Les crises énergétiques qui viennent...

A quoi ressemblera la fin des énergies fossiles ? Schématiquement, deux camps s'affrontent sur cette question. A ma gauche : les tenants du "pic" qui pensent que cette fin viendra de l'épuisement de la ressource. A ma droite : les optimistes qui croient que la baisse de la demande, permise par une plus grande sobriété ou le déploiement de nouvelles technologies, sera le facteur dominant.

Les incendies de Fort McMurray et la production de sables bitumineux : une répétition des futures crises énergétiques ?Je ne me suis jamais retrouvé complètement dans cette alternative. En particulier parce que je ne crois pas, comme le suggèrent ces deux scénarios, que la fin des énergies fossiles sera progressive. La production, la transformation et le transport d'énergie jouent un rôle trop central dans nos sociétés - tout en dépendant eux-même du bon fonctionnement de l'économie pour obtenir, par exemple, le travail et le capital dont ils ont besoin - pour qu'il n'existe pas quelque part quelques rétroactions
capables de transformer une déstabilisation à priori bénigne en effondrement.
Il ne s'agit guère plus que d'un pressentiment mais je crois que la fin des énergies fossiles pourrait être une crise brutale, l'affaire de quelques années peut-être, qui nous laisserait avec des stocks encore importants mais inexploitables et sans solutions de remplacement.

Pourquoi je vous parle de ça maintenant ? En dehors du fait que ça fait très longtemps que j'ai envie d'écrire à ce sujet, parce que l'actualité nous montre des situations qui pourraient être des prototypes à l'échelle locale de cette crise énergétique.


Venezuela : "crise de liquidité" énergétique


Le premier cas dont je voudrais parler est le Venezuela : le pays produit chaque jour de l'ordre de 2.5 millions de baril de pétrole mais de nombreux analystes prédisent une baisse (voire un effondrement total) dans les mois qui viennent. Pourquoi ? Faites votre choix : instabilité politique, sous-investissement...
Mais  une des menace sur la production vénézuélienne de pétrole me parait particulièrement intéressante. Le Venezuela connaît depuis le début de l'année de grave pénurie d'électricité. Ce n'est pas un hasard : le pays dépend à 70% de sa production hydroélectrique et El-Nino entraine régulièrement une baisse des précipitation sur la moitié nord du continent sud-américain. Le dernier épisode ayant été particulièrement intense, un peu partout les barrages sont vides. C'est notamment le cas du barrage de Guri qui en temps normal produit un tiers de l'électricité vénézuélienne. Or il faut de l'électricité pour produire du pétrole... faute de précipitations, la production pourrait baisser rapidement de 100 à 200.000 barils par jour.


"Plus d'électricité donc plus de pétrole : le Venezuela connait actuellement une "crise de liquidité" énergétique."





En effet, on l'oublie souvent mais il faut de l'énergie pour produire de l'énergie, il en faut même de plus en plus. Et à ce jeu là toutes les énergies ne se valent pas : généralement, il faut investir une énergie secondaire (c'est-à-dire qui ne se trouve pas dans la nature comme l'électricité ou les carburants raffinés) pour obtenir une énergie primaire (pétrole brut, charbon...) qui elle-même sera transformée pour produire des énergies plus facilement utilisable et de meilleure qualité.
Cette boucle est un facteur de vulnérabilité important : si vous n'avez plus d'énergie facilement utilisable, vous perdez votre capacité à produire et transformer des énergies primaires quelques soient les réserves dont vous disposez. Vous pouvez ainsi, comme le Venezuela, vous retrouver dans le noir alors que vous avez sous les pieds une mer de pétrole... C'est un peu l'équivalent pour l'énergie d'une crise de liquidité dans le secteur financier : vous faites faillite pas parce que vous n'avez plus d'argent mais parce que votre argent n'est pas disponible au moment où vous en avez besoin.


Fort McMurray, un effet d'hystérésis ?


Peut-être vous dites-vous qu'une telle situation ne peut être que temporaire : passée la crise, la production va reprendre et revenir à son niveau précédent. Je n'en suis pas si sur. Un autre événement récent pourrait bientôt illustrer ces doutes.

Vous en avez certainement entendu parler : un immense incendie a ravagé les environs de de Fort McMurray dans la province de l'Alberta au Canada. Fort McMurray est la "capitale" des sables bitumineux : sur quelques kilomètres carrés au nord de la ville sont produits chaque jour 2.4 millions de barils de pétrole, soit 2.5% de production mondiale.
L'incendie a forcé près de 100.000 personnes à évacuer, ce qui a entraîné l'interruption partielle de la production d'hydrocarbures même si les installations sont largement indemnes. La production a été amputée d'environ un million de barils par jour. Comme l'exploitation des sables bitumineux nécessite beaucoup de chaleur et que celle-ci est utilisée en cogénération, la production d'électricité est aussi affectée, environ 500MW manquent à la région.
Très vite, les autorités et les compagnies pétrolières se sont montrées rassurantes : on redémarera bientôt la production - c'est l'affaire de quelques jours, on reconstruira les maisons, et tout redeviendra comme avant... En réalité le redémarrage des installations a été régulièrement repoussé depuis et il n'est pas du tout évident que la région puisse se remettre du désastre : l'exploitation des sables bitumineux s'est développé grâce au prix élevé du pétrole. On peut reconstruire des maisons mais pas recréer les conditions de ce boom. L'activité était déjà en difficulté avant les incendies : 40.000 personnes ont été licenciées et n'ont aucune raison de regarder en arrière. Et parmi ceux qui ont encore un travail mais qui ont tout perdu, combien reviendront ?


"On peut reconstruire Fort McMurray mais pas recréer les conditions qui ont permis l'essor des sables bitumineux."





Il faudra attendre plusieurs mois pour savoir définitivement ce qu'il en est. Mais cet exemple montre que la production d'énergie peut être soumise à des effets d'hystérésis : elle a besoin de conditions particulières pour se développer, elle peut ensuite perdurer même si ces conditions ont cessé d'exister mais si elle est interrompue, rien ne garantit qu'elle redémarrera.


Nigeria : effet papillon et cercle vicieux


Les cas canadiens et vénézuélien présentent plusieurs similitudes : la production est interrompue par un événement extérieur indépendant mais relativement proche et dans les deux cas cet événement est lié à une situation climatique exceptionnelle - il est intéressant de noter que le changement climatique crée un environnement favorable à ce type de disruption. Mais d'autres chaînes de causalité peuvent exister.

C'est ce qui se passe en ce moment au Nigeria. Le pays connaît une grave crise économique. Le Nigeria était l'année dernière le premier producteur du continent avec 2.5 millions de barils par jours qui fournissaient 70% des ressources publiques, il a beaucoup souffert de la baisse des cours, aggravée par des manipulations hasardeuses de la monnaie nationale. Cette crise a vidé les caisses de l’État, l'obligeant notamment à baisser de 70% les fonds qu'il versait aux anciens rebelles du Delta du Niger depuis l’amnistie de 2009.
Que croyez-vous qu'il arriva ? Les attaques contre les infrastructures pétrolières qui avaient cessé depuis cette date ont repris. Un pipeline sous-marin appartenant à Royal Dutch Shell a été saboté en février amputant la production de 250.000 barils par jour, une plateforme off-shore de Chevron a été attaquée début mai (35.000b/j en moins) et Shell s'est résolu a évacuer ses salariés le 9 mai. La production de pétrole nigériane serait tombée à 1.7 millions de barils par jour, voire à 1.4 selon le ministre nigérian du pétrole, en tous cas son niveau le plus bas depuis des décennies.
Au-delà des pertes immédiates, ces attaques peuvent faire basculer le pays dans un cercle vicieux : la baisse de la production de pétrole rend plus difficile le redémarrage de l'économie et donc la stabilisation du Delta du Niger, insécurité qui à son tour nuit à la production et aux investissements, etc.


En guise de conclusion...


Avoir des champs de pétrole ou des veines de charbon ne suffit pas à produire de l'énergie. Il faut aussi que les facteurs de productions (capital, travail, énergie, matières premières...) soient disponibles et que les conditions (économiques, politiques, sécuritaires...) soient favorables. Or ces pré-requis dépendent aussi plus ou moins directement de la disponibilité de l'énergie.
Cette mécanique complexe peut être déréglée par une mauvaise gestion ou un événement extérieur. Localement, cela arrive déjà de temps à autres et arrivera de plus en plus avec le réchauffement climatique.


"Une ressource ne suffit pas pour produire de l'énergie : il faut des capitaux, du travail, de l'énergie disponible…"




Aussi longtemps qu'ils restent locaux, ces épisodes, même s'ils sont dévastateurs pour les sociétés concernées, peuvent être compensés par la production d'autres zones et les flux commerciaux. Mais une telle crise pourrait-elle se produire à l'échelle globale ? Peut-être. Il est peu probable qu'un événement unique en soit la cause, mais pourquoi pas une conjonction de crises locales aggravée par un ralentissement des échanges qui ne permettraient plus aux zones affectées de récupérer assez vite ?


Publié le 19 mai 2016 par Thibault Laconde

Illustration : By DarrenRD (Own work) [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia Commons



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2 commentaires :

  1. Merci pour cet article très instructif !

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  2. Sauvez/protéger son couple , annulé une rupture/séparation


    Bonsoir a tous
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