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Climat : derrière la lenteur des Etats, un monde qui bouge

Alors que les diplomates du monde entier préparent la conférence sur le climat de Katowice et que le gouvernement français pondère ce qu'il va faire du nucléaire, on peut avoir l'impression que les États règnent en maîtres sur les politiques énergétiques et climatiques. Pourtant ils ne sont pas les seuls à agir, loin de là : les entreprises, les collectivités, les ONG, le monde académique, etc. jouent un rôle aussi voire plus important.
Pour documenter leurs contributions, qui reste assez peu connue, l'association Climate Chance a créé un "observatoire de l'action climatique non-étatique". Cet observatoire publie ces jours-ci son premier rapport annuel (disponible ici).

J'ai largement contribué aux chapitres de ce rapport consacrés à l'énergie et à l'industrie. Voici ce que je retiens de ce travail inédit dans le domaine que j'ai le plus approfondi, c'est-à-dire la production d'électricité et de chaleur.


Les émissions restent mal orientées mais le visage du secteur change rapidement


On ne dispose pas encore de données complètes sur les émissions liées à la production d'électricité et de chaleur en 2017 mais les premiers éléments sont loin d'être encourageants : l'année dernière, les émissions du G20 (qui représentait 80% des émissions dans ce secteur en 2016) ont augmenté de 2%. Il ne fait donc guère de doutes que la légère baisse des émissions enregistrée en 2015 a fait long feu.
La raison ? Principalement l'augmentation de la demande d'électricité sous l'effet de la croissance économique et des progrès de l'électrification. La diffusion des énergies renouvelables rend la production d'électricité moins émettrice mais ces progrès sont largement contrebalancés par la hausse de la production.

Est-ce que cela signifie que rien ne se passe. Certainement pas ! Quand on va au-delà de ces chiffres et qu'on s'intéresse, notamment, aux entreprises du secteur il est évident que le secteur est en train de changer à grande vitesse.
C'est le cas évidemment avec les grands énergéticiens occidentaux - Eon, RWE, EDF... - et leurs fournisseurs - Siemens, GE, ABB, Westinghouse... - qui se réorganisent péniblement. Certaines entreprises y parviennent et en profitent pour se réinventer totalement comme le danois Orsted passé en une dizaine d'années du pétrole à l'éolien.

Les grandes entreprises héritières des monopoles nationaux peuvent aider à développer des filières complexes, c'est le cas de KenGen qui a fait du Kenya un champion de la géothermie. Mais d'une manière générale, l'innovation technique et économique facilite l'entrée de nouveaux acteurs alors que les entreprises historiques sont handicapées par l'inertie de leurs infrastructures. On voit ainsi les opérateurs de téléphonie et les banques investir la fourniture d'électricité au travers des systèmes "pay as you go" qui alimentent 750.000 foyers principalement en Afrique de l'Est ou encore les géants de l'internet entrer sur le marché de l'énergie aux États-Unis.

Si on regarde les indicateurs, il semble que la transition climatique du secteur électrique n'a pas encore commencé mais si on s'intéresse aux dynamiques des organisations il est clair qu'il est en train d'évoluer rapidement. Le visage du secteur de l'électricité n'est déjà plus ce qu'il était il y a 10 ans et il sera probablement méconnaissable dans quelques années.


La société civile et les communautés locales pèsent dans les choix énergétiques


Ce ne sont pas que les États et les entreprises qui décident des grandes options énergétiques. La population, plus ou moins organisée, a la volonté et la capacité d'exercer une réelle influence.
La Chine, qui pourtant n'est pas le pays le plus ouvert dans ce domaine, en donne un bon exemple : la mobilisation de la population contre la pollution atmosphérique, notamment au printemps 2015, a joué un rôle important pour orienter le gouvernement central et les entreprises vers une production d'énergie moins carbonée. Dans le même temps, les interrogations des milieux académique sur la sécurité des centrales nucléaires construites à l'intérieur des terre a conduit à un moratoire de fait sur les nouveaux projets.

La mobilisation de la société civile est souvent dirigée contre les centrales à charbon : on retrouve des mouvements de ce type de l'Allemagne (mine de Hambach) jusqu'au Kenya (centrale de Lamu). Mais elle peut aussi cibler des filières destinées à réduire les émissions comme la séquestration du carbone (Barendrecht aux Pays Bas, Beeskow en Allemagne, Greensville et Long Beach aux Etats-Unis) et bien sur le nucléaire.


Les collectivités jouent un rôle d'animation de la transition climatique


C'est évident en France où la loi sur la transition énergétique de 2015 à fait des intercommunalités les cheffes de file de la transition énergétique et rendu les plan climat-air-énergie territoire obligatoire pour la plupart d'entre-elles. Mais c'est le cas aussi ailleurs.
Là encore la Chine fournit un exemple inattendu : de nombreuses villes chinoises se dotent de plans climat. Cette démarche permet d'accélérer le déploiement de solutions comme la mobilité électrique ou le chauffage solaire mais elle offre aussi un espace d'expression dans lequel le modèle de croissance basé sur l'industrie et la construction est souvent débattu.

Au-delà de leurs territoires, les collectivités peuvent aussi faire évoluer les instances nationales avec lesquelles elles dialoguent. Le Cap en Afrique du Sud fournit un bel exemple de ce type de démarche : depuis 2008, la ville est engagé dans des échanges avec NERSA, le régulateur de l'électricité sud-africain, et l'électricien Eskom pour donner un cadre réglementaire et technique à la production solaire décentralisée. Ses efforts, qui se poursuivent, ont profité à d'autres collectivités du pays.


Le prix du carbone n'est pas un outil réservé aux États


Le prix du carbone est un des outils qui fait consensus dans la lutte contre le changement climatique. Et il a démontré spectaculairement son efficacité en Grande Bretagne qui a vu sa production électrique au charbon s'effondrer après avoir fixé un prix plancher pour le carbone.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser cet outil n'est pas réservé aux États : une trentaine de villes, régions ou états fédérés ont déjà mis en place une taxe carbone ou un marché des émissions. Aux États-Unis, 9 états fédérés se sont engagés à créer un marché du carbone dans le cadre du Regional Greenhouse Gas Initiative afin de réduire leurs émissions de 65%. En Chine, l'expérience des gouvernements locaux, comme les villes de Shanghai et Pékin ou la province de Canton, qui ont mis en place un marché du carbone local, sert d'inspiration pour la création du marché national. Au Canada,la Colombie Britannique, et l'Alberta ont créé des taxes carbone et le Québec et l'Ontario se sont dotés de marché des émissions...

Les entreprises aussi peuvent se doter volontairement de prix du carbone. C'est par exemple le cas de Microsoft qui prélève une "taxe" sur ses émissions directes et certaines émissions indirectes (comme les voyages en avion des salariés) et utilise l'argent collecté pour financer ses investissements dans les énergies renouvelables.

Finalement ce rapport met en évidence un foisonnement d'initiatives et d'actions. Elles ne suffisent pas encore à infléchir les émissions mais il y a matière à espérer. Si ces réussites peuvent être connues, reproduites, améliorées... nous sommes peut-être plus proche d'un basculement que les indicateurs le donne à penser.

  > Vous pouvez consulter ici le chapitre énergie du rapport Climate Chance



Publié le 20 novembre 2018 par Thibault Laconde


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Au revoir Bonn, bonjour Katowice : le bilan de la COP23 et les enjeux pour la COP24

Le rideau tombe ce soir sur la 23e conférence sur le climat, l'occasion de faire un bilan et de dessiner déjà quelques enjeux pour les prochains mois.


En bref, ça s'est bien passé


S'il ne faut retenir qu'une seule chose, c'est que la COP23 s'est déroulée sans réel accroc (sauf rebondissement de dernière minute).


Évidemment, c'était d'autant plus facile que cette COP était une conférence destinée avant tout à préparer la suivante mais il n'empêche qu'elle a vu des progrès importants, pour citer les principaux :
  • Sur le "rulebook" (renommé officiellement "guideline for implementation") : L'Accord de Paris, on le sait, a gravé dans le marbre des principes généraux qui doivent être précisés avant de devenir réellement opérationnels. La conférence de Bonn a permis d'adopter un brouillon de ce manuel d'application de l'Accord de Paris, il reste encore beaucoup de divergences mais dans les négociations internationales s'entendre sur le texte sur lequel on va discuter est déjà un grand pas !
  • Sur le "dialogue de Talanoa" : dans le cadre de la COP21, les États se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre mais ces promesses sont encore très insuffisantes pour limiter le réchauffement de la planète à 2°C et idéalement à 1.5°C, objectifs pourtant inscrits dans l'Accord de Paris. Des révisions régulières sont donc nécessaires, c'est l'objectif du dialogue de Talanoa qui formalise un mécanisme ébauché il y a deux ans.
  • Sur l'action pre-2020, c'est-à-dire avant la mise en oeuvre de l'Accord de Paris, des progrès ont aussi été enregistrés.
La présidence fidjienne a aussi imprimé sa marque sur cette conférence avec l'Ocean Pathway ou en poussant des sujets tels que le genre, l'agriculture et la sécurité alimentaire ou encore la Plateforme pour les collectivités locales et les Peuples autochtones.


Beaucoup de travail en 2018


Tout n'est pas réglé pour autant : il ne s'agit que de premiers pas qui devront être poursuivis et accélérés. Par ailleurs, certains sujets patinent, c'est le cas - comme d'habitude serait-on tenté de dire - des financements (dont les fameux 100 milliards de dollars par an promis par les pays développé aux pays en développement) et des pertes et dommages (le mécanisme destiné à aider les victimes du changement climatique). Il reste encore beaucoup de travail pour permettre l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris à la COP24 comme prévu...
Ouvrons donc nos agendas : la prochaine conférence sur le climat, aura lieu à Katowice dans le sud de la Pologne du 4 au 13 décembre 2018.

Cette COP24 est un rendez-vous crucial mais ce n'est pas le seul : l'intersession (en quelque sorte la COP23.5 qui aura lieu en avril) sera importante, comme les réunions du G20 ou les autres grands rendez-vous internationaux qui devront faire avancer les négociations en coulisse. Sans oublier le sommet sur le climat organisé à Paris le 12 décembre et qui doit notamment aborder la question des financements.
Le GIEC doit aussi remettre en septembre 2018 son prochain rapport sur l'impact d'un réchauffement de 1.5°C et les trajectoires d'émission qui peuvent y mener.


Bref, l'année 2018 s'annonce chargée sur le front du climat. Pour les acteurs de la société civile, il faudra aussi faire un effort de pédagogie et de mobilisation pour expliquer pourquoi la COP24 qui resssemble fort à un énième sommet technocratique est en fait un rendez-vous autant, voire plus, important que la COP21.


Une mobilisation toujours forte


La société civile, justement parlons-en. Cette COP23 n'a pas fait le plein coté chef d'Etat et de gouvernement mais les visiteurs se sont encore bousculés dans les allées de la conférence : selon la ministre de l'environnement allemande, la COP23 a acceuilli 72.000 participants dont 11.000 délégués et 1200 journalistes. Ce qui en fait la plus grande conférence internationale jamais organisée en Allemagne.


Pour une COP que tout le monde savait par avance "technique" et "de transition", cette fréquentation est remarquable. C'est encore une fois la preuve que le climat reste en haut de l'agenda : aucun autre sujet n'a la capacité de mobiliser aussi largement la communauté internationale.
Et cette mobilisation est plus que bienvenue au moment où les acteurs non-étatiques - entreprises, collectivités, régions, etc. - se placent à la pointe de l'action climatique. Comme c'est souvent la cas dans les COP, les évènements les plus intéressants et les progrès concrets n'étaient pas à chercher du coté des négociations mais dans le bouillonnement qui entourait la conférence.


Le charbon sur le banc des accusés


S'il fallait dégager une tendance forte parmi toutes ces initiatives, ce serait probablement celle-ci : les jours du charbon semble de plus en plus clairement comptés.


L'agenda et le lieu s'y prêtait : l'Allemagne reste un des pays européens les plus dépendants du charbon et les négociations pour former une nouvelle coalition après les élections fédérales du 24 septembre buttent notamment sur la fermeture de centrales à charbon. L'Allemagne a fait profil bas mais il est possible que la pression des ONG et même des entreprises à l'occasion de cette COP aident à faire pencher la balance.
La situation sera d'ailleurs un peu la même l'année prochaine avec une COP24 se déroulant dans une région charbonnière de la Pologne, elle-même très attachée à ce combustible.

Comme c'est presque rituel, des institutions financières ont profité de la COP pour annoncer leur intention de désinvestir du charbon ou plus largement des énergies fossiles. C'est par exemple le cas de Storebrand, le plus gros fonds de pension privé en Norvège.
Mais surtout cecette COP23 a vu naitre l'initiative "Powering past coal" : une coalition s'engageant à arreter toute production d'électricité à partir du charbon d'ici à 2030. Parmi les premiers membres, on trouve une vingtaine de pays dont certains dépendent encore largement du charbon comme le Danemark (24% de la production d'électricité), les Pays Bas (37%), le Portugal (29%) ou l'Italie (16%). Il s'agit donc pour eux d'un vrai engagement.
La coalition compte aussi une dizaine de régions ou provinces, dont deux états fédérés américains : l'état de Washington et l'Oregon.



Cette initiative a aussi pour effet d'isoler Donald Trump et ses rêves de renaissance du charbon. En effet, on trouve dans "Powering past coal" les voisins et les alliés les plus proches des États-Unis : Grande Bretagne, Canada, Mexique...


D'ailleurs, où sont les américains ?


Donald Trump n'était évidemment pas à Bonn, pas plus que Scott Pruitt ou Rex Tillerson. Rien de surprenant... Ce qui l'est plus c'est que le négociateur du département d'Etat a quitté la conférence au début de la deuxième semaine et que Tom Shannon, le chef de la délégation américaine... n'a tout simplement pas fait le déplacement.


Et lorsque les Etats-Unis étaient présents ils avaient apparemment du mal à s'entendre avec eux-même : il y a bien sur le mouvement "We Are Still In", la coalition d’États, de villes et d'entreprises qui soutient l'Accord de Paris et affirme représenter la moitié de l'économie américaine. Il y a aussi le seul événement officiel organisé par les Etats-Unis : un side-event pro-charbon.
Et entre les deux, il y a les diplomates américains qui semblent ne pas trop savoir où se mettre, en témoigne l'intervention assez convenue de Judy Garber, représentante des Etats-Unis in absentia, dans le segment de haut niveau : elle s'est bien gardé de ne serait-ce que prononcer le mot "charbon".

En tous cas, la diplomatie américaine n'a pas cherché à bloquer les négociations et c'est un grand soulagement. Après l'attaque de Trump contre l'Accord de Paris, tout le monde craignait que les Etats-Unis tentent de faire obstacle à la mise en oeuvre de l'Accord. Ce n'est pour l'instant pas le cas.

Publié le 17 novembre 2017 par Thibault Laconde




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COP23 : les 5 enjeux de la conférence sur le climat de Bonn

La 23e conférence internationale sur le climat, alias COP23, se tiendra du 6 au 17 novembre à Bonn. Il y a deux ans la COP21 avait été marquée par l'adoption historique de l'Accord de Paris, l'année dernière l'entrée en vigueur de l'Accord avait précédé de peu la COP22 de Marrakech mais l'enthousiasme avait été douché en pleine conférence par l'élection d'un climatosceptique à la Maison Blanche...

Cette nouvelle conférence sera-t-elle aussi mouvementée ? Que peut-on en attendre ?

Sur le même sujet :

Vous êtes une entreprise, une ONG ou un organisme public et vous avez besoin d'un accompagnement (veille, plaidoyer, rédaction...) pendant la COP23 ?  C'est par ici !



1. Préparer la COP24 et l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris


Pour comprendre la COP23, il faut se rappeler des deux conférences précédentes. Si vous avez manqué un épisode : l'Accord de Paris, le premier accord universel sur le climat, a été adopté en décembre 2015, il est entré en vigueur 11 mois plus tard. Ce délai très court est sans précédent pour la diplomatie environnementale moderne : le protocole de Kyoto par exemple avait mis 74 mois pour passer de l'adoption à l'entrée en vigueur.
Cette rapidité a pris tout le monde au dépourvu. En réalité, l'Accord de Paris n'est pas pret à être appliqué : c'est un texte resserré qui définit seulement les grands principes, il faut maintenant négocier les détails pratiques. L'année dernière, la COP22 a fixé la date à laquelle ces règles du jeu (ou "rulebook" en version originale) devront être finalisées : ce sera lors de la COP24 de Katowice en 2018.

A priori, la COP23 s'annonçait donc comme une conférence technique dont le principal enjeu est de préparer la suivante.
Ce que l'on attendait surtout de la COP23, c'est de faire avancer les négociations sur la mise en oeuvre de l'Accord de Paris afin qu'il puisse être appliqué comme prévu dès l'année prochaine. Le succès ou l'échec de cette COP se jugerait donc sur des signaux faibles : pas de grands textes à adopter en plénière, très peu de chefs d'Etat, des négociations de boutiquiers et des bruits de couloirs...


2. Gérer l'administration Trump


Mais ça c'était avant... Depuis un événement est venu tout bouleverser : Donald Trump a annoncé que les Etats-Unis allaient sortir de l'Accord de Paris. La conférence de Bonn est la première depuis cette annonce et s'ouvre donc sur beaucoup d'incertitudes.

L'annonce de Donald Trump ne peut pas prendre effet avant 2019 et d'ici-là les Etats-Unis restent parties à l'Accord de Paris. On observera donc avec beaucoup d'attention et un peu d'inquiétude l'attitude des délégués américains : Vont-ils se mettre sagement en retrait ? Vont-ils tenter d'infléchir les négociations en leur faveur ? Ou vont-il essayer de tout bloquer ?

Cette dernière option serait évidemment catastrophique. Les décisions se prenant à l'unanimité, les Etats-Unis ont la possibilité de neutraliser les trois prochaines conférences, et de retarder dramatiquement la mise en oeuvre de l'Accord de Paris. Dans ce cas, l'action climatique internationale serait probablement obligée de se déplacer vers d'autres forums pour éviter d'être paralysée. C'est peut-être ce qu'Emmanuel Macron avait en tête lorsqu'il a proposé un sommet sur le climat a Paris juste après la COP23.


3. Endiguer les Etats-Unis et éviter une contagion


Selon les optimistes, la position de Trump n'a pas eu d'impact en dehors des États-Unis. Au contraire, elle aurait même resserré les rangs et incité les autres pays et les acteurs non-étatiques à aller plus vite et plus loin.
La réalité n'est pas aussi rose : plusieurs pays sont arrivés à la COP21 en traînant les pieds et d'autres ne sont plus très enthousiastes à l'idée d'honorer leurs engagements. Ils pourraient être tentés de suivre les États-Unis dans leurs défection ou d'en profiter pour revoir les ambitions à la baisse. La COP23 sera l'occasion de savoir un peu plus précisément ce qu'il en est.

On surveillera notamment l'Australie, où les climatosceptiques dirigés par l'ancien premier-ministre Tony Abbott ont repris l'offensive après deux ans en retrait et semblent sur le point de l'emporter.
Il faudra aussi faire attention à la Russie qui n'a toujours pas ratifié l'Accord de Paris - avec la Turquie, c'est le seul pays du G20 dans cette situation. Au début des années 2000, Vladimir Poutine avait utilisé l'élection de Georges W. Bush et sa décision de ne pas ratifier le Protocole de Kyoto pour monnayer au mieux la ratification russe et obtenir de nombreuses concessions. Il pourrait être tenter d'utiliser à nouveau cette stratégie aujourd'hui...
Même en Europe, la situation n'est pas tout-à-fait rassurante. En Allemagne, pays-hôte de la conférence, des négociations compliquées sont en cours pour former une nouvelle coalition et l'ambition climatique est au coeur des discussions. Dans ce domaine comme dans d'autres, la Grande Bretagne pourrait être tentée par le moins-disant afin de retenir des entreprises effrayées par l'incertitude politique et réglementaire endémique depuis le 23 juin 2016. La France, elle, est à l'aube d'une révision de sa politique énergétique dont les conséquences pour les émissions de gaz à effet de serre sont encore incertaines.

En sens inverse, la Chine qui est, rappelons-le le premier émetteur de gaz à effet de serre de la planète, a fait un nouveau pas vers le leadership climatique avec  le discours de Xi Jinping le 18 octobre.

Bref, c'est toute la carte de la lutte contre le changement climatique qui est en train d'être redessinée et on y verra sûrement un peu plus clair à la fin de la COP23.


4. Confirmer la mobilisation des acteurs non-étatiques


De la même façon on suivra avec attention les interventions des collectivités et des entreprises. Le rôle de ces acteurs non-étatiquesa rapidement gagné en importance depuis quelques années et ils s'imposent comme une voie de recours aux Etats-Unis.
Les conférences précédentes ont vu un foisonnement d'initiatives, lesquels ont résisté à l'épreuve du temps ? La société civile sera-t-elle aussi mobilisée pour cette conférence a priori peu spectaculaire que pour les COP21 ou 22 ? Et, au-delà de leurs prises de position, quels progrès concrets les acteurs non-étatiques peuvent-ils démontrer ?


5. Apporter des réponses aux Etats insulaires et aux pays les plus vulnérables


C'est Frank Bainimarama, le premier ministre des Iles Fidji, qui présidera la COP23. C'est la première fois qu'un responsable d'un État insulaire a un tel rôle dans une conférence sur le climat.
Il aura certainement à coeur de faire entendre ces petits pays menacés de submersion et plus largement de donner la parole aux premières victimes du changement climatique. L'AOSIS, la coalition des Etats cotiers et insulaires, sera probablement très active notamment pour rappeler l'objectif de limiter le réchauffement de la planète à 1,5°C et les engagements financiers des pays développés.


Publié le 20 octobre 2017 par Thibault Laconde


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Qui accueillera les COP23 et 24 ? Et où ont eu lieu les 22 précédentes ?

Logo de la COP23 organisée par les Iles Fidji à Bonn
Ça peut paraitre un peu anecdotique mais la question a agité la COP22 : qui organisera les prochaines conférences sur le climat ? Les pays réunis à Marrakech ne se sont pas bousculés pour accueillir le prochain sommet qui s'annonce, comme celui de cette année très technique, les vraies avancées arrivant plutôt en 2018.
Une solution a cependant finie par être trouvée et les organisateurs de la COP23 et de la COP24 ont été arrêtés par une décision adoptée le dernier jour de la conférence de Marrakech.


Près de la moitié des COP ont eu lieu en Europe


Mais avant de révéler les vainqueurs, il n'est pas inintéressant de regarder un peu en arrière : où se sont déroulées les COP précédentes ?

Quels pays ont organisé des conférences sur le climat (COP)
Pays ayant accueilli des conférences sur le climat (cliquez pour agrandir)


Vous voyez le problème ?

En comptant la COP6bis de 2001, 23 conférences sur le climat ont eu lieu depuis 1994 dont 10 se sont déroulées sur le continent européen. Et parmi celles-ci, la moitié ont été organisées dans deux pays : l'Allemagne et la Pologne.

L'Allemagne, qui héberge le siège de l'UNFCCC, détient le record du monde avec 3 conférences (la COP1 de Berlin et les COP5 et 6bis à Bonn). La Pologne fait presque jeu égal : elle a présidé 3 COP dont 2 se sont déroulées sur son territoire (COP14 à Poznan et 19 à Varsovie, la COP5 s'est déroulé à Bonn sous présidence polonaise).

En dehors de l'Europe, seuls deux pays industrialisés ont accueilli une COP, et encore c'était il y a plus d'une décennie : le Japon avec la fameuse COP3 de Kyoto et le Canada avec la COP11 de Montréal.
On voit aussi que la Chine et les États-Unis, pourtant les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre et les deux premières économies mondiales, n'ont jamais organisé de conférence sur le climat. Parmi les autres grands absents, on peut citer l'Australie et la Russie, également de gros émetteurs, le Moyen Orient et l'Afrique.


COP23 à Bonn, COP24 à Katowice. Youhou !


Dans ces conditions, difficile de sauter d'enthousiasme en apprenant que la COP23 se déroulera à Bonn (certes sous présidence Fidjienne) et que la COP24 sera organisée par la Pologne à Katowice. Comment mieux faire passer le climat pour une marotte d'européens ?

La COP23 se déroulera au siège de l'UNFCCC sous la présidence des îles Fidji. Pour un rendez-vous qui s'annonçait déjà comme une conférence de transition avant la mise en application de l'Accord de Paris en 2018, cette solution respire l'ennui et le manque d'ambition.
On sait que le pays qui préside joue un rôle majeur : c'est à lui de donner l'impulsion et de s'assurer que les négociations se déroulent dans de bonnes conditions. Directement menacées par la hausse du niveau des mers et premier État insulaire à assurer la présidence d'une COP, les Fidji ont un poids moral certain. Mais, sans vouloir insulter la diplomatie fidjienne, est-elle la la mieux placée pour mobiliser la communauté internationale dans le contexte mouvementé qui s'annonce ?

Quant à la COP24, elle aura lieu en 2018 dans dans le sud de la Pologne, à Katowice.
On se souviendra simplement que la Pologne est un État charbonnier, elle produit encore plus de 80% de son électricité à partir du charbon, et impénitent : lorsqu'il a offert l'accueillir la COP24, le ministre de l'environnement polonais n'a pas pu s’empêcher de lancer un plaidoyer assez gênant en faveur de la capture du carbone.


Publié le 12 novembre 2016 par Thibault Laconde, dernière mise à jour le 1er juin 2017.

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