoffensive.

Testé à petite échelle depuis une dizaine d’année, le "charbon propre" serait-il en passe de devenir une réalité ? Oui, serait-on tenté de répondre après la mise en service en octobre dernier de la première centrale à charbon de taille industrielle intégrant un dispositif de captage et stockage de CO2 (CSC).

Népal : crise énergétique au pays de la houille blanche (article invité)

(Cet article est proposé par Local Energy Network, une ONG française spécialisée dans l'accès à l'énergie)

Avec les élections de novembre dernier, le Népal entre dans une nouvelle ère démocratique dont on espère qu’elle marquera la fin de près de deux décennies d’instabilité politique. La priorité est désormais au développement socio-économique de ce petit pays himalayen enclavé entre la Chine et l’Inde, ce qui implique d’abord de remédier au déficit d’infrastructures modernes.

Mais alors que de nouvelles promesses ont été formulées par le gouvernement, les népalais attendent toujours les solutions concrètes pour résorber la crise énergétique qui paralyse le pays.

Un potentiel hydraulique inexploité


Pour répondre à la demande tout en évitant une défaillance du réseau, des coupures de courants sont planifiées, allant parfois jusqu’à la moitié de la journée dans un quartier de la capitale. Si vous vous rendez bientôt à Katmandou, le planning est d’ailleurs consultable ici . Dans le Népal rural, c’est plus d’un quart de la population qui reste totalement dépourvue d’accès à l’électricité.

Si le Népal peine à fournir l’énergie nécessaire à son développement ce n’est pas faute de ressources: 14 des plus grands fleuves du monde prennent leurs sources sur le toit du monde, offrant un véritable gisement d’électricité hydraulique au Népal. Pourtant seul 3% de ce potentiel est aujourd’hui exploité : la capacité de production installée est d’à peine 1GW pour 30 millions d’habitants, soit 100 fois moins que la France.

Visitez les centrales solaires les plus remarquables de la planète... avec Google Maps

Comme la plupart des infrastructures énergétiques, les grandes centrales solaires sont visibles du ciel. Classées monument historique ou en cours de réalisation, immenses ou très modestes, classiques ou innovantes... Cliquez sur les noms des installations dans l'article pour voir la centrale correspondante ou bien naviguez sur la carte :


Voir cette carte en plein écran

Les Tours solaires

Energie et développement : THEMIS projet français précurseur des tours solairesTHEMIS (France) est l'une des toutes premières centrales solaires à concentration. La production d'électricité (2MW) a commencé en 1983 mais n'a pas survécu à la baisse du prix du pétrole et au développement du nucléaire. Un programme de réhabilitation est en cours depuis 2003.
Font-Romeu a longtemps été la capitale française de la recherche en matière d'énergie solaire : à 3 kilomètres à l'est de THEMIS se trouve le four solaire d'Odeillo, le plus grand du monde. Inauguré en 1970, il est aujourd'hui classé monument historique (bien qu'il soit toujours en service).

PS10 et PS20 (Espagne) doivent beaucoup à l'expérience française. Inaugurée en 2008, PS10 ("Planta Solar 10MW") a été la première centrale commerciale à exploiter le principe de la "tour solaire" exploré 25 ans plus tôt par THEMIS : des miroirs mobiles concentrent les rayons du soleil sur un foyer situé en haut d'une tour, la chaleur produite est stockée. Comme dans une centrale thermique ordinaire - à gaz ou à charbon, elle sert ensuite à générer de la vapeur qui entraine une turbine..
PS20, située juste à coté,  est la plus puissante tour solaire actuellement en service, mais des projets similaires, en voie d’achèvement aux États-Unis, vont sans doute remettre en cause la suprématie européenne sur cette technologie.


Les centrales à miroirs cylindro-paraboliques


Shams (Emirats Arabes Unis) doit être mise en service début 2013. Il s'agit d'une centrale à miroirs cylindro-paraboliques : des miroirs en forme d'auges concentrent les rayons du soleil sur un tuyau dans lequel circule un fluide. Celui-ci est ensuite utilisé pour produire de la vapeur et activer une turbine. Cette technologie est aujourd'hui la plus courante pour les grandes centrales solaires.
Avec une puissance de 100MW, la centrale de Shams ("soleil" en arabe) sera la plus puissante centrale à miroirs cylindro-paraboliques au monde.

Des miroirs cylindro-paraboliques appartenant à une
centrale du SEGS dans le désert de Mojave

Harper Lake (Etats-Unis) accueille 2 unités de 80MW utilisant la même technologie. Chaque unité recouvre 500.000m². Sept autres centrales se trouvent dans le désert de Mojave, l'ensemble forme le Solar Energy Generating System (SEGS), la plus puissante installation solaire au monde, toutes technologies confondues.


Les centrales solaires photovoltaïques


Charanka Solar Park (Inde) a été inauguré en avril 2012, ce parc est est actuellement le second  au monde (derrière Agua Caliente aux États-Unis et devant Golmud en Chine). Fin 2014, le site devrait atteindre 500MW sur 2000 hectares et devenir la plus puissante centrale photovoltaïque au monde.

Kigali Solaire (Rwanda) se trouve à l'autre extrême. La modeste centrale photovoltaïque de la capitale Rwandaise (250kW) n'a rien de remarquable, si ce n'est qu'elle est la plus grande du contient...
Malgré un potentiel très élevé, l'énergie solaire est encore peu développée en Afrique. Cependant des projets existent : Aiwiaso au Ghana (155MW en 2015), Desertec... Sans parler de le diffusion progressive de petites installations photovoltaïques qui se substituent à une électrification toujours en panne.

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Crédit photo : Alan Radecki Akradecki [GFDL or CC-BY-SA-3.0-2.5-2.0-1.0], via Wikimedia Commons

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2012 - Année internationale de l'énergie durable pour tous

En 2011, la moitié des habitants de la planète dépendaient encore du bois ou du charbon pour se chauffer et cuisiner et un quart n'avaient toujours pas accès à l'électricité. 
L'ONU s'est fixé comme objectif d'assurer l'accès universel à l'énergie d'ici à 2030 et pour attirer l'attention sur ce problème, elle a fait de 2012 l'année internationale de l'accès à l'énergie durable pour tous.
L’enjeu va bien au-delà du confort et du niveau de vie :
La pauvreté énergétique a des conséquences économiques : il est impossible d'accéder à des moyens de production modernes, des tâches simples comme recharger un téléphone portable ou moudre des grains nécessitent de longs déplacements et les activités s’interrompent la nuit.
La pauvreté énergétique a des conséquences sanitaires : les maladies liées à l'utilisation de foyers traditionnels de mauvaise qualité tuent plus que la tuberculose et la malaria et sans énergie il est impossible de pomper et de potabiliser l'eau ou d'accéder à des soins modernes.
La pauvreté énergétique a des conséquences sociales : l'électrification des grandes villes encourage l'exode rural alors que l'absence des services essentiels pèse d'abord sur les femmes et les filles (ramassage du bois, transport de l'eau...) retardant l'amélioration de la condition des femmes.

La pauvreté énergétique a des conséquences sur l'environnement : l'utilisation du bois et du charbon encourage la déforestation et fait augmenter les émissions de gaz à effet de serre.
Au rythme actuel, chaque année 20 millions de personnes accèdent pour la première fois à l'électricité. C'est peu : sans accélération il faudrait presque un siècle pour que tous les habitants de la planète puissent bénéficier de ce service. L'électrification demande certes des investissements importants mais ceux-ci restent très faibles comparés aux sommes qui seront investies par ailleurs dans le secteur énergétique.
Au-delà des moyens, ce sont les compétences qu'il faut mobiliser. Ce n'est pas un hasard si l'ONU a crée à l'occasion de cette année de l'énergie durable un réseau international d'acteurs de l'accès à l'énergie (lien en anglais).

Cette démarche confirme les trois constats qui sont à l’origine d’Énergie et développement :
  1. l'accès à l'énergie est une urgence et une nécessité pour le développement,
  2. plus que l'argent, ce sont les compétences et la formation qui manquent,
  3. à l'image du site mis en ligne par l'ONU (lien en anglais), trop peu de ressources sont disponibles en français.

Système de batteries anti-coupure : fonctionnement

Système de batterie anti-coupure en Haïti

Lorsqu'il n’est pas accessible ou n'est pas fiable, il est possible d’utiliser des batteries pour prendre le relais du réseau électrique public. Ce système anti-coupure est courant dans certains pays (par exemple en Haïti), dans des bâtiments exigeant un niveau élevé de fiabilité (relais de télécommunication, hôpitaux…) ou dans les installations mobiles (caravane, voilier...).
Les batteries peuvent également être utilisées pour prendre le relais d'un groupe électrogène et créer ainsi des périodes de silence.



Un système de batteries est généralement composé de 2 éléments principaux :
  • Des batteries, naturellement, pour stocker l’électricité du réseau lorsque celui-ci est disponible puis la restituer pour alimenter l’installation pendant les coupures, 
  • Un combi chargeur-onduleur  (ou chargeur-convertisseur ou « charger-inverter » en anglais) qui va à la fois réguler la charge des batteries et convertir le courant alternatif du réseau électrique en courant continu – le seul qui puisse être stocké – puis de nouveau en courant alternatif pour alimenter l’installation.
Il est aussi possible d’utiliser un chargeur et un onduleur distincts à la place du combi chargeur-onduleur mais cette solution est généralement moins efficace.

Le cœur du système : les batteries
Les batteries sont chargées quand le réseau électrique fonctionne et déchargées si l'utilisateur consomme de l’électricité pendant un délestage.
Notez bien qu'une batterie ne produit pas d'électricité : elle se contente d'en stocker puis de la restituer. La quantité d'énergie que pourra vous fournir un système de ce type est donc limitée. Si vous ne voulez pas ou ne pouvez pas courir le risque voir l'électricité coupée parce que les batteries sont épuisées, vous devrez vous orienter vers un système solaire photovoltaïque ou bien un groupe électrogène.
La quantité d'énergie stockée s'exprime en Watt-heure (Wh) mais les fabricants indiquent souvent la capacité de leurs batteries en Ampère-heure (Ah). Dans ce cas, il faut multiplier ce chiffre par celui de la tension aux bornes des batteries (en général 12 Volt) pour obtenir une équivalence en Watt-heure.
Pour plus de détails : Caractéristiques des batteries au plomb.

Et le cerveau : le combi chargeur-onduleur
Le chargeur-onduleur peut offrir de nombreuses fonctions. Celles-ci varient d’un modèle à l’autre mais on en retrouve toujours au moins 4 :
  • Il convertit le courant alternatif fourni par le réseau électrique en courant continu stockable par les batteries,
  • Il régule la charge des batteries pour optimiser leur durée de vie, notamment en coupant l’alimentation lorsque les batteries sont pleines,
  • Il convertit le courant continu stocké dans les batteries pour alimenter l’installation en courant alternatif,
  • Il coupe l’alimentation de l’installation lorsque le niveau des batteries baisse dangereusement afin d'éviter qu'elles ne soient endommagées.
Le dimensionnement du combi chargeur-onduleur et le choix des options est un point critique pour la réussite de votre projet.

Vous avez encore des questions ? Quelque chose n'est pas clair ? Dites le dans les commentaires et faites progresser cet article.

Revue de presse Energie&Developpement - octobre 2011

Trop nombreux ou trop inégaux ?

Au-début de ce mois-ci, nous avons commencé à consommer plus que ce que la planète pouvait nous offrir en 2011. C'était peu avant que naisse le sept-milliardième être humain. Dans ces conditions, donner à chacun les ressources dont il a besoin pour vivre et se développer est un casse-tête qui semble presque insoluble, et l'énergie n'échappe pas à la règle. D'autant que si la population mondiale a été multipliée par 4 en un siècle, la consommation d'énergie a, elle, été multipliée par 10 !

Il n'est donc guère surprenant que des pays dans lesquels la démographie démultiplie les problèmes de développement se tournent vers des solutions de court-terme, par exemple l'Algérie avec le gaz de schiste ou les pays d'Asie du Sud-Est avec l'exploitation du Mékong. Leur reprocher serait ignorer la double responsabilité des pays industrialisés qui, d'une part, ont mis au point ces technologies pour alimenter une consommation déjà extravagante, ainsi l'exploitation du gaz de schiste vient des États-Unis où chaque habitant consomme l'équivalent de 7 tonnes de pétrole quant un algérien en consomme une, et d'autre part sont incapables de proposer une voie alternative vers le développement, comme l'illustre l'avenir incertain du mécanisme de développement propre créé par le protocole de Kyoto. Au niveau de la planète, comme au sein des économies développées, les inégalités entravent les efforts en faveur du développement durable.

Les multiples facettes de la question énergétique

Car si l'accès universel à une énergie propre apparaît comme une problématique essentiellement technique, et de nombreux sujets restent ouverts comme le recyclage du carbone ou le stockage de l'électricité, les dimensions économique, sociale et politique de cette question peuvent de moins en moins être ignorées. Comme l'illustre spectaculairement le rejet par le Bundesrat (l'assemblée représentant les Länder allemands) de la séquestration géologique du carbone au moment où la FAO s'apprête à faire certifier une méthode de stockage dans les pâturages destinée aux éleveurs, une technologie révolutionnaire se révèle souvent moins efficace qu'une technique simple adaptée aux usages des utilisateurs.
Et les résistances, de même que les avancées, ne se situent pas toujours sur le plan technique, la bataille peut se déplacer vers les parlements voire les tribunaux, à l'image de celle que l'Union Européenne semble en passe de gagner contre les compagnies aériennes.

C'est pourquoi la volonté politique est déterminante - il est bien plus difficile de résister à un groupe de pression que de financer quelques projets de recherche - et tout particulièrement à l'heure actuelle. Dans une période turbulences économiques, existe-t-il réellement une volonté d'aller vers une transition énergétique, c'est-à-dire d'accélérer le déclin de secteurs, comme celui des énergies fossiles, devenus obsolètes ?

Conférence "l'Énergie pour tous" de l'AIE

 

Les 10 et 11 octobre se déroulait à Oslo la conférence « Énergie pour tous » organisée par l’Agence Internationale de Énergie (AIE) autour d’une question : comment parvenir à un accès universel à l’énergie d’ici à 2030 ?

Le constat est abrupt : 1.3 milliards de personnes n’ont pas accès à l’électricité. 2.7 milliards de personnes n’ont d’autres moyens de cuisson que le bois ou le charbon. Un million et demi de personnes en meurt chaque année : la pollution intérieure tue plus que la tuberculose et la malaria.
Sans compter que l’accès à l’énergie conditionne les progrès dans de nombreux domaines comme la réduction de la pauvreté, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau, la déforestation ou encore la place des femmes dans la société.

Et les progrès sont effroyablement lents : en 2009, seules 20 millions de personnes ont pu accéder pour la première fois à l’électricité.
Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, il faudrait investir près de 900 milliards de dollars en 20 ans pour parvenir à un accès universel à l’énergie en 2030. C’est 5 fois plus que ce que les investissements actuels mais ça ne représenterait qu’un part infime des sommes qui sont investies par ailleurs dans le secteur énergétique.
Ce qui manque ce n’est pas l’argent, c’est la méthode. Les investissements actuels sont éclatés entre l’aide au développement (48%), les investissements publics (22%) et les investissements privés (20%). De ce point de vue, la conférence n’a pas permis d’innover si ce n’est en appelant à une meilleure collaboration entre investisseurs privés et donateurs dans des projets rentables commercialement (selon le modèle mis au point par EDF et adopté par la banque mondiale).

Ce défi est la face oubliée de la raréfaction des ressources et de la lutte contre le changement climatique : Au moment même où nous devons collectivement limiter notre consommation, des milliards d’habitants de la planète voient leur développement ralenti ou bloqué par manque d’énergie. Et pourtant, selon les projections de l’AIE, un accès universel à l’électricité ferait augmenter la consommation d’énergies fossiles et les émissions de gaz à effet de serre de moins de 1% !

L’ONU a décidé de faire de 2012 « l’Année internationale de l'énergie durable pour tous ».