Relier les réseaux électriques africain et européens, un projet techniquement ambitieux...
L'objectif est de permettre l'export vers l'Union Européenne de l'électricité produite au Maghreb. L'Afrique du nord a en effet un excellent potentiel solaire et éolien. Le plan solaire méditerranéen, adopté par l'Union pour la Méditerranée, prévoit ainsi l'installation d'une capacité de production de 20GW en 2020 - grosso modo l'équivalent d'une vingtaine de réacteurs nucléaires. A l'horizon 2050, le projet Desertec présente des objectifs encore plus ambitieux.
Selon les calcul de Medgrid, environ le quart de cette production pourrait être exportée vers l'Europe. Mais cela ne sera possible que si les réseaux de transport d'électricité se développent entre les deux continents : actuellement, les seules liaisons existantes se trouvent entre le Maroc et l'Espagne et en Turquie.
Pour créer ces nouvelles liaisons sous-marines à grande distance, la technologie HVDC (haute tension courant continu) est privilégiée. C'est celle qui est déjà utilisée pour relier la Grande Bretagne à la France ou la Corse à l'Italie. Cette technologie permet de réduire les pertes mais elle n'est pas encore entièrement maitrisée et surtout elle est très couteuse (environ un milliard d'euros pour 100km).
C'est là que le bât blesse, pourquoi dépenser des dizaines de milliards d'euros pour exporter vers l'Europe de l'électricité produite sur le continent le moins électrifié au monde ?
... mais économiquement douteux
Au-delà de la question éthique, on peut aussi douter de l’intérêt économique de ce choix. Un coup d’œil sur la carte des réseaux électriques africains permet de constater que l'exportation vers le sud du Sahara plutôt que vers l'Europe serait plus simple et sans doute plus rentable.
Réseaux électriques existant en Afrique |
L'investissement serait donc moindre même si on prend en compte le développement du réseau de distribution dans les villes moyennes. Et le retour sur investissement serait aussi plus rapide : l'électricité se vend souvent plus cher dans cette région que dans les pays européens, la demande y est supérieure et les perspectives de croissance bien meilleures.
De plus, la vente d'électricité solaire ou éolienne dans ces pays permettrait, grâce au mécanisme de développement propre du protocole de Kyoto, de générer des crédits-carbones à revendre en Europe. Une source de revenue supplémentaire...
Car l'argument écologique mis en avant par les promoteurs de Medgrid ne plaide pas non plus pour l'exportation vers l'Europe plutôt que vers le sud. A l'exception du Ghana et du Cameroun, les principaux pays de la région ont moins de 2% d'énergie renouvelables dans leurs mix énergétiques, l'électricité importée du Sahara permettrait l'abandon de centrales thermiques très polluantes.
Sans compter qu'une meilleure disponibilité de l'électricité permettrait de faire reculer les solutions de rechange, comme les petits groupes électrogènes ou les lampes à pétroles, dont l'impact sur l'environnement est lourd.
Une logique d'abord institutionnelle
On peut rêver que le formidable potentiel solaire du continent africain profite d'abord à ses habitants. Mais la réalité est que des projets comme Medgrid obéissent avant tout à une logique institutionnelle. Derrière un projet aussi ambitieux, il faut des structures puissantes. Les grandes entreprises européennes, soutenues par l'UE, sont capables de lever des fonds, de mobiliser des ingénieurs et de pousser à une évolution du secteur électrique dans les pays du Maghreb. Et c'est vraisemblablement sans même s'en rendre compte qu'elles passent à coté de l'opportunité que représenterait une liaison vers le sud plutôt qu'au travers de la Méditerranée.
Même s'ils ne font guère le poids, les acteurs d'Afrique subsaharienne, que ce soient les opérateurs électriques ou l'UPDEA, devraient s'intéresser à Medgrid pour essayer d'en récolter plus que des miettes.
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