Les pionniers de la compensation carbone
Ce mécanisme, efficace sur le papier mais controversé en pratique, a été inventé avant même le protocole de Kyoto et les obligations de réductions imposées aux Etats et aux entreprises.
Pépinière en Éthiopie : historiquement les premiers projets de compensation carbone ont été des projets de reforestation |
Dans le cas d’AES Corp., l’ensemble de l’opération a été réalisée en interne à l’entreprise. Mais rapidement plusieurs rôles se dessinent : il y a bien sur l’organisation ou le particulier qui souhaite compenser ses émissions et de l’autre côté le porteur d’un projet qui recherche des financements. Entre les deux le besoin d’un intermédiaire, capable à la fois de rechercher et de structurer les projets et d’accompagner les démarches de réduction et de compensation des clients tout en leur apportant des garanties, se fait sentir. On parle d’opérateur de compensation carbone.
Le premier opérateur de compensation est l’association allemande Primaklima qui à partir de 1991 propose des opérations de compensation carbone basées, là encore, sur des plantations d’arbres. Il faut attendre 1997, l’année de la signature du protocole de Kyoto, pour que Primaklima soit rejoint par 4 autres organisations toutes anglo-saxonnes, parmi celles-ci 2 associations et, c’est une nouveauté, 2 entreprises (The Carbon Neutral Company et Climate Care).
Après Kyoto : croissance puis explosion de la compensation carbone
A partir de cette date, trois ou quatre nouveaux opérateurs verront le jour chaque année. Il faut dire qu’entre temps, le protocole de Kyoto a ébauché l’institutionnalisation de la compensation carbone : les pays industrialisés reçoivent des objectifs de réduction de leurs émissions qu’ils peuvent remplir aussi bien en réduisant les émissions sur leur territoire que dans un pays en développement ("mécanisme de développement propre") ou dans un autre pays industrialisé ("mise en œuvre conjointe").
Les pays concernés par ces obligations les transfèrent en partie aux entreprises présentent sur leur territoire et celles-ci à leur tour peuvent faire appel au MDP et au MOC pour compléter les réductions d’émissions obtenues en interne. On passe donc d’une démarche volontaire à une démarche "de conformité".
Ces mécanismes de compensation n’ont été finalisés que lors de la COP7 de Marrakech en 2001 et sont entrés en vigueur le 1er janvier 2008 mais ils ont immédiatement écrasé la compensation volontaire : au cours des 6 premiers mois, plus de 3500 projets ont été déposés aux Nations Unies pour un volume potentiel de 2.7 milliards de tonnes équivalent carbone. L’année précédente, la compensation volontaire avait représenté en tout et pour tout 47 millions de tonnes équivalent carbone.
Ce succès, au moins terme de volume, des mécanismes de Kyoto doit beaucoup à l’expérience acquise dans le cadre de la compensation volontaire. Même après 2008, celle-ci reste grâce à sa souplesse un incubateur pour de nouvelles méthodes de réduction des émissions qui seront ensuite reconnues par les Nations Unies. A l’inverse, la compensation volontaire bénéficie de la dynamique créée par les mécanismes de Kyoto : pour les organisations qui ne sont pas encore soumises à des obligations de réduction, une démarche de compensation volontaire permet d’anticiper sur de futures contraintes et de commencer à bâtir une expertise sur le sujet.
A partir de 2005, on voit donc une nette inflexion sur le marché de la compensation volontaire aussi bien en ce qui concerne le nombre d’opérateurs que les volumes échangés. De grandes organisations annoncent des objectifs de neutralité carbone (HSBC en 2004, la Caisse des dépôts en 2006, la Coupe du monde de football de 2006…) ou de compensation partielle de leurs émissions - le gouvernement britannique s’engage par exemple à compenser les déplacements en avion de ses cadres entre 2006 et 2009.
La suite : Histoire de la compensation carbone (2) : des Oscars 2007 au Gold Standard
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