Le Journal Officiel daté du dimanche 2 février ferait presque passer la France pour un pays pétrolier : on y trouve 3 décrets accordant de nouvelles concessions pour l'exploitation de pétrole et de gaz - ce qui porte à 65 le nombre total de concessions en France.
Par ailleurs, 2 autres décrets prolongent des concessions existantes et une dernière est étendue. Et il y a aussi la prolongation de 3 permis pour la recherche d'hydrocarbures (qui s'ajoute à celle de 6 autres fin décembre) ainsi qu'une réforme du droit minier en outre-mer visant à faciliter les activités pétrolières en Guyane.
Vous trouvez que ça fait beaucoup pour un pays qui a adopté il y a un mois une loi prévoyant l'arret en 2040 de la production de pétrole et de gaz en France ? En fait, lors du vote de cette loi, Nicolas Hulot avait insisté : elle ne signifie pas que le gouvernement n'autorisera plus d'activités pétrolières en France et encore moins que les permis existants seront révoqués.
On se souvient que l'annulation des permis pour la recherche de gaz et pétrole de schiste après la loi de 2011 bannissant la fracturation hydraulique a été contesté en justice, lançant un feuilleton judiciaire qui se poursuit encore. Laisser les concessions existantes courir jusqu'à leur terme est donc, a priori, de bonne politique. Les prolonger ou en accorder de nouvelles est plus surprenant...
En fait, cet épisode me semble révélateur d'un phénomène beaucoup plus large : à l'image de l'Accord de Paris qui vise zéro émission nette dans la seconde moitié du siècle, un peu partout dans le monde, les politiques énergétiques et climatiques commencent à se donner des objectifs à long-terme très ambitieux, mais dans le même temps on constate un relâchement à court-terme. Comme si l'engagement de devenir propre vers 2050 rendait moins nécessaires les efforts aujourd'hui.
La France en donne un parfait exemple : héraut de l'Accord de Paris mais laissant ses émissions croître, premier pays à fixer dans la loi la fin des énergies fossiles mais accélérant la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures sur son territoire... Nous sommes le poivrot qui décide d'arrêter demain et s'offre un verre pour fêter ça !
Et il n'y a pas que nous : l'Allemagne va certainement rater ses objectifs d'émissions pour 2020, la Grande Bretagne devrait louper les siens en 2025, la Belgique ne fait pas mieux, les émissions du Japon s'envolent, on pourrait continuer... Il est peut-être temps de sortir de l'autosatisfaction et de réaliser que le vrai danger pour l'action climatique, ce ne sont pas les délires climatosceptiques d'un Trump mais notre propre laisser-aller.
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Pour ceux que ça intéressent, voici le détail des concessions et des permis de recherche modifiés le 2 février 2018 :
Trois nouvelles concessions :
- Concession d'Amaltheus : Concession de 37km² dans la Marne et accordée à IPC France, le deuxième producteur de pétrole en France filiale du groupe suédois Lundin, jusqu’au 1er janvier 2040.
- Concession d'Avon-la-Pèze : Concession de 56km² située dans l’Aube et accordée pour 15 ans à Société pétrolière de production et d'exploitation (SPPE), une PME.
- Concession de la Conquillie : Concession de 36km² située en Seine-et-Marne et accordée pour 15 ans à Vermilion, un groupe canadien et le premier producteur de pétrole en France avec environ 11.000 barils par jour.
- Concession de Saint-Germain-Laxis : Concession de 20km² située en Seine-et-Marne et prolongée jusqu’au 28 septembre 2031.
- Concession d’Eschau : Concession de 5km² située dans le Bas-Rhin et prolongée jusqu’au 10 octobre 2031.
- Concession de de Champotran : Cette concession située en Seine-et-Marne et accordée jusqu’au 14 août 2038, est étendue de 123km².
- Permis d’Aquila : Ce permis, accordé à Vermilion pour une zone de 283km² située sur la côte de la Gironde, est prolongé jusqu’au 21 juillet 2020. Une demande de prolongation pour ce permis avait été rejetée en mars 2017.
- Permis de Forcelles : Ce permis d’exploration sur une zone de 20km² située en Meurthe-et-Moselle est prolongé jusqu’au 7 septembre 2021.
- Permis de La Folie de Paris : Portant sur une zone située à l'intersection de l’Aube, de la Marne et de la Seine-et-Marne, ce permis est prolongé jusqu’au 7 août 2021 mais sur une surface réduite à 199km².
Publié le 5 février 2017 par Thibault Laconde
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