Les débuts : l’ambiguïté militaire-civil
Les premières applications de l’énergie nucléaire sont militaires. Les premiers réacteurs sont conçus par General Electric et Westinghouse pour la propulsion de sous-marins. Sur la base de cette expérience, les deux entreprises développent un réacteur civil, respectivement a eau bouillante (Boiling Water Reactor ou BWR) et a eau pressurisé (Pressurized Water Reactor ou PWR) et mettent en place des stratégies commerciales agressives : prix bas anticipant des économies d’échelle, coût au kWh garanti et inférieur a toutes les autres sources d’énergie… Avant même que la première centrale soit opérationnelle, on promet une électricité si peu onéreuse que les compteurs deviendront inutiles ("too cheap to meter" selon l'expression de Lewis L. Strauss en 1954). Dès sa naissance, le nucléaire a cheminé en compagnie des firmes de relations publiques et de lobbying...
Malgré cet enthousiasme, la première centrale nucléaire reliée à un réseau électrique est russe, il s’agit de la centrale d’Obninsk en URSS en 1954 (5MW). La première centrale américaine, celle de Shippingport, produira en 1957.
La première centrale nucléaire des États-Unis : Shippingport |
En France le premier réacteur est construit à Marcoule en 1956. Il s’agit d’un réacteur a uranium naturel modéré au graphite et refroidi au gaz carbonique (UNGG) d’une puissance de 7MW. En 1958, une usine de traitement du combustible est ouverte sur le même site et en 1960 la première arme atomique française est testée avec succès.
Le Royaume Uni a suivi un parcourt similaire avec la centrale de Calder Hall (1956), tout comme Israël avec la centrale Dimona (1963) et l’Inde et le Pakistan avec des réacteurs canadiens Candu.
De l’euphorie a la crise
Les années 60 et 70 voient s’opposer les différentes filières du nucléaire civil. En France, le développement de l’UNGG est maintenu pour des raisons politiques malgré des difficultés techniques, mais il est écarté en 1969 après le départ de De Gaulle au profit du PWR américain. En contrepartie le CEA développe des surgénérateurs (Rapsodie en 1959, Phénix en 1968 et Superphénix en 1976).
Suite au premier choc pétrolier, le programme nucléaire français est accéléré, en moyenne 6 réacteurs sont mis en chantier par an ! C’est l’époque du "nous n’avons pas de pétrole mais nous avons des idées".
Mais cette euphorie est de courte durée : les chocs pétroliers entraînent aussi un ralentissement de la croissance et rendent obsolètes les prévisions de consommation. Les programmes nucléaires sont presque partout revus à la baisse.
Puissance nucléaire mise en service par année : à partir des années 80, l'expansion fait place à la stagnation |
En 1986, l’accident de Tchernobyl achève de convaincre les opinions publiques de la dangerosité de l’énergie nucléaire, d'autant que le recyclage ou le stockage des déchets et le démantèlement des installations ne sont toujours pas maîtrisés.
Certains pays renoncent à leur programme nucléaire (Espagne, Belgique…), voire anticipent l’arrêt des centrales existantes. C'est le cas évidemment de l'Allemagne à partir de 2000 mais aussi de la Suède, de l'Italie, etc. La France occupe une place originale : son programme nucléaire, nettement surdimensionné, alimente une partie de l’Europe pourtant la construction de nouveaux réacteur n’a jamais totalement cessé. La dernière mise en service date de 2002, il s'agit de la centrale de Civeaux (REP 2 x 1495MW).
Vers une relance ?
Même avant l'accident de Fukushima, le contexte semblait peu favorable à une relance du nucléaire, très lourd en investissements alors que la crise et les politiques de dérégulation favorisent les énergies rapidement rentables comme le charbon ou le gaz. Pourtant la menace croissante du changement climatique et la recherche de l’indépendance énergétique font parfois apparaître le nucléaire comme une énergie d’avenir.
En Europe, en 2002, un producteur privé finlandais, LVO, a lancé un appel d’offre international pour la construction d’une centrale. Le choix s’est porté sur l’European Pressurized Reactor. Un réacteur d’une puissance supérieure a 1500MW conçu par le consortium Areva-Siemens dans les années 80 à partir des expériences française et allemande. Il est intéressant de noter que l'EPR finlandais répond à un besoin très spécifique : les actionnaires de LVO sont fabricants de pâte à papier et ont une consommation d'énergie élevées, continues et quasiment constantes.
Aux États-Unis, la relance du nucléaire a été inscrite dans le plan Bush de 2001 et des initiatives ont été prises dans ce sens. Cette politique a été continuée par le président Obama et au début de l'année 2012 la première autorisation de construction depuis 26 ans a été délivrée à Southern Nuclear pour deux réacteurs Toshiba AP1000 en Georgie. La Grande Bretagne souhaite elle aussi construire de nouveaux réacteurs à Hinkley Point.
La centrale nucléaire de Daya Bay près de Shenzhen (Chine), symbole des nouveaux marchés du nucléaire civil |
Publié le 18 octobre 2012 par Thibault Laconde, dernière mise à jour le 7 mars 2016
qui va enfin parler du dernier livre de
RépondreSupprimerGéremy RIFKIN
LA TROISIEME REVOLUTION INDUSTRIELLE ?
Fort heureusement, les folles prévisions de l'agence atomique mondiale n'ont jamais été réalisées.
RépondreSupprimerhttp://energeia.voila.net/nucle/nucleaire_prevision_realite.htm
Elles prévoyaient 10 à 15 fois plus de nucléaire que ce qui a été réalisé en l'an 2000.
Maintenant, les énergies renouvelables sont moins coûteuses que le nucléaire. Une comparaison entre le solaire allemand et le projet nucléaire anglais en est la démonstration.
Alors qu'il y a seulement 3-4 ans, on nous disait que le solaire était dix fois trop cher !