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[Série d'été] Que signifie le changement climatique pour le solaire, la biomasse et les énergies marines ?

Dans cette série estivale consacrée à l'impact du changement climatique sur le secteur électrique, nous avons déjà parlé des trois principales source d'électricité bas-carbone : l'hydroélectricité, le nucléaire et l'éolien. Il faudra sans doute dire un mot des énergies fossiles, gaz et charbon notamment, même si on leur souhaite une disparition rapide qui les mettraient à l'abri des effets du dérèglement climatique. En attendant, je vous propose de passer rapidement en revue les autres sources d'électricité renouvelable.

Cet article fait partie d'une série estivale consacrée aux risques climatiques et à l'adaptation dans le secteur électrique.
Retrouvez tous les articles de cette série ici :

Solaire : une modification de la production parfois significative


L'énergie solaire représente moins de 2% du mix électrique mondial avec une production de l'ordre de 450TWh, mais comme l'éolien elle appartient à l'imagerie de la transition énergétique.
L'énergie solaire a l'avantage d'exploiter le rayonnement solaire, une ressource qui contrairement au vent ou aux précipitation n'est pas directement concernée par le changement climatique en cours. Cependant l'évolution du climat peut affecter la production solaire d'au moins deux façons : en modifiant indirectement le rayonnement solaire exploitable et en dégradant le rendement des installations.

Même si le rayonnement solaire incident n'est en rien modifié par le changement climatique, la partie qui est exploitable à la surface, après traversée de l'atmosphère, peut être affectée notamment par des modification de son contenu en vapeur d'eau et sa nébulosité, en bref : par les nuages.
La hausse de la température a aussi un effet négatif : contrairement à ce que l'on pourrait penser, la production d'un panneau solaire photovoltaïque décroît avec la température de sa surface. Les pertes sont de 3 à 4% par tranche de 10°C. Pour les centrales solaires thermiques, la production d'électricité repose sur le même principe que dans une centrale nucléaire ou à charbon et elle est soumise aux mêmes contraintes : besoin d'une source de refroidissement et perte de rendement avec la température.
Les projections climatiques permettent de se faire une idée de l'évolution de la production solaire avec le climat (même si les résultats des différents modèles divergent assez souvent pour la nébulosité). La production photovoltaïque semble devoir être peu affectée. En Europe, elle pourrait baisser assez sensiblement dans les pays nordiques mais augmenter légèrement dans le sud. Les changements pourraient être plus marqués pour les centrales solaires thermiques avec un gain de plus de 10% en Europe mais des pertes aux Etats-Unis ou dans le Golfe.

Le rendement des installations photovoltaïques baisse quand la température augmente
Centrale solaire de Saint Thomas (Îles Vierges Américaines) après le passage des ouragans Irma et Maria en 2017

La production solaire pourrait aussi être perturbée par des événements climatiques extrêmes plus fréquents ou plus violents. Les vents violents peuvent arracher un panneau solaire et envoyer les débris perforer ses voisins, les inondations sont aussi un risques pour la partie électrique des installations. En 2017, l'ouragan Irma, certes le plus puissant jamais enregistré dans les Caraïbes, avait ainsi laissé dans son sillage des centrales solaires réduites à néant... mais aussi d'autres intactes.
Le risque est réel mais les installations bien conçues résistent beaucoup mieux et peuvent au contraire améliorer la résilience face à ce type d'évènements. En 2018, par exemple, lorsque l'ouragan Florence a frappé la Caroline du Nord, le deuxième état américain pour la production solaire après la Californie, les installations solaires s'en sont tirées sans réels dommages.


Biomasse : une ressource moins disponible ?


Dans ce contexte, la biomasse consiste à brûler un combustible d'origine végétale pour produire de l'électricité. Le plus souvent il s'agit de bois ou de résidus agricoles qui peuvent être brûlés directement - le fonctionnement est alors très proche de celui d'une centrale à charbon classique - ou après avoir été transformé en biogaz - on se retrouve dans ce cas avec une turbine à gaz tout-à-fait classique. La biomasse électrique va donc être confrontée aux même problèmes que les filière thermiques fossiles : perte de rendement avec la chaleur et besoin d'une source froide.

Une autre difficulté supplémentaire peut venir de la disponibilité du combustible puisque le changement climatique a des conséquences sur la croissance et la santé des végétaux : aux Etats-Unis, par exemple, la disponibilité de résidus agricoles utilisés pour la production d'énergie devrait diminuer du fait des vagues de chaleur et de la modification du régime des précipitations.
Indirectement, les effets du changement climatique pourrait aussi rendre plus coûteuse et moins facilement acceptable l'utilisation de ressources agricoles ou forestières pour la production d'énergie. Cela pourrait être le cas notamment pour le bois, dans un contexte où les forets souffrent déjà. L'impact évidemment pourrait être très différents selon la nature du combustible utilisé, la localisation du projet et sa filière d'approvisionnement et le sujet me semble avoir été assez peu étudié.


Energies marines : terra incognita


Pour être tout à fait exhaustif, il reste une dernière source d'électricité bas carbone dont nous n'avons pas encore parlé. Ce sont les énergies de la mer : vagues, marées, courants marins, différences de température ou de salinité entre la surface et les profondeurs, notamment, peuvent être exploités pour produire de l'électricité. Ces technologies en sont à leurs premiers pas mais leurs potentiel justifie quand même une mention.

Les ressources solaires, éoliennes, biomasse ou même marémotrices peuvent changer avec l'évolution du climat
Prototype de Pelamis, un projet de production d'électricité à partir des vagues (source)
L'impact du changement climatique sur l'énergie houlomotrice a été un peu étudiée. Cette technique, mise en oeuvre dans des projets comme Pelamis ou Azura, exploite les vagues pour produire de l'électricité, le potentiel de ces projet est donc très sensible au régime des vents. Une étude a par exemple calculé qu'une diminution de la vitesse moyenne du vent de 20% ferait s'effondrer la puissance des vagues de 2/3 dans l'Ouest de l'Ecosse, à l'inverse si le vent augmentait de 20% la puissance récupérable s'envolerait de 130%. Une autre évaluation a eu lieu sur le site de test de Cornwall dans l'ouest de l'Angleterre et conclut au contraire à un impact limité du changement climatique sur le potentiel houlomoteur.

Mais ces quelques étude fait figure d'exception :  compte-tenu de la diversité des techniques et de leur niveau de développement,  l'impact du changement climatique sur les énergies marines reste largement terra incognita.


Publié le 21 août 2019 par Thibault Laconde






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PPE : Quelques avis et réactions

J'ai expliqué longuement ce que je pensais des propositions pour la progragrammation pluriannuelle de l'énergie dans un autre article et sur Twitter. Un peu de diversité ne nuit pas, je vous propose de laisser un peu la parole à d'autres.

Cet article pourra être complété avec d'autres réactions intéressantes dans le prochains jours (n'hésitez d'ailleurs pas à me les signaler !).

Pour Arnaud Gossement, avocat spécialiste du droit de l'environnement : "sur le nucléaire, la principale décision de l'Etat est de renvoyer le sujet à la prochaine PPE", sur les renouvelables les objectifs ne sont "pas ambitieux mais en ligne avec nos engagements européens" et beaucoup de travail reste à faire avant son adoption.



Matthieu Orphelin, ancien porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot et député En Marche, qui avait exposé "10 points qui permettront d'évaluer si la PPE est ambitieuse" se dit "forcément déçu" "sauf sur les renouvelables".


De son coté, Matthieu Auzanneau, directeur du think tank the Shift Project, partage le diagnostic mais attend en vain l'ordonnance. Dans le même ordre d'idée, Antoine Guillou, coordonnateur du pôle énergie et climat de Terra Nova, souligne les lacunes des annonces du jour :


La réaction d'Anne Bringault, qui coordonne l'activité transition énergétique du CLER, est représentative de celle de nombreux responsable d'ONG : elle craint deux quinquennats de procrastination alors "que la France va émettre plus de gaz à effet de serre que prévu jusqu'en2023" :


Nicolas Goldberg, consultant chez Colombus, note cependant que le rythme de fermeture des réacteurs pourrait convenir à EDF ce qui permettra peut-être d'éviter le versement de lourdes indemnités.


Publié le 27 novembre 2018 par Thibault Laconde


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PPE : des objectifs ambitieux sur les renouvelables et compatibles avec 50% de nucléaire en 2035

Après s'être faits attendre presque 6 mois de plus que prévu, les grands axes de la programmation pluriannuelle de l'énergie ont été dévoilés ce matin. Ces annonces permettent d'y voir plus clair sur l'avenir du mix électrique français.

Voici ce qu'on peut en retenir :
  • La trajectoire proposée pour les renouvelable est ambitieuse. Dans le scénario le plus haut, la production renouvelable française devrait augmenter entre 2018 et 2028 presque autant que celle de l'Allemagne au cours des 10 années écoulées.
  • L'objectif de 50% de nucléaire dans la production électrique française est remis à 2035 et les fermetures de réacteurs nucléaires sont renvoyées aux quinquennats suivants
  • La trajectoire proposée peut bien permettre d'atteindre 50% de nucléaire en 2035 mais elle implique aussi sur augmentation importante de la production d'électricité.
  • Des incertitudes demeurent notamment sur la méthode et le calendrier.

Une trajectoire ambitieuse pour les renouvelables


Dans le discours qu'il a prononcé mardi matin, Emmanuel Macron a clairement dit qu'il souhaite que la montée des énergies renouvelables devance la baisse de la production du nucléaire. C'est une position de bon sens du moment qu'on ne prend pas excuse de la lenteur de la première pour retarder la seconde...
Ça ne semble pas devoir être le cas : les propositions détaillées ce matin comprennent des objectifs assez ambitieux pour les énergies renouvelables :
  • Le parc éolien terrestre devrait passer de 13.5GW en 2017 à 24.6GW en 2023 et se situer entre 34.1 à 35.6GW en 2028. Soit la trajectoire suivante :

  • L'éolien off-shore (inexistant à l'heure actuelle) devrait atteindre 2.4GW en 2023 et 4.7 à 5.2GW en 2028. Emmanuel Macron en a d'ailleurs profité pour annoncer 4 nouveaux appels d'offre pour des projets éoliens en mer avant la Ce qui nous donnerait :
  • Le solaire photovoltaïque devrait presque être multiplié par 3 à 20.6GW en 2023 (contre 7.7GW en 2017) et continuer à augmenter pour atteindre 35.6 et 44.5GW en 2028. Nous serions donc sur une trajectoire de ce type :
  • Les annonces de ce matin comprennent aussi une petite part d'électricité venant de la méthanisation et une augmentation de l'ordre de 1GW de la puissance hydroélectrique.
Pour le solaire et l'éolien les chiffres annoncés ce matin sont cohérents avec ce qu'avait promis Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle, à savoir doubler le parc éolien et solaire pendant le quinquennat. On est même assez largement au-dessus pour le solaire.

Au total cela donnerait l'évolution suivante pour la production électrique renouvelable :

En 2017, nous étions légèrement en dessous de 100TWh, on atteindrait 153TWh en 2023 puis 199 à 215TWh en 2028.
Ce sont des objectifs honorables : pour comparaison, dans le scénario le plus haut l'augmentation de la production renouvelable en France en une décennie serait équivalente à celle qu'à connu l'Allemagne au cours des 10 dernières années.

Une baisse de la production nucléaire confirmée... mais remise à plus tard


C'était le secret le moins bien gardé de France : malgré ses engagements de campagne, Emmanuel Macron a confirmé le report de l'objectif de 50% de nucléaire de 2025 à 2035.

De la même façon la fermeture de réacteurs est renvoyé à plus tard. Fessenheim devrait fermer à l'été 2020 après un interminable feuilleton ce qui modifiera peu la puissance installée puisque cette fermeture sera presque entièrement compensée par la mise en service de l'EPR de Flamanville. Ensuite 2 fermetures de réacteurs sont envisagées sous condition en 2025 et 2026 et le gros du travail est remis à après 2027 avec en théorie 10 réacteurs à fermer entre 2027 et 2035. Le gouvernement ne nomme pas non plus les réacteurs susceptibles d'être fermés (même si François de Rugy a mentionné les centrales de Gravelines, Dampierre, Cruas, Blayais, Bugey, Tricastin, Chinon et Saint-Laurent-des-Eaux).
Clairement sur ce sujet le gouvernement préfère faire des promesses au nom de ses successeurs plutôt que de s'engager lui-même...


Même état d'esprit sur le nouveau nucléaire : la porte n'est pas fermée mais aucune décision sur la construction d'EPR ne sera prise avant 2022.

Le parc nucléaire français devrait donc suivre cette évolution :

A facteur de charge constant, l'évolution du parc nucléaire nous conduirait vers une production entre 321 et 332TWh en 2035 (contre 400TWh/an en moyenne actuellement).

Il est cependant probable que le développement d'une production renouvelable variable obligera le parc nucléaire français à fonctionner de façon plus flexible. Ce qui aura pour effet de faire baisser le facteur de charge. Si par exemple il passait à 60% contre 72.5% en moyenne aujourd'hui, la production nucléaire ne serait plus que de 267 à 275TWh par an en 2035.

Evolution du mix électrique français


Où tout cela nous conduit-il ? A moyen terme, une trajectoire ambitieuse sur les renouvelables couplée à une baisse tardive du nucléaire entraîne une hausse considérable de la production électrique.

Une des trajectoires pour la production électrique française pourrait par exemple être :
Ici on est dans la version ambitieuse de la PPE : accélération du déploiement des renouvelables après 2022 puis prolongement des tendances et fermeture de réacteurs dès 2025. En supposant que le facteur de charge du parc nucléaire reste le même on se retrouve avec une production de 612TWh en 2028 soit 70 de plus qu'aujourd'hui.
Abondance de biens ne nuit pas, dit-on, mais j'ai quand même du mal à voir ce qu'on pourrait faire de 70TWh en plus. A titre d'illustration, c'est plus que ce qui serait nécessaire si on remplaçait toutes nos voitures par des voitures électriques... Cette tendance à la surproduction aussi plaide pour une réduction du facteur de charge du parc nucléaire.

Vous vous demandez peut-être si cela suffit à atteindre les 50% de nucléaire en 2035 comme cela a été promis ce matin.

Je vais commencer par redire que cet objectif de 50% est mauvais et vous renvoyer à cet article pour plus d'explications.
Mais si vous insistez, la réponse est probablement oui. La PPE ne porte que sur 10 ans et ne contient donc pas d'objectifs pour le parc renouvelable après 2028. Toutefois si on prolonge le rythme de croissance de la période 2023-2028 sur les années suivantes on se retrouve en 2035 avec un peu plus de 265TWh de production renouvelable dans le scénario bas et un peu plus de 300 dans le scénario haut. En ajoutant une production gaz et fioul stable à son niveau actuel (environ 30TWh/an), il faudrait donc que la production nucléaire soit comprise entre 295 et 330TWh en 2035 et comme on l'a vu même sans réduction du facteur de charge elle devrait se situer entre 321 et 332TWh en 2035.


Les incertitudes restantes


Le gouvernement propose donc une programmation pluriannuelle de l'énergie qui, sur la partie électricité, se tient : il n'y a apparemment pas d'objectifs contradictoires et, que l'on soit d'accord ou pas avec ces orientations, les trajectoires vont bien dans la direction où on leur demande d'aller. C'est bien le moins me direz vous. Certes mais même ce minimum la loi sur la transition énergétique n'y arrivait pas... Je me garderait donc bien l'accabler.

Mais cela ne veut pas dire que tout est parfait, plusieurs problèmes et incertitudes demeurent. Sur la trajectoire, j'ai deux inquiétudes :
  • d'une part, la persepective d'une surproduction électrique qui créer un risque important que le objectisf renouvelables ne soient pas atteints.
  • d'autres part, le report des fermetures de réacteurs à 2025 voire 2027 : ce gouvernement, comme l'avait si bien fait son predecesseur, semble vouloir laisser à ceux qui viendront après lui le soin de gérer le problème mais le temps passe : désormais cela signifie presque certainement que des réacteurs vont dépasser 60 années de fonctionnement.
Il y a aussi matière à interrogation sur la méthode et sur le calendrier :
  • Emmanuel Macron a parlé d'une nouvelle période de consultation de 3 mois, plusieurs comités (conseil national de la transition écologique, comité d'experts pour la transition énergétique, comité de gestion des charges de service public de l'électricité, comité du système de distribution publique d'électricité...) doivent également donner leurs avis éclairés sur la PPE avant qu'elle soit adoptée. La PPE 2018 arrivera donc au mieux avec 6 mois de retard et rien ne dit que les objectifs seront les mêmes à l'arrivée.
  • On ne sait toujours pas si le gouvernement compte faire amender la loi sur la transition énergétique pour déplacer l'objectif de 50% de nucléaire de 2025 à 2035. D'un point de vue juridique, ce n'est pas forcément nécessaire mais ne pas le faire serait incompréhensible politiquement et mettrait la PPE à la merci du Conseil d'Etat. Et s'il faut passer par la loi, il risque de s'écouler encore de longs mois avant que la PPE entre en vigueur.
  • On ne sait pas non plus comment vont se passer les fermetures de réacteurs, on a bien vu avec Fessenheim que ce sujet est compliqué : sa fermeture est un engagement pris en 2012, il y a déjà 8 ans, cela signifie que même si aucun réacteur n'est fermé avant 2025 ou 2027 il faut d'ores-et-déjà s'y préparer.
En conclusion, il reste beaucoup de travail mais ces propositions me semble une base intéressante pour enfin amorcer le remplacement du parc nucléaire français.

Publié le 27 novembre 2011 par Thibault Laconde



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Dernières tendances chinoises

J'ai passé une bonne partie de mon été en Chine, plus particulièrement dans la région de Shanghai et dans le Jiangsu, où j'ai pu discuter avec de nombreux professionnels de l'énergie et du développement durable ainsi qu'avec des fonctionnaires locaux. Je vous en ramène quelques unes des tendances actuelles dans les domaines de l'énergie et du développement durable chinois. Si vous pensez que les innovations de l'Empire du milieu peuvent donner le la au reste du monde, cet article est fait pour vous !


Le Vélib', en vraiment libre (peut-être trop ?)


L'affaire semblait entendue : en s'enrichissant, les chinois passeraient du vélo au deux roues motorisés puis à la voiture - avec tous ses inconvénients : embouteillages, pollution... Et pourtant ! Depuis quelques mois, les vélos font un retour spectaculaire dans les rues des villes chinoises.
Que s'est-il passé ? Après quelques essais moyennement fructueux de types vélib', un nouveau système de vélopartage envahit rapidement le pays. Plus de stations : les vélos peuvent être pris et déposés n'importe où, il suffit de trouver un vélo et de scanner son QR code avec un téléphone portable pour obtenir le code de l'antivol. Lorsqu'on n'en a plus besoin, on referme l'antivol et le tour est joué.

Mobike, Ofo ou Youon : les startups chinoises qui révolutionnent le vélopartage
Une dizaine de start-up se sont lancées sur ce marché avec des vélos classiques ou à assistance électrique, parfois localisés par GPS. Leurs noms : Mobike, Ofo, Xiaoming ou encore Youon qui est en train d'être introduit en bourse. Les méthodes de tarification sont variables mais le prix est toujours dérisoires : moins d'un renminbi par heure, soit quelques centimes d'euros.
Ce système repose sur la mise à disposition massive de vélos : plus d'une dizaine de millions au total. Ces nouvelles bicyclettes aux couleurs vives envahissent les trottoirs et, dans certains endroits, s'entassent littéralement. Point positif : cette demande semble avoir, au moins temporairement, relancé l'industrie cycliste chinoise qui semblait condamnée. Points négatifs : les autorités municipales s'agacent et le taux de perte, de dégradation et de vol est très haut, un des principaux obstacles à la pérennité de ce système.


L'éolien prend la mer


Depuis longtemps un acteur majeur de l'éolien terrestre, la Chine semble être en train de prendre le parti de l'off-shore.
Il y a bien sur une évidence géographique : la Chine possède une façade maritime orientale de 15.000km sur laquelle se concentre presque tous ses centres urbains et industriels. La volonté de préserver des surfaces libres dans une des régions les plus densément peuplées de la planète joue aussi un rôle important. Ainsi que - croyez-le ou non - les pressions sociales : dans le Jiangsu des éleveurs de crevettes et des fermes d'algues se sont plaints d'une baisse de leurs productions après l'implantation d'éoliennes à proximité et ont obtenu une indemnisation du gouvernement...

Ce virage vers l'off-shore ne se voit pas encore dans les statistiques : en 2016, la Chine produisait 181TWh d'électricité éolienne... dont seulement 1TWh en mer. Mais malgré quelques tâtonnements (au large de l'estuaire du Yangtse, on a vu apparaître une paire d'éoliennes bipales "pour économiser des matériaux"), il semble bien engagé. Certaines communes côtières jusque là très actives dans l'éolien terrestre ont, officiellement ou de fait, décrété un moratoire au profit de l'off-shore. Cette dynamique pourrait aussi profiter aux autres énergie marines, jusque là inexistantes en Chine : des études en vue de l'installation de systèmes houlomoteurs ou hydroliens sont en cours.


Le solaire entre dans les foyers


Je vous en ai déjà parlé : historiquement, la Chine a fait le choix de solaire thermique domestique, filière qu'elle domine aujourd'hui de la tête et des épaules. Plus récemment, elle s'est ouvert au solaire photovoltaique et s'est dotée en un temps record du premier parc mondial. Mais la fête est peut-être déjà finie : ce développement spectaculaire était encouragé par un tarif de rachat garanti (ou feed-in tariff) que le gouvernement chinois a rendu moins généreux mi-2017. Cette baisse programmée a entraîne un formidable pic des raccordements au second trimestre : 18GW, soit l'équivalent de trois fois l'ensemble du parc français ! Logiquement, le rythme devrait se ralentir dans les mois qui viennent, d'autant que le photovoltaique est, comme l'éolien, victime de la volonté de laisser les sols libres : des projets de fermes solaires ont été annulés parce qu'ils réclamaient des surfaces jugées trop importantes.

Peut-être par contrecoup, l'industrie solaire photovoltaique chinoise se tourne désormais vers les systèmes résidentiels. Dans les zones rurales, seules à disposer d'habitations individuelles permettant ce type d'installations, il n'est plus rare de voir l'incontournable chauffe-eau solaire voisiner avec une dizaine de panneaux photovoltaiques.
Cependant ces installations sont coûteuses : de l'ordre de 50.000RMB dans des zones où 200.000RMB par an est un excellent salaire. Leur développement est donc très dépendant de la publicité et surtout du crédit.

Ce nouvel élan semble donc fragile. Quoiqu'il en soit, passant du solaire thermique au grand photovoltaique puis au photolvatique individuel, le développement du solaire chinois s'est fait par ordre d'EROEI décroissant. Un démarche plus logique, donc, que celle adoptée par la plupart des pays occidentaux.


La ville durable : tout le monde en parle, peu l'ont vu


Depuis les années 80, la surface habitable par habitant a doublé en Chine. Ce chiffre, auquel il faut ajouter un exode rural partiellement contrôlé et une spéculation importante, explique l'explosion de l'immobilier et le développement tentaculaire des villes chinoises. Ce phénomène touche bien sur les grandes métropoles comme Shanghai et Pékin mais la poussée est aussi très forte dans des agglomérations beaucoup plus petites.

La "ville durable", "green city" ou "生态城市" est un enjeu pour la Chine
Projets de ville durable au musée d'urbanisme de Shanghai
Contrairement aux idées reçues, la Chine s'est dotée de plans d'urbanisme assez tôt : dès les années 50 pour les villes principales et dans les années 70-80 pour des villes plus modestes. Cette planification a souvent conduit à des agglomérations multipolaires assez exotiques pour nous qui somme habitués à des centres villes bien définis. Ils ont aussi parfois permis de conserver des quartiers historiques et des zones naturelles. Mais les plans ont souvent été dépassé par la croissance de la population.
Aujourd'hui la circulation semble un problème insoluble dans les grandes métropoles où, malgré d'immenses autoroutes urbaines et un réseau dense de transports publics (à Shanghai, il y a environ 16.000 bus et 50.000 minibus), les embouteillages atteignent des proportions bibliques. La pollution comme l'augmentation de la température rendent épisodiquement les rues invivables. A plus long-terme toute la bande côtière est menacée par la montée des eaux, un problème dont l'artificialisations des sols et un régime de précipitation violent donnent déjà régulièrement un avant-goût.

Les autorités locales sont bien conscientes de ces problèmes. Existe-t-il des solutions ? On voudrait le croire mais en Chine comme ailleurs la "ville durable", "green city" ou "生态城市", reste un slogan populaire auquel on peine à donner une substance.


Publié le 5 septembre 2017 par Thibault Laconde




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Le mur solaire de Trump : Bullsh*t ?

Pendant la campagne présidentielle américaine, Donald Trump s'est engagé à construire un mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Depuis quelques semaines, il laisse flotter l'idée que ce mur pourrait être couvert de panneaux solaires. Mercredi 21 juin, pour la première fois, il a défendu ce coup de génie dans une réunion publique en Iowa : ce mur solaire, a-t-il dit, pourra "s'autofinancer" et "plus il sera haut, plus il aura de la valeur".

A priori, l'idée prête à sourire : au moment où les États-Unis se préparent à sortir de l'Accord de Paris sur le climat et à relever les droits de douanes sur les panneaux solaires, quelle crédibilité pourrait-on accorder à cette soudaine passion pour les énergies renouvelables ?
Mais passons outre et essayons de regarder la question objectivement : d'un point de vue technique et économique, l'idée du "mur solaire" tient-elle la route ?
Mur solaire à la frontière Etats-Unis/Mexique

La question de l'angle et de la disposition des panneaux


Une première remarque vient spontanément à l'esprit : un mur est, en général, vertical, ce qui, sauf aux pôles, n'est pas la meilleure inclinaison pour un panneau solaire.

La frontière entre le Mexique et les États-Unis s'étend entre Brownsville, Texas situé à 25,5° Nord et San Diego, Californie à 32,3° Nord, c'est-à-dire à peu près sur les même latitudes que le Maroc.
C'est un bon endroit pour produire de l'électricité photovoltaïque mais la proximité de l'équateur signifie que les panneaux solaire devraient avoir une faible inclinaison : à Brownsville, l'angle permettant d'optimiser la production annuelle est d'environ 22° et à San Diego il est de 32°... On serait donc plus proche d'une rampe d'accès pour fauteuil roulant que d'un mur.
Précisons évidemment que, comme nous sommes dans l'hémisphère nord, les panneaux solaires doivent être placés vers le sud, donc coté mexicain.

Alors comment ces panneaux solaires pourraient-ils être disposés sur le mur ? Je vois a priori 3 solutions :
  1. Les installer sur le mur mais avec un angle de 70° au moins, très éloigné de l'inclinaison optimale,
  2. Les installer au sommet du mur avec une inclinaison optimale mais une surface disponible réduite,
  3. Combiner les deux.
Sur un schéma, ça donnerait ça :
Mexico - USA border solar wall

 Quelle production d'électricité solaire ?


Le cahier des charges publié par l'administration américaine précise que le mur devra être haut d'approximativement 30 pieds, soit 9.1 mètres. On peut donc facilement calculer que, pour la première solution, on aura au maximum 9.7m² de panneaux solaires par mètre de mur.
Pour la deuxième solution supposons que le mur est surmonté de d'une structure de 2 mètres, on aura donc 2m² de panneaux solaires par mètre de mur avec la possibilité de leur donner l'inclinaison optimale.
Et pour la troisième solution, on aura la somme des deux précédentes : 2m² de panneaux solaires bien inclinés et 9.7m² de panneaux solaires mal inclinés par mètre de mur (on néglige le fait que les panneaux du haut vont faire de l'ombre à ceux d'en dessous).

La frontière entre les États-Unis et le Mexique fait 3141km, si notre mur la couvre totalement, nous aurons donc :
  • Pour la solution 1 : 27.6km² de panneaux solaires soit environ 4.3 milliards de watt-crêtes (en comptant 150Wc par mètre carré de panneaux)
  • Pour la solution 2 : 6.3km² de panneaux solaires, soit environ 940MWc
  • Pour la solution 3 : 4300MWc de panneaux mal orientés et 940MWc de panneaux bien orientés
Quelle serait la production de cette installation ? Pour l'évaluer, j'ai calculé la production d'énergie annuelle par watt-crête sur 15 points de la frontière entre le Mexique et les États-Unis :


En étant généreux, on peut donc viser une production de 2.1kWh par an pour chaque watt-crête de panneaux solaires bien orientés et de 1.7kWh par an pour les panneaux solaires orientés à 70°. Ces chiffres prennent des hypothèses très optimistes : toutes les pertes sont négligées et on suppose que les panneaux ont toujours une orientation nord-sud optimale.

La production annuelle d'électricité photovoltaïque est donc de :
  • 7.1TWh par an pour la solution 1
  • 1.9TWh par an pour la solution 2
  • 9.1TWh par an pour la solution 3
Pour comparaison, un réacteur nucléaire de type EPR produit environ 11TWh par an. Dans tous les cas, le mur solaire de Trump fournirait donc moins d'électricité qu'un seul réacteur nucléaire.


Rationalité économique du "mur solaire"


Actuellement aux États-Unis, le prix de gros des panneaux solaires est d'environ 0.4$/Wc. Nous allons retenir ce chiffre même si l'administration américaine se prépare à protéger les fabricants américains avec des droits de douanes qui pourraient le faire doubler. Les panneaux solaires nécessaires pour équiper l'ensemble du mur coûteraient donc entre 380 millions et 1.7 milliards de dollars.
Il faut bien entendu ajouter le prix de l'installation, des supports, de l'électronique et du raccordement : en général le coût total d'une installation solaire est à peu près 3 fois celui des panneaux solaires. Dans notre cas, compte-tenu de la complexité du projet et des contraintes particulières, ce serait probablement plus. La question du raccordement, par exemple, devrait poser problème : la frontière s'étend sur des milliers de kilomètres souvent dans des zones désertique, il faudrait donc construire de nouvelles lignes électriques et de nombreux postes de transformation  pour écouler une production finalement modeste. La maintenance serait aussi problématique : comment nettoyer et entretenir régulièrement des panneaux solaires perchés à 10 mètres de haut au milieu d'un désert ? comment éviter et réparer les dégradations de panneaux situés coté mexicain ?
Même s'il est difficile à évaluer précisément, on peut estimer que le coût global de l'installation et de son entretien serait probablement de l'ordre de 2 milliards pour la solution 2 et de la dizaine de milliards pour les solutions 1 et 3, ce qui est dans tous les cas significatif par rapport au prix du mur lui même, estimé à environ 21 milliards de dollars.

L'électricité produite serait écoulée sur trois réseaux électriques : celui du Texas, du sud-ouest et de la Californie. La moyenne pondérée sur les hubs les plus proches de la frontière donne un prix de gros de l'électricité de 28.73$/MWh. Par conséquent, l'installation de panneaux solaires sur le mur rapporterait 200, 57 ou 260 millions de dollars par an pour les solutions 1, 2 et 3 respectivement.

Avec une durée de vie des panneaux solaires de 20 ans, il y a peu de chance que l'opération soit rentable. Une chose est sure : l'installation de panneaux solaires sur le mur ne peut en aucun cas rentabiliser sa construction, ni même en payer une part significative. Si ce "mur solaire" se fait, ce que, à mon avis, personne n'envisage sérieusement, il ne s'agira que d'un éléphant blanc, un gadget couteux destiné à susciter l'incrédulité des prochaines générations.
Il est intéressant de noter que la construction d'une dizaine de grandes centrales solaires dans les régions semi-arides qui bordent la frontière entre les États-Unis et le Mexique permettrait d'obtenir la même production pour un investissement moins important. Mais de ça il n'est pas question : même repeint en vert, le populisme reste du populisme...

(A l'exception des données économiques, tous les chiffres cités dans cet article ont été calculés à l'aide de l'outil européen d'évaluation des ressources solaires PVGIS)

Publié le 23 juin 2017 par Thibault Laconde

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Programme d'Emmanuel Macron : les propositions sur le nucléaire et les renouvelables à la loupe

Emmanuel Macron a présenté son programme le 2 mars. Celui-ci contient des engagements en matière d'énergie et l'environnement, notamment :
  • La baisse de la part du nucléaire à 50% du mix électrique en 2025,
  • La fermeture des dernières centrales à charbon françaises d'ici à 2022,
  • Le doublement des capacités éoliennes et solaires d'ici à 2022.
Toutes ces propositions sont en fait la reprise d'engagements actés par le gouvernement actuel : la baisse du nucléaire à 50% figure dans la loi sur la transition énergétique de 2015, la fermeture des centrales à charbon a été annoncée par François Hollande pendant la COP22 et le doublement des capacités éoliennes et solaires est plutôt un recul par rapport aux objectifs affichés en 2016.
Il n’empêche que, pris simultanément, ces trois engagements dessinent assez clairement l'évolution du mix électrique français pour les prochaines années. Il est d'autant plus intéressant de s'y arrêter que ce programme est à peu de choses près commun à tous les candidats de la gauche et du centre.

> Lire aussi : Marine Le Pen vs. Emmanuel Macron : Comparaison des programmes énergie et climat



Doubler la taille du parc éolien et photovoltaïque en 2022


En 2016, la France était équipée de 11.7GW d'éolien et 6.8GW de solaire. L'engagement d'Emmanuel Macron nous placerait donc à 23.3GW d'éolien et 14.5GW de solaire en 2022.

évolution du parc solaire PV et éolien dans le programme de Macron

Cela représenterait approximativement la poursuite du rythme de croissance actuel : pendant le quinquennat de François Hollande, le parc éolien a progressé de 81% et le parc solaire de 112%.

Si ces objectifs sont atteints et en supposant que le facteur de charge reste le même, la France produira 47.6TWh d'électricité éolienne et 16.5TWh d'électricité solaire en 2022. Pour comparaison cela resterait beaucoup moins que ce que l'Allemagne fait aujourd’hui , respectivement : 67.4TWh et 38.2TWh.


A la recherche des térawattheures perdus


Dans le même temps, Emmanuel Macron promet de fermer les 5 dernières centrales à charbon françaises (qui produisaient 7TWh en 2016) et de mettre la France sur la voie d'un mix à 50% nucléaire en 2025.
Comme je l'ai déjà détaillé dans un article précédent, parvenir à 50% de nucléaire en 2025 implique, dans un scénario médian, de réduire le parc français de 63GW aujourd'hui à 35GW. Si cette décroissance est régulière, la puissance nucléaire disponible en 2022 devrait être de 45.6GW pour une production de l'ordre de 280TWh (contre 384 en 2016 où la production a été amputée par de nombreuses indisponibilités et 416 en 2015).

En résumé, en 5 ans, nous gagnerions une trentaine de térawattheures de renouvelables et nous perdrions une centaine de térawattheures de nucléaire et de thermique. Question anodine : comment combler ce déficit ?


Quel mix électrique en 2022 ?


Une chose est claire : les tendance actuelles en termes de croissance des renouvelables ne suffisent pas à combler le vide que laisserait la baisse du nucléaire à 50% en 2025.

Si on souhaite maintenir la production d'électricité française à son niveau actuel, il manque entre 70 et 90TWh en 2022.
Même en prenant des hypothèses optimistes sur la consommation avec une trajectoire qui conduit à 400TWh en 2025 et permet une baisse de 9% de la production électrique française entre 2016 et 2022, il reste encore 30 à 50TWh à trouver pour équilibrer le mix électrique français à la fin du prochain quinquennat.

Evolution du mix électrique français dans la cadre du programme d'Emmanuel Macron

Cette question n'est malheureusement pas abordée ni par Emmanuel Macron, ni par les autres candidats qui reprennent à leur compte l'objectif bien mal conçu de 50% de nucléaire en 2025. Ce non-dit fait peser un doute sérieux sur la crédibilité de leurs engagements.

Les données utilisées dans cet article proviennent de l'excellent site RTE Opendata. Tous les chiffres et les calculs sont accessibles ici.

Publié le 2 mars 2017 par Thibault Laconde




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L'art et la manière de lire les statistiques sur la transition énergétique et les renouvelables

A part la grippe et la fin des bonnes résolutions, vous savez ce qui arrive à ce moment de l'année ? Les comptes, statistiques et autres bilans quantitatifs de l'an passé.
L'énergie n'y échappe pas mais se distingue souvent par une mauvaise compréhension des chiffres voire de grossières erreurs dans leur interprétation. Voici deux pièges dans lesquels les commentateurs tombent régulièrement.


Premier piège : puissance n'est pas énergie, capacité n'est pas production


Une première erreur trèèèèèèès classique lorsque l'on parle de renouvelables consiste à mélanger puissance et énergie.
La différence entre puissance et énergie est un peu la même que celle entre distance et vitesse :  la puissance est l'énergie fournie par unité de temps comme la vitesse est la distance parcourue par unité de temps. L'énergie produite est le service réellement rendu par une centrale électrique, la puissance maximale mesure sa capacité théorique à rendre ce service. Il existe un lien entre les deux mais il n'est pas simple : la puissance vous renseigne autant sur la production réelle d'énergie que les 190km/h en pointe de votre voiture vous renseignent sur le temps qu'il faut pour traverser Paris un vendredi soir.
De plus, la puissance d'une éolienne ou d'un panneau solaire, contrairement à celle d'une centrale thermique ou d'une turbine hydroélectrique, dépend largement de facteurs extérieurs. Par conséquent, les chiffres annoncés par les constructeurs (par exemple les watt-crêtes d'un panneau solaire) sont évalués dans des conditions standards rarement atteintes dans la vraie vie.

Et pourtant, lorsqu'on quantifie les renouvelables, on entend beaucoup plus souvent parler de puissance que d'énergie. Pourquoi ?
Tout simplement parce que ce chiffre est plus flatteur que la production réelle. Les "nouvelles énergies" ont en général un facteur de charge plus faible que les autres, c'est-à-dire que, à puissance équivalente, l'énergie produite est inférieure. En usage normal, une centrale thermique ou nucléaire de 1GW produit de l'ordre de 7000GWh par an, un parc éolien de même puissance fournira plutôt 2500GWh et ce sera encore moins pour le solaire.
Parler de puissance plutôt que d'énergie est donc un "truc" pour embellir ses efforts (les indiens, par exemple, l'avaient fait lors de la COP21) ou donner à bon compte l'impression flatteuse d'une transition énergétique en marche. Ainsi, en 2014 le solaire et l'éolien fournissaient en tout et pour tout 5% de l'électricité mondiale... mais représentaient 12% de la puissance installée. En sens inverse, le nucléaire, par exemple, représentait 7% de la capacité mais 11% de la production réelle d'électricité.

Jusqu'à là c'est de bonne guerre. Mais il arrive aussi fréquemment que des chiffres concernant la puissance se transforment soudainement en données sur la production réelle d'énergie.
Pour un exemple (parmi beaucoup d'autres) comparez le titre de cet article à sa première phrase :

Exemple d'erreur sur les chiffres des renouvelables : confondre énergie et puissance

Pour résumer :
  • Si on vous parle "énergie", "production" ou "électricité" et que l'unité est le Watt-heure (ou le kWh, MWh, GWh, TWh...) : il s'agit d'une production réelle sur une période de temps donnée. La comparaison entre différentes sources est possible, sur la même période de temps évidemment. 
  • Si on vous parle "puissance" ou "capacité" et que l'unité est le Watt (ou le kW, MW, GW), il s'agit d'une production instantanée théorique : Prudence ! Sans autres détails, ce chiffre ne vous apprend pas grand chose et les comparaisons entre différentes sources sont risquées. 
...Et si les deux sont mélangés, il est temps de changer de journal.



Deuxième piège : électricité, énergie finale, énergie primaire


L'électricité c'est bien, mais ce n'est pas tout : nous consommons de l'énergie sous beaucoup d'autres formes. Quelle est la part des renouvelables dans cette consommation totale d'énergie ? On ne fait pas plus simple comme question, non ? Et pourtant...
D'un point de vue physique, on peut parfaitement comparer l'énergie chimique extraite d'un puits de pétrole ou d'une mine de charbon à celle qui sort sous forme électrique d'une éolienne ou d'une centrale nucléaire. Mais, d'un point de vue pratique, on mélange des torchons et des serviettes.

Comment comparer une production éolienne ou solaire à des chiffres sur le pétrole ou le charbon ?A l'exception de la biomasse (bois-énergie, agrocarburant, méthanisation...), les énergies renouvelables produisent presque exclusivement une énergie finale, c'est-à-dire directement utilisable pour satisfaire nos besoins : l'éolien, le photovoltaïque et l'hydraulique fournissent de l'électricité, le solaire thermique de la chaleur...
Ce n'est pas le cas pour les énergies fossiles : il faut d'abord extraire le charbon, le pétrole ou le gaz puis le transformer en chaleur, en électricité ou en mouvement dans un moteur, ce qui demande du temps et entraîne des pertes.
Le nucléaire, lui, est intermédiaire : il faut d'abord extraire la matière fissible mais celle-ci n'est en général pas comptabilisée dans les bilans énergétiques. Comme pour les renouvelables, lorsqu'on parle d'énergie nucléaire, on parle en général d'électricité.

Il n'y a pas de façon incontestable pour comparer la production d'énergie (finale) renouvelable à celle d'énergie (primaire) fossile. Il existe deux philosophies :
  1. Soit on comptabilise l'énergie électrique réellement produite sans se poser de question : 1kWh d'électricité éolienne ou solaire vaut 1kWh de pétrole brut ou de charbon (ou 3.6 millions de Joules ou 0.000086 tonnes équivalent pétrole). Point.
  2. Soit on comptabilise l'énergie finale à hauteur de l'énergie primaire qui aurait été nécessaire pour la produire. Comme le rendement des centrales thermiques est de l'ordre d'un tiers, 1 Joule d'électricité éolienne, par exemple, vaudra donc 3 Joules de pétrole.
Si c'est la première option qui est choisie, évidemment, la part des renouvelables et du nucléaire semblera beaucoup plus faible toute chose égales par ailleurs.

Jusqu'à là vous suivez ?
Très bien, parce que c'est là que ça devient retors : certaines statistiques prennent la seconde option pour le nucléaire mais la première pour les renouvelables. C'est le cas notamment pour les données fournies par l'Agence Internationale de l'Energie et l'administration américaine de l'énergie (EIA). Cette méthode a pour effet de donner une image déformée du mix énergétique au détriment des renouvelables, celles-ci apparaissant bien moins importantes qu'elles sont en réalité.

En conclusion : évaluer la part des énergies renouvelables dans la consommation totale d'énergie nécessite des conventions de calcul qui peuvent influencer fortement le résultat. Il vaut mieux lire ce qui est écrit en petits caractères avant de tirer des conclusions...


Publié le 30 janvier 2017 par Thibault Laconde


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Pour le solaire, la Chine est un exemple... mais pas celui que vous croyez

Solaire thermique en Chine : chauffe-eau solaire sur un toit près de Shanghai
Dans le petit monde du solaire, le mois d'avril a été marqué par un brusque accès de sinophilie. Alors que la Chine s'était longtemps contenté de vendre des panneaux solaires au reste du monde, elle semble désormais décidée à développer son propre parc photovoltaïque à marche forcée. Plusieurs statistiques publiés ces derniers jours ont confirmé ce tournant avec des chiffres qui, vu de chez nous, sont à peine croyables.
On ne peut que se réjouir de cette situation mais comme souvent dans le solaire, le photovoltaïque éclipse le thermique... Or s'il faut citer les chinois en exemple, c'est surtout pour leur usage massif du chauffe-eau solaire individuel.


La Chine adopte enfin le solaire photovoltaïque...


Le 30 mars, un rapport du programme photovoltaïque de l'Agence International de l'Energie a suscité une première vague d'enthousiasme en évaluant le parc solaire photovoltaïque chinois à 38.2 GigaWattcrêtes (pour comprendre ce qu'est un Wattcrête, voir cet article) en hausse de 60% par rapport à l'année précédente. Deuxième salve le 20 avril, lorsque l'administration chinoise de l'énergie a publié les chiffres de raccordement pour le premier trimestre 2015 :  5.04GWc, soit l'équivalent de la totalité du parc français (5.7GWc en 2014).
A ce rythme, la Chine va très certainement rattraper l'Allemagne et devenir le leader mondial du solaire photovoltaïque en 2015. Pas si mal quand on sait qu'en 2011, elle faisait jeu égal avec... la Belgique. Et qu'en 2007, l'ensemble du parc chinois ne dépassait pas la puissance d'une grosse centrale solaire !

Croissance explosive du parc solaire photovoltaïque chinois entre 2000 et 2014

On peut certainement parler de croissance explosive : entre 2000 et 2014, le parc solaire photovoltaïque chinois a été multiplié par 2000 ! Mais ces chiffres doivent quand même être mis en perspective avec les dimensions de la Chine et le retard qu'elle avait accumulé : l'électricité solaire ne représente toujours qu'une fraction du mix chinois (de l'ordre de 35TWh d'après mes estimations, soit 0.7%) très largement derrière l'Italie, championne du monde en la matière avec 7.92% de son électricité d'origine solaire. Malgré son envol, le solaire photovoltaïque chinois est encore loin d'entamer la dépendance du pays au charbon. Après avoir été longtemps un immense fabricant de panneaux solaires mais un très petit installateur (un paradoxe dont je vous parlais en 2013), la Chine ne fait somme toute que rattraper son retard.
Il existe cependant un domaine dans lequel le solaire chinois est vraiment impressionnant : c'est l'usage du solaire thermique.


... mais c'est dans le solaire thermique que la Chine est vraiment révolutionnaire


La différence entre solaire photovoltaïque et solaire thermique ? Le solaire photovoltaïque, ce sont les panneaux solaires "classiques" que l'on voit régulièrement sur les toits français et qui permettent de produire de l'électricité. Le solaire thermique permet lui de produire de l'eau chaude, généralement pour des usages sanitaires ou pour le chauffage. Le principe est grosso modo le même que lorsque vous laissez un tuyaux d'arrosage au soleil et que l'eau en sort tiède quelques heures plus tard, avec quelques petits raffinements qui permettent par exemple de produire de l'eau chaude même lorsque la température extérieure est négative.

Si vous vous êtes déjà rendu en Chine, et si vous avez un oeil d'énergéticien, vous avez certainement noté l'omniprésence des chauffe-eaux solaires. Pas un toit qui en soit dépourvu même dans l'habitat collectif et dans la moitié sud du pays il n'est pas rare que ce soit la seule source d'eau chaude du domicile y compris pour la classe moyenne urbaine.
Les statistiques de l'Agence internationale de l'Energie illustrent l'avance de la Chine dans ce domaine : avec 180GW installés, elle possède les deux-tiers de la capacité solaire thermique mondiale, les États-Unis sont deuxième avec 16GW. Même en ramenant le parc à la population, la Chine reste en tête avec 33 watt par habitant contre 29 pour l'Australie (la France est loin derrière avec 2.7W/hab). Et les installations se poursuivent : en 2012, la Chine a installé 44.7GW, soit 85% des installations mondiales et autant que l'ensemble du parc existant en Europe !

Solaire thermique : 70% de la capacité mondiale est installée en Chine
Chauffe-eaux solaires près de Shanghai

Comme chauffer de l'eau est très énergivore, cet usage massif du solaire thermique permet d'importantes économies d'énergies et de carbone : en 2012, toujours, l'AIE estimait que la Chine économisait ainsi 186TWh par an. Pour comparaison, la production d'électricité renouvelable chinoise (hors hydroélectrique) était à la même époque d'environ 160TWh. La contribution du solaire thermique au verdissement de la Chine est supérieure à celle du solaire photovoltaïque, de l'éolien et de la biomasse réunies ! En terme d'empreinte carbone, le gain est tout aussi important : l'AIE l'évalue à 52 millions de tonnes de CO2 par an, soit grosso-modo l'équivalent des émissions du Portugal ou de l'Autriche. Dernière précision : le secteur emploie 3.5 millions de chinois...

De mon point de vue, la Chine est bien en train de révolutionner l'énergie solaire, mais ce n'est pas parce que le photovoltaïque y a connu quelques années de forte croissance. Au contraire alors que les pays développés s'orientaient pour la plupart vers le solaire photovoltaïque et ses nombreux problèmes, du stockage de l'électricité jusqu'au recyclage des panneaux, la Chine a résolument donné la priorité à une solution low-tech, plus simple mais aussi plus efficace.
Aujourd'hui le solaire thermique est largement adopté par les chinois et, pratiquement sans aucune aide publique, il réduit sensiblement la demande en énergie du pays et ses émissions de gaz à effet de serre. Voilà une success story que nous serions bien inspiré de méditer...

Si cet article vous a intéressé, voici quelques lectures complémentaires :

Publié le 4 mai 2015 par Thibault Laconde

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