Comme chaque année, j'ai invité quelques blogueurs et influenceurs à plancher sur la question. Voici leurs réponses :
"Un point de bascule pour un système électrique conçu dans les années 70 et le besoin de construire pour les prochaines décennies." - Eric Vidalenc
2018, cela devrait être l’année de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim promise par le candidat à la présidentielle François Hollande en 2012. Cela fait plus de cinq ans que ce dossier est en toile de fond de la problématique électrique française et EDF prévoit donc officiellement la fin de la production sur ce site. 2018, ce devrait être aussi le lancement de l’EPR, le nouveau réacteur nucléaire, qui devait être mis en service initialement en 2012.
Plus de cinq ans pour avancer concrètement sur ces deux chantiers, pour des raisons tantôt techniques, tantôt politiques. Mais comme l’écrivent Jean-Pierre Hansen et Jacques Percebois dans leur tout dernier ouvrage -Transition(s) Electrique(s), l’électricité c’est "la technique et le politique". Et le secteur de l’énergie, dont l’électricité, c’est aussi le domaine des inerties et des temporalités longues comme ces deux dossiers l’illustrent… et donc un domaine où l’anticipation est cruciale.
Ces évènements sont évidemment symboliques dans un système électrique qui compte 63GW de capacité installée nucléaire actuellement. Il ne représente pas moins un point de bascule entre un système décidé dans les années 1970, qui arrive en fin de vie, et le besoin de dessiner et construire aujourd’hui celui des prochaines décennies. En fermant les réacteurs qui arrivent en fin de vie, les prolongeant dix ans, vingt ans, en construisant d’autres, et/ou bien en développant de nouvelles capacités de production ?
Au-delà de ces deux évènements ponctuels et en même temps très symboliques pour l’avenir du système électrique français, la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) de 2018, qui pour la première fois donnera lieu à un débat public, sera l’occasion de poser, entre autres, ces grandes lignes directrices.
"Le siècle du tout digital a 18 ans, l'âge de la responsabilité : il est temps de mettre en place une économie circulaire numérique." - Rebecca Armstrong
Le siècle du "tout digital" entre dans son âge de la maturité. 18 ans : il est temps de commencer à être responsable ! Les signaux faibles de l’enfance deviennent une tendance, pas encore une lame de fond, mais les lignes bougent. On – les start-up du numérique, les gens, les pouvoirs publics – commence à mieux appréhender les enjeux écologiques de nos vies augmentées, celles qui se jouent en clics et en data, en connexion et en navigation, en téléchargement et en monnaies cryptées.
Un mail de bonne année aux collègues, un documentaire sur la transition écologique à télécharger, une chaîne youtube de lolcats, documents partagés dans cet invisible "cloud". Quelques clics, rien de plus. Si seulement… Une transaction en bitcoin consomme en énergie autant qu’une famille américaine pendant une semaine. Le monde numérique génère autant de gaz à effet de serre que l’aviation mondiale. Internet c’est 120 réacteurs nucléaires. Ces constats, connus, sont en train de faire vaciller nos représentations, désormais appartenant au passé.
En 2018, ces réalités vont se diffuser largement dans la société, de nouveaux acteurs vont mettre en place des solutions efficientes pour une économie circulaire numérique : data centers-réseaux de chaleur, compensations localisées des émissions par des projets d’écologie urbaine, etc.
En 2018, nous prenons conscience de notre empreinte numérique et renversons la vapeur, enfin nous commençons. 2018 : année de la maturité énergétique numérique.
"Construire un droit neuf, adapté aux limites planétaires." - Marie Toussaint
Chaque année, les défenseurs de l'environnement souhaitent que l'on passe de la parole aux actes ; les associations préparent leurs plans d'action pour faire émerger des solutions et mobiliser décideurs et société civile ; avec toujours trop peu d'efficacité face à l'urgence.
Cette année, c'est de nombreux-ses juges qu'est attendu le salut ! Le Maire de New York, Bill de Blasio, vient d'engager sa ville dans le désinvestissement des énergies fossiles, prouvant ainsi que les collectivités prennent conscience et actes pour lutter contre le dérèglement climatique. A la suite de nombreux comtés et villes californiennes, ou encore des Philippines, il a aussi porté plainte, au nom de sa ville, contre cinq multinationales pétrolières auxquelles il demande de financer les frais d'adaptation au réchauffement.
De par le monde, un nombre croissant de citoyens construisent et réclament un droit neuf, adapté aux limites planétaires. Un nombre croissant en appelle aussi aux juges pour contraindre les Etats à agir, à réglementer l'activité des pollueurs, à augmenter leurs ambitions climatiques et à agir mieux et plus vite, sans attendre le train train diplomatique.
En France, nous lançons le premier recours climat. Avec la volonté de faire vivre la justice climatique en 2018 !
"Changer nos boulots pour sauver les bouleaux." - Astrid Barthélemy
2018, l’heure des actes sonne depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. D’enthousiasmantes initiatives locales se pressent à nos portes, de belles communautés naissent, des évènements pointent le bout de leur nez pour rassembler, échanger, partager.
Et si les actes que nous sommes fiers de réaliser chez nous, nous les réalisions ailleurs aussi, dans notre job par exemple ? Et si nous prenions soin de nos cerveaux pour des vies (professionnelles) épanouissantes ? Apprendre tout au long de la vie grâce au système de formation initiale et continue, c’est que du bonheur et c’est essentiel pour pouvoir appréhender le mieux possible monde. De nouvelles formations, des modifications des programmes académiques et scolaires apparaissent et donnent de nouvelles clés pour plus d’engagement citoyen. Et si sauver le climat c’était aussi y travailler ?
Arrêtons d’apprendre des choses que nous ne pouvons pas vivre ni mettre en place dans nos métiers. Il n’y a pas que le système éducatif qui doit évoluer, c’est le monde du travail aussi qui doit changer. Positionner le travail et l’économie en contradiction avec l’écologie n’a pas de sens. Les emplois d’hier ne sont peut-être plus, ceux de demain existent déjà et ceux d’après-demain sont à inventer.
Mettons bout à bout ce que nous apprenons avec nos emplois et arrêtons de nous laisser emporter par une schizophrénie harassante où nous oublions nos engagements et nos valeurs en passant la porte de nos boulots. Il en va de la survie desdits bouleaux et de la notre soit dit en passant.
"L'année où l'Europe décroche de la transition énergétique et climatique ?" - Thibault Laconde
A l'échelle globale, 2018 devrait être encore une année d'accélération pour pour la transition énergétique et climatique. La COP24 en décembre devrait enfin rendre opérationnel l'Accord de Paris alors que des centaines de milliards de dollars se déverseront sur les renouvelables , désormais presque toujours moins chères que les autres sources d'énergie, poussant les centrales à charbon vers la retraite même aux Etats-Unis.
Tout va pour le mieux, donc ? Pas forcément chez nous.
Les grands pays européens qui aiment pourtant se voir en précurseurs sur ces sujets hésitent. L'Allemagne n'atteindra probablement pas ses objectifs climatiques pour 2020 et négocie un accord de coalition qui pourrait bien laisser de coté la question du charbon. La Grande Bretagne n'atteindra probablement pas ses objectifs climatiques pour 2025 et pourrait céder au moins-disant reglementaire pour se remettre du Brexit. Dans ces deux pays, comme dans l'UE dans son ensemble, les investissements dans les renouvelables ont déjà chuté en 2017.
La France, elle, s'engage dans une remise à plat de sa politique énergétique. Un débat compliqué qui, en oubliant de préparer la fin de vie de nos réacteurs de seconde génération, pourrait nous envoyer dans une voie dangereuse.
Alors 2018 sera-t-elle l'année où l'Europe laisse tomber ses ambitions énergétiques et climatiques ? La question mérite en tout cas toute notre vigilance.
Publié le 18 janvier 2018 par Thibault Laconde
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