Ni oui, ni non, ni Berlin, ni Fukushima

Avec la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie, qui doit être adoptée d'ici la fin de l'année prochaine, et la remise en discussion de l'objectif de 50% en 2025, on n'y échappera pas : en 2018, on va encore s'écharper sur le nucléaire.

Il faut bien admettre que dans ce domaine, la France n'avance pas. Ni dans un sens, ni dans l'autre. Et la façon dont le débat est mené n'y est pas pour rien : alors que la construction d'un consensus politique est la première étape d'une transition énergétique, les échanges entre partisans et opposants de l'atome consistent surtout à ressasser les même arguments. Rechercher un terrain d'entente est une utopie, voire une trahison : dans cette version 2.0 des jeux du cirque, on débat pour débattre.

Nous n'avons plus le temps de jouer à ce jeu là. C'est pourquoi je vous en propose un autre. Il s'appelle : "ni oui, ni non, ni Berlin, ni Fukushima"


Le principe est simple, on y a tous joué à peu de chose près quand on était plus jeune.

Le jeu commence quand quelqu'un  ouvre une discussion en lien avec le nucléaire en France, les participants répondent mais ils ne peuvent employer :

  • Ni oui

    Vous pouvez être favorable au nucléaire mais pas écarter d'un revers de main les questions posées par cette énergie : comment va-t-on gérer le renouvellement du parc ? y a-t-il encore un modèle économique pour le nucléaire ? que faire des déchets ? Les réponses du type "le nucléaire est parfait", "je ne vois pas le problème", etc. sont donc interdites.

  • Ni non

    A l'inverse, sont exclues les affirmations comme "si j'étais à la place de Hulot, on serait déjà sorti du nucléaire". Que vous détestiez cette énergie et que vous souhaitiez l'abandonner, c'est votre droit mais ça ne peut pas se faire sur un claquement de doigt : par quoi voulez-vous la remplacer ? comment se déroulerait la transition ? comment gérer le démantèlement des centrales et les déchets nucléaires existants ?

  • Ni Berlin

    L'Energiewende, c'est le point Godwin de l'énergie. Plus les discutions se prolongent, plus il y a de chance qu'on y arrive. Et une fois qu'on y est tout le monde en tire des conclusions différentes et on en arrive à débattre plus de la transition énergétique allemande que du cas français. Toute évocation de l'Allemagne est donc bannie, si vous voulez des comparaisons internationales faite l'effort d'aller chercher d'autres pays.

  • Ni Fukushima

    Une autre façon de rendre stérile une discussion sur le nucléaire, c'est de parler des accidents. Bénins pour les uns, catastrophiques pour les autres... la seule chose qu'ils prouvent c'est que la perception des risques est subjective. Par contre, ils sont très efficaces pour conduire le débat vers les attaques personnelles : partisans de l'atome irresponsables contre opposants irrationnels. Exit donc Fukushima, Tchernobyl et compagnie...
Et si quelqu'un répond sans respecter ces règles... Hé bien, il est éliminé et doit attendre le début de la discussion suivante avant de pouvoir rejouer.

Qui veut jouer avec moi ?


Je vais désormais appliquer ces règles sur ce blog et dans mes interventions publiques, notamment sur les réseaux sociaux. Sachez-le si vous m'y interpellez, en cas de non-respect vous recevrez pour seule réponse un lien vers cet article et l'image suivante :

 
Mais rien ne vous empèche de les utiliser aussi. Ces règles me semblent équilibrées : elles ne prive aucun des camps d'arguments décisifs, elles obligent juste à faire preuve d'un peu d'imagination. C'est pourquoi que vous soyez pro- ou anti-nucléaire, ou aucun des deux, je vous invite à essayer ce jeu.



Publié le 27 novembre 2017 par Thibault Laconde



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13 commentaires :

  1. OK pour démarrer la discussion avec cette question:

    "COMMENT NOUS CHAUFFERONS NOUS L'HIVER 2049 / 2050 ?"

    NB: Vu mon âge, je ne me sens pas personnellement concerné, mais j'ai des enfants et petits-enfants, et je ne voudrais pas les voir grelotter de froid sans moyen de chauffage
    sous le simple prétexte que en hiver le soleil est faiblard (et la nuit, c'est encore pire) et que de plus le vent ne souffle pas tous les jours avec vigueur ! Pour rappel, il n'existe à ce jour aucun moyen de stocker massivement l'électricité de manière "responsable" (sécurité, coûts) au-delà de quelques minutes.

    Le nucléaire est certainement une solution, mais à mon avis peut-être pas la seule, même dans un pays comme la France dépourvue de charbon et de pétrole !

    Signé: papijo

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  2. Je veux bien jouer !
    Sortir du nucléaire est contre productif.
    La technologie actuelle ne sera jamais moins chère que le charbon.
    Il faut changer la culture et la gouvernance du nucléaire, pour ouvrir la porte aux avantages des combustible liquides.
    https://fissionliquide.fr/2017/10/12/un-tabouret-a-trois-pieds/

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  3. Selon moi, il me parait difficile de ne pas adhérer à l'idée de ne se fournir à terme que par l'intermédiaire des renouvelables. Les questions à débattre ne peuvent être que "quand" et donc "quel nucléaire préparons-nous en attendant" (ce qui laisse énormément de marge pour les discussions et choix à opérer).

    Mais des énergies quasi illimitées, délocalisables, adaptables à différentes échelles (du macro au très très micro), sans combustibles, je ne vois pas comment on ne voudrait pas essayer d'y arriver assez rapidement. Que l'on ne se jette pas dedans à corps perdu tant que les solutions de stockage ne sont pas parfaites et suffisantes, tant que les réseaux n'ont pas fini leurs mues, tant que la sobriété énergétique n'est pas mieux appliquée, je comprends aisément (si on ne fait pas semblant d'essayer, évidemment). Mais pour moi, la question de prolongation de centrales nucléaires et de mise en place éventuelle de nouveaux réacteurs ne doit se faire que dans l'optique finale de cette transition. Après, 30, 50 ou 70 ans, et donc tous les choix techniques en fonction du délai choisi, là me semble être le sujet important.

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  4. Je suis partant pour jouer. Et ma réponse est très simple (et je crois qu'elle répond bien aux règles du jeu), cela tient en trois mots : le scénario négaWatt. Il décrit très bien les conditions techniques permettant de se passer du nucléaire (et assez bien les impacts économiques et sociaux d'une telle sortie).

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    1. @Stef,
      mis à part les remarques faites par papijo (cf. message plus bas) il est clair que le scénario négaWatt est déjà dans "les choux" en ce qui concerne l'arrêt du nucléaire. Il prévoit un arrêt complet des centrales pour 2035 alors que l'on sait, que dans le cas le plus optimiste, on atteindra une baisse à 50% du nucléaire en 2030 voire 2035...
      PHID

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  5. Fukushima ? Est-ce bien un accident nucléaire ? Un super méga tremblement de terre, qui donne lieu à un super extra super tsunami, qui tue 19 OOO personnes, qui frappe une centrale nucléaire (mal placée j'en conviens) qui ne bouge pas d'un pouce sauf ... sauf que ce tsunami détruit le système (placé trop bas) de refroidissement de la centrale ... qui ... on connaît la suite. Fukushima, preuve de la fragilité du nucléaire ou ... contre exemple ?

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  6. @stef
    Et le scénario négawatt, il dit quoi ?
    - Il faut arrêter les maisons individuelles et s'entasser dans des cages à lapins: J'ai pas envie
    - Il faut installer des jeunes chez les vieux: Une jeune fille, je voudrais bien, mais ma femme n'est pas d'accord !
    - Il faut se chauffer au bois. Je le fais déjà parce que dans mon coin, on en trouve. Mais il n'y en a pas pour tout le monde. Il faut détruire combien de km² de forêts par an pour produire les 250 TWh par an prévus ?
    - Où avez-vous vu qu'on peut obtenir une production nette de biogaz de 140 TWh par an à partir de déchets? Connaissez vous une seule usine de méthanisation qui produise suffisamment de biogaz à partir de déchets pour produire l'électricité consommée par l'usine ? Pourquoi pensez vous que les agriculteurs allemands paient pour mettre du maïs dans leurs méthaniseurs, alors qu'ils pourraient se faire payer pour accepter des déchets !
    - Diviser par 3 la consommation d'énergie primaire d'ici 2050: pouvez-vous nous citer un seul pays qui ait réussi à réduire sa consommation d'énergie primaire de 20% en 30 ans ?
    Et vous qui connaissez bien ce fameux scénario, pouvez vous répondre à la question posée dans mon premier commentaire: "COMMENT NOUS CHAUFFERONS NOUS L'HIVER 2049 / 2050 ?"
    Signé: papijo

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  7. Bon, ce n'est pas brillant ... on ne sait toujours pas comment on se chauffera en 2050 !
    Bien sûr il y a le nucléaire qui reste une valeur sure. Mais en 2050, les centrales actuelles seront bien vieilles, et la question devient: nous chaufferons nous avec des centrales nucléaires "nouvelle génération" ou aurons nous une autre énergie de substitution ?
    Mon opinion est que le nucléaire n'a pas forcément gagné. Il y a d'une part les écolos bien sûr, mais à mon avis, le vrai problème du nucléaire n'est pas là. Le vrai problème, c'est la privatisation et l'arrivée de la concurrence sur le marché de l'électricité et les montants colossaux des investissements requis. Une centrale nucléaire ne se rentabilise qu'au bout d'une quarantaine d'années. Pour faire bonne figure en bourse, les investissements doivent rapporter au moins 12% par an (après impôts), ce qui signifie en pratique que l'investissement doit être remboursé très rapidement (pas dans 40 ans). La solution, c'est qu'une "garantie solide" (en clair la signature d'un état) vienne soutenir cet investissement (c'est ce que l'état français a gentiment fait dans le cas des EPRs anglais), ce qui va permettre de diminuer ce taux de 12%. Je vois mal notre France surendettée jouer massivement à ce jeu là, surtout si le projet anglais se déroule mal (si EDF était encore nationalisée, le problème du cours de bourse ne se poserait pas !).
    A mon avis, en 2050, il est donc probable qu'on n'ait en nucléaire que quelques unes des centrales existantes en fin de vie. Pour se chauffer 7 jours sur 7 et 24 heures par jour, il faudra donc compter sur le gaz de schistes (venu des USA ou d'ailleurs, et pourquoi pas de France si ...), à moins que le charbon (qui est toujours la source d'énergie la moins chère) ne revienne en force !
    Pour ce qui concerne les alternatives (combustibles liquides, surgénérateurs ...) de la filière nucléaire, je n'ai pas encore entendu N. Hulot annoncer que la France allait lancer un gros programme de recherche dans le domaine et je ne suis pas persuadé que l'investissement serait beaucoup moins onéreux que les filières à eau.

    En énergie renouvelable, 10 ou 20 ans après les scandinaves, les "experts" incompétents de l'ADEME découvriront peut-être que le solaire, ça ne sert pas seulement à produire de l'électricité, mais ça peut aussi produire de la chaleur, et la chaleur, ça se stocke ! Les technologies que je verrais se développer (avec secours gaz !): les chauffe-eau solaires et le stockage saisonnier de chaleur pour les réseaux urbains (exemple)
    Signé: papijo

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    1. Les experts incompétents de l'ADEME ....
      Forcément, vous, vous êtes plus compétents qu'eux, ça se voit :( extrait de votre prose précédente ):
      "Connaissez vous une seule usine de méthanisation qui produise suffisamment de biogaz à partir de déchets pour produire l'électricité consommée par l'usine ?"
      C'est tellement faux, qu'il n'est pas utile de répondre a vos autres contres-vérités.

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    2. Si c'est faux, pouvez vous m'en citer au moins une ?

      Il se trouve que j'ai passé une bonne vingtaine d'années de ma vie professionnelle dans le domaine des déchets et que j'ai eu à dimensionner des usines de méthanisation (j'avoue, il faut bien vivre !). Je peux vous confirmer qu'une usine de méthanisation ne produit pas assez d'énergie pour broyer / cribler / transporter les déchets envoyés au méthaniseur et faire tourner les auxiliaires de l'usine (pompes, désodorisation, traitement des effluents liquides, etc. et je ne parle évidemment pas de l'énergie consommée par la collecte des déchets ou le transport des résidus en décharge.
      Signé: papijo

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  8. Je viens de me rendre compte que mon exemple précédent n'a qu'un tout petit stockage de chaleur. Un exemple nettement plus gros
    Signé: papijo

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  9. je relance la discussion : Comment comparer les differentes sources de production quand on sait que "historiquement, la doctrine relative à l’indemnisation des dommages associés à un accident #nucléaire limite la responsabilité des opérateurs nucléaires SANS prendre en compte les coûts environnementaux" (source IRSN http://www.irsn.fr/FR/Actualites_presse/Actualites/Pages/20130219-Travaux-recherche-IRSN-cout-economique-accidents-nucleaires.aspx ) et que s'il fallait les couvrir il en coûterait un surcoût compris entre 0.14 €/MWh et 142 €/MWh ?

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