Négaquoi ? NégaWatt.
Négawatt, avant d'être un gros volume de 367 pages, c'est une idée (ou une "démarche" pour reprendre le terme du livre) et une association.
L'idée est due au physicien américain Amory Lovins qui l'a énoncée en 1989 : une économie de puissance électrique peut être considérée comme une source d'électricité.
Par exemple, en France au cœur de l'hiver à l'heure de plus forte consommation 92.000MW environ peuvent être appelés. Pour y faire face, on peut
- soit construire des centrales électriques capables de produire cette puissance :Puissance installée (Watt) = Puissance maximale consommée (Watt)
- soit effacer une partie du pic par une politique d'économie d'énergie, si on parvient par exemple à économiser 5.000MW, il suffira de construire 87.000MW de centrales électriques. Les 5.000 négaWatt "produits" permettront d'équilibrer le réseau et de faire face à la pointe de consommation : Pinstallée (Watt) + Péconomisée (négaWatt) = Puissance max. consommée (Watt)
Le Manifeste négaWatt est la troisième version de ce scénario publiée en 2011.
Le Manifeste négaWatt, scénario pour une transition énergétique
Le manifeste négaWatt s'ouvre sur un constat : la situation énergétique est devenue intenable. Le dérèglement climatique, l'épuisement des énergies fossiles, les dérives du nucléaire rendent un changement inévitable, particulièrement pour la France et sa position tout électrique et tout nucléaire.
La démarche proposée est fidèle à la philosophie de l'association, elle passe par 3 étapes :
- D'abord la sobriété avec une réflexion sur les besoins autour de 3 usages principaux : production de chaleur et de froid, mobilité et usages spécifiques de l'électricité.
- L'amélioration de l’efficacité de la chaine énergétique pour diminuer les pertes à tous les niveaux : production, transport, conversion et consommation
- La substitution d'énergies "de flux" durables aux énergies "de stock" nécessairement limitées pour couvrir les besoins résiduels.
La mobilité est également un secteur important dans lequel économie d'énergie peut se conjuguer avec amélioration des conditions de vie puisque beaucoup des déplacements quotidiens sont subis. Une baisse de la vitesse maximale autorisée et l'adoption massive de la motorisation hybride permettent de compléter les économies.
L'industrie peut également consommer moins d'énergie en s'organisant selon les principes de l'écologie industrielle, en utilisant des matériaux recyclés et en produisant des biens plus durables. Le transport routier de marchandise devrait être fortement réduit grâce à l'instauration d'une redevance au kilomètre sur le modèle suisse.
Toutes ces économies d'énergies seraient encouragées par une contribution environnementale sur les énergies primaires, en fait une taxe portant sur toutes les énergies quelque soit leur usage, et un mécanisme de progressivité des prix de l'énergie.
Grâce aux économies réalisées, les énergies renouvelables suffiraient à satisfaire l'essentiel des besoins résiduels à condition de développer les réseaux et les capacités de stockage de l'énergie. Dans ces conditions une sortie du nucléaire serait possible entre 2030 et 2040 et à l'horizon 2050, les énergies fossiles pourraient être cantonnées à des usages très spécifiques.
Un travail intéressant mais inabouti
Sur la forme, le manifeste n'est clairement pas mature : décousu, trop long et trop lourd pour pouvoir réellement vulgariser le travail de ses auteurs sans pour autant être assez précis pour satisfaire un lecteur déjà sensibilisé. On sent que c'est un travail en cours écrit à plusieurs mains.
Sur le fond, on peut faire principalement deux critiques à ce scénario :
- D'une part, contrairement à ce qu'affirment les auteurs, le scénario ne fait pas appel qu'à des technologies "réalistes et matures". C'est le cas notamment de la méthanation (production de méthane à partir de dioxyde de carbone et de dihydrogène). Le scénario repose en grande partie sur cette technique qui devrait servir à la fois à la régulation du réseau électrique et à la fourniture de carburant. Or de petites unités pilotes de méthanation existent mais ce procédé est encore loin d'une exploitation industrielle : une unité de 25kW a été testée à Stuttgart mais pour atteindre le volume prévu par le scénario en 2050, il faudrait au bas mot multiplier cette puissance par 300.000 !
- Ensuite, ce scénario n'est que technique. Les propositions des auteurs passent par des mesures politiques importantes (par exemple de nouveaux impôts, la création d'une "Haute autorité indépendante de la transition énergétique", plus d'autonomie pour les collectivités locales, etc.) les problèmes juridiques ou pratiques que cela poserait ne sont pas sérieusement abordés. De même l'étude de la faisabilité économique du scénario se limite a peu de chose près à "la claire intuition (...) que la transition énergétique est porteuse d'une dynamique créatrice de richesse et d'emplois", la question des liens entre énergie et croissance est quand même un peu plus complexe que ça...
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