Avec les élections de novembre dernier, le Népal entre dans une nouvelle ère démocratique dont on espère qu’elle marquera la fin de près de deux décennies d’instabilité politique. La priorité est désormais au développement socio-économique de ce petit pays himalayen enclavé entre la Chine et l’Inde, ce qui implique d’abord de remédier au déficit d’infrastructures modernes.
Mais alors que de nouvelles promesses ont été formulées par le gouvernement, les népalais attendent toujours les solutions concrètes pour résorber la crise énergétique qui paralyse le pays.
Un potentiel hydraulique inexploité
Pour répondre à la demande tout en évitant une défaillance du réseau, des coupures de courants sont planifiées, allant parfois jusqu’à la moitié de la journée dans un quartier de la capitale. Si vous vous rendez bientôt à Katmandou, le planning est d’ailleurs consultable ici . Dans le Népal rural, c’est plus d’un quart de la population qui reste totalement dépourvue d’accès à l’électricité.
Si le Népal peine à fournir l’énergie nécessaire à son développement ce n’est pas faute de ressources: 14 des plus grands fleuves du monde prennent leurs sources sur le toit du monde, offrant un véritable gisement d’électricité hydraulique au Népal. Pourtant seul 3% de ce potentiel est aujourd’hui exploité : la capacité de production installée est d’à peine 1GW pour 30 millions d’habitants, soit 100 fois moins que la France.
Les pico-centrales : des solutions à court terme
Face à l’échec du Gouvernement, les initiatives individuelles se multiplient à travers des solutions hors réseau. Dans les villes, les générateurs diesel privés pullulent – et avec eux, la pollution. Dans les vallées reculées, les villageois se cotisent pour installer leurs propres mini-centrales hydroélectriques. Souvent la puissance disponible est à peine supérieure à celle que vous fournit votre compteur EDF, on parle alors de "pico-centrales".
Les rivières népalaises sont une formidable source d'énergie trop rarement exploitée |
Avec le soutien de nombreux bailleurs de fonds internationaux, des milliers de ces installations ont vu le jour au cours des quinze dernières années. Leur puissance permet à chaque famille de s’éclairer, recharger un téléphone portable et se connecter au reste du monde.
Cependant ce modèle de développement se heurte à trois obstacles d’importance :
- Pérennité :
D’abord, malgré une attention croissante portée à la pérennité des installations, bon nombre cessent de fonctionner au bout de quelques années. Le niveau technique n’est pas toujours acquis par les villageois pour assurer l’entretien et la maintenance. La gouvernance collective peut également entrainer des querelles internes, voire la faillite des installations.
- Évolutivité :
Et lorsque tout se passe bien ces installations sont rapidement victimes de leurs succès. L’arrivée de l’électricité suscite de nouveaux besoins : une machine outil pour l’artisanat, un ordinateur pour l’école, un cuiseur pour la maison… Bien vite les quelques kW installés ne suffisent plus. Or, s’il est en général techniquement possible de faire évoluer la puissance de la pico-turbine, le problème est plutôt financier : les villageois n’ont pas les moyens d’investir les sommes nécessaires. Le modèle n’est viable que grâce à d’importantes subventions internationales, à hauteur d’au moins 40% de l’investissement initial.
- Reproductibilité :
Et justement, ce niveau de subvention rend impossible la diffusion rapide de ces installations. Un modèle aussi fortement subventionné, s’il est clairement porteur de progrès, ne peut assurer à lui seul le développement énergétique du pays. De nouveaux leviers de financements doivent prendre le relai.
Développer de nouvelles approches : le projet Durlung Khola
L’initiative locale doit donc se développer sur une approche plus novatrice. C’est ce que propose le projet Durlung Khola, initié par la population locale et mis en œuvre par sa coopérative d’électrification SLERC et l’ONG française Local Energy Network.
L’objectif : installer une turbine de près d’1 MW pour alimenter plus de 7000 foyers via un réseau de distribution local. Les économies d’échelle de l’installation – dont la capacité est bien supérieure à celle des pico-centrales – rendent l’investissement initial et l’usage productif par le consommateur final nettement plus intéressant en atteignant des prix de l’électricité de l’ordre de 6 à 8 centimes de dollars par kWh.
Mécaniquement, le taux de subvention international requis est moindre – de l’ordre de 20%. Le reste du financement provient de sources locales : investissement villageois, participation des autorités, prêts des banques népalaises. Le projet atteint également la taille critique qui permettra, grâce aux revenus de la vente d’électricité, de recruter et former une équipe pour l’entretien et la maintenance sur le long terme.
Tout en restant abordable, la production atteint le niveau nécessaire au déploiement local des micro-entreprises et contribue ainsi au développement social et économique du Népal. Si l’initiative à l’échelon local ne peut certes pas remplacer le déploiement de l’infrastructure nationale requise à terme, la promotion de ces dynamiques locales impulsées par les népalais eux mêmes permet bien aujourd’hui d’améliorer concrètement la situation, en attendant des mesures politiques répondant aux critères de développement durable du Népal.
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