Détrompez-vous ! Selon une étude de Nina Mazar et Chen-Bo Zhong, deux chercheurs en psychologie sociale de l'université de Toronto, c'est un délinquant en puissance qui se trouve en face de vous...
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Acheter bio incite à agir immoralement : la preuve
Les deux chercheurs ont monté une expérience simple : ils ont crée deux boutiques en ligne avec des produits identiques et au même prix, mais dans un cas la majorité des produits sont présentés comme biologiques ou respectueux de l'environnement, dans l'autre ce sont des produits ordinaires.
Après avoir été invités à dépenser 25$ sur l'une ou l'autre de ces boutiques, des cobayes ont été conduits vers une seconde expérience, apparemment sans lien, permettant de tester leur altruisme : chaque participant reçoit 6$ qu'il peut ou non partager avec une autre personne qui n'a rien reçu. Ce choix est fait dans des conditions telles que le participant est assuré que le montant qu'il donne restera confidentiel.
Résultat : les personnes qui ont fait des achats dans la boutique "verte" donnent significativement moins que celles qui sont passées par la boutique standard (1.76$ en moyenne contre 2.18$).
Voilà donc prouvé qu'acheter des produits biologiques ou écoresponsables rend plus égoïste. Mais est-ce que cela peut aussi amener à mentir ou à voler plus facilement ?
Pour répondre à cette seconde question, les chercheurs ont repris leurs deux boutiques, classique et "verte", en changeant la seconde expérience. Cette fois les cobayes participent à ce qu'ils pensent être test de perception visuelle : ils regardent un écran divisé en deux parties, pendant une seconde 20 points apparaissent et ils doivent ensuite dire de quel coté de l'écran il y avait le plus de points.
Cette expérience est conçue pour que le taux d'erreur soit très faible mais Mazar et Zhong y ont ajouté une incitation à mentir (les participant touchent un demi centime lorsqu'ils voient plus de points à gauche et 5 centimes lorsqu'ils voient plus de points à droite) et une occasion de voler (les participants se payent eux-même dans une enveloppe disposée sur leur table au début de l'expérience).
Résultat : alors que les cobayes passés par la boutique standard ne font pratiquement aucune erreur et prélèvent la bonne somme à quelques pourcents près, ceux passés par la boutique "verte" augmentent leur revenu de 17% en moyenne en désignant la partie droite de l'écran alors qu'il y a plus de points à gauche puis de 23% en prenant plus d'argent que prévu dans l'enveloppe...
Pourquoi un achat "vert" rend t-il égoïste, voleur et menteur ?
D'abord, il faut couper court à une interprétation abusive : ces expériences ne démontrent pas que les personnes qui ont l'habitude d'intégrer l'environnement à leurs choix de consommation sont plus malhonnêtes que les autres. Elle montre qu'un individu quelconque amené fortuitement à faire des achats responsables aura plus de facilité à se montrer égoïste, menteur ou voleur dans les instants qui suivent.
Comment expliquer cela ?
Pour les deux chercheurs, nous décidons de nos actions, bonnes ou mauvaises, en arbitrant entre l'image morale que nous souhaitons nous faire de nous même et notre intérêt à mal agir. Mais lorsque nous prenons ces décisions nous sommes influencés, même inconsciemment, par nos actions précédentes : si quelque chose pèse sur notre conscience, nous allons vraisemblablement tenter de compenser par de bonnes actions, à l'inverse, une action vertueuse nous donne plus de liberté pour nous écarter des règles que nous fixons habituellement ("licensing effect").
Le cas des achats responsables n'est évidemment pas isolé : qui n'a jamais accompagné ses frites d'un Coca light ? Une étude (Effron, Cameron et Monin, 2009) a même montré que soutenir Barack Obama rend plus probable de favoriser un blanc dans une recherche d'emploi... Pour Mazar et Zhong, l'homme se comporte en "pendule moral" (moral pendulum) : des actions contradictoires se succèdent à très faible intervalle.
Qu'en conclure pour les professionnels du développement durable ?
Quelles conclusions peut-on tirer de cette étude lorsqu'il s'agit de promouvoir des comportements responsables ?
D'abord la communication sur l'environnement ou le développement durable devrait éviter de faire appel au sens moral (aka valeurs, vertu, conscience, éthique, devoir, etc.) du public ciblé. Outre que c'est un argument relativement faible, plus la valeur morale des actions aura été mise en avant, plus l'individu pourra se représenter positivement, plus l'effet de pendule sera fort.
Du point de vue de la psychologie sociale, la communication la plus efficace sera sans doute d'exposer les personnes au bon comportement et de le faire apparaître comme normal. Si on souhaite s'adresser au consommateur rationnel, il faudra essayer de le toucher directement et ne pas faire apparaître l'action promue comme une faveur faite à un tiers.
Exemple de campagne misant sur la reproduction d'un geste sans lui donner de dimension morale |
Dans une entreprise, les investissements sont bien sur incontournables : repenser l'éclairage ou la ventilation, investir dans des machines moins consommatrices en énergie, etc. Mais peut-être faut-il être prudent dans la communication interne afin de ne pas exonérer les individus de leurs propres responsabilités.
Et vous ? Qu'en pensez-vous ? Êtes vous surpris par les résultats de cette étude ? Avez-vous déjà rencontré ce phénomène ?
N'hésitez pas à partager votre expérience !
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