Le projet Jadot-Hamon pose en fait deux jalons :
- La baisse du nucléaire à 50% du mix électrique en 2025 (confirmation d'un engagement de la loi de transition énergétique de 2015 même si aucune mesure n'a été prise pour sa mise en œuvre)
- Un arrêt du nucléaire après 25 ans, donc en 2042.
Quel parc nucléaire en France en 2025 ?
En 2025, le scénario utilisé par l'ADEME dans sa fameuse étude d'un mix 100% EnR en 2050 évalue la consommation d'électricité française un peu au-dessus de 400TWh par an contre 473TWh en 2015. D'autres études envisagent une baisse légèrement plus rapide ou une hausse (jusqu'à 600TWh pour certains d'entre-elles).
Retenons donc une consommation de 400TWh comme un objectif relativement ambitieux et imaginons que la France continue à exporter au niveau de 2015 (environ 60TWh par an). La production en 2025 serait donc de 460TWh. Si la part de l'atome y est de 50%, 230TWh devront être produits par des réacteurs nucléaires.
En 2016, le facteur de charge des réacteurs français a été de 69%. Ce chiffre est plus bas que la normale à cause des problèmes techniques rencontrés par le parc nucléaire français pendant la deuxième moitié de l'année. Prenons donc plutôt celui de l'année précédente : 75%.
A ce compte-là, la France devrait disposer en 2025 de 35GW de puissance nucléaire. Admettons que la sagesse l'emporte et que, au cas où, nous gardions en service deux réacteurs de 1200MW de plus que ce qui est strictement nécessaire. L'objectif de 50% d'électricité nucléaire signifie que la parc nucléaire français devrait se situer autour de 37.5GW en 2025.
Cela correspond à une baisse de 25.6GW par rapport au 63.1GW du parc actuel.
Notons au passage que l'objectif de 50% correspond à une baisse d'autant plus marquée que le facteur de charge est élevé et la consommation maitrisée. Paradoxalement, cet objectif sera donc plus délicat à atteindre si le parc nucléaire fonctionne bien et si la France se convertit à la sobriété énergétique, c'est l'une des raisons pour lesquelles je pense qu'il a été mal choisi.
Trajectoire du parc nucléaire français
Le plan Jadot-Hamon implique donc :
- Une baisse de la puissance nucléaire française de 63.1GW à 37.5GW entre 2017 et 2025
- Une baisse de de 37.5GW à 0GW entre 2025 et 2042
Le rythme de baisse du nucléaire est de 3.2GW par an entre 2017 et 2025 et 2.2GW/an ensuite.
On peut répéter l'exercice avec des hypothèses plus ou moins optimistes pour évaluer la sensibilité de la trajectoire à la consommation, à l'exportation et au facteur de charge :
Vous pouvez consulter les hypothèses et les calculs correspondants à ces différentes trajectoires en cliquant ici.
Quelques comparaisons
Ces chiffres sont relativement abstraits. Pour mieux se rendre compte de ce qu'ils signifient comparons le scénario intermédiaire à la sortie du nucléaire allemande :
On voit que ce serait une erreur de penser que l'Allemagne peut servir de modèle pour sortir la France du nucléaire en 25 ans. Outre que la situation économique et politique de notre pays n'est pas la même, le rythme de fermeture des réacteurs nucléaires français induit par l'accord Jadot-Hamon est beaucoup plus rapide que celui qu'a connu l'Allemagne depuis 2000. Même pendant la période 2011-2022 où la sortie du nucléaire allemande s’accélère, la baisse n'est que de 2GW/an.
Une autre comparaison intéressante est celle entre la trajectoire de l'accord Jadot-Hamon et celle d’une fermeture des réacteurs nucléaire à leur 40e anniversaire (dans l'hypothèse où aucun nouveau réacteur n'entre en service) :
On voit que le rythme de fermeture des réacteur est assez comparable dans les deux cas. C'est peut-être la logique qui a conduit à l'adoption d'un délai de 25 ans.
On peut cependant noter que, entre 2025 et 2039, la prolongation de réacteurs au-delà de leur 40e anniversaire serait indispensable. Pendant cette période, certains réacteurs parmi les plus récents pourraient être prolongés de 5 à 10 ans.
Publié le 27 février 2017 par Thibault Laconde
J’ignore si la trajectoire 2025-2042 est faisable mais la trajectoire 2017-2025 est irréaliste : cela suppose de fermer 25.6 gw soit quasiment 3 réacteurs par an: d'un point de vue financier il va falloir mettre en place et financer de fortes capacité en ENR électriques (avec stockage associé) : engager des financements si importants en si peu de temps qui peut y croire? D'un point de vue social, il va falloir convaincre un personnel et des syndicats très opposés. On ne ferme pas un réacteur comme on éteint la lumière de la cuisine... l'Allemagne a eu une trajectoire de fermeture de ses réacteurs beaucoup plus lente, comment croire que la France fera nettement mieux? Il faut consulter à ce sujet le blog d'Alain Grandjean. Il a participé à la loi de transition énergétique et maitrise bien le sujet. Il ne croit pas une seconde que l'objectif de 50% en 2025 puisse être tenu. Pour le période suivante, EDF risque de buter sur une contrainte de financement.Les provisions pour démantèlement doivent être garanti par des actifs de trésorerie. EDF ne dispose que de 20 milliards à ce jour. Cela ne semble pas compatible avec des fermetures accélérées sur la période 2025-2035. Enfin, l'argument selon lequel, ce que l'on a fait lors de la construction, on peut le faire pour la déconstruction ne tient pas. La construction s'est faite en période de forte croissance et avec des acteurs non endettés. Le contexte est totalement différent. En conclusion, la faisabilité technologique est loin d'être le seul paramètre à prendre en compte et de loin. Thierry Dudit @shadamIV
RépondreSupprimerJe suis globalement d'accord. Cependant (et c'était le sens de ma remarque sur Twitter) je crois qu'il faut faire bien attention à ne pas mélanger ce qui est impossible (techniquement, scientifiquement...) et ce qui est compliqué (économiquement, politiquement...). Sinon, il y a un risque d'inversion de la logique comme chez ces climatosceptiques qui ne croient pas aux conclusions des scientifiques parce qu'elles contrarient leurs convictions politiques.
SupprimerSortir du nucléaire est compliqué, aucun doute là-dessus, mais probablement possible. Est-ce souhaitable ? C'est encore une autre question, et c'est bien que cette élection offre aux français l'opportunité d'exprimer leur avis.
Sans revenir sur les questions économiques déjà abordées par mon prédécesseur, il y a à mon avis deux problèmes fondamentaux à résoudre pour envisager cette trajectoire:
RépondreSupprimer1 - Vous partez de l'idée que la France va réduire en 10 ans sa consommation électrique de 20%. C'est quasiment impossible, sauf crise économique majeure qu'il vaudrait mieux éviter ! Ce lien Wikipedia donne la courbe de consommation de l'Allemagne. La consommation actuelle est environ 10% plus élevée qu'en 1991, et n'a baissé que de 4 ou 5% depuis le pic 2006 / 2007. A mon avis, rien ne permet d'affirmer que la France a les moyens de faire dans ce domaine 4 fois mieux que l'Allemagne !
2 - La question de la substitution d'une source pilotable comme le nucléaire par des sources intermittentes non pilotables ne peut pas être simplement escamotée (à moins de vouloir engager chacun, particulier ou entreprise, à s'acheter son propre groupe électrogène !). Comment se chauffera-t-on l'hiver 2042/2043 ?
Il y a un autre sujet escamoté qui est le pilotage de la consommation.
SupprimerLe déploiement en cours des compteurs Linky ne répond pas à cette problématique, car c'est un compteur qui ne permet que le relevé à distance et la facturation horaire: c'est une première étape, mais elle n'est pas suffisante car la majorité des installations n'utiliseront pas les signaux de pilotages. C'est juste techniquement impossible quand le compteur est loin du tableau de distribution.
Heureusement, des solutions connectées sont en train de se développer indépendamment de Linky, via les objets connectés. Simples d'utilisation, ils permettrons de faire le pilotage.
Reste à avoir une vision globale cohérente.
Piloter pour supprimer les pointes du matin et du soir, c'est gagner 10 GW de puissance à la pointe. Pas négligeable du tout.
Comment on se chauffera en 2042 ? C'est une excellente question. Il serait intéressant de la poser aussi aux autres candidats et à EDF.
SupprimerL'accord entre le PS et les verts a le mérite de proposer une réponse. Elle est discutable sans aucun doute mais elle existe.
Je n'ai pas compris quelle réponse propose Hamon (et à part "On va investir massivement dans les turbines à gaz et faire confiance à Poutine pour le carburant" ou un équipement massif en groupes électrogènes, je ne vois pas d'alternative vraiment "sérieuse" !
SupprimerPar ailleurs, le compteur intelligent permettra-t-il de lisser les pointes de consommation ? Qu'il arrive à décaler quelques consommateurs de 5 ou 10 minutes, je veux bien, mais ça ne sert à rien. Pour être "lissé" le pic devrait être étalé sur 5 ou 6 heures et je ne me vois pas interrompre le chauffage en plein hiver aussi longtemps, ou repousser d'autant la cuisson de mes spaghetti du soir !
Petite anecdote. Du vécu il y a deux semaines (0° la nuit, 5° le jour). J'habite dans un immeuble en classe énergétique E.
SupprimerLe jeudi matin, le chauffage électrique collectif a disjoncté dans l'immeuble.
Le vendredi soir, quelques copropriétaires ont commencé à s'inquiéter et ont prévenus le syndic.
Le samedi soir, toujours pas de chauffage. Mon voisin ne s'était pas encore rendu compte que le chauffage était coupé depuis plus de 2 jours.
Le dimanche midi, il faisait encore 17° dans les logements.
Mais après remise en route du disjoncteur, il a quand même fallu 24h pour que tous rentre dans l'ordre.
Comme quoi, on peut couper le couper le chauffage pendant 2 jours sans que personne ne s'en rende compte...
Et encore, c'est en classe E donc pas terrible coté isolation.
L'isolation et l'inertie thermique sont 2 choses différentes.
SupprimerL'inertie thermique est liée à la capacité calorifique (ou plus simplement à la masse) des parois dont la température varie.
- Un mur en pierre / béton non isolé ou encore mieux isolé extérieurement aura une forte inertie car si on arrête le chauffage une masse énorme de pierres doit se refroidir.
- Le même mur isolé intérieurement a une faible inertie car que l'on chauffe ou pas, les pierres sont toujours froides, il n'y a que la température de l'isolant intérieur, beaucoup plus léger que la pierre qui varie.
Bonjour,
RépondreSupprimeron sait que l'électricité est difficilement stockable à grande échelle.
Comment faire avec l'éolien et le solaire, même s'il y a un lissage dû au maillage du réseau électrique ?
Si on part sur l'hypothèse du stockage, avez vous calculé le nombre de batteries que cela représente ?
Si on extrapole les données RTE (Réseau de Transport Electrique) à 100% de renouvelables, on voit qu'il faut environ 200 GWh de stockage pour bien lisser la charge. Auquel il faudra ajouter des moyens tels que de la cogénération chauffage/électricité sur les sites industriels et résidentiels.
Supprimer200 GWh, c'est la capacité de 5 batteries 12V de voiture par habitant. C'est beaucoup, mais pas astronomique.
En 2015, 41% des nouvelles installations solaires de particuliers en Allemagne avaient un stockage batteries avec des capacités bien plus élevées.
Et pour fréquenter des forums français, le sujet du jour c'est le stockage. Et même pour certain comment quitter le réseau...
Extrapoler quelles données ?
Supprimer200 GWh, ça me parait ridiculement faible. Je veux bien faire le calcul de ce qu'il faudrait à mon avis, mais j'aimerais savoir à quoi on compare.
5 batteries de voiture par habitant (admettons 15 kWh pour un foyer de 3 personnes) ne me permettent pas de passer 24 heures en moyenne annuelle (chauffage inclus), donc c'est l'autonomie d'une nuit d'hiver. S'il n'y a pas de vent, du brouillard et qu'il fait froid, je ne vois pas comment je vais pouvoir me chauffer en 2050: le poêle à bois pour les privilégiés qui auront la possibilité d'en brûler ... mais pour les autres? Les forêts françaises ne permettent de chauffer qu'une part restreinte de la population.
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