Mais que va-t-il vraiment se passer pendant ces deux semaines. Comme disait l'autre, "la prédiction est un art difficile, surtout lorsqu'elle concerne l'avenir", mais il faut savoir vivre dangereusement...
Voici donc en 4 questions, ce qui va vraisemblablement se passer et pourquoi :
- Y aura-t-il un accord juridiquement contraignant ?
- Sera-t-il suffisant pour rester sous le seuil des 2°C ?
- Qui seront les pays au centre des discussions ?
- Et pour finir, est-ce que la COP21 sera un succès ?
[Edit] Pour savoir ce qu'il s'est passé pendant la COP21, vous pouvez desormais télécharger mon analyse de l'Accord de Paris et de ses implications technologiques et économiques
Y aura-t-il un accord juridiquement contraignant ?
Oui, mais pas entièrement.
Les pays ne se séparent presque jamais après une COP sans un accord (la seule exception est la COP6 de La Haye). La question n'est donc pas s'il y aura un accord à la COP21 mais à quoi il ressemblera. Et en particulier : la conférence de Paris pourra-t-elle aboutir à un texte juridiquement contraignant ?
Un accord juridiquement contraignant s'impose sur le droit national des pays qui le ratifient : une fois que vous vous êtes engagé, vous ne pouvez plus revenir en arrière même en modifiant votre loi ou votre constitution. C'est donc, en théorie, un engagement très fort. Et comme les règles de l'ONU impose l'unanimité, il est toujours difficile d'y parvenir.
Mais si l'accord de Paris ne sera pas entièrement juridiquement contraignant, c'est pour une autre raison : Barack Obama n'a ni le temps, ni les moyens politiques d'obtenir le vote des deux-tiers du Sénat, comme l'impose la Constitution américaine pour la ratification des accords internationaux.
Il peut s'en sortir par une pirouette juridique : le président des États-Unis peut engager son pays sans passer par le Sénat avec un "executive agreement". De nombreux juristes ont planché sur la question et le consensus qui se dégage est qu'Obama pourrait signer sans l'accord du Sénat à condition que le texte ne contienne pas d'engagement d'émission ni de financement.
Évidemment, cela réduit fortement les ambitions... Mais a-t-on le choix ? Les États-Unis sont le deuxième émetteur de gaz à effet de serre de la planète et il est peu probable que les grands pays émergents, Inde (3e émetteur) et Chine (1ère) en tête, signent s'ils ont un doute sur l'engagement américain.
Sauf à créer une coquille vide, la communauté internationale est donc obligée de tailler un texte sur mesure pour les États-Unis. Cette contrainte exclut un accord entièrement juridiquement contraignant, il est probable que le texte qui sortira de la COP21 sera hybride : avec des parties contraignantes (probablement la procédure de révision des engagements) complétés par des engagements politiques (sur les émissions et les financements).
Est-ce que l'accord permettra de rester sous le seuil de 2°C ?
Non.
C'est l'autre point-clé du mandat de Durban, hérité de la conférence de Copenhague : la communauté internationale veut limiter la hausse de la température moyenne à 2°C entre le début de l'ère industrielle et la fin du XXIe siècle.
Les engagements de réduction des émissions qui seront pris à Paris (et qui n'auront pas de valeur juridique, cf. paragraphe précédent) seront sans doute insuffisants pour atteindre cet objectif. En effet, en amont de la conférence, les participants ont été invités à communiquer les engagement qu'ils sont prêts à prendre (aussi appelés INDC). Lorsque l'on agrège ces chiffres et qu'on les entre dans un modèle climatique, on voit qu'on se trouve sur la trajectoire d'une hausse de 3°C plutôt que de 2.
Un degrés de plus, ça peut paraître peu mais cela correspond à plusieurs centaines de milliards de tonnes de dioxyde de carbone. Même si on est pas à l'abri d'une bonne surprise et d'engagements plus ambitieux annoncés pendant la conférence, il est peu probable qu'ils soient suffisants. C'est la raison pour laquelle il est important que l'accord contienne des clauses de revoyure, prévoyant un examen et une révision régulière des engagements.
Quels pays vont bloquer ? Quels pays vont être au centre des discussions ?
Les pays pétroliers et les grands émergents
Les INDC permettent également de deviner le rôle des différents pays, et deux choses semblent évidentes :
- Les pays pétroliers n'ont pas caché leurs mauvaise volonté : seuls deux pays membres de l'Organisation des Pays Producteurs de Pétrole ont publié leurs INDC dans les temps (l'Algérie et l'Equateur). Et lorsque, comme l'Arabie Saoudite, ils ont fini par rendre leurs copies elles se sont révélées très décevantes.
- La Chine et l'Inde sont désormais au coeur du problème. Au début des années 90, le changement climatique était surtout un problème européen et américain. Depuis la Chine a connu un développement fulgurant et elle est devenue le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre en 2007, l'Inde suit aujourd'hui le même chemin. D'après les INDC, en 2030, l'Inde et la Chine devraient être les deux premiers pollueurs de la planète très loin devant les États-Unis et l'Union Européenne.
D'ici 15 ans, les émissions de ces deux pays devraient écraser celles des autres grandes économies : la Chine émettra 5 fois plus que l'Europe, l'Inde 3 fois plus. Et les émissions australiennes, par exemple, ne représenteront plus que 3% des émissions chinoises... Dans ces conditions, la Chine et l'Inde vont se retrouver au coeur des discussions : compte-tenu des volumes en jeu un effort supplémentaire de leur part, même quelques dixièmes de pourcents, sera significatif ! La position de l'Inde, qui est traditionnellement très attachée au droit au développement, sera particulièrement observée.
Alors, la COP21 sera un succès ou un échec ?
Tout dépend ce qu'on en attend...
Vous l'aurez compris à ce stade, il y aura vraisemblablement un accord le 11 décembre mais il sera insuffisant et très en recul par rapport aux objectifs affichés par le mandat de Durban.
Mais d'un autre coté, le texte qui sortira de la COP21 sera sans doute le plus ambitieux et le plus complet de l'histoire des négociations climatiques : pour la première fois tous les pays devraient être à bord et s'engager sur une trajectoire de réchauffement beaucoup plus basse que les 4 à 5°C que nous aurions si nous ne faisions rien. La conférence de Paris devrait aussi permettre de redéfinir une méthode et des principes qui remettent les discussions sur les rails après 20 ans d'échec.
Alors est-ce que ça en fait un échec ou un succès ? Une chose est sure : la question du changement climatique ne sera pas résolue à la fin du sommet : les engagements pris devront être vérifiés et revus régulièrement, ils devront être déclinés dans les politiques nationales, mis en oeuvre par les collectivités, les entreprises et les consommateurs... Même si je m'attend à un succès, la conférence de Paris sera plus un nouveau départ qu'un aboutissement.
Publié le 29 novembre 2015 par Thibault Laconde
Publié le 29 novembre 2015 par Thibault Laconde
Je penses qu'il ny aura ni succès ni échec...Dommage car le projet vaut pourtant la peine que l'on se batte pour !
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