Le méthane, priorité oubliée de la lutte contre le changement climatique

L'agriculture, en particulier l'élevage de bétail, est une source majeure de méthane
L'élevage bovin est une source importante de méthane, un gaz
au fort pouvoir réchauffant mais facilement valorisable
Le protocole de Kyoto porte sur 6 gaz à effet de serre. Pourtant lorsque l'on parle changement climatique, on parle presque toujours dioxyde de carbone (CO2). Le méthane (CH4) n'est que rarement mentionné et la plupart des gens ignorent jusqu'à l'existence du protoxyde d'azote, de l'hexafluorure de souffre, de l'hydrofluocarbure ou du perfluorocarbure.
Cette quasi exclusivité accordée au dioxyde de carbone cache une réalité bien plus complexe. Pire elle oriente la lutte contre la changement climatique en en faisant un problème presque exclusivement énergétique.


La tonne équivalent CO2 sous-estime l'effet du méthane sur les prochaines décennie

Pour parler simplement d'une réalité qui ne l'est pas, les effets des différents gaz à effet de serre sont exprimés en tonne équivalent CO2. Si vous connaissez un peu la problématique du changement climatique, vous savez sans doute qu'une tonne de le méthane "vaut" 23 tonnes équivalent CO2.
C'est cette valeur qui est utilisée par exemple dans un bilan carbone ou dans le très officiel calcul des crédits carbones issus des mécanismes de Kyoto.

Comme toute équivalence, celle-ci est une simplification. Elle reflète l'effet sur le climat à un horizon d'un siècle alors que le méthane disparait assez rapidement de l’atmosphère.
Les effets à court et moyen termes sont donc sous-estimés : sur une période de de 50 ans, une tonne de méthane a le même effet que 42 tonnes de dioxyde de carbone, et sur une période de 15 ans, une tonne de CH4 vaut 80 tonnes de CO2.

Or l'échéance pour le réchauffement climatique n'est malheureusement plus le siècle prochain mais les prochaines décennies : il serait donc légitime de rééquilibrer les efforts de réduction du CO2 (qui a un effet faible à très long terme) vers le CH4 (qui a effet important à court-terme) afin de raboter le pic de concentration de gaz à effet de serre que nous connaitrons probablement autour de 2050.

Économiquement et politiquement les émissions de méthane sont plus faciles à réduire

Les émissions de dioxyde de carbone sont liées pour l'essentiel à l'énergie et au transport, deux activités qui occupent une place importante dans notre mode de vie et le fonctionnement de notre économie. Difficile donc de mener une politique ambitieuse de réduction sans affronter des intérêts économiques puissants et risquer l'impopularité. Et presque impossible d'agir rapidement compte-tenu des infrastructures concernées et de leurs durées de vie : même si on cessait aujourd'hui de construire des centrales à charbon, certaines seraient encore en fonctionnement dans 20 ou 30 ans !
Une autre voie consiste à capter le CO2 émis mais dans ce cas que faire de ce gaz ? Tenter de l'enfouir dans les profondeur de la terre : c'est la technique du captage et de la séquestration de dioxyde de carbone qui soulève encore de nombreux problèmes. Il existe bien un espoir de valorisation avec la méthanation, qui consiste à transformer le gaz carbonique en... méthane, mais cette technique est encore loin d'être mature.

De l'autre coté, le méthane est émis en partie par l'agriculture, notamment par les rizières et les ruminants, mais aussi par le "grisou" s'échappant des mines de charbon, par les fuites sur les gazoducs ou par les émanations des décharges, des sujets auxquels on peut s'attaquer sans trop de craintes.
Et au contraire du dioxyde de carbone dont on ne peut pour l'instant rien faire, l'utilisation du méthane est toute trouvée : ce n'est rien d'autre que du gaz naturel qui peut être réinjecté directement dans les réseaux de distribution existants... Selon une étude de l'AFD, en 2030 près de 100 millions de tonnes de méthane pourraient être récupérées dans des conditions économiquement acceptables, c'est presque 2 fois la production annuelle de l'Arabie Saoudite.


Sans abandonner la réduction des émissions de CO2 qui n'est possible qu'à moyen terme, la réduction des émissions de méthane devrait devenir la priorité d'ici à 2020 : les gisements comme les bénéfices pour le climat sont importants à court-terme. Et surtout l'image de la lutte contre la changement climatique pourrait s'en trouver changée, devenant une source de richesse plutôt qu'un fardeau.

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2 commentaires :

  1. L'abandon de tranches fioul de plusieurs centrales a été programmé par EDF. Remplacer les tranches charbon de Cordemais ( 44 ) par du charbon - biomasse paraît surprenant dans une région pauvre en bois ( env. 10 % )où les projets bois énergie ont flambé, et que l'ADEME fasse de nouveaux appels à projets dans lesquels les projets charbon - biomasse sont éligibles, avec importation bois permise .. Certains pays ont plutôt choisi de "s'adapter à l'augmentation du CO2", en effet en France on a oublié ce gaz méthane CH4, récupérable dans les régions d'élevage et ré-injectable dans les tuyaux G.N., ce combustible étant moins polluant ( CH4 + 2 O2 -> CO2 + 2 H2O ), que fioul, charbon et bois (surtout si l'importe !) http://jc25mercier.free.fr/chaudieres/docs/FC_dispositifbiomasseentreprises_010916.pdf

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  2. Excellent article. Se focaliser sur la lutte contre le CO2 est une erreur majeure !

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