Série d'été : le climat comme force historique

Comme chaque année, ce blog va s'offrir quelques semaines de vacances. Nous nous retrouverons à la rentrée, frais et dispos pour commenter le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie. Mais pas de panique : je vous ai préparé une série d'articles pour meubler votre été.

Comme l'année dernière, j'aimerais profiter de cette occasion pour prendre un peu de recul.
En 2017, je vous avez raconté comment les scientifiques du XVIIIe à la première moitié du XXe siècle ont abordé les questions climatiques (série que je vous invite évidemment à découvrir si vous ne l'avez pas encore lue !). Cette année, nous allons voir comment la météo a pu parfois influencer le cours de l'histoire et essayer d'en apprendre quelque chose sur la façon dont nous pouvons à notre tour gérer les variations du climat.


La question de l'adaption aux changements climatiques


Mais profitons-en d'abord, cher lecteur qui ne me connaît qu'au travers de ce blog, pour répondre à une question que tu te poses peut-être : comment je gagne ma vie ?
Hé bien, de plus en plus souvent, en aidant des organisations - entreprises, collectivités, ONG... - à réfléchir sur l'impact que le changement climatique va avoir pour elles ou pour leurs projets (si vous voulez en savoir plus, je vous invite à visiter ce site).

Il s'agit en fait d'une question à tiroir. Prévoir le climat futur - si on entend par là l'évolution globale de variables comme la température ou les précipitations - est relativement facile : n'a-t-on pas "fêté" il y a quelques semaines les 30 ans de la déposition de James Hansen devant le Sénat américain en constatant que ces prévisions formulée dans les années 80 sont très proches de ce que nous avons observé depuis ?

Décliner cette évolution globale à l'échelle locale est plus délicat mais pas impossible : les modèles climatiques ont une résolution spatiale assez grossière, de l'ordre de la centaine de kilomètres, mais d'autres techniques permettent de régionaliser ces projections. Il est tout à fait possible d'évaluer avec un bon niveau de certitude la température qu'il fera en moyenne à l'endroit précis où vous vous trouvez en juillet 2080.

Là où les choses deviennent plus compliquées, c'est lorsqu'on cherche à évaluer les effets de l'évolution des variables climatiques sur notre environnement. Calculer l'évolution de la température dans la Beauce est une chose, savoir dans quelle mesure cela va augmenter le risque pour les recoltes en est une autre...

La dernière étape, et la plus difficile, consiste à imaginer les effets de ces changements sur la société.
Il s'agit bien d'imaginer car même si certaines causalités existent (une augmentation de la température fait diminuer la productivité du travail par exemple) l'organisation de la société (les horaires espagnols) et les décisions que nous prendrons (par exemple sur la rénovation thermique du parc tertiaire) peuvent radicalement changer le résultats. Ici contrairement aux étapes précédentes il n'y a pas de fatalité.


L'impact humain, Graal du risque climatique


Vous me direz peut-être : si rien n'est écrit pourquoi se donner la peine d'essayer de prévoir ce qui peut arriver ? La réponse c'est précisément que rien n'est écrit parce que nous avons une capacité d'anticipation et d'adaptation.
Si nous ne faisons pas l'effort de nous projeter sur l'avenir et de le prendre en compte dès maintenant dans nos décisions, si nous ne nous adaptons qu'en réaction au changement climatique nous renonçons largement à notre liberté de choix. L'adaptation proactive, par opposition à l'adaptation réactive, est le propre de l'homme : c'est elle qui nous permettra d'écrire notre histoire plutôt que de la subir.

Parvenir à imaginer les conséquences du changement climatique pour la société, c'est donc le Graal de l'adaptation.
Mais évidemment, c'est très difficile :  une société est un ensemble complexe avec d'innombrables interdépendances qui forment des rétroactions susceptibles d'amplifier ou de limiter les dommages et de conduire à une trajectoire très non-linéaire. Son évolution est d'ailleurs le résultat de nombreuses dynamiques (climatique mais aussi politique, économique, technologique, etc.) ce qui la rend difficilement prévisible.
Face à cette complexité, l'histoire nous démontre abondamment que nous avons tendance à penser que demain sera à peu de chose près comme aujourd'hui et à ne voir les risques que lorsqu'ils se réalisent.


Parlons concret : regardons le passé plutôt que le futur !


Puisqu'il est si difficile de prévoir l'avenir, pourquoi ne pas commencer en se tournant plutôt vers ce que nous connaissons : le passé ?
Depuis le début des temps historiques, aucune civilisation n'a eu à subir un changement climatique de l'ampleur de celui est en train de produire. Mais cela ne veut pas dire que nos ancêtres n'ont pas connu des variations de leur climat, leur réactions dans ces situations peuvent peut-être nous donner une idée de ce qui nous attend...

Voici donc l'objet de cette série : j'ai sélectionné pour vous quelques moments historiques pendant lesquels la températures ou les précipitations ont varié significativement par rapport à la période précédente, de façon suffisamment durable et intense pour avoir une influence discernable sur le cours des événements.

Deux remarques importantes pour anticiper sur vos commentaires :
  1. Il est évidemment impossible d'établir de façon certaine un lien de causalité entre un événement climatique et un évenement historique, l'idée d'ailleurs nous répugne : si nous admettons que l'homme est désormais une force géologique, imaginer qu'en retour l'environnement puisse être une force historique nous dérange, nous n'aimons pas nous savoir déterminé... C'est précisément cet a priori qu'il s'agit de titiller et pour cela l'existence d'un lien crédible entre climat et histoire (ça ne s'est pas forcément passé comme ça mais ça aurait pu) nous suffira.
  2. Contrairement au changement climatique actuel, les anomalies dont nous allons parler n'ont évidemment pas d'origine humaine : elles peuvent être liées à d'autres causes ou simplement relever de la variabilité naturelle du climat. Peu importe l'origine du phénomène, puisque ce qui nous intéresse c'est la réaction des êtres humains qui y sont soumis : ont-ils consciemment ou non réagi à cette variation ? Sont-ils parvenus à la maîtriser ? Et peut-on en apprendre quelque chose sur la façon dont les sociétés affrontent ce type d'événement ?
Concernant les sources, j'ai fait fond très largement sur Emmanuel Le Roy Ladurie, le précurseur français de l'histoire du climat, notamment son Histoire humaine et comparée du climat. Egalement sur : Des climats et des hommes sous la direction de Jean-François Berger,  History and climate de Philip Jones et A cultural history of climate de Wolfgang Behringer.

Je publierai un nouvel article sur ce sujet chaque mercredi jusqu'à la rentrée. Voici ceux qui sont déjà parus :


        Publié le 17 juillet 2018 par Thibault Laconde

        Vous avez aimé cet article ? N'en ratez aucun en vous inscrivant à la newsletter mensuelle.


        1 commentaire :

        1. Juste un commentaire à propos de l'expression: "ces prévisions [de J Hansen] formulées dans les années 80 sont très proches de ce que nous avons observé depuis "
          Faire référence pour valider cette idée à un site aussi controversé que "Skeptical Science" ne me semble pas très approprié. L'article paru sur le site de Judith Curry (ancienne présidente de la "School of Earth and Atmospheric Sciences", membre du "NASA Advisory Council Earth Science Subcommittee", etc. - voir Wikipedia) me semble plus crédible.

          En gros, ce qui est mis en avant est le caractère fortuit de cette coîncidence due à
          - un El Niño exceptionnellement fort en fin de période (les températures ont beaucoup baissé depuis)
          - la prise en compte dans son scénario d'une "grosse" éruption volcanique en 2015 qui n'a pas eu lieu (elle se produira peut-être demain matin !) qui a eu pour effet de "refroidir" son modèle, etc.

          NB: Pour les non anglophones, la traduction en français de l'article (ce n'est pas moi qui ai "traduit", c'est Google !)
          Signé: papijo

          RépondreSupprimer