Baseload, mythe ou réalité (4) : En bref et en conclusion...

Cet article résume et conclut une série consacrée au concept de baseload (ou charge de base) et à son rôle dans la gestion du réseau électrique. Vous pouvez retrouver l'ensemble des articles ici :
  1. De quoi parle-t-on ?
  2. Nucléaire et baseload : de "en couple" à "c'est compliqué" 
  3. Un monde sans centrales de base
  4. En bref et en conclusion (Vous y êtes)
Cette série s'inspire d'une étude que j'ai réalisé récemment. Ce travail a également abouti à la publication d'un article en anglais dans Petroleum Economist.

les renouvelables intermittentes comme le solaire et l'éolien peuvent-elles remplacer le charbon et le nucléaire pour couvrir la base électrique ?
Dans les posts posts précédent, nous avions vu que la baseload est la puissance qui est toujours nécessaire à l'équilibre d'un réseau électrique : la consommation ne descend jamais en dessous de la baseload donc la production ne doit jamais descendre non plus en dessous de cette valeur.
Traditionnellement cette charge de base était produite par de très grandes centrales électriques, souvent des centrales nucléaires ou des centrales à charbon qui fonctionnaient en permanence pendant que d'autres centrales plus flexibles (notamment à gaz ou hydrauliques) complétaient la production pour suivre les variations de la demande. Ce mode de gestion est souvent invoqué pour limiter le rôle que les énergies renouvelables peuvent tenir dans la production d'électricité.

Cependant ce fonctionnement ne répond pas à un impératif technique : l'expérience de pays où le taux de pénétration des énergie renouvelables est élevé, comme l'Allemagne, et de nombreuses simulations montrent que la baseload peut être au moins partiellement couverte par des énergies intermittentes.
En effet, la baseload charbon/nucléaire répond à un raisonnement économique, pas technique : ces énergies étaient supposées avoir le coût marginal de production le plus faible, il était donc logique de les utiliser aussi souvent que possible. Ce raisonnement s'effondre avec l'arrivée d'énergies renouvelables comme le solaire et l'éolien dont le coût marginal est nul. Ce sont ces nouvelles sources d'électricité qui doivent désormais bénéficier d'un accès prioritaire au réseau.

Bien sur, le basculement de sources d'énergie centralisées et disponibles à la demande vers de nouvelles sources décentralisées et intermittentes a des implications techniques et économiques importantes. Il faut notamment renforcer et étendre le réseau de transport et de distribution d'électricité et augmenter la flexibilité tant de l'offre que de la demande. On voit aussi apparaitre une troisième fonction : le stockage.
Économiquement, le prix de l'électricité tend à baisser mais aussi à devenir plus volatil. Cela peut menacer la survie de centrales qui restent nécessaires pour équilibrer le réseau électrique, la rémunération des producteurs ne peut plus être basée seulement sur leur production, un mécanisme de capacité devient nécessaire. Plus largement, cela incite à repenser les échanges qui ont lieu sur le réseau : la distinction entre producteurs et consommateurs se brouille, à terme chacun pourrait être payé ou payer en fonction de sa contribution positive ou négative à l'équilibre global.

En conclusion, l'idée qu'une base de grandes centrales nucléaires ou charbon est indispensable à l'équilibrage d'un réseau électrique est bel et bien un mythe - ou au moins un modèle très simpliste. Cette opinion est d'ailleurs partagé par les gestionnaires de réseaux électriques. Steve Holliday, le PDG de National Grid, la société qui exploite le réseau de transport au Royaume-Uni, disait en 2015  que "l’idée de baseload est obsolète". Pour Liu Zhenya, Président de State Grid of China, le plus grand électricien de la planète, c’est simplement "un état d’esprit".
L'utilisation de grandes centrales pour couvrir la baseload est une solution éprouvée pour gérer un réseau électrique, mais ce n'est pas la seule. Se débarrasser de ces centrales est possible même si cette option comporte ses propres inconvénients et ses propres risques surtout pour des réseaux de petite taille. Au final, il s'agit d'un choix de société : la politique énergétique et le mix électrique visés doivent déterminer comment le réseau est géré. Non l’inverse.



Publié le 18 janvier 2017 par Thibault Laconde

Illustration : By Kuebi = Armin Kübelbeck (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons



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