L’Allemagne est le premier producteur mondial de ce charbon de piètre qualité, dont elle en tire un quart de son électricité. Visite guidée de quelques-unes de ces immenses exploitations à ciel ouvert...
L'extension de la mine de lignite de Cottbus entre 1984 et 2012 |
Le lignite, c'est quoi ?
On dit souvent que le charbon est l'énergie fossile la plus sale. Et bien, le lignite lui est le plus sale des charbons...
Le lignite est un charbon de formation récente, il est donc proche de la surface ce qui rend son exploitation plus simple : il suffit de creuser quelques dizaines de mètres pour atteindre les veines de lignite. Elles peuvent donc être exploitées dans des mines à ciel ouvert, au prix du saccage de larges surfaces.
De plus, les caractéristiques du lignite sont nettement moins bonnes que celles des autres types de charbon : une tonne de lignite contient 30% moins d'énergie qu'une tonne de houille. Ses concentrations en soufre et en cendre comme son humidité sont plus élevées que celles la plupart des charbon.
En matière d'émission de gaz a effet de serre, l'arithmétique du lignite est relativement simple : la combustion d'une tonne de lignite émet une tonne de dioxyde de carbone (et permet de produire un mégawatt-heure).
Des mines aux dimensions impressionnantes
La région de la Ruhr, qui est toujours le premier bassin industriel d'Allemagne, abrite près de deux tiers des réserves de lignite du pays. Quelques unes des plus impressionnantes mines au monde se trouvent aux portes de Cologne, par exemple :
- Hambach : Il s'agit de la mine à ciel ouvert la plus profonde du monde : 293 mètres sous le niveau de la mer ! Elle couvre actuellement un peu moins de 35km² et devrait atteindre 85km² à la fin de son exploitation. En zoomant, vous pouvez apercevoir facilement les excavatrices.Ces machines qui grattent le sol jour et nuit mesurent jusqu'à 100 mètre de hauteur et pèsent parfois plus de 10.000 tonnes.
- Garzweiler : A elle seule cette mine assure 6% de l'approvisionnement en électricité de l'Allemagne. Elle été initialement limitée à une zone de 66km² mais une nouvelle zone de 48km² est en train d'être mise en exploitation, nécessitant le démantèlement des autoroutes situées à proximité. A terme, cette mine couvrira une superficie supérieure à celle de Paris.
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Sur la carte, vous repererez facilement d'autres mines dans le prolongement de Garzweiler, le long de l'Erft : Fortuna-Garsdorf, Bergheim, Frechen... La plupart sont épuisées mais restent bien visibles. La ville de Cologne à droite donne une idée de l'échelle.
La difficile conciliation avec l'environnement
D'autres mines se trouvent en ex-RDA, notamment en Lusace, au sud au Berlin :
- Cottbus Nord : Située en bordure de la frontière polonaise, cette mine est célèbre pour le procès qui a opposé Vattenfall, son exploitant suédois, et les habitants du village voisin de Horno. Le procès a été perdu et le village détruit. Atterwasch, Kerkwitz et Grabko, trois autres villages situés autour de la mine sont eux-aussi voués à disparaitre. Plus d'une centaine d'agglomérations ont ainsi été englouties : une vieille loi nazie, datant de 1937 mais toujours en vigueur, fait primer l'exploitation des mines sur la propriété privée... Au-delà des villages, ce sont aussi des milliers d'hectares de terres agricoles qui sont perdus.
- Greifenhain : Cette mine, fermée en 1968, se remplit petit à petit d'eau. Elle devrait être complétement recouverte vers 2017. Si l'eau est un danger pendant la période d'exploitation (il n'est pas rare de devoir détourner une rivière pour éviter qu'elle se déverse dans le cratère), la création d'un lac artificiel est une solution peu onéreuse pour remettre en état le paysage. Dans les environs, d'autres lacs de ce type sont reconnaissables à leurs formes géométriques.
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Un peu plus à l'ouest, la Saxe offre un autre exemple de la difficile conciliation des mines avec leur environnement. La mine de Schleenhain, exploitée depuis 1949, a nécessité la destruction du village voisin de Heuersdorf en 2009. Heuersdorf abritait la plus ancienne église fortifiée de Saxe. Pour échapper à la destruction, l'édifice de 665 tonnes a du être chargé d'une seule pièce sur un camion spécialement conçu et déplacé de 10 kilomètres. La mine menace désormais Röcken, lieu de naissance et sépulture de Friedrich Nietzsche.
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En conclusion : pas de naïveté sur la politique énergétique allemande
Pour ce qui est des conséquences sur l'environnement local, le lignite trouve facilement sa place entre les sables bitumineux et le gaz de schiste. Naviguez sur la carte, vous verrez combien le territoire allemand, et particulièrement la Saxe, la Rhénanie et la Lusace, est mité par les mines de lignite.
Les conséquences globales sont moins immédiates mais elles sont aussi très lourdes : destruction de terres agricoles, émissions massives de gaz à effet de serre...
L'Allemagne s'est engagée dans une transition énergétique ambitieuse : sortie du nucléaire en 2022, développement rapide des énergies renouvelables... Il y a certainement beaucoup à apprendre de cette expérience. Mais il ne faut pas s'aveugler : cette politique est rendue possible grâce à l'exploitation massive d'une énergie bon marché et disponible localement : le lignite.
Publié le 4 décembre 2012 par Thibault Laconde
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Vous pouvez également découvrir sur Google Maps :
que fait "Dany"? l'apôtre de l'écologie et ce sont ces gens là qui voulais instaurer une taxe carbone ,et bien content de nous acheter notre électricité nucléaire !
RépondreSupprimerBonjour,
SupprimerLa consommation de lignite est ancienne en Allemagne et sa part est relativement stable, en d'autres termes la politique de sortie du nucléaire n'a pas d'effet, ni en négatif ni en positif, sur cet héritage. Le lien de causalité se trouve plutôt dans l'autre sens : cette énergie peu onéreuse et locale permet à l'Allemagne d'avoir une politique ambitieuse en faveur des renouvelables.
La même logique pourrait exister en France avec le nucléaire, c'est d'ailleurs ce que le gouvernement a ébauché lors de la conférence environnementale de septembre 2013.
Quant à la taxe carbone, c'est un sujet beaucoup plus large puisqu'elle ne concerne pas que l'électricité.
Dany est parfaitement informé de la situation. Je lui ai écrit il y a deux ans une longue lettre à ce sujet, dont il n'a même pas accusé réception. Il ne réagira pas tant que qu'il ne sera pas directement apostrophé à la TV ou dans un journal de grande diffusion, en France ou en Allemagne ce qui n'arrivera pas car aucun journal ni aucune chaîne TV ne le fera.
SupprimerContrairement à ce qui est dit ici, la consommation de lignite, ainsi que celle de charbon, devenu peu cher du fait des importations de charbon US (dommage collatéral du gaz de schiste, les Américains remplacent le charbon par du gaz et exportent leur charbon au coût marginal) a augmenté en Allemagne suite à la fermeture des réacteurs nucléaires, et la construction de nombreuses centrales à charbon est programmée. Mais les Allemands ont peur du nucléaire, et n'ont pas peur du charbon, pourtant responsable chez eux d'environ 10 000 morts prématurées par an du fait de la pollution atmosphérique (qu'ils répandent de plus sur le reste de l'Europe en fonction de la direction du vent.), et ce n'est ni Dany ni les Grünen qui leur ouvriront mes yeux!
Bonjour,
SupprimerMerci pour votre commentaire.
Concernant le second paragraphe, je vous renvois à cet article sur les liens entre consommation de charbon et sortie du nucléaire en Allemagne.
En bref ce que vous dites est à moitié vrai : oui il y a bien une augmentation de la consommation de charbon en Allemagne mais non elle n'est pas lié à la sortie du nucléaire.
E&D
J'ai lu votre article auquel vous faites référence. Les statistiques de l'Allemagne pour 2012, ainsi que l'évolution des consommations de combustibles fossiles et d'énergie primaire depuis 1965 sont disponibles sur le site de la BP Statistical Review et il vous est loisible de faire comme moi un tableau Excel et des courbes à partir de ces données. La consommation de charbon a augmenté de 3,2 Mtep, soit 4,2%, et ce n'est pas imputable à une substitution du gaz, puisque celui-ci a légèrement augmenté, 0,6 Mtep. Je doute que les Allemands aient consommé plus de charbon dans des usages tels que la fabrication de la fonte ou le chauffage domestique, et il s'agit donc là de production d'électricité.
SupprimerUne remarque en passant, il est trompeur d'utiliser 1990 comme point de départ du suivi des statistiques allemandes, car c'est la date de la réunification allemande, qui a été suivie d'une remise à niveau de l'industrie Est Allemande et corrélativement d'une baisse importante de la consommation de charbon, lignite en particulier. On voit très bien ce phénomène sur les graphiques. Il y a eu environ 10 ans de traversée du désert. C'est à partir de 2000 qu'il faut donc examiner attentivement les évolutions.
Prétendre que la consommation de charbon n'a rien à voir avec le nucléaire en Allemagne, c'est du jésuitisme. L'augmentation récente est peut-être due au faible prix du charbon. Nous verrons dans les années qui viennent. Mais sur le long terme, c'est un peu comme si vous nous disiez que la faible consommation de charbon n'a rien à voir en France avec la forte consommation de nucléaire? Si l'Allemagne avait fait comme nous, elle consommerait beaucoup moins de charbon à l'heure actuelle.
Un aspect où vous semblez ne pas vouloir pousser le raisonnement, concerne les dommages sanitaires provoqués en Allemagne, et plus généralement en Europe par la pollution atmosphérique due aux centrales à charbon. L'OMS attire de plus en plus l'attention par les dommages provoqués par les particules fines issues de ces centrales et confirme sinon amplifie les conclusions du rapport ExternE de la Commission Européenne, qui datent déjà de 10 ans sans que les médias n'aient daigné depuis ce temps les faire connaître à l'opinion publique: c'est environ 10 000 morts prématurées par an qui auraient lieu de ce fait en Allemagne, contre environ 1000 en France. En somme, le fait d'avoir un mix énergétique sans charbon grâce au nucléaire nous auraient économisé en 30 ans environ 2 ou 3 centaines de milliers de morts prématurées! On peut aussi dire que leur peur fantasmatique du nucléaire coûtera aux Allemands dans les années qui viennent 10 000 morts prématurées par an, ce que n'a pas réussi à faire Tchernobyl.
Bonsoir,
SupprimerJe vous remercie pour votre long commentaire. Voici mes observations sur les points que vous développez :
D'abord, concernant la référence à 90, elle est indispensable pour juger de l'effet d'une décision prise en 2000 sur la dynamique. Et justement vous avez tort : la part du charbon dans le mix électrique allemand a reculé au même rythme dans les années 90 et 2000.
Sur les données 2012 et sur la possibilité que la consommation augmente à l'avenir : cet article n'a pas pour objectif de prédire ce qui va arriver mais de faire le point sur ce que l'on peut dire avec certitude à l'heure actuelle. Et de mon point de vue on peut dire 2 choses de façon certaine :
1. la décision de 2000 n'a pas ralenti la baisse du charbon dans le mix électrique allemand,
2. il est trop tôt pour être affirmatif quant aux effets de l'accélération de l'agenda après Fukushima.
Les autres affirmations, quel que soit leur sens d'ailleurs, relèvent de la foi ou de la propagande.
Ceci étant si vous avez des données plus récentes, que vous les jugez probantes et que vous souhaitez les publier sur ce blog, je serais ravi de vous ouvrir mes colonnes.
Sur l'aspect santé, c'est une vraie question, aucun doute. Mais j'ai déjà tendance à faire des articles bien trop longs... Ce sera donc pour la prochaine fois.
Si vous souhaitez continuer cette discussion, je vous propose de le faire sous l'article concerné afin que les autres lecteurs puissent en bénéficier. Je vais y copier ce message et le votre.
E&D
Vous n'avez pas bien lu ma réponse: je vous ai parlé de la consommation du charbon (houille+lignite), pas de sa part dans le mix électrique. Cette consommation, celle de lignite en particulier en ex-Allemagne de l'Est, a connu une chute très rapide de 1989 à 1999, suite à la réunification, çà saute aux yeux sur les graphiques. Les bouleversements économiques de cette décade, en Allemagne comme dans les pays de l'Est et ceux de l'ex-URSS ont été considérables et c'est pourquoi 1990 est une très mauvaise date pour accrocher des séries statistiques dans tous ces pays. Elle s'est ensuite stabilisée jusqu'à la crise des subprimes où elle a chuté comme les autres sources d'énergie, puis remonté, mais pas tout à fait au niveau atteint en 2007. En ce qui concerne le mix-électrique le phénomène reste visible, par exemple sur les graphiques de l'AIE, mais bien moins que sur les graphiques de consommation totale, d'une part parce que le lignite Est Allemand était beaucoup utilisé pour le chauffage et l'industrie, mais aussi parce que la part du gaz dans la production d'électricité à beaucoup augmenté après 2000 et un peu pris sur celle du charbon. Au bout du compte, la part des combustibles fossiles dans la production d'électricité est restée remarquablement constante entre 63 et 64 % de 1999 à 2007! Elle a un peu chuté, autour de 60 % pendant la crise et remonte depuis. Pour les 7 premiers mois de 2013 ( il n'y a pas de données plus récentes), elle est de 69,8 %, contre 65,3 % pour les 7 premiers mois de 2010 ( juste avant Fukushima).
RépondreSupprimerTous les efforts de développement des ENR électriques depuis 2000 n'ont donc produit aucune amélioration, et la fermeture des réacteurs nucléaires semble amorcer une détérioration! A suivre.
J'espère que vous prendrez le temps de faire un article sérieux sur les problèmes de santé liés au charbon en Europe, car ils sont très rares. On vous pardonnera s'il est long, étant donné l'importance du sujet.
Vous n'avez pas répondu à mes observations. Je les complète ici: l'AIE publie sur son site www.iea.org les productions d'électricité des pays de l'OCDE du 1/1/2000 au 1/10/2013, mois par mois. J'ai utilisé ce tableau Excel, que vous trouverez facilement, pour construire l'évolution de la proportion d'électricité produite avec des combustibles fossiles dans l'approvisionnement total en électricité de l'Allemagne. Cette proportion varie de manière saisonnière mais on observe que de 2000 à 2006 elle est restée stable en moyenne autour de 63-64%. Elle a légèrement augmenté de 2006 à 2009, puis un peu diminué jusqu'en 2010 avec un minimum à 59% et remonte régulièrement depuis, jusqu'à atteindre 68 % en moyenne actuellement. Conclusions, le développement de l'éolien et du solaire a accompagné la réduction du nucléaire, mais pas celle des combustibles fossiles qui a au contraire augmenté! Si l'Allemagne a un peu réduit ses émissions de CO2, c'est-à-la substitution partielle du charbon par le gaz qu'elle doit, pas aux ENR, dont les militants écologistes ont pourtant justifié le développement en affirmant qu'elles permettaient de lutter contre les émissions de CO2. La substitution du gaz par le charbon, qui se produit actuellement, devrait logiquement faire repartir à la hausse les émissions de CO2, d'autant plus qu'il y a beaucoup de centrales à lignite programmées. L'élimination du nucléaire par les ENR et le charbon va donc produire une augmentation des émissions de CO2 en Allemagne et une mortalité accrue du fait de la pollution atmosphérique (dont nous profiterons également). Est-ce de l'écologie, ou bien de l'inconscience?
RépondreSupprimerVoici l'évolution du mix énergétique de l'électricité allemande durant les cinq dernières années :
RépondreSupprimer2013 :
énergies fossiles - 55 %
énergie nucléaire - 17 %
2018 :
énergies fossiles - 46 %
énergie nucléaire - 13 %
Donc, l'Allemagne remplace progressivement le nucléaire (100 % importé), tout comme le lignite (local) et le charbon (98 % importé), par les énergies renouvelables (100 % locales).
Quant à la France, elle remplacerait une source décarbonée (nucléaire, 100 % importé) par une autre source décarbonée (renouvelables, 100 % locales). Je concède que ce serait moins pertinent du point de vue de la lutte contre le réchauffement climatique.
Cependant, lorsqu'on compare le coût de nouvelles installations photovoltaïques et éoliennes avec celui des nouvelles centrales nucléaire, le choix est vite fait pour remplacer nos centrales arrivées en fin de vie.
Certes, il faut prévoir du stockage pour parer l'intermittence des énergies renouvelables. Vu que ces dernières ne sont pas juste un peu moins chères que l'atome mais aujourd'hui deux à trois fois moins chères et que l'écart ne cessera de se creuser, il y aura de la marge pour financer les moyens de stockage.