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Sur l'énergie, l'accord prévoit notamment :
- La baisse du nucléaire dans le mix électrique de 76% aujourd'hui à 50% en 2025 puis 0% en 2042
- L'objectif de parvenir à 100% énergie renouvelable en 2050 (pour l'électricité mais aussi pour les autres usages : chauffage, transports... )
- La création d'une "taxe carbone substantielle"
- L'abandon de Cigeo, le projet d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure
Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Voici donc quelques questions sur ces propositions qui, à mon sens, mériteraient d'être éclaircies :
1. Est-ce une prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires jusqu'à 50 ans ?
En 2042, tous les réacteurs actuellement en services sauf les 2 de Chooz B et les 2 de Civaux auront déjà soufflé leur 50e bougie. Une sortie du nucléaire en 25 ans implique donc probablement de prolonger la durée de vie de certains des réacteurs actuels jusqu'à 50 ans, voire jusqu'à 60 comme le revendique EDF.Est-ce un choix assumé ? Comment assurer la sécurité et le bon fonctionnement de ces réacteurs sans dépenser trop dans une filière destinée à disparaitre ? Quelle planning de fermeture serait compatible avec les deux objectifs de 2025 et 2042 ?
2. Que devient l'EPR ?
Un réacteur de troisième génération est en cours de construction en France à Flamanville, un autre en Finlande, deux en Chine et deux au Royaume Uni. Ces réacteurs sont prévus pour fonctionner pendant 60 ans.L'EPR de Flamanville doit être mis en service fin 2018, il aurait donc une vingtaine d'années en 2042. Ce réacteur va-t-il être achevé puis retiré alors qu'il n'aura pas encore atteint la moitié de sa durée de vie ? Le chantier va-t-il être abandonné ?
Dans les deux cas, l'EPR va-t-il continuer à être proposé à l'export ? Comment maintenir un compétence technique sur un parc aussi réduit ?
3. Sortir du nucléaire en 25 ans, est-ce réaliste ?
Techniquement, c'est probablement faisable même si une sortie simultanée du nucléaire et des fossiles nécessite de mettre au point des solutions techniques et des modèles d'équilibrage encore balbutiants.La question, c'est plutôt :
- Est-ce réalisable économiquement ? Peut-on le financer ? Qui le finance d'ailleurs ? Même si cette politique était rentable à long-terme, elle nécessite des investissements à court-terme, l’État, les collectivités, les énergéticiens français ou les particuliers (selon le modèle choisi) ont-ils un capital ou une capacité d'emprunt suffisants ?
- Est-ce faisable industriellement ? Dispose-t-on d'entreprises capables de déployer rapidement de nouvelles capacités renouvelables à cette échelle ? Si non, peut-on les faire naitre ? Ou envisage-t-on de dépendre d'équipements et de compétences importées ?
(Pour plus de détails sur la courbe ci-dessus et l'évolution du parc nucléaire français induite par les objectifs de l'accord Jadot-Hamon, consultez cet article. Au sujet de l'objectif de 50% de nucléaire en 2025 et de ses problèmes, je vous renvoie ici)
4. Quelle forme juridique prendra la décision de sortie du nucléaire ?
Comment éviter que la décision de sortie du nucléaire soit remise en cause en cas d'alternance ? Comment garantir une stabilité juridique aux entreprises qui investissent dans cette transition énergétique ?5. Quelle alternative au projet d'enfouissement des déchets nucléaires ?
L'accord prévoit "la fin" du projet d'enfouissement de Bure, le stockage des déchets nucléaires en surface et l'étude d'autres options.Le projet Cigeo est destiné à stocker des déchets nucléaires de haute et moyenne activité à vie longue (HAVL et MAVL). Aujourd'hui, la France a accumulé 3500 tonnes de HAVL et 46000 tonnes de MAVL. Même en cas d'arrêt du nucléaire, ces chiffres vont continuer à augmenter pendant 25 ans puis lors du démantèlement des centrales.
L'alternative la plus crédible à l'enfouissement est de bruler les déchets nucléaires dans des surgénérateurs. Le dernier à avoir fonctionné en France est Superphenix, arrêté en 1997 par la majorité vert-PS de l'époque. Cette solution n'est de toute façon pas compatible avec un arrêt du nucléaire en France.
Quelle solution alternative espère-t-on trouver ? Le stockage des déchets à Bure étant réversible pendant un siècle, pourquoi interrompre le projet ? Même si l'enfouissement n'est pas parfait, n'est-ce pas de notre responsabilité de préparer une solution qui limite les risques pour nos descendants au cas où aucune alternative ne serait trouvée ?
6. Qu'est-ce qu'une taxe carbone substantielle ?
Les projets de taxe carbone sont souvent vendus comme neutre fiscalement, c'est-à-dire que les sommes prélevées via la taxe carbone sont utilisées pour abaisser d'autres impôts. Ici ce n'est pas le cas puisque l'accord prévoit que cette taxe doit être "affectée à la transition écologique" (il me semblait avoir retenu de mes cours de finances publiques un principe de non-affectation, mais passons).Comment faire accepter ce projet là où tant d'autres ont échoué ? Quel serait son montant et son assiette ? Quel accompagnement pour les entreprises et les salariés des activités émettrices de gaz à effet de serre ? Comment éviter que ces activités soient simplement délocalisées ? Comment ce projet fonctionnera-t-il avec les systèmes déjà existants comme le marché européen du carbone ? Comment éviter une nouvelle censure du Conseil Constitutionnel ?
A vous de jouer !
Si vous pensez aussi que ces questions méritent une réponse, je vous invite à les poser à Yannick Jadot et Benoit Hamon sur Twitter. Il vous suffit de cliquer sur le bouton "Tweet" en dessous de la question qui vous intéresse :
"Bonjour @yjadot @benoithamon. Votre projet de sortie du nucléaire signifie-t-il que les réacteurs actuels fonctionneront au-delà de 50 ans ?"
"Bonjour @yjadot @benoithamon. Avec la sortie du nucléaire que vous proposez que devient l'EPR ? Doit-on abandonner le projet de Flamanville ?"
"Bonjour @yjadot @benoithamon. Quel montage financier et industriel envisagez-vous pour remplacer le nucléaire en 25 ans ?"
"Bonjour @yjadot @benoithamon. Comment comptez-vous éviter que la décision de sortie du nucléaire soit remise en cause en cas d'alternance ?"
"Bonjour @yjadot @benoithamon. Vous voulez abandonner l'enfouissement des déchets nucléaires. Quelles alternatives envisagez-vous ?"
"Bonjour @yjadot @benoithamon. Qu'entendez-vous par "taxe carbone substantielle" ? Comment éviter l'échec des projets précédents ?"
Publié le 24 février 2017 par Thibault Laconde
La vrai question n'est pas la sortie du nucléaire, c'est la sortie des moyens pilotables.
RépondreSupprimerEt de ce coté, l'Allemagne est en réalité toujours sur la ligne de départ, car le parc pilotable, la somme de hydraulique, biomasse, nucléaire, charbon, fioul, et gaz n'a pas diminué !
D'après les données de https://www.energy-charts.de/power_inst.htm, en 2002, c'était au total, 102,9GW, et en 2016 c'est 105,2GW.
Le point bas a été 2011 avec 100,5 GW, justement cette année là l'Allemagne s'est retrouvé à importer.
Tant qu'un parc aussi important est disponible, supérieur à celui de la France alors même que la demande allemande atteint rarement 70 GW, intégrer des renouvelable ne pose aucune difficulté de principe. Il *suffit* de dire au capacités pilotable de réduire leur production, puis de le remonter au moment où la production renouvelable est en drapeau. Enfin en théorie, dans les faits ce n'est pas forcément si fiable, car quand on demande à une centrale thermique de pointe qui est à l'arrêt à froid de démarrer, parfois elle tombe en panne, pour les centrales gaz chaque démarrage a un risque d'échec non nul, dont la publicité est pourtant rarement faite.
Et c'est ici le problème de la sortie du nucléaire en France par rapport au modèle allemand. La plus grande partie de notre parc pilotable est constitué du nucléaire, donc la moindre fermeture de centrale se traduit par une réduction de notre capacité à tenir la charge en cas de pointe, une difficulté pour laquelle il n'y a aucun modèle à trouver en Allemagne, car l'Allemagne l'a soigneusement contournée en maintenant son parc pilotable tout aussi haut malgré les fermetures nucléaires.
C'est d'autant plus sensible que nous n'avons autant de marges que l'Allemagne, nous avons un parc au total moins grand, alors que nos pointes sont supérieures.
jmdesp pose la bonne question. L'Allemagne est suréquipée en centrales thermiques qui lui permettent de passer sans trop de casse les intermittences des ENRs. Le site focus.de propose un diagramme (malheureusement les balises "img" ne sont pas acceptées sur le blog)qui montre bien la réactivité de ces centrales pilotables dans une période avec vent passant du calme au violent (et pour un coût moyen du kWh double du prix français). Malheureusement, contrairement à l'Allemagne, la France est en train de fermer ses dernières centrales fuel et charbon. Cela veut donc dire qu'il faut investir dans une capacité en gaz équivalente aux capacités fossiles et nucléaires détruites (et compter sur la gentillesse de Poutine pour notre approvisionnement en gaz !)
SupprimerDeux remarques pour nuancer :
Supprimer1. Le nucléaire n'est pas à proprement parler pilotable, ou en tous cas beaucoup moins que l'hydro ou le thermique. En schématisant à peine, le modèle français consiste à produire "en ruban" et à se réguler en déversant les excédents à bas prix sur les pays voisins. Un recul du nucléaire au profit des EnR serait donc le remplacement d'un moyen de production peu manœuvrable par un autre. A ce sujet, il est important de se rappeler que du point de vue de l'équilibrage, la surproduction (chronique en France) n'est pas plus vertueuse que la sous-production (risque souvent associé aux EnR).
2. Le temps où l'équilibrage du réseau était, sauf accident, la responsabilité exclusive de la production est révolu. Techniquement et économiquement, les consommateurs sont de plus en plus en mesure de jouer un rôle et il n'est pas anormal qu'ils le fassent.
1. Bah, bien sûr que si le nucléaire est pilotable !!
SupprimerVous avez vraiment besoin que je vous donne des liens sur la documentation là dessus, comment ça marche les barres grises dans les réacteurs français, la description de comment chaque génération de réacteur est allée plus loin dans le pilotage et l'EPR encore plus ?
C'est juste un outil de propagande de déclarer que ce n'est pas pilotable, qui utilise une part de vérité, c'est plus compliqué d'utiliser le nucléaire en suivis de charge qu'en base, mais qui la déforme très gravement quand on affirme que le thermique lui n'a pas ce problème, parce que ça c'est totalement faux. Ça pose plein de problème au thermique le suivi de charge !
Ca use les composants de manière accélérée, ça décroit le rendement, ça augmente la pollution, et en-dessous d'un certain niveau de charge, on atteint les seuils limites autorisés de pollution, donc impossible d'utiliser les centrales thermique en dessous de ce niveau, qui est plutôt élevé pour les centrales anciennes. Les centrales charbons anciennes elles ne peuvent à cause de la dilatation thermique tout simplement pas varier la production trop vite, sinon vous les retrouvez en morceaux.
Mais pour les centrales thermiques comme pour les centrales nucléaires, il ne faut pas confondre ces difficultés avec des obstacles insurmontables. C'est ce que certains ont cru en Allemagne, que le gaz remplacerait donc facilement le charbon incapable de suivre la charge, or il suffit de regarder la production de ces centrales aujourd'hui pour voir que les électriciens ont investis pour les moderniser, éviter le problème et mettre en faillite de nombreuses centrales gaz à la place.
Et de la même façon EDF investi dans ses centrales pour être en mesure de mieux suivre la charge : https://www.lesechos.fr/19/02/2016/LesEchos/22133-073-ECH_l-electricien-fait-de-plus-en-plus-varier-sa-production-nucleaire.htm
Et pour le problème économique de faire fonctionner les centrales en suivi de charge, il peut tout aussi bien se poser pour les centrales thermiques ! En Allemagne, la centrale cycle combiné de Irsching 4 et 5, pourtant à la point de la technique en suivi de charge et en rendement, après avoir tenté de résister et négocier des compensations, a fini par devoir être fermer après seulement quelques années d'utilisation.
1bis : Non, la surproduction n'est pas à égalité avec la sous-production. La surproduction peut être un problème, mais c'est un problème de riche. Il suffit de demander aux centrales en sur-production de réduire la régime, et ça va leur poser peut-être un problème économique, mais tant que cette situation n'est qu'occasionnelle, le problème n'est pas si marqué.
SupprimerEn comparaison, en situation de sous-production, on est prêt à faire appel à n'importe quel solution pour continuer à produire, et on voit les prix atteindre des prix énormes. Et si on en arrive à la coupure réseau, des études aussi bien des assureurs que des électriciens montrent que les conséquences financières sont énormes pour chaque MWh non délivré.En Autralie après les coupures récentes, il y a un fourneau pour l'aluminium qui probablement ne redémarrera jamais.
2. Faire participer le consommateur à l'équilibrage l'idée n'est pas une invention récente en réalité. Nous avons presque tous un ballon d'eau chaude électrique chez nous, c'est bien le principe ! Avec le système des heures pleines, heure creuse, il s'agit d'un système peut-être primitif dans sa technologie, mais déjà plein d'enseignements sur ce que l'on peut atteindre en déplacement de demande. La puissance du ballon d'eau chaude atteint souvent 6 ou 9 kW, c'est considérable par rapport à la consommation électrique d'un foyer individuel. Et les machines à laver silencieuses, programmables pour tirer parti des heures creuses sont le modèle quasi standard depuis un certain nombre d'années. Mais au final, le résultat n'est pas tout à fait impressionnant.
SupprimerEt la question qui se pose avec des technologies plus avancées, est quelles sont les demandes autres que ces deux là qu'on sera capable de déplacer ?
Aujourd'hui EDF offre un différentiel de 20% pour motiver les consommateurs à décaler leur consommation, visiblement pour motiver mieux les gens il faudra être plus généreux.
Un certain nombre de scénario que j'ai lu sont juste à coté de la plaque sur ces question, en particulier celui de l'ademe sur le 100% renouvelable en 2050 qui suppose être capable de déplacer 50% de l'usage blanc, ce qui est énorme, en plus suivant des règles qui vont changer tous les jours de manière imprévisible !!, et cerise sur le gâteaux, oublie de donner un coût à cela ! Les gens sont censé accepter des efforts impressionnant de déplacement de demande sans qu'à aucun moment on ne prévoit un budget pour les y inciter. C'est n'importe quoi.
Au final, nous allons prochainement avoir des outils qui nous permettrons de gérer le prix de l'électricité pour le consommateur final comme un cours de bourse heure par heure, certes.
Mais l'acceptabilité d'un tel système est quasi nulle.
Ce projet n'est pas tenable ni industriellement ni financièrement. Admettons un instant qu'on arrive à installer 10 GW de renouvelables par an. Disons 5 GW d'éolien et 5 GW de solaire. C'est un peu plus de 10 milliards d'investissement par an à un rythme 5 fois plus rapide qu'actuellement.
RépondreSupprimerA ces investissements, il faudra ajouter du stockage, soit environ 50% de plus en coût.
Avec le facteur de charge des EnR de 20%, ça fait l'équivalent de 2 GW de nucléaire.
Donc avec 15 milliards d'investissements par an, il faut un minimum de 30 ans pour remplacer le nucléaire. Sans compter qu'au bout de 20 ans, il faudra remettre en conditions éoliennes et PV.
Personne ne semble se rendre compte que l'on va avoir de gros problèmes de production d'ici à 15-20 ans.
Si on veut remplacer les 63 GW de REP par de l'EPR, il faut 40 réacteurs EPR, soit 400 milliards d'euro d'investissement juste pour la construction. Ou bien investir 400 milliards dans les EnR pour produire les 400 TWh par an dont on a besoin.
Message aux politiques: il est temps de remettre un capitaine, le navire fonce droit sur les récifs.
Je suis entièrement d'accord sur le diagnostic. La question centrale, celle que presque personne ne semble avoir compris, c'est : comment avoir encore de l'électricité dans 20 ans ?
SupprimerA ce sujet, on ne peut être qu'effaré par la négligence de la génération actuellement en responsabilité qui a profité des investissements de ses parents sans investir elle-même pour ses enfants. Et leur laisse en prime le soin de régler de menus problèmes comme le démantèlement des centrales et la gestion des déchets.
Mais si ajouter 50% de coût en stockage suffisait à permettre à 10 GW d'éolien et de solaire de remplacer totalement 2 GW de nucléaire, ce serait facile et on le ferait tout de suite.
SupprimerEn réalité, aujourd'hui le stockage reste un problème sans solution industrialisable aujourd'hui ou à l'échelle des 10 prochaines années. Les STEP sont trop chères pour être utilisables pour amortir les variations des renouvelables au delà de celles à la journée, or leur matière première est juste de l'eau ! Ça donne le degré de diminution de prix des batteries qu'il faudrait pour qu'elles soient compétitives. Pour les voitures électrique, là qu'elles deviennent grâce aux diminutions actuelles de prix des batteries une vrai compétition au thermique, pourquoi pas. Mais le stockage de masse pour l'électricité, c'est complètement autre chose.
Il faudrait que les écologistes répondent à une question très simple: "Comment nous chaufferons nous en 2050 ?"(j'écris "nous", mais en réalité, vu mon âge ... cela ne me concerne pas trop !).
RépondreSupprimerSi nous fermons toutes nos centrales nucléaires et fossiles (ce que prévoient les accords PS/Verts), l'énergie solaire en hiver ... mieux vaut ne pas y compter ... Restent l'éolien et le chauffage au bois (dont on nous dit qu'il produit encore plus de particules fines que le diésel). Dans ce cas, il faut nous expliquer combien d'éoliennes restent à installer, et combien de km² de forêts devront être abattues chaque année pour satisfaire à ce besoin élémentaire !
Vouloir détruire un outil sans savoir par quoi on le remplacera demain, est-ce cela le développement durable ?
Comment nous chaufferons-nous en 2050 ? C'est une bonne question mais pourquoi seuls les écologistes auraient à y répondre ?
SupprimerLa plateforme de Yannick Jadot et Benoit Hamon propose une vision de long-terme. Elle est discutable mais elle a le mérite d'exister.