Une brève histoire du pétrole... en attendant la transition.

Cet automne aura lieu un grand débat sur la transition énergétique, ce sera l'occasion de s'interroger sur les énergies de demain. En attendant, et pour mieux saisir les enjeux et le contexte de ce débat, je vous propose une série d'article sur l'histoire de l'énergie. Après l'histoire de l'énergie nucléaire, voici celle du pétrole.

XIXe siècle : l'histoire du pétrole commence aux États-Unis


Une première révolution énergétique a eu lieu à partir de la seconde moitié du XVIIIème siècle avec l’introduction du charbon qui devient en moins d’un siècle force motrice (chemin de fer, 1827 en France), source de chaleur domestique et industrielle, matière première pour la chimie et source de lumière (gaz de charbon, Londres 1807).
Mais l'histoire moderne de l'énergie ne commence qu'avec le pétrole.

Cette histoire est d'abord américaine, elle débute en en 1859 lorsque le Colonel Drake découvre un gisement de pétrole à Titusville. Le pétrole est d’abord utilisé comme lubrifiant puis, raffiné pour l’éclairage, il remplace peu à peu l'huile de baleine.
Dans la plupart des pays l’exploitation du pétrole se fera sous contrôle de l'État mais pas aux États-Unis : le propriétaire du sol y est aussi propriétaire du sous-sol, par conséquent, il existe une multitude de petits producteurs qui exploitent les ressources parfois de façon anarchique (en 1967, 85% des puits de la planète de trouvaient sur le sol américain). 

Energie et développement - Rockefeller et les débuts de l'industrie pétrolière
Un symbole de l'industrie pétrolière toute
puissante : John D. Rockefeller (à gauche)
En 1863, à Cleveland, John D. Rockefeller crée  la plus grande raffinerie des États-Unis et commence à absorber ses concurrents. En 1895, son entreprise, la Standard Oil, est en situation de monopole (seul vendeur d'huile raffinée) et de monopsone (seul acheteur de pétrole brut), annonce qu’elle fixera elle-même le prix du brut. En 1911, la Standard Oil est démembrée en 33 sociétés dont trois feront plus tard partie des Sept Sœurs (Exxon, Mobil et Chevron).
En 1901, la découverte d’un immense gisement au Texas donne naissance à deux autres des Sept Sœurs : Gulf Oil et Texaco. Rockefeller, quant à lui, a négligé l'extraction et s'est privé de la rente minière.

Souvent associé au pétrole, le gaz a d’abord était considéré comme un sous-produit encombrant et brulé à la torchère. Ce n’est qu’à partir des années 20 que les progrès de la soudure permettent d’envisager son transport, il va alors progressivement remplacer le gaz de charbon aux États-Unis qui en seront quasiment les seuls utilisateurs jusqu'à la seconde Guerre Mondiale.

Au XXe siècle, lé pétrole devient un enjeux mondial


Au Moyen Orient, la production pétrolière se développe aussi à partir de 1901 sous l’influence de William Knox d’Arcy qui crée l’Anglo Persian Oil Co. (future BP) et de Calouste Gulbenkian géologue arménien qui devient l’intermédiaire de nombreuses tractations.

L’intérêt stratégique du pétrole, qui est apparu dès 1910 lorsque Churchill a ordonné le passage de la Royal Navy du charbon au mazout, devient évident pendant la Première Guerre Mondiale. La Deustsche Bank est évincée de l’exploitation du pétrole au Moyen Orient par le traité de San Remo, ses parts reviennent à la Compagnie Française des Pétroles, qui deviendra plus tard Total.
Dans les années 20, la production double et s’internationalise avec la montée en puissance du Mexique, du Venezuela, de l’Iran, de l’Indonésie et le retour de l’URSS. L’Irak, sous mandat anglais, devient un enjeu majeur, les américains qui en ont été expulsés obtiennent finalement le principe de la porte ouverte.

C’est aussi dans les années 20 que les Sept Sœurs se réunissent pour se partager le Moyen Orient. Par l’accord de « la ligne rouge », elles s’engagent à n’intervenir que collectivement dans une zone qui englobe la Turquie, l’Irak, la Syrie et la péninsule arabique (sauf le Koweit). Quelques mois plus tard, en 1928, une nouvelle réunion a lieu au château d’Achnacarry, les compagnies pétrolières s’entendent pour maintenir en l'état la répartition du marché et vendre leur pétrole comme si il venait du Golfe du Mexique (prix de la production beaucoup plus élevé + fret fictif entre le Texas et le lieu réel de production). Cet accord de cartel ne sera révélé et brisé qu’en 1952.

La Seconde Guerre mondiale donne naissance à l'ère du pétrole-roi


Dès 1933, les sociétés américaines, profitant de la méfiance des saoudiens, vis-à-vis des anglais se sont introduites dans la péninsule arabique pour exploiter le gisement de Damman. En février 1945 au retour de Yalta, Roosevelt rend visite au roi Ibn Saoud créant la relation privilégiée qui existe encore entre les États-Unis et l’Arabie Saoudite. 

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, de nouveaux acteur nationaux apparaissent a la fois dans les pays importateurs (ENI, Elf-Aquitaine) et exportateurs, les rapports de force et le partage des bénéfices se rééquilibrent progressivement.
Energie et développement - histoires de la voiture et du pétrole, station service
Voiture = pétrole ? Seulement depuis les années 50, auparavant
les carburants d'origine végétale dominaient.
Suite à la divulgation des accords d’Achnacarry, le prix du pétrole baisse de façon significative dans les années 50. Cette baisse est entretenue par les Major pour accélérer le remplacement du charbon, accessoirement elle entraine la disparition des agrocarburants qui étaient utilisés jusque là (la Ford T roulait à l'éthanol et le moteur de Rudolf Diesel fonctionnait à l'huile d'arachide). Pour préserver leurs rentes, les pays producteurs s’organisent et en 1960 l’OPEP, l'Organisation des pays Exportateurs de Pétrole, est crée d’abord pour agir sur les prix puis pour mettre en place un régime fiscal et un contrôle de la production communs.

Dans les années 70, la situation change : la production devient de plus en plus couteuse et les États-Unis, qui ne sont plus les premiers producteurs mondiaux, voient leur dépendance augmenter. Le 6 octobre 1973, l’attaque de l'Égypte et de la Syrie contre Israël s’accompagne d’une réduction de 5% de la production de l’OPEP et d’un embargo sur les Pays-Bas et les États-Unis. L’embargo dure jusqu’en 1974. Le rapport de force bascule : le prix du brut sera désormais fixé par les pays producteurs, il quadruple et atteint 12$/baril.

Le deuxième choc pétrolier est moins brutal : les prix doublent entre 1978 et 1982 suite a la guerre Iran-Irak et à l’inflation dans les pays de l’OPEP. Mais l’organisation a surestimé sa capacité à influencer le marché, la demande diminue et les prix baissent rapidement. En 1998, ils atteignent un minimum qui ne permet plus aux pays producteurs de vivre de leur rente et qui rend le pétrole américain non concurrentiel. Un accord est trouvé en 1999 pour maintenir les cours entre 22 et 28$/baril. Cette cible glisse rapidement vers le haut et en aout 2008 le cours du pétrole atteint son plus haut historique.

Comme chaque hausse du prix de l'énergie, celle de 2007-2008 déclenche une crise économique dans les pays consommateur. Elle entraine aussi le développement des hydrocarbures non-conventionnels comme le gaz de schiste et les sables bitumineux et des sources d'énergies alternatives. Une tendance durable ou une nouvelle péripétie ? L'histoire du pétrole continue à s'écrire aujourd'hui.

Publié le 23 octobre 2012 par Thibault Laconde


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