Tarification progressive de l'énergie : intérêt et problématiques

Mercredi 5 septembre, François Brottes, président PS de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, présentera une proposition de loi destinée à rendre la tarification du gaz et de l'électricité progressive, l'eau devrait aussi être concernée.
La progressivité des prix de l'énergie est une promesse de campagne du candidat Hollande mais ce n'est pas une nouveauté : ce système fonctionne en Californie depuis près de 40 ans... Une loi à ce sujet devrait être examinée en octobre et adoptée avant même la conclusion du débat national sur la transition énergétique. La progressivité des tarifs a un double objectif : alléger les charges des 8 millions de français touchés par la précarité énergétique et faire baisser la consommation d'énergie.
En attendant que le texte de la proposition de loi soit rendu public, voici quelques éléments pour comprendre les enjeux de la tarification progressive.

Mise à jour :
Suite au dépot de la proposition de loi, vous trouverez une analyse du projet ici : Bonus-malus énergétique : ce qui va changer sur les factures d'électricité et de gaz
De très nombreuses questions m'ont été posées sur ce projet. Je répond aux plus fréquentes dans cet article : Bonus-malus énergie, retour sur un débat.

Actuellement, plus vous consommez d'énergie moins elle est chère

Aujourd'hui lorsque vous réglez votre facture d'électricité ou de gaz, vous payez une part fixe (l'abonnement) et une part variable calculée en fonction du nombre de kilowatt-heure que vous avez consommés.

Par exemple si vous avez un abonnement de base chez EDF avec une puissance de maximale de 12kVA, vous payez 147.20€ par an d'abonnement plus 0,1249€ par kilowattheure consommé (d'après le site d'EDF).
Imaginons que vous consommiez 1kWh dans l'année (ce qui est peu probable, certes), vous payerez 147.3249€, pas loin de 150€ le kWh. Si vous consommez  2kWh, vous payez 147.4498€, soit 73.72€ le kWh. Si vous consommez 10kWh, vous payez 148.449€ soit un peu moins de 15€ le kWh. Vous voyez le problème ? Plus vous consommez moins l'énergie est chère !

Prix de l’électricité en fonction de la consommation avec le tarif base d'EDF (12kVA)

Ce système de facturation reflète les coûts du fournisseur d'énergie (dont les frais fixes pour l'entretien du réseau, l'administration des contrats, etc. sont élevés) mais il envoie un message complètement absurde au consommateur : plus vous ferez d'effort pour économiser l'énergie, plus l'énergie que vous consommerez sera chère.

L'objectif de la tarification progressive est d'inverser la tendance en facturant à bas prix les premiers kilowatt-heures consommés puis en augmentant les tarifs par palier. Ainsi les consommateurs qui réalisent des économie d'énergie seront récompensés. De plus, les premiers kWh moins chers allégeront principalement la facture énergétique des ménages modestes dont la consommation en énergie est en général plus faible.
La progressivités des tarifs de l'énergie est donc une excellente mesure. Sur le papier en tous cas... Car dans  la pratique, la mise en œuvre risque de s'avérer délicate.

Progressivité et équité, une équation complexe

Une première étape vers la progressivité serait de supprimer l’abonnement et d'intégrer les coût fixe du fournisseur dans le prix du kilowatt-heure. Cela ne rendrait pas le prix de l'énergie progressif mais ça éviterait au moins qu'il soit décroissant avec la consommation.

La seconde étape est de créer des paliers de consommations au-delà desquels le prix du kWh augmente. Mais cela pose plusieurs questions : Combien de paliers faut-il ? Comment les fixer ? Doivent-ils être les même pour tous les foyers ou varier avec les besoins (par exemple l'isolation, le nombre d'habitant...) ? Quel doit être l'augmentation du tarif à chaque palier ?

D'une manière générale, pour être efficace, les paliers et les niveaux de progressivités devraient :
  • être lisibles : il faut que le consommateur puisse relier l'augmentation de sa facture à une surconsommation d'énergie pour que la mesure soit efficace.
  • être adaptés aux besoins du foyer : les paliers peuvent difficilement être les mêmes pour une personne occupant seule un appartement à Nice et pour un couple avec 3 enfants habitant une maison en Alsace.Mais cette adaptation doit avoir des limites sans quoi la mesure risquerait limiter l’intérêt de certaines économies d'énergie ou pire de subventionner le gaspillage.
  • concerner l'ensemble des énergie non-renouvelables (électricité et gaz mais aussi fioul, gpl, voire bois) afin d'éviter un simple report d'une énergie vers une autre.
  • être cohérents avec les dispositifs existants : tarifs sociaux, aide aux travaux...
  • être identiques pour tous les fournisseurs d'énergie : une marge d'appréciation peut être laissée aux fournisseurs mais comme la progressivité défavorise les gros consommateurs, ils auront de toute façon tendance à s'aligner vers le bas en proposant des tarifs les moins progressifs possibles pour attirer les bons clients de leurs concurrents.
L'équation à résoudre est donc particulièrement complexe. La résoudre sans bâtir une usine à gaz sera un vrai défi...

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6 commentaires :

  1. Je n'avais absolument pas conscience que les tarifs de l'électricité sont dégressifs en fonction du nombre de kwh consommés, c'est vraiment le monde à l'envers !

    D'un autre côté, il va être difficile de mettre en place de tels "paliers" sans défavoriser les ménages qui n'ont par exemple pas les moyens financiers d'isoler leur habitation...

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    1. Vraiement n'importe quoi leur règle de calcul, ils nous prennent pour des idiots

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    2. Les tarifs ne sont pas dégressifs. c'est le PMV (le prix moyen de vente) qui diminue avec la quantité consommée. C'est logique puisqu'il y a un abonnement fixe. Plus vous consommez, plus cette charge fixe se dilue sur chaque kWh et donc le prix moyen diminue.

      Mais pas d'illusion, votre facture augmente qd même !

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  2. Merci pour cet article.

    Libération se pose aussi la question pour l'eau :
    http://www.liberation.fr/economie/2012/09/04/l-eau-pour-se-laver-ne-doit-pas-etre-au-meme-prix-que-l-eau-pour-remplir-sa-piscine_843893

    Les questions tarifaires sont toujours très compliquées si on veut allier équilibre économique du producteur / distributeur et équité / péréquation pour les consommateurs.

    Pour l'électricité, un tarif progressif devrait bénéficier aux foyers les plus démunis qui théoriquement devraient être les moins équipés en devices électriques. Toutefois, ça n'est pas toujours vérifiable et finalement, un foyer fortuné pourra plus facilement être équipé de lampes basse conso, de réfrigérateur économiques voire de panneaux photovoltaïques.
    Les foyers les plus modestes peuvent donc consommer plus que des foyers aisés et le tarif les pénaliserait.

    C'est le même problème pour les tarifs progressifs de l'eau, qui sont très courants (sauf en France) : les premières tranches dites "sociales" sont vendues en dessous du prix de production puis le prix grimpe vite. Mais les foyers les plus démunis sont très souvent ceux qui ont de nombreux enfants, ou bien ne peuvent pas se payer de compteur individuels et vivent à 2 ou 3 familles derrière un compteur. ils ont aussi souvent des habitudes de consommations dispendieuses.

    Quant aux foyers aisés, ils sont plus souvent peu au foyer et consomment donc moins en cumulé.

    Quant aux charges fixes facturées par les distributeurs, elles sont censées financer le service et sa mise à disposition des usagers H24, même sans consommation. Un petite ville de 300 habitants l'hiver et 20 000 l'été doit financer des gros investissements pour assurer les pics saisonniers. il faut donc trouver le bon équilibre entre kWh ou m3 à un prix correct + des charges fixes élevées ou l'inverse, des prix à la consommation très élevées toute l'année. Dans tous les cas, il y a des perdants et des gagnants selon qui consomme quoi !

    Gros casse tête que les tarifs des fluides ! Mais ne nous faisons pas d'illusion, la gestion tarifaire ne peut être juste pour tous, elle doit être équitable et donc s'appliquer à tous des les clients de la même catégorie de la même façon...

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  3. 1er)Est-ce que le calcul du tarif de base sur les 25% de consommateurs les moins énergivores seront fait région par région? Dans le cas contraire les régions ensoleillées seront favorisées par rapport aux régions du Nord.Pour une plus grande équité, on devrait prendre en compte l'indice d'ensoleillement.
    2ème)Est-ce que la rigueur des hivers sera pris en compte? Une correction de base devrait être prévue tous les ans.
    3ème)Au travers des taxes CTA, TCFE, CSPE, + la TVA payée sur les KW/h consommés et la TVA imposées sur les taxes je crois que plus on consomme, plus on contribue déjà à la rentrée d'argent dans les caisses des Communes,de l'Etat, de EDF pour le renouvellement de ses réseaux et l'enrichissement des Partenaires privés vendant de l'électricité récupérée à hauteur de 25% à prix coutant sur le dos d'EDF donc payée par nous même (Loi NOME que je considère comme un enrichissement favorisant le privé). Le prix du KWh payé plus cher aux gens développant l'énergie renouvelable payé par EDF donc par nous consommateurs, je crois que tout ce que je viens de citer précédemment, les gros consommateurs participent déjà pour beaucoup à ce que l'on consomme et pour ma part j'essaie dans la mesure de mes petits moyens de faire un maximum sur les économies d'énergie( ex: pas de chauffage dans ma chambre été comme hiver).

    Pour ma part Mr François Brottes lorsque je regarde les débats de l'assemblée où certains de vos collègues dorment bien au chaud sur leurs bancs payés largement par nos deniers, je me pose la question si ceux la même ont voté votre loi.

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  4. Si beaucoup se chauffent à l'électricité et c'est mon cas, c'est parce-que EDF a encouragé à grand renfort de PUB ce type d'équipement par le passé. Si cela n'avait pas été le cas, beaucoup aurait opté pour un autre mode de chauffage.
    Remercions EDF de nous avoir pris pour des billes!!!!!

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