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Les crises énergétiques qui viennent...

A quoi ressemblera la fin des énergies fossiles ? Schématiquement, deux camps s'affrontent sur cette question. A ma gauche : les tenants du "pic" qui pensent que cette fin viendra de l'épuisement de la ressource. A ma droite : les optimistes qui croient que la baisse de la demande, permise par une plus grande sobriété ou le déploiement de nouvelles technologies, sera le facteur dominant.

Les incendies de Fort McMurray et la production de sables bitumineux : une répétition des futures crises énergétiques ?Je ne me suis jamais retrouvé complètement dans cette alternative. En particulier parce que je ne crois pas, comme le suggèrent ces deux scénarios, que la fin des énergies fossiles sera progressive. La production, la transformation et le transport d'énergie jouent un rôle trop central dans nos sociétés - tout en dépendant eux-même du bon fonctionnement de l'économie pour obtenir, par exemple, le travail et le capital dont ils ont besoin - pour qu'il n'existe pas quelque part quelques rétroactions
capables de transformer une déstabilisation à priori bénigne en effondrement.
Il ne s'agit guère plus que d'un pressentiment mais je crois que la fin des énergies fossiles pourrait être une crise brutale, l'affaire de quelques années peut-être, qui nous laisserait avec des stocks encore importants mais inexploitables et sans solutions de remplacement.

Pourquoi je vous parle de ça maintenant ? En dehors du fait que ça fait très longtemps que j'ai envie d'écrire à ce sujet, parce que l'actualité nous montre des situations qui pourraient être des prototypes à l'échelle locale de cette crise énergétique.


Venezuela : "crise de liquidité" énergétique


Le premier cas dont je voudrais parler est le Venezuela : le pays produit chaque jour de l'ordre de 2.5 millions de baril de pétrole mais de nombreux analystes prédisent une baisse (voire un effondrement total) dans les mois qui viennent. Pourquoi ? Faites votre choix : instabilité politique, sous-investissement...
Mais  une des menace sur la production vénézuélienne de pétrole me parait particulièrement intéressante. Le Venezuela connaît depuis le début de l'année de grave pénurie d'électricité. Ce n'est pas un hasard : le pays dépend à 70% de sa production hydroélectrique et El-Nino entraine régulièrement une baisse des précipitation sur la moitié nord du continent sud-américain. Le dernier épisode ayant été particulièrement intense, un peu partout les barrages sont vides. C'est notamment le cas du barrage de Guri qui en temps normal produit un tiers de l'électricité vénézuélienne. Or il faut de l'électricité pour produire du pétrole... faute de précipitations, la production pourrait baisser rapidement de 100 à 200.000 barils par jour.


"Plus d'électricité donc plus de pétrole : le Venezuela connait actuellement une "crise de liquidité" énergétique."





En effet, on l'oublie souvent mais il faut de l'énergie pour produire de l'énergie, il en faut même de plus en plus. Et à ce jeu là toutes les énergies ne se valent pas : généralement, il faut investir une énergie secondaire (c'est-à-dire qui ne se trouve pas dans la nature comme l'électricité ou les carburants raffinés) pour obtenir une énergie primaire (pétrole brut, charbon...) qui elle-même sera transformée pour produire des énergies plus facilement utilisable et de meilleure qualité.
Cette boucle est un facteur de vulnérabilité important : si vous n'avez plus d'énergie facilement utilisable, vous perdez votre capacité à produire et transformer des énergies primaires quelques soient les réserves dont vous disposez. Vous pouvez ainsi, comme le Venezuela, vous retrouver dans le noir alors que vous avez sous les pieds une mer de pétrole... C'est un peu l'équivalent pour l'énergie d'une crise de liquidité dans le secteur financier : vous faites faillite pas parce que vous n'avez plus d'argent mais parce que votre argent n'est pas disponible au moment où vous en avez besoin.


Fort McMurray, un effet d'hystérésis ?


Peut-être vous dites-vous qu'une telle situation ne peut être que temporaire : passée la crise, la production va reprendre et revenir à son niveau précédent. Je n'en suis pas si sur. Un autre événement récent pourrait bientôt illustrer ces doutes.

Vous en avez certainement entendu parler : un immense incendie a ravagé les environs de de Fort McMurray dans la province de l'Alberta au Canada. Fort McMurray est la "capitale" des sables bitumineux : sur quelques kilomètres carrés au nord de la ville sont produits chaque jour 2.4 millions de barils de pétrole, soit 2.5% de production mondiale.
L'incendie a forcé près de 100.000 personnes à évacuer, ce qui a entraîné l'interruption partielle de la production d'hydrocarbures même si les installations sont largement indemnes. La production a été amputée d'environ un million de barils par jour. Comme l'exploitation des sables bitumineux nécessite beaucoup de chaleur et que celle-ci est utilisée en cogénération, la production d'électricité est aussi affectée, environ 500MW manquent à la région.
Très vite, les autorités et les compagnies pétrolières se sont montrées rassurantes : on redémarera bientôt la production - c'est l'affaire de quelques jours, on reconstruira les maisons, et tout redeviendra comme avant... En réalité le redémarrage des installations a été régulièrement repoussé depuis et il n'est pas du tout évident que la région puisse se remettre du désastre : l'exploitation des sables bitumineux s'est développé grâce au prix élevé du pétrole. On peut reconstruire des maisons mais pas recréer les conditions de ce boom. L'activité était déjà en difficulté avant les incendies : 40.000 personnes ont été licenciées et n'ont aucune raison de regarder en arrière. Et parmi ceux qui ont encore un travail mais qui ont tout perdu, combien reviendront ?


"On peut reconstruire Fort McMurray mais pas recréer les conditions qui ont permis l'essor des sables bitumineux."





Il faudra attendre plusieurs mois pour savoir définitivement ce qu'il en est. Mais cet exemple montre que la production d'énergie peut être soumise à des effets d'hystérésis : elle a besoin de conditions particulières pour se développer, elle peut ensuite perdurer même si ces conditions ont cessé d'exister mais si elle est interrompue, rien ne garantit qu'elle redémarrera.


Nigeria : effet papillon et cercle vicieux


Les cas canadiens et vénézuélien présentent plusieurs similitudes : la production est interrompue par un événement extérieur indépendant mais relativement proche et dans les deux cas cet événement est lié à une situation climatique exceptionnelle - il est intéressant de noter que le changement climatique crée un environnement favorable à ce type de disruption. Mais d'autres chaînes de causalité peuvent exister.

C'est ce qui se passe en ce moment au Nigeria. Le pays connaît une grave crise économique. Le Nigeria était l'année dernière le premier producteur du continent avec 2.5 millions de barils par jours qui fournissaient 70% des ressources publiques, il a beaucoup souffert de la baisse des cours, aggravée par des manipulations hasardeuses de la monnaie nationale. Cette crise a vidé les caisses de l’État, l'obligeant notamment à baisser de 70% les fonds qu'il versait aux anciens rebelles du Delta du Niger depuis l’amnistie de 2009.
Que croyez-vous qu'il arriva ? Les attaques contre les infrastructures pétrolières qui avaient cessé depuis cette date ont repris. Un pipeline sous-marin appartenant à Royal Dutch Shell a été saboté en février amputant la production de 250.000 barils par jour, une plateforme off-shore de Chevron a été attaquée début mai (35.000b/j en moins) et Shell s'est résolu a évacuer ses salariés le 9 mai. La production de pétrole nigériane serait tombée à 1.7 millions de barils par jour, voire à 1.4 selon le ministre nigérian du pétrole, en tous cas son niveau le plus bas depuis des décennies.
Au-delà des pertes immédiates, ces attaques peuvent faire basculer le pays dans un cercle vicieux : la baisse de la production de pétrole rend plus difficile le redémarrage de l'économie et donc la stabilisation du Delta du Niger, insécurité qui à son tour nuit à la production et aux investissements, etc.


En guise de conclusion...


Avoir des champs de pétrole ou des veines de charbon ne suffit pas à produire de l'énergie. Il faut aussi que les facteurs de productions (capital, travail, énergie, matières premières...) soient disponibles et que les conditions (économiques, politiques, sécuritaires...) soient favorables. Or ces pré-requis dépendent aussi plus ou moins directement de la disponibilité de l'énergie.
Cette mécanique complexe peut être déréglée par une mauvaise gestion ou un événement extérieur. Localement, cela arrive déjà de temps à autres et arrivera de plus en plus avec le réchauffement climatique.


"Une ressource ne suffit pas pour produire de l'énergie : il faut des capitaux, du travail, de l'énergie disponible…"




Aussi longtemps qu'ils restent locaux, ces épisodes, même s'ils sont dévastateurs pour les sociétés concernées, peuvent être compensés par la production d'autres zones et les flux commerciaux. Mais une telle crise pourrait-elle se produire à l'échelle globale ? Peut-être. Il est peu probable qu'un événement unique en soit la cause, mais pourquoi pas une conjonction de crises locales aggravée par un ralentissement des échanges qui ne permettraient plus aux zones affectées de récupérer assez vite ?


Publié le 19 mai 2016 par Thibault Laconde

Illustration : By DarrenRD (Own work) [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia Commons



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[Infographie] Le prix du pétrole est ridiculement bas. La preuve.

Le baril de pétrole navigue ces jours-ci entre 30 et 35$ le baril (au dernier pointage : 32.9 pour le Brent et 31.3 pour le WTI). Cela représente une chute vertigineuse depuis les 115$ par baril de mi-2014, mais se rend-on bien compte à quel point le pétrole est bon marché ?

Pourquoi le prix du pétrole baisse ? Une tentative d'explication (garantie 100% hétérodoxe).

Baisse du prix du pétrole et "peak demand", une tentative d'explication
Même si vous ne vous intéréssez pas particulièrement à la question, vous savez probablement que le prix du pétrole s'est effondré depuis mi-2014. Partis au-dessus de 115$ le baril, les indices de référence (Brent et WTI) sont passés sous les 30$ mi-janvier.
Derrière cette baisse, comme on pouvait s'y attendre, on trouve une offre supérieure à la demande : en 2015, la production de brut a été excédentaire de plus de 650 millions de barils.

Pour expliquer cette situation, la plupart des analystes pointent du doigt l'Arabie Saoudite en expliquant qu'elle entretient volontairement la surproduction afin de faire baisser les prix et de mettre en faillite les nouveaux producteurs d'hydrocarbure qui ont émergés depuis quelques années, en particulier ceux qui exploitent les huiles de schiste aux États-Unis.

Cette explication ne m'a jamais paru très convaincante et j'aimerais vous en proposer une autre, qui diffère assez peu dans le fond mais radicalement quant à ses implications.


Pourquoi la thèse du dumping saoudien contre les "oilmen" américains ne tient pas


Le rôle de l'Arabie Saoudite est incontestable. Il est, par exemple, apparu clairement lors de la dernière réunion de l'OPEP en novembre où les pays qui voulaient réduire la production se sont heurtés à son opposition. Ce qui reste mystérieux, c'est la motivation des saoudiens alors qu'eux-même souffrent de la baisse des cours.

Selon l'explication la plus fréquente, l'Arabie Saoudite tenterait tout simplement de pousser ses concurrents américains à la faillite. Cette thèse est en apparence plausible.
Il y a un précédent : L'OPEP avait tenté (sans succès) une manœuvre de ce type contre les gisements de Mer du Nord dans les années 80. Il y a un mobile : plomber les hydrocarbures non-conventionnels qui ont permis aux États-Unis a rattraper la production pétrolière de l'Arabie Saoudite en 2013.
Et de fait, les producteurs américains, dont les coûts sont élevés, ne sont pas viables économiquement avec un pétrole à 30$. Une quarantaine d'entreprises du secteur ont fait faillite l'année dernière, elles seront sans doute beaucoup plus nombreuses en 2016.

Mais si les saoudiens tentent réellement une opération de dumping pour gagner des parts de marchés au détriment des producteurs américains, leur plan ne tient pas la route.
En effet, l'exploitation des gaz et pétrole de schiste est beaucoup plus souple que celle des autres hydrocarbures : l'extraction est relativement simple techniquement, elle est peu intensive en capital et, comme vous pouvez pratiquement commencer dans votre garage (aux États-Unis, 54% du pétrole est produit par des entreprises qui font moins de 5 millions de chiffre d'affaire), une faillite n'affecte pas irréversiblement la production.
Ce sont ces caractéristiques qui expliquent que la production ait progressé aussi rapidement dans les dernières années. De la même façon, même si la production d'hydrocarbures de schiste s'effondrait, elle pourrait sans doute revenir au niveau actuel en deux à trois ans au premier signe de retournement du marché.

En fait, la baisse des cours risque de nuire plus durablement à l'off-shore profond, aux sables bitumineux et même à la production conventionnelle car ces filières nécessitent beaucoup plus d'investissements et des périodes de développement longues. Les projets qui sont abandonnés parce qu'ils ne sont pas rentables avec un pétrole à 30$ pourront difficilement redémarrer avant la prochaine décennie quelle que soit l'évolution des prix.

En bref, les oilmen souffrent mais la production américaine de pétrole, elle, pourrait sortir renforcée de cette crise. J'ai du mal à croire que l'attitude de l'Arabie Saoudite puisse s'expliquer par un paris aussi incertain.
Alors essayons autre chose...


Et s'il s'agissait d'une réaction rationnelle à l'anticipation d'un pic de demande ?


Imaginons un instant que la demande mondiale de pétrole soit actuellement proche d'un pic après lequel elle va décroitre pour devenir pratiquement nulle à la moitié du siècle. Cette perspective n'est pas que pure fantaisie, c'est celle que les pays réunis à Paris pour la COP21 ont tracé.
Dans ce cas, ouvrir grand les vannes est la stratégie la plus rationnelle pour un producteur qui possède d'importantes réserves avec des coûts d'exploitation parmi les plus faibles du monde : en vendant aujourd'hui il est assuré de réaliser un bénéfice (puisque ses concurrents ont des coûts plus élevés) alors qu'en conservant ses réserves il risquerait de les voir perdre toute valeur à mesure que la demande baisse. Ce comportement n'a rien d'exceptionnel : lorsqu'une bulle s'apprête à éclater (en l’occurrence le pendant étatique de la "bulle du carbone"), le premier qui s'en aperçoit a tout intérêt à liquider son stock en douce le plus vite possible, même à des prix apparemment inférieur à sa valeur réelle.

Est-il possible que l'Arabie Saoudite soit parvenue à cette conclusion ? Pourquoi pas, cela pourrait aussi expliquer le projet de privatisation de Saudi Aramco. Et après tout la position saoudienne a toujours été de dire que la demande de pétrole se tarirait avant la ressource : "l'âge de pierre ne s'est pas terminé par manque de pierre", n'est-ce pas...

"La perspective d'un pic de demande change radicalement l'économie du pétrole."



Allons un peu plus loin : selon l'évaluation désormais bien connue de Carbon Tracker, 80% des ressources fossiles doivent rester sous terre si nous voulons limiter le réchauffement de la planète à 2°C. C'est-à-dire qu'avec 16% des réserves prouvées de pétrole et 13% de part de marché, l'Arabie Saoudite n'a aucune chance d'exploiter complétement ses ressources.  En d'autres termes, pour les saoudiens, tout se passe comme si leurs réserves étaient désormais infinies : le pétrole n'est plus une ressource épuisable.
Cela change radicalement le "juste prix" de cette ressource : si une richesse naturelle est non-renouvelable, l'exploiter constitue un arbitrage délicat entre un bénéfice immédiat et un bénéfice futur a priori plus important, mais si elle peut être considérée comme inépuisable alors vous avez intérêt à l'exploiter à pleine capacité dès que le prix du marché vous permet de couvrir vos coûts.
Pour le dire de façon un peu plus savante : le marché du pétrole redevient ricardien avec une rente différentielle et un prix qui s'aligne sur le coût marginal de production.


Le baril sous les 40$ pour longtemps...


Cette interprétation au fond ne change pas grand chose à la compréhension de la situation actuelle - une baisse des cours entretenue par les saoudiens pour préserver leurs intérêts avec pour premières victimes les producteurs américains.
Par contre, le scénario qu'elle dessine pour la suite est bien différent.

Sur l'évolution des prix du pétrole

  • Si l'objectif de l'Arabie Saoudite est de gagner des parts de marché en détruisant les producteurs d'hydrocarbures non-conventionnels, le cours du pétrole est appelé à remonter assez rapidement. Soit parce que les saoudiens auront atteint leur but et seront libres de rentabiliser leur opération de dumping par des prix plus élevés, soit parce qu'ils auront accepté leur échec et que le marché reviendra à son état précédent.
  • Mais si l'objectif est de tirer le maximum de leur rente différentielle dans une perspective d'épuisement de la demande, alors le prix pétrole devrait converger à moyen-terme vers son coût marginal de production (probablement en dessous de 40$) et, d'ici-là, rester bas voire continuer à baisser jusqu'à ce que la production se soit ajustée.

Sur la stratégie à adopter par les producteurs

  • Si l'objectif de l'Arabie Saoudite est de pousser le maximum de producteurs de pétrole de schiste à la faillite, ceux-ci ont tout intérêt à poursuivre leur activité aussi longtemps que possible parce que les survivants peuvent espérer redevenir rentables d'ici quelques mois à la faveur d'une remontée des cours et de la disparition de nombre de leurs concurrents.
  • Mais si l'attitude saoudienne est motivée par une baisse de la demande, alors les hydrocarbures les plus couteux à produire ne sont définitivement plus viables économiquement. La production va baisser là où elle est la moins rentable (États-Unis, Canada, Brésil et Europe) et  progresser dans les pays où les coûts sont les plus faibles (Moyen Orient, Russie et dans une moindre mesure Afrique, Amérique du Sud et Asie). S'obstiner à produire à perte ne fera que pousser le prix du pétrole encore plus loin à la baisse et rendre l'explosion de la bulle plus douloureuse pour l'ensemble de l'économie.

Sur la stratégie à adopter par les gouvernements

  •  S'il s'agit d'une opération de dumping, on peut s'attendre à ce que les gouvernements soutiennent leurs producteurs. Les États-Unis qui ont levé en décembre l'interdiction d'exporter du pétrole pourraient, par exemple, être tenté d'inverser leur politique en imposant des restriction à l'importation.
  • Mais s'il s'agit d'un signe avant-coureur de l'adaptation de l'appareil productif mondial à la disparition des énergies fossiles alors il convient au contraire de faciliter et d'accompagner cette évolution.

Voilà pour cette première réflexion... Certains passages mériteraient probablement d'être affinés ou mieux formalisés. Je vais y travailler dans les prochains jours.
En attendant n'hésitez pas à me donner vos avis.


Publié le 2 février 2015 par Thibault Laconde

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Illustration : Martyn Gorman [CC-BY-SA-2.0] via Geograph

[Mis à jour] Et si, finalement, la finance sauvait le climat ?

Finance et changement climatique : divestment, risque carbone, activisme actionnarial
Vous n'associez pas a priori Standard & Poor's à la lutte contre la changement climatique ?
Vous avez peut-être tort : en avril, l'agence de notation a averti que le changement climatique aurait un impact sur la solvabilité des entreprises - elle avait déjà lancé un avertissement similaire l'année dernière pour les dettes souveraines. A terme, elle pourrait prendre en compte la résilience au changement climatique dans sa méthodologie de notation : Imaginez ce qu'il se passerait si, d'un seul coup, les entreprises qui émettent le plus de gaz à effet de serre ou qui sont mal préparées aux effets du réchauffement voyaient leurs notes baisser...


> Pour une mise à jour après la COP21, n'hésitez pas à télécharger cette études des conséquences économiques et technologiques de l'Accord de Paris




Les financiers de plus en plus sensibles aux risques climatiques


Refuser de placer son argent dans les industries les plus polluantes ou le retirer progressivement (le désinvestissement ou "divestment" en anglais) était jusqu'à assez récemment un comportement militant. Les universités anglo-saxonnes, poussées par leurs étudiants et professeurs, s'y sont illustrées depuis quelques années comme d'autres fonds déjà impliqués dans l'investissement socialement responsable.
Mais depuis le sommet de New York en septembre 2014, c'est l'ensemble de l'industrie financière qui commence à s'intéresser au climat, et le prendre en compte dans les décisions d'investissement est de moins en moins tabou... Dans une étude récente, Novethic a recensé les investisseurs internationaux qui ont pris des engagements en matière de changement climatique. Résultats :

"550 banques, assurances, fondations, etc. gérant plus de 22.000 milliards d'euros se sont déjà engagées pour le climat."




Pourquoi ? Parce que les investisseurs perçoivent désormais des risques réels pour la valeur de leurs portefeuilles :
  1. Risque carbone, c'est-à-dire le risque de voir les entreprises très émettrices en gaz à effet de serre perdrent de la valeur parce que de nouvelles réglementations rendent leurs opérations plus difficiles, voire remettent en cause leur business-model. Les premiers concernés sont les énergéticiens qui détiennent des réserves de pétrole, de charbon ou de gaz : ces actifs ont-ils encore une valeur alors que la communauté internationale s'est engagée à limiter le réchauffement à 2°C, ce qui implique de laisser dans le sol un tiers des réserves de gaz, deux tiers de celles de pétroles et 80% du charbon ?
  2. Risque climat, c'est-à-dire le risque que le changement climatique mette des entreprises en difficulté. C'est par exemple le cas de l'agro-alimentaire : est-il réellement préparé pour faire face à une baisse des rendements agricoles ou à un accès plus difficile à l'eau ?
Les investisseurs sont en train de réaliser que la combinaison de ces deux risques rend les investissements dans certaines entreprises hasardeux. Et cette prise de conscience pourrait avoir un très fort effet de levier : en détournant le capital des entreprises carbo-intensives, elle peut rendre instantanément plus difficile les investissements dans de nouvelles énergies fossiles comme les sables bitumineux ou le gaz de schiste. A l'inverse, les entreprises résilientes au changement climatique ou peu émettrices pourront accéder plus facilement aux fonds.


Et après ? Comment mettre (et garder) le secteur financier sur la voie des 2°C ?


Il est bien entendu trop tôt pour se réjouir. Cette évolutions pose de nombreuses questions : Comment mesurer l'empreinte carbone d'un portefeuille ? Peut-on décliner dans le domaine de la finance l'objectif des 2°C ? En particulier, comment faire en sorte, non seulement de ne plus investir dans les activités polluantes, mais aussi de financer celles qui permettent la transition comme l'efficacité énergétique ou les énergies renouvelables ?
Une question très concrète par exemple : faut-il réellement désinvestir ? Certes ça rendra la vie des pétroliers plus difficiles mais ça ne les incitera pas vraiment à améliorer leurs pratiques. Ne vaudrait-il pas mieux continuer à investir dans le secteur des énergies fossiles mais seulement chez les "best in class", les entreprises qui font de réels efforts ?
De nombreux travaux sont en cours sur ces sujets, notamment chez le World Ressource Institute qui devrait les publier pendant la Climate Week en mai prochain.

Enfin, et surtout, la finance est une affaire d'anticipation. Si le secteur bouge aujourd'hui, c'est parce qu'il anticipe des réglementation plus sévères. Il ne continuera pas longtemps dans cette voie si la mobilisation de la société civile s’essouffle ou si les gouvernements semblent incapables de limiter réellement les émissions de gaz à effet de serre.
Un changement important est peut-être en train de prendre forme mais il reste fragile... et notamment conditionné à la réussite de la conférence de Paris sur le Climat !

Illustration : By Harald Bischoff (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

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Quatre timelapses pour visualiser l'empreinte de la production d'énergie sur l'environnement

Depuis peu, le programme Landsat met à disposition gratuitement des images satellites collectées depuis une quarantaine d'années. C'est une ressource inestimable pour tout ceux qui s’intéressent à l'évolution de la planète. Parmi les nombreuses observations possibles : le recul de la foret amazonienne, les progrès de l'irrigation en Arabie Saoudite ou encore l'extension de la ville de Las Vegas.

Pour ma part, je me suis intéressé à l'empreinte environnementale du pétrole, du charbon, du gaz, du nucléaire et de l'hydroélectricité, les cinq énergies qui fournissent 99% de la consommation mondiale. Afin de vous faire profiter de quelques unes de ces observations, j'ai réalisé ces timelapses représentant 4 installations de production (je n'ai pas trouvé d'images intéressantes pour le gaz) entre 1984 et 2012.



Charbon : les mines de lignite d'Allemagne de l'est

 
Energie et développement - timelapse des mines de lignite d'Allemagne de l'est 1984-2012
Ce carré fait approximativement 30km de coté. On y voit plusieurs mines de lignite situées à l'est de l'Allemagne à la limite entre la Saxe et le Brandebourg. Deux mines, Welsow et Nochten, sont en cours d'exploitation et s'étendent, les autres, abandonnées, sont remblayées ou inondées.


Four timelapses to understand how our thirst for energy impacts the planet

The Landsat program provides free satellite images collected during the last 40 years. It is an invaluable resource for all those interested in the evolution of the planet. Among many possible observations, you can see for yourself how forests fade while agriculture and cities advance…
As for me, I am more interested by the environmental footprint of energy production especially oil, coal, gas, nuclear and hydro, five energies which provide 99% of the world consumption. I realized these timelapses representing 4 production facilities (I have not found interesting images for gas) between 1984 (the year I was born) and 2012.

(This post was translated from the original in French : Quatre timelapses pour visualiser l'empreinte de la production d'énergie sur l'environnement )


Coal: lignite-mining in East Germany


This square represents approximately 1000km². You can see a few mines of lignite (a type of coal largely exploited in Germany) in the former GDR on the border between Saxony and Brandenburg: Two mines, Welsow and Nochten, are still operating and devouring countryside others were abandoned and flooded.

Nuclear: uranium mines in Arlit (Niger)


This square of about 100km² shows one of the open pit mines operated by Areva in Niger. At the bottom right you may see the towns of Arlit and Akokan. A little further down (out of frame) lies another underground mine.

Oil: Athabasca tar sands (Canada)


This square of approximately 1600km² represents the spectacular extension of oil sands mine bordering the Athabasca River in Canada.

Hydropower: the Yacyretá dam (Argentina-Paraguay)


This square of approximately 5000km² shows the construction and impoundment of the Yacyretá dam on the border between the Argentina and the Paraguay. The reservoir covers 1600 km².

For other posts on climate and sustainability from this blog translated in English, click here.

Du pétrole à n'importe quel prix ? Explorez le pays des sables bitumineux avec Google Maps

Vous avez sans doute entendu parler des sables bitumineux de l'Alberta (tar sand en anglais). Pour beaucoup, ces hydrocarbures non-conventionnels sont devenus synonymes de désastre écologique, pour d'autres ils sont une fantastique découverte dotant le Canada de réserves de pétrole équivalentes à celles de l'Iran et du Qatar réunis.

Energie et developpement - mine de sables bitumineux de Fort Murray (Canada) de 1984 à 2012
Extension de la principale mine de sable bitumineux au nord de Fort Murray de 1984 à 2012

Pour vous faire une idée, je vous propose de survoler les régions productrices d'Alberta avec Google Map. Si vous préférer des images prises du sol, je vous conseille ce reportage de Garth Lenz.

D'abord, qu'est-ce le sable bitumineux ?

Le sable bitumineux est un mélange de bitume, c'est-à-dire de pétrole brut sous une forme solide ou très visqueuse, de sable, d'eau et de divers minéraux.
Avec beaucoup d'eau et d'énergie, il est possible de récupérer le bitume puis de le transformer en pétrole exploitable commercialement. La technique permettant de séparer le bitume du sable a été mise au point dans les années 20 et la première exploitation a eu lieu en 1967 près de la rivière Athabasca, la zone où se trouve encore aujourd'hui la plupart des mines canadiennes.

C'est cette zone que je vous propose de visiter. Pour cela, vous pouvez continuer la lecture de cet article ou bien naviguer librement sur la carte : elle se trouve ici.