Histoire de la compensation carbone : des Oscars 2007 au Gold Standard

Puisqu’une tonne de gaz à effet de serre a le même effet peu importe l’endroit de la planète où elle est émise, une réduction d’émission aura également le même effet peu importe l’endroit où elle a lieu. De ce constat simple est née l’idée de la compensation carbone : lorsqu’il n’est pas possible de réduire mes propres émissions autant que je le voudrais, je peux obtenir le même résultat en aidant d’autres à réduire les leurs.

La consolidation et le début du doute


Au milieu des années 2000, la compensation carbone est entrée dans les mœurs mais c'est aussi le moment où des doutes commencent à apparaitre sur le sérieux des offres de compensation. Une tonne de dioxyde de carbone n’est déjà pas une chose simple à se représenter, alors une tonne de dioxyde de carbone évitée… et souvent à l’autre bout du monde. Si on ajoute que le prix de cette tonne de carbone évitée peut varier de quelques euros à plusieurs dizaines d’euros selon le projet ou le marché dont elle est issue, voilà un produit qui semble conçu spécialement pour faire le bonheur des escrocs et des intermédiaires peu scrupuleux.

Energie et développement - Oscars 2007, statuette représentant la compensation carbone des participants
Sculpture remise aux participants des Oscars 2007 pour symboliser  la compensation
 (malheureusement non additionnelle) de leurs émissions carbone
Symbole de ce risque : le fiasco de la cérémonie des Oscars de 2007. Cette année-là, la lutte contre le changement climatique est à la mode à Hollywood (le film d'Al Gore Une vérité qui dérange va d'ailleurs obtenir deux récompenses) et les organisateurs souhaitent assurer la neutralité carbone de la cérémonie. Ils vont même plus loin en compensant les émissions de gaz à effet de serre des nominés et des présentateurs. Pour matérialiser ce cadeau un peu trop abstrait, les participants reçoivent une sculpture en verre.

Problème : l'essentiel des quelques milliers de tonnes de "crédits carbones" utilisés ont été achetées à une décharge de l’Arkansas qui a mis en place un système de captage du méthane… dont la construction était exigée par les autorités pour prévenir la contamination d’une nappe phréatique et était commencée depuis plusieurs années. En termes techniques, le projet n'était pas additionnel, c'est-à-dire qu'il aurait eu lieu même sans la vente de crédit carbone. Le montant n’a donc pas financé une réduction d’émission, il a simplement rejoint en ligne droite les bénéfices de l’entreprise vendeuse.


Simultanément, la croissance du marché et la perspective de l'entrée en vigueur des mécanismes de Kyoto attirent de nouveaux acteurs. Jusqu’à présent les opérateurs de compensation étaient restés de petites structures, rarement plus d’une dizaine de salariés, souvent associatives ou militantes.
Le rachat de Climate Care, un des pionniers du secteur, par JP Morgan en 2008 marque une rupture : le secteur de la banque et de la finance devient un acteur majeur sur le marché de la compensation. De véritables bourses du carbone se mettent en place : l’Asian Climate Exchange à Singapour, Climex aux Pays Bas… En France, la Société Générale crée avec Rhodia une filiale spécialisée : Orbeo.


Vers une normalisation de la compensation volontaire


En réaction à ces doutes, les acteurs de la compensation volontaire mettent en place des labels destinés à garantir à l’acheteur le sérieux des projets et la réalité des réductions d’émission. On peut citer par exemple le Gold Standard, porté par plusieurs organisations de protection de l’environnement dont le WWF et Care, le Verified Carbon Standard ou le Chicago Climate Exchange.

Tout comme les mécanismes de Kyoto, ces standards imposent une méthodologie rigide aux projets : conditions d’éligibilité, audits réguliers… Le danger est donc d’écarter les petits projets, qui ne peuvent pas supporter les coûts fixes liés au montage du dossier et aux audits.

Pour parer ce risque, les standards volontaires proposent parfois des critères d’admission simplifiés basé sur une sélection a priori des projets. C’est le cas par exemple du Gold Standard qui n’accepte que les projets d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable. Le Chicago Climate Exchange fonctionne sur la base d’une liste de technologies : tout projet utilisant l’une d’elles en remplacement des techniques usuelles est éligible. Une autre méthode consiste à remplacer les audits systématiques par des vérifications aléatoires dont le coût est mutualisé, c’est par exemple le cas pour les micro-projets (moins de 6000TeqCO2) dans le cadre du Gold Standard.

Reste la question des projets innovants qui n’entrent dans aucunes méthodologies existantes et pour lesquels la démonstration des réductions d’émissions est forcément longue et complexe, voire impossible avant le début du projet. Historiquement, ces projets exclus des mécanismes de Kyoto ont trouvé refuge dans la compensation volontaire où ils ont pu faire leur preuve, mais les progrès de la standardisation réduisent petit à petit cet espace laissé à l’innovation.

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