Le débat sur la transition énergétique s'annonce dans contexte économique très dégradé depuis 2008 et qui ne semble pas devoir s'améliorer dans les prochains mois. Dans ces conditions, la question du lien entre énergie et croissance revient en filigrane dans la plupart des thèmes abordés : nucléaire, gaz de schiste ou énergies renouvelables sont invariablement présentés par ceux qui les défendent comme des atouts pour l'économie française. Sans entrer dans ces polémiques, il est indispensable de se demander dans quelles conditions la politique énergétique pourrait permettre de préserver la croissance, ou au moins prévenir de nouvelles crises.
Note : Malgré les critiques, la croissance du produit intérieur brut (PIB) reste un des indicateurs principaux pour les politiques économiques, c'est pourquoi il est utilisé dans cet article.
A court-terme : le prix de l'énergie a un impact dévastateur sur l'économie
C'est un effet connu mais parfois négligé : tout le monde se souvient que la crise actuelle a commencé avec la chute du marché immobilier américain. Mais qui se rappelle qu'en octobre 2008 le prix du pétrole frôlait les 150$ le baril, son plus haut niveau historique qui n'a plus été approché depuis ?
Un hasard ? Depuis les années 70, à l'exception de la crise asiatique de 1997, les principales périodes de récessions ont toutes été précédées d'une forte hausse du prix du pétrole
Prix du pétrole et périodes de contraction économique (source : Manicore) |
A long-terme : baisse de la consommation d'énergie = croissance très lente (au mieux)
Énergie et PIB sont liés par l'intensité énergétique, c'est-à-dire la quantité d'énergie qu'il faut consommer pour produire un euro :
Intensité énergétique = Consommation d'énergie / PIB
Inversons cette formule :
PIB = Consommation d'énergie / Intensité énergétique
On s'aperçoit qu'il n'y a pas d'alternatives : pour faire de la croissance, c'est-à-dire pour que le PIB augmente, il faut soit que la consommation d'énergie augmente soit que l'intensité énergétique diminue.Laissons de coté la première possibilité. Sous l'effet conjugué du changement climatique et de l'épuisement des ressources, il n'est plus possible d'augmenter durablement notre consommation d'énergie. Certes le nucléaire, les énergies renouvelables, voire même le charbon avec stockage de CO2, pourraient apporter une solution, mais aucune de ces technologies ne semble pour l'instant en mesure de prendre le relais à grande échelle du pétrole et du gaz. Et puis le constat est là : malgré le développement des pays émergents et les nouvelles technologies, la quantité d'énergie par habitant de la planète n'augmente pratiquement plus depuis 30 ans.
Reste la seconde possibilité : faire baisser l'intensité énergétique de l'économie. Mais là encore, les statistiques ne sont guère encourageantes :
Évolution de l'intensité énergétique de l'économie française depuis 1990 (source : INSEE) |
On voit donc que la baisse prévisible des ressources en énergie et l'amélioration très lente de l'intensité énergétique rendent peu probable un retour à une croissance forte dans les prochaines années.
A titre d'exemple, si la consommation d'énergie de l'économie française baissait de 10% au cours des 10 prochaines années, il faudrait pour atteindre une croissance de 2.5% par an que l'intensité énergétique baisse de 30% sur la même période, soit -3.5% par an. Ce chiffre est bien au-delà de ceux qui ont été enregistré jusqu'à présent (-1% par an environ entre 2005 et 2010) et même des objectifs pourtant ambitieux de la loi POPE de 2005 (-2% par an à partir de 2015 et -2,5 % à partir de 2030).
Quelle conséquences sur la transition énergétique ?
Il est illusoire d'espérer que la transition énergétique permettra de revenir à un taux de croissance durablement élevé. L'objectif doit plutôt être d'assurer la stabilité du PIB et de prévenir de nouvelles crises.
Pour cela, la transition énergétique doit se fixer deux objectifs complémentaires :
- Contrôler la décroissance des ressources en énergie et atténuer les variations de prix ce qui passe par le développement d'énergies alternatives capables de compenser en partie l'épuisement des ressources fossiles mais aussi par la sécurisation des approvisionnements et la lutte contre la spéculation.
- Accélérer la baisse l'intensité énergétique de l'économie française en évitant le trompe-l’œil qui consisterait à laisser les activités gourmandes en énergie être délocalisées.
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