La victoire de Trump laisse les extrémistes isolés au sein de la droite américaine
En apparence, l'élection de Donald Trump est un triomphe pour tous ceux qui depuis des années s'opposent à la politique climatique menée par Barack Obama. Le nouveau président s'est régulièrement attaqué au consensus scientifique dans les termes outranciers qu'il affectionne tant et dans l'heure qui a suivi son arrivée au pouvoir il a annoncé la fin du Climate Action Plan et la relance des projets d'énergies fossiles.
Cependant on ne peut pas s'empécher de remarquer que les nominés de l'administration Trump ont tous, ou presque, reconnu l'existence du changement climatique et le rôle des activités humaines lors de leurs auditions devant le Sénat. Cette position reflète l'évolution de l'opinion américaine : même parmi les électeurs de Donald Trump, ceux qui doutent du changement climatique sont largement minoritaires.
Scott Pruitt, futur patron de l'agence de protection de l'environnement, qui passe pourtant pour un opposant acharné de la lutte contre le changement climatique, a par exemple reconnu que "la science nous indique que le climat change et que les activités humaines ont un impact sur ce changement." Rex Tillerson, ex-PDG d'Exxon Mobil et nouveau Secrétaire d’État, a affirmé que "le risque d'un changement climatique existe. Et que ses conséquences seraient suffisamment sérieuses pour rendre des actions indispensables. Le débat public semble principalement porter sur la nature de ces actions."
Ces déclarations peuvent sembler bien tièdes, elles tranchent pourtant nettement avec le rejet radical du consensus scientifique sur le climat qui semblait encore récemment la marque de fabrique du parti républicain. L’inénarrable James Inhofe a semblé bien seul lorsqu'il a essayer de transformer l'audition de Scott Pruitt en une tribune contre la "fraude" climatique. Et il n'a obtenu aucun signe de sympathie de la part du futur patron de l'EPA.
Globalement, les futurs membres du cabinet Trump ont posé les bases d'un débat sain, dans lequel les politiques acceptent le consensus scientifique et se concentrent sur leur domaine de compétence : les actions à mettre en place et les moyens à y consacrer. On n'est pas tiré d'affaire pour autant mais c'est un vrai progrès.
Vers un baroud d'honneur au printemps ?
Évidemment cette évolution du discours a de quoi enrager la poignée d'individus qui mènent une guerre personnelle contre l'idée même de changement climatique anthropique.
Myron Ebell en a offert un exemple éclatant la semaine dernière. Lobbyiste engagé de longue date contre toute politique climatique et pressenti pour diriger l'EPA avant semble-t-il de tomber en disgrâce, Ebell s'est offert une tournée européenne au cours de laquelle il n'a cessé de mettre la pression sur le président Trump, allant jusqu'à prédire un affrontement Trump-Tillerson sur la sortie de l'Accord de Paris.
Cet épisode montre qu'il existe une fracture au sein de la droite américaine entre ceux qui acceptent les conclusions des scientifiques sur le climat et ceux qui les rejettent. Et que les premiers semblent l'emporter sur les seconds.
Mais ceux-ci n'ont certainement pas dit leur dernier mot. Ils bénéficient tout de même d'une dynamique avec l'élection de Donald Trump et ils peuvent encore compter sur un réseau d'organisations et d'individus aguerris par des années d'activisme.
Une première contre-offensive semble déjà prendre forme en ciblant tout particulièrement la NOAA, l'agence océanographique américaine. Dimanche dernier, le Mail on Sunday, un tabloïd britannique, clamait :
"Révélations : Comment les chefs d’États du monde entier ont été trompés sur le changement climatique" |
Rien que ça...
Je ne reviens pas en détail sur le fond de l'article. Il a été largement démonté ailleurs et on a pu se rendre compte qu'il repose essentiellement sur l'incapacité du journal à comprendre l’échelle d'un graphique.
Comme il se doit, ce pseudo-scoop a été salué par le Comité des sciences de la Chambre des représentants, qui s'illustre en citant plus souvent des sites complotistes que des revues scientifiques. Il fera sans doute un excellent angle d'attaque pour mettre la recherche publique américaine au ban des accusés et vilipender l'Accord de Paris dans les prochaines semaines.
La pression va probablement continuer à monter. On peut s'attendre à ce qu'elle culmine en avril, en effet :
- L'objectif principal est de mettre la pression sur Donald Trump pour qu'il tienne sa promesse et sorte de l'Accord de Paris dans les 100 premiers jours de son mandat donc au plus tard mi-avril,
- Le 22 avril, se dérouleront un peu partout dans le monde des marches pour la science qui mettront probablement le climat et d'autres sujets scientifiques controversés dans l'actualité,
- Sans oublier que le 23 avril, nous autres français auront peut-être l'honneur douteux d'avoir au second tour de la présidentielle une candidate qui a voté contre la ratification de l'Accord de Paris.
Publié le 7 février 2017 par Thibault Laconde
Concernant la NOAA, il est tout de même curieux qu'un organisme public à priori sérieux sorte un article qui bouleverse profondément le "consensus", et que les données ayant permis d'écrire l'article en question soient soi-disant "perdues", rendant ainsi impossible toute vérification !
RépondreSupprimerLes conclusions de la NOAA ont été largement vérifiées depuis 2015 par d'autres études. Encore le mois dernier.
SupprimerAvant d'être montée en épingle par le Mail on Sunday, l'affaire porte sur un point de procédure extrêmement ennuyeux. Il n'est pas inutile de lire les déclaration du Dr Bates telles qu'elles sont rapportées par des médias sérieux :
- Contrairement à ce qu'affirme le Mail on Sunday, il ne dit pas que les données ont été manipulées ("The issue here is not an issue of tampering with data, but rather
really of timing of a release of a paper that had not properly disclosed
everything it was.")
- Il ne remet pas en cause la validité de l'article ou ses conclusions, il reclamait juste une précision sur les données utilisées ("The Science paper would have been fine had it simply had a
disclaimer at the bottom saying that it was citing research, not
operational, data for its land-surface temperatures")
- Il a été instrumentalisé et il le sait ("I knew people would misuse this").
Le commentaire du Dr Bates (que l'on peut lire ici: https://judithcurry.com/2017/02/04/climate-scientists-versus-climate-data/ )porte en premier lieu effectivement sur la validation et l'archivage des données utilisées. Toutefois, ce qu'il écrit à propos de la rédaction de l'article "K15" en question laisse entendre que l'objectif était bien de "démolir la thèse du hiatus" décrit dans le dernier rapport du GIEC :
Supprimer"Gradually, in the months after K15 came out, the evidence kept mounting that Tom Karl constantly had his ‘thumb on the scale’—in the documentation, scientific choices, and release of datasets—in an effort to discredit the notion of a global warming hiatus and rush to time the publication of the paper to influence national and international deliberations on climate policy."
Reste à attendre que d'autres publications viennent confirmer ou infirmer ce "hiatus"