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Retrait de l'Accord de Paris sur le climat : quelles options pour l'Amérique de Trump ?

Comment Donald Trump peut-il faire sortir les Etats-Unis de l'Accord de Paris
Celui qui deviendra demain le 45e président des États-Unis n'a jamais fait mystère de son opposition à la lutte contre le changement climatique et de son soutien aux énergies fossiles. Pendant les 100 premiers jours de son mandat, Donald Trump a promis de démanteler les politiques de réduction des émissions mises en place par Barack Obama et "d'annuler l'Accord de Paris".
Mais même l'homme le plus puissant du monde libre *grattement de gorge* ne peut pas annuler seul un accord international signé par 193 pays. Tout au plus il peut en retirer son pays en espérant que d'autres suivront.

Comment le président Trump peut-il s'y prendre pour retirer les États-Unis de l'Accord de Paris ? Et peut-on s'attendre à ce qu'il le fasse ?


Comment les États-Unis peuvent-ils sortir de l'Accord de Paris ?

L'option légaliste (via l'article 28 de l'Accord de Paris)


L'Accord de Paris est entré en vigueur le 4 novembre et il a été ratifié pour les États-Unis par un executive agreement du président Obama. Or pacta sunt servanda, ou pour le dire selon les termes de l'article 26 de la Convention de Vienne : "Tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi".
En théorie, donc, les États-Unis doivent respecter l'Accord de Paris et ne peuvent s'en retirer que selon la procédure prévue par l'Accord lui-même. Celle-ci se trouve à l'article 28 et prévoit que l'Accord ne peut pas être dénoncé pendant les 3 années qui suivent son entrée en vigueur et et que la dénonciation prend effet un an après sa notification.
En clair, les États-Unis ne pourraient pas sortir de l'Accord de Paris avant le 4 novembre 2020, c'est-à-dire à la toute fin du premier mandat de Donald Trump.


L'option légaliste (via la dénonciation de la CCNUCC)


Une autre méthode pour sortir de l'Accord de Paris serait de dénoncer non pas l'Accord mais la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. La CCNUCC, adoptée en 1992, est la base des négociations internationales sur le climat et un pays qui en sortirait quitterait automatiquement l'Accord de Paris (cf. art. 28 al. 3 de l'Accord).
Cette méthode a un avantage : elle est plus rapide. Pour la CCNUCC le délai de trois ans après l'entrée en vigueur est passé depuis longtemps, il ne reste plus qu'un préavis d'un an. En théorie, les États-Unis pourraient donc quitter la Convention et l'Accord de Paris dès le 20 janvier 2018.

Une différence significative tout de même : la CCNUCC n'a pas été signée par un démocrate ami des arbres mais par George Bush père, et elle a été ratifiée dans les formes par le Sénat américain. C'est aussi un des textes internationaux les plus universels avec 196 États-membres, en sortir isolerait gravement les États-Unis.


L'option unilatérale


Ici un préalable un peu technique s'impose. Il faut bien comprendre une chose : un traité international comme l'Accord de Paris se trouve à l'intersection de deux ordres de juridiction : le droit national et le droit international. En cas de conflit, le droit international prime en principe sur le droit national, comme le dispose l'article 27 de la Convention de Vienne ou, aux États-Unis, l'article 6 al. 2 de la Constitution. "En principe", parce que politiquement un traité international vaut toujours moins qu'une loi ou une résolution du pouvoir national...
Dans le cas de l'Accord de Paris, il existe de plus un doute sur la légalité (au regard du droit national) de sa ratification par le président Obama. En effet celui-ci a choisi de ne pas passer par le Sénat ce qui n'est possible que pour les accords internationaux relevant des compétences de l’exécutif. La lutte contre le changement climatique est-elle une compétence du président ? Ce n'est pas certain et la Cour Suprême doit encore se prononcer à ce sujet dans une autre affaire (West Virginia v. EPA).
Mais ces disputes ne changent rien du point de vue du droit international : comme le confirme l'art. 46 de la Convention de Vienne un texte international reste valable même si sa ratification a violé les règles nationales sur la compétence pour conclure des traités.
En résumé, du point de vue du droit international, les États-Unis sont déjà irrévocablement engagés et les deux voies présentées plus haut sont les seules qui permettent légalement de quitter l'Accord de Paris.

Cependant si le président Trump décide de s'affranchir du droit international une troisième option s'offre à lui : il peut annuler purement et simplement l'executive agreement par lequel le président Obama a ratifié l'Accord de Paris. Ou bien attendre que la Cour Suprême (à majorité républicaine) l'invalide.
Il pourra ensuite laisser l'Accord prendre la poussière (comme ce fut le cas pour le Protocole de Kyoto) ou bien relancer un processus de ratification et soumettre le texte au Sénat, qui le rejetterait très certainement. Du point de vue de l'américain moyen cette décision, bien qu'illégale, serait certainement irréprochable. Ce n'est donc pas une surprise que Kevin Cramer, qui conseillait Donald Trump sur les questions d'énergie pendant la campagne, ait laissé entendre que ce serait au Sénat de porter le coup fatal à l'Accord de Paris.

En apparence, cette option diffère des précédente seulement par un désengagement immédiat. Cependant sa portée politique serait autrement plus dévastatrice : elle ferait passer le message que les engagements internationaux des États-Unis s'inclinent devant le bon vouloir du président, au-delà de la lutte contre le changement climatique c'est l'idée d'un ordre international régi par le droit qui serait remis en cause.


L'option passive-aggressive


Mais à quoi bon quitter l'Accord de Paris ? Au fond, personne ne peut obliger un État à tenir ses engagements, surtout s'il s'agit de la première puissance mondiale. D'ailleurs les engagements pris dans les (I)NDC lors de la COP21 ne sont pas juridiquement contraignants...
Une dernière possibilité serait donc tout simplement d'ignorer l'Accord de Paris et les engagements climatiques du président Obama. Elle pourrait être complétée par une sortie de l'Accord par une des voies décrites dans les paragraphes précédents. C'est somme toute l'option la plus probable.

Dans tous les cas, et particulièrement pour les trois derniers, le retrait des États-Unis marquerait une volonté de rupture avec la communauté internationale qui irait au-delà de la seule question du climat. Y a-t-il une chance que le président Trump s'engage réellement dans cette voie ?


Partira, partira pas ?


Évidemment, il n'existe aucune certitude. Donald Trump a fait beaucoup de promesses en n'hésite jamais à se contredire. A la veille de son inauguration, il apparaît complètement imprévisible...
Il s'est engagé fermement pour une sortie de l'Accord de Paris pendant sa campagne mais il a semblé adoucir son discours après son élection. Et, sur ce sujet comme sur d'autres, les membres qu'il a choisi pour son cabinet semblent plus modérés que lui (ce qui, certes, n'est pas très difficile). Après un moment de sidération, beaucoup d'acteurs de la lutte contre le changement climatique affichent désormais un prudent optimisme, ou un pessimisme modéré.

Autant le dire tout de suite : je ne partage pas cette opinion. Je m'attends à ce que le président Trump tienne sur ce sujet la promesse du candidat et tente de quitter rapidement l'Accord de Paris.
Pourquoi ? Parce que Donald Trump prend le pouvoir en étant déjà impopulaire et sous le regard d'un Congrès qui ne lui est acquis que sur le papier, l'appareil du parti Républicain restant très méfiant. Avec ce capital politique limité, il ne pourra pas tenir la majorité de ses promesses. Pour conserver le soutien de la base d'électeurs très engagés qui l'a porté au pouvoir, le nouveau président devra entretenir l’apparence d'une rupture en mettant en scène des annonces spectaculaires. 
La sortie de l'Accord de Paris est un candidat idéal pour cela : cette décision peut être prise rapidement par le président seul et, dans son esprit, elle ne coûte probablement pas grand chose. Au contraire elle satisferait le parti Républicain, ses élus et ses donateurs. Même les réactions indignées, mais probablement peu suivies d'effets, que cette décision susciterait dans la communauté internationale pourraient être mises à profit : comment mieux symboliser une Amérique qui impose à nouveau ses règles à la planète ?

En bref, je ne serais pas surpris que la sortie de l'Accord de Paris fasse partie des premières décisions de Donald Trump après son inauguration.

Publié le 8 novembre 2016 par Thibault Laconde, dernière mise à jour le 19 janvier 2017 


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Six choses à retenir de la COP22

La conférence sur le climat de Marrakech approche doucement de son terme : la plénière de clôture qui devait commencer en milieu d'après-midi a été repoussée en début de soirée. Les négociateurs restent à l’œuvre et il n'est pas impossible que, dans la grande tradition des conférences sur le climat, la COP22 joue les prolongations tard dans la nuit, voire jusqu'à demain.
On ne sait donc pas encore précisément ce qui en sortira, il faut attendre le communiqué final et prendre le temps d'analyser les documents pour ça, mais on peut déjà en retenir quelques points marquants.

En bref, tout s'est passé comme prévu


A ce stade, c'est prendre un petit risque de l'affirmer mais, sauf rebondissement de dernière minute, il n'y aura eu aucune surprise pendant la conférence de Marrakech. La CMA1 a été ouverte et rapidement suspendue, un programme de travail a été défini jusqu'en 2018 pour aboutir à la mise en œuvre de l'Accord de Paris, la proclamation de Marrakech - voulue par le pays-hôte - a été adoptée, etc. Comme prévu la COP22 a été surtout une COP d'organisation, sans avancées concrètes.
La communauté internationale a fait ce qu'on attendait d'elle, ni plus ni moins. A la fin d'une année aussi tourmentée, on peut considérer que c'est une réussite, ou bien se souvenir que les engagements de Paris, confirmés à Marrakech, sont toujours insuffisants. Libre à chacun de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein...


L'Accord de Paris ne prendra pas réellement effet avant 2019


Là encore ce n'est pas une surprise mais ça reste sans doute l'information la plus importante de cette COP22.
L'Accord de Paris a beau avoir battu tous les records de vitesse, la grosse machine onusienne a son inertie. Avant que le texte puisse réellement prendre effet, il faut en préciser le fonctionnement, rendre ses mécanismes opérationnels, s'entendre sur des méthodologies... La communauté internationale s'est donné comme objectif de finaliser ce "rulebook" (règle du jeu) en 2018, lors de la COP24. Celle-ci se déroulant, comme toutes les COP à la fin de l'année, l'Accord de Paris ne sera opérationnel au mieux que début 2019.


L'élection de Donald Trump pendant la COP22 ¯\_(ツ)_/¯


L'élection de Donald Trump a été un choc à Marrakech comme partout dans le monde. Personne ne sait ce que fera le nouveau président après son entrée en fonction en janvier mais le risque d'un démantèlement de la politique climatique américaine et d'une démobilisation de la communauté internationale est évident.
Beaucoup de temps a été consacré pendant la COP22 à expliquer pourquoi l'élection américaine ne changerait rien. Ce qui pouvait ressembler à de la méthode Coué s'est finalement avéré assez exact, à court-terme au moins : on voit mal comment le déroulement et les résultats de la conférence de Marrakech auraient été très différents en cas de victoire d'Hillary Clinton.


La mobilisation est toujours là


Après la mobilisation exceptionnelle de la COP21, on pouvait craindre que la conférence de Marrakech apparaisse bien pâle. Ça n'a pas été le cas.
La "zone bleue" de la COP22 a accueilli près de 30.000 délégués, beaucoup d'autres visiteurs ont parcouru la zone verte et les espaces ne nécessitant pas d’accréditation.  Plus de 1200 manifestations, ont eu lieu pendant les deux semaines. Et près de 80 chefs d’État et de gouvernement ont fait le déplacement.
Pour une COP dont on attendait rien de concret (et qui a tenu ses promesses), c'est remarquable. Incontestablement, c'est la preuve que le climat reste en haut de l'agenda : aucun autre sujet n'a la capacité de mobiliser aussi largement la communauté internationale.


La société civile est désormais au premier plan


Et c'est probablement un des paradoxes de cette conférence. Pendant longtemps, les négociations internationales ont tiré la mobilisation sur le climat. Les deux semaines des COP, chaque fin d'année depuis près d'un quart de siècle, permettaient de rappeler régulièrement l'enjeu à des médias, des entreprises, des collectivités, des syndicats, etc. qui avaient tendance à l'oublier.
Aujourd'hui on voit la dynamique s'inverser : la mobilisation de la société civile va beaucoup plus vite que les négociations. Désormais, c'est le processus onusien qui apparaît comme un boulet au pied de l'action climatique - le délai de 2 ans pour mettre en œuvre l'Accord de Paris en est un bon exemple. Et la situation va probablement s'aggraver avec la mauvaise volonté des États-Unis.
Afin que chacune puisse suivre sa propre dynamique, peut-être serait-il temps de mieux distinguer les deux facettes des conférences sur le climat : d'un coté ces pénibles négociations onusiennes et de l'autre un grand forum international permettant à tous les acteurs de la lutte contre le changement climatique de se rencontrer et de faire connaître leurs projets ?


Les deux prochaines COP auront lieu en Europe


Où se retrouvera-t-on l'année prochaine ? A Bonn, pour une COP23 sous présidence fidjienne mais organisée dans les locaux de l'UNFCCC. Et l'année suivante, c'est la Pologne qui accueillera la COP24.
C'est très pratique pour moi, mais ce n'est pas très inspiré : Ce sera la quatrième fois que l'Allemagne accueille une COP et la Pologne (qui est par ailleurs loin d'être exemplaire en matière de climat) en a déjà organisé 2 en 10 ans...



Publié le 18 novembre 2016 par Thibault Laconde



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Qui accueillera les COP23 et 24 ? Et où ont eu lieu les 22 précédentes ?

Logo de la COP23 organisée par les Iles Fidji à Bonn
Ça peut paraitre un peu anecdotique mais la question a agité la COP22 : qui organisera les prochaines conférences sur le climat ? Les pays réunis à Marrakech ne se sont pas bousculés pour accueillir le prochain sommet qui s'annonce, comme celui de cette année très technique, les vraies avancées arrivant plutôt en 2018.
Une solution a cependant finie par être trouvée et les organisateurs de la COP23 et de la COP24 ont été arrêtés par une décision adoptée le dernier jour de la conférence de Marrakech.


Près de la moitié des COP ont eu lieu en Europe


Mais avant de révéler les vainqueurs, il n'est pas inintéressant de regarder un peu en arrière : où se sont déroulées les COP précédentes ?

Quels pays ont organisé des conférences sur le climat (COP)
Pays ayant accueilli des conférences sur le climat (cliquez pour agrandir)


Vous voyez le problème ?

En comptant la COP6bis de 2001, 23 conférences sur le climat ont eu lieu depuis 1994 dont 10 se sont déroulées sur le continent européen. Et parmi celles-ci, la moitié ont été organisées dans deux pays : l'Allemagne et la Pologne.

L'Allemagne, qui héberge le siège de l'UNFCCC, détient le record du monde avec 3 conférences (la COP1 de Berlin et les COP5 et 6bis à Bonn). La Pologne fait presque jeu égal : elle a présidé 3 COP dont 2 se sont déroulées sur son territoire (COP14 à Poznan et 19 à Varsovie, la COP5 s'est déroulé à Bonn sous présidence polonaise).

En dehors de l'Europe, seuls deux pays industrialisés ont accueilli une COP, et encore c'était il y a plus d'une décennie : le Japon avec la fameuse COP3 de Kyoto et le Canada avec la COP11 de Montréal.
On voit aussi que la Chine et les États-Unis, pourtant les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre et les deux premières économies mondiales, n'ont jamais organisé de conférence sur le climat. Parmi les autres grands absents, on peut citer l'Australie et la Russie, également de gros émetteurs, le Moyen Orient et l'Afrique.


COP23 à Bonn, COP24 à Katowice. Youhou !


Dans ces conditions, difficile de sauter d'enthousiasme en apprenant que la COP23 se déroulera à Bonn (certes sous présidence Fidjienne) et que la COP24 sera organisée par la Pologne à Katowice. Comment mieux faire passer le climat pour une marotte d'européens ?

La COP23 se déroulera au siège de l'UNFCCC sous la présidence des îles Fidji. Pour un rendez-vous qui s'annonçait déjà comme une conférence de transition avant la mise en application de l'Accord de Paris en 2018, cette solution respire l'ennui et le manque d'ambition.
On sait que le pays qui préside joue un rôle majeur : c'est à lui de donner l'impulsion et de s'assurer que les négociations se déroulent dans de bonnes conditions. Directement menacées par la hausse du niveau des mers et premier État insulaire à assurer la présidence d'une COP, les Fidji ont un poids moral certain. Mais, sans vouloir insulter la diplomatie fidjienne, est-elle la la mieux placée pour mobiliser la communauté internationale dans le contexte mouvementé qui s'annonce ?

Quant à la COP24, elle aura lieu en 2018 dans dans le sud de la Pologne, à Katowice.
On se souviendra simplement que la Pologne est un État charbonnier, elle produit encore plus de 80% de son électricité à partir du charbon, et impénitent : lorsqu'il a offert l'accueillir la COP24, le ministre de l'environnement polonais n'a pas pu s’empêcher de lancer un plaidoyer assez gênant en faveur de la capture du carbone.


Publié le 12 novembre 2016 par Thibault Laconde, dernière mise à jour le 1er juin 2017.

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"Rulebook" et "Appel de Marrakech", deux nouveaux objets au cœur de la COP22

Demain débute le segment politique de la Conférence sur le climat de Marrakech. On y verra une soixantaine de chefs d’État et de gouvernement se succéder à la tribune et des dizaines de ministres se plonger dans les discussions.
C'est souvent une période riche en rebondissements : les ministres et les chefs d’État ont l'autorité nécessaire pour conclure des accords inaccessibles aux négociateurs de la semaine précédente, mais ils connaissent aussi moins bien les dossiers. Les désaccords peuvent s’aplanir comme par magie ou bien dégénérer brusquement. 

Avant d'entrer dans cette phase critique, on commence à distinguer les deux objets qui devraient naitre de la la COP22, et sur lesquels les discussions vont probablement se concentrer dans les jours qui viennent.


Le "rulebook" : les règles du jeu de l'Accord de Paris


Je vous le disais il y a deux semaines : le rendez-vous majeur de la Conférence de Marrakech, c'est la CMA1, la première réunion des pays qui ont adhéré à l'Accord de Paris. Cette réunion doit préciser l'Accord, qui est un texte relativement court et forcément vague, et le rendre opérationnel.
On n'a pas beaucoup avancé sur ce sujet, et on avancera sans doute pas beaucoup plus cette semaine, mais au moins on a trouvé un nom au problème : il s'agit d'établir le rulebook, la règle du jeu, de l'Accord de Paris.

Cette règle du jeu doit détailler comment concrètement l'Accord de Paris va fonctionner, c'est-à-dire répondre à de nombreuses questions horriblement techniques. Liste non-exhaustive :
  • Sous quelles formes les États vont-ils déclarer leurs actions (réduction d'émission, financement...) ? Cet exercice de transparence est la pièce centrale de l'Accord de Paris mais comment parvenir à des communications qui soient cohérentes et comparables avec 196 parties aussi différentes que les Etats-Unis et la Chine, les Vanuatu et l'Union Européenne ?
  • Comment ces déclarations vont-elle être analysée ou vérifiée ? Question très sensible puisqu'elle peut ouvrir la voie à une forme d'ingérence...
  • Quelles sont les hypothèses, les méthodologies, les normes comptables qui seront utilisées ?
  • Comment se déroulera la révision des objectifs nationaux (les NDC) tous les 5 ans ?
 L'enjeu à Marrakech n'est pas tant de répondre à ces questions que de fixer un programme de travail, si possible avec des échéances qui ne soient pas trop lointaines...


Un appel de Marrakech à haut risque


Voilà un sujet qui fait beaucoup parler. Avant même le début de la COP22, le Maroc voulait que la conférence se conclue sur un appel à l'action et à la mobilisation. .
On pouvait s'interroger sur l’intérêt de cet appel de Marrakech (purement politique) alors que l'encre n'est pas encore sèche sur l'Accord de Paris (qui lui a une valeur juridique). Mais après l'élection de Donald Trump, voir les dirigeants de la planète rappeler leurs engagements peut être vraiment utile.

Le problème, c'est que l'Accord de Paris n'a fait l'unanimité que grâce à un équilibre savant et très délicat. Un exploit qui semble difficile à reproduire.
Le brouillon de l'appel n'a circulé que dans des cercles très restreints mais apparemment il a de quoi énerver les pays en développement qui l'ont fait savoir : pas de mention de la responsabilité commune mais différenciée (on se souvient que la question avait été critique l'année dernière), un satisfecit sur les financements calqué sur le discours des pays industrialisés, une place insuffisante pour l'agenda pre-2020 et l'adaptation, etc.
Même la méthode est critiquée : les pays en développement se plaignent d'un manque de consultation alors que la présidence marocaine estime qu'il s'agit d'un simple appel pas d'un texte négocié, et qu'il n'a pas besoin d'être approuvé formellement. Sous couvert d’anonymat, certains négociateurs disent craindre un scénario comparable à celui de Copenhague où la présidence de la COP avait présenté un texte "à prendre ou à laisser" entrainant l'échec de la conférence.


Publié le 14 novembre 2016 par Thibault Laconde

Illustration : By Ludovic Péron (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons



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COP22 : Et au fait, où en sont les négociations ?

COP22 - CMP12 - CMA1: avancement des négociations à Marrakech
Les négociations internationales sur le climat sont un très très gros bateau, et ce n'est pas parce qu'un iceberg apparait à l'horizon qu'elles vont s’arrêter. Si l'élection de Donald Trump a beaucoup fait parler cette semaine, elle n'a pas interrompu les discussions, loin de là. Les réunions se sont enchainées, très denses, très techniques et généralement très ennuyeuses...
Où en est-on après cette première semaine ? C'est difficile de se faire un avis mais voici déjà quelques points qui ont retenu mon attention.

(Attention : cet aperçu est tout sauf exhaustif)



Suspendre la CMA1, jusqu'à quand ?


La CMA1, c'est-à-dire la première réunion des pays qui ont adhéré à l'Accord de Paris, n'est pas encore formellement ouverte et tout le monde est déjà d'accord pour la suspendre.
Comme je l'expliquais la semaine dernière, le sort de la CMA1 est un enjeu important de la conférence de Marrakech. Cette première réunion doit préciser l'Accord adopté l'année dernière mais son entrée en vigueur éclair a pris de vitesse les travaux préparatoires. Dans ces conditions, un consensus semble se dessiner pour ouvrir la CMA1 la semaine prochaine, adopter quelques décisions relatives à son fonctionnement puis la suspendre : la réunion ne serait pas officiellement close à la fin de la conférence de Marrakech et reprendrait lors du ou des prochains sommets.

Et c'est justement là que le consensus s’arrête : jusqu'à quand suspendre la CMA1 ? En d'autres termes : quelle date limite se donne-t-on pour rendre l'Accord de Paris opérationnel ?
Dès mardi (donc avant le résultat de l'élection américaine), le groupe Parapluie a pris position pour un report à 2018. L'Union Européenne a annoncé vendredi que cette option a aussi sa préférence.

En tout état de cause, le temps est compté pour avancer cette année : la session de l'APA, le groupe de travail chargé de préparer la mise en œuvre de l'Accord de Paris, se termine lundi avant l'arrivée des chefs d’État. Des discussions pourraient tout de même se poursuivre de façon informelle la semaine prochaine. 


Agenda pre-2020


Puisque l'Accord de Paris a de bonne chance de ne pas être opérationnel avant plusieurs années. Que fait-on avant notamment en termes de financement et de réduction des émissions ? C'est la question de l'agenda pre-2020 qui ne peut que se poser alors que la COP22 se veut "la COP de l'action".

Sans surprise, c'est le G77+Chine (la coalition des pays en développement) et le groupe des pays africains qui poussent pour avoir des réponses claires sur ce sujet et pour que les pays industrialisés honorent les engagements qu'ils ont déjà pris.


Où se tiendra la COP23 ?


Jeudi, on a vu passer un tweet curieux de l'UNFCCC :


C'est vrai que, dans la perspective d'une suspension de la CMA1 jusqu'en 2018, la prochaine conférence risque encore d'être très technique et de n’intéresser que les spécialistes... Alors qui se dévouera pour l’accueillir ?
Pour l'instant, une chose est sure : les Îles Fidji ont proposé de présider une COP qui se tiendrait à Bonn au siège de l'UNFCCC. Mais vendredi, la délégation chinoise a laissé entendre que Pékin pourrait accueillir la COP23, ce serait évidemment un symbole fort pour le leadership chinois au moment où les Etats-Unis menacent de se désengager.


Publié le 11 novembre 2016 par Thibault Laconde


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Quelle stratégie pour la COP22 après la victoire de Donald Trump ?

Comment la communauté climatique espère-t-elle s’accommoder de la présidence Trump ? Et quels thèmes vont dominer les 9 jours qui restent à la COP22 ?
Voici quelques éléments de réponse sur des questions encore largement ouvertes.


Quelle stratégie pour la COP22 et le climat après la victoire de Donald TrumpLa 22e COP sera pro-business ou ne sera pas


Le commentaire sur l'élection américaine était une figure imposée hier et le nom de Donald Trump, sur toutes les lèvres... Par recoupement, il n'a pas été très difficile de voir les éléments de langage se dessiner.
Le mot-clé, c'est "self-interest" : contribuer à la lutte contre le changement climatique est dans l’intérêt bien compris de l'Amérique de Trump, et pas seulement à long-terme : devenir une "super-puissance de l'énergie propre" (même si la formule est d'Hillary Clinton), créer des emplois, assurer la sécurité des États-Unis... Voilà quelques-uns des thèmes qui ont été déclinés.

On va sans doute lourdement insister sur l’intérêt des entreprises pour la lutte contre le changement climatique, avec l'espoir de parler à l'homme d'affaire autant qu'au président. Les grandes entreprises américaines qui se sont déjà engagées, et surtout celles qui perdraient à un retournement de la politique américaines, vont devenir les ambassadeurs du climat à Washington. Jill Duggan a bien résumé le raisonnement : "Trump is pro-business and business is pro-climate", Trump soutient le monde affaires et le monde des affaires soutient le climat.
En sens inverse, on peut s'attendre à voir disparaître toute idée un peu subversive (Responsabilité des multinationales ? Redistribution ? Décroissance ? Accueil des réfugiés climatiques ? Berk !). Elles n'occupaient de toute façon pas beaucoup de place dans les COP...

Est-ce que ça suffira à infléchir la politique du nouveau président ? Pour reprendre l'expression d'un autre participant : on espère que c'est Trump le négociateur qui entrera à la Maison Blanche, pas Trump le démagogue.


Stratégie du containment


S'il n'est pas possible de convaincre Donald Trump et si les États-Unis doivent vraiment sortir de l'Accord de Paris voire de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, il faut à tout prix éviter un effet domino. Avant même de connaître la position exacte de l'administration Trump, son endiguement est devenu un enjeu majeur de la COP22.

"Après la victoire de Trump, les chefs d’État doivent venir à la COP22 réaffirmer leur soutien à l'Accord de Paris."




Comme à chaque COP, un "segment de haut niveau" réunira du 15 au 17 novembre des chefs d’État et de gouvernement. On attendra d'eux qu'ils confirment fermement les engagements qu'ils ont pris l'année dernière, même au prix de quelques discrètes concessions. S'il y a une chose à retenir de l'expérience Bush/Kyoto, c'est qu'il vaut mieux transiger avant qu'après : en 2001, les Européens avaient fini par céder sur presque tout pour sauver le Protocole, sans parvenir à ramener les États-Unis dans le processus.
Il faut aussi espérer que la situation décidera des responsables politiques qui n'ont pas encore confirmé leur présence à faire le déplacement. Au dernier comptage, 43 chefs d’État sont attendus (contre 150 l'année dernière à Paris). Parmi les dirigeants européens seuls le président français et le prince de Monaco ont confirmé, excusez du peu...


Chine et Russie au cœur du jeu


Enfin, on regardera avec une attention particulière en direction de Pékin et de Moscou.

L'histoire des négociations climatiques est largement celle d'une dialectique entre la Chine et les États-Unis. En septembre, les deux pays avaient ratifié simultanément l'Accord de Paris, Pekin est-il prêt à aller de l'avant sans Washington ? Ce n'est pas impossible : la transition énergétique chinoise répond d'abord à des pressions internes et les engagements pris à Paris ont déjà largement été transposés dans le 13e plan quinquennal. Pourquoi se priver d'affirmer à si bon compte son leadership ?
Si la Chine s’engageait inconditionnellement à respecter l'Accord de Paris et à atteindre les objectifs fixés par son INDC, elle enverrait un signal très fort en faveur de la lutte contre le changement climatique. Par ailleurs, elle invaliderait un pan entier de l'argumentaire de Donald Trump, qui comme on le sait voit dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre une sorte de complot chinois contre l'industrie américaine.

La Russie quant à elle n'a pas encore ratifié l'Accord de Paris, même si la procédure est en cours. C'est le dernier grand émetteur de gaz à effet de serre dans cette situation. Compte-tenu de la sympathie affichée entre Trump et Poutine, le risque est évidemment de voir se former une coalition États-Unis + Russie hostile à l'action climatique.

"Il faut éviter un effet domino si Trump dénonce l'Accord de Paris. Les réactions chinoise et russe seront décisives."




La sortie des États-Unis, si elle se réalise, ne suffirait peut-être pas à tuer l'Accord de Paris. Mais qu'un autre grand émetteur annonce son retrait, ou qu'une poignée de petits pays reculent, et l'édifice bâti lors de la COP21 s'effondrera irrémédiablement. C'est ce scénario catastrophe qu'il faut éviter.


Publié le 10 novembre 2016 par Thibault Laconde


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Voilà...

C'est peut-être parce que l'accès à internet vacille, parce que je suis en pyjama dans le lobby ou alors parce que je n'ai pas encore eu mon café, mais en tous cas, j'ai un peu de mal à écrire pour l'instant. 

Par acquis de conscience, tout-à-l'heure, lorsque le premier appel à la prière m'a réveillé, j'ai jeté un coup d'œil sur mon téléphone : "Donald Trump en tête". Mauvais rêve, pas de panique, on se rendort. Sauf que je ne me suis pas rendormi. Je me suis retourné dans mon lit en essayant d'en savoir plus à chaque instant de bonne volonté du WIFI.
Le temps que je me décide à me lever, le doute n'était presque plus permis : Donald Trump sera la prochain président des États-Unis. 

J'ai une confession à faire : comme beaucoup de gens qui travaillent depuis longtemps sur le changement climatique, je cache mon désespoir. Ce que je dis, ce que j'écris est loin de refléter ce que je pense : en réalité, je ne vois pas comment le monde pourrait échapper à une catastrophe au cours du prochain demi-siècle, quelque chose qui ressemblerait à l'effondrement de l'empire romain mais à l'échelle globale. Et ce n'est pas l'Accord de Paris qui suffira à l'éviter.
Mais au moins cet accord montre, ou montrait, que tous les pays étaient capables de travailler ensemble. Le plus dangereux, ce n'est pas le dérèglement du climat, c'est la dissolution des solidarités. La disparition du sentiment d'humanité, de cette vague conscience que, malgré toutes nos différences, nous partageons quelque chose et que nous nous devons de veiller un peu les uns sur les autres. C'est sur ce sujet beaucoup plus que sur les émissions de gaz à effet de serre que l'Accord de Paris m'avait rassuré.
Et c'est sur ce sujet, beaucoup plus que sur le devenir de la COP22, que l'élection de Donald Trump m'effraye.

Voilà. Je vous ferais sans doute un vrai article dans la journée, et puis vous avez celui d'hier. Pour l'instant je n'ai toujours pas eu mon café et j'ai un peu de mal à écrire.


Publié le 9 novembre 2016 (très tôt) par Thibault Laconde



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Que peut-il se passer à la COP22 si Trump est élu ? Le précédent de la COP6.

Si vous cherchez l'actualité du jour à la conférence de Marrakech, ne cherchez plus : ce sont les élections générales américaines.
Quel que soit le résultat, le vote d'aujourd'hui aux États-Unis va donner le ton des deux semaines de négociation. D'un coté, Donald Trump a pris violemment position contre la politique climatique mené par le président Obama et en cas de victoire il a promis "d'annuler l'Accord de Paris". De l'autre, Hillary Clinton se placerait probablement dans la continuité des années précédentes mais une large victoire au Sénat voire à la Chambre des Représentants pourrait aider à lever les doutes sur les politiques engagées par Barack Obama, notamment sur la capacité de l’exécutif de réglementer les émissions et ratifier l'Accord de Paris sans passer par le Congrès.


Remember, remember the COP of November (2000)


Même si Halloween est déjà passé, jouons un instant à nous faire peur et imaginons que Donald Trump l'emporte ce soir. Quelles pourraient être les conséquences de cette victoire sur la COP22 ?

C'est la première fois que l'élection américaine tombe pendant une conférence sur le climat. Mais il existe quand même un précédent intéressant : la COP6 qui s'est tenue à la Haye du 13 au 24 novembre 2000.
Cette année-là l'élection américaine oppose le démocrate Albert Gore au républicain George Bush. Le premier est un partisan de l'action climatique, le second est issu d'une famille de pétroliers et gouverneur du Texas, un des États américains qui possède à la fois des ressources en pétrole et en charbon.

L'élection américaine se déroule le 7 novembre, la semaine précédant l'ouverture de la Conférence mais le résultat reste incertain. Il est très serré en Floride, qui est comme cette année un État clé. Les votes doivent être recomptés. La victoire de Georges Bush ne sera confirmée par la Cour Suprême que le 12 décembre.
La COP6 s'ouvre dans ce contexte avec notamment pour objectif de négocier la mise en œuvre du Protocole de Kyoto adopté en 1997. Les États-Unis, qui ont signé mais pas ratifié le Protocole, souhaitent pouvoir utiliser au maximum les mécanismes de flexibilités prévus par le texte. Ils sont soutenus par une petite mais puissante coalition : le Groupe parapluie. L'Union Européenne veut au contraire en limiter l'usage. Une négociation déjà tendue se déroule alors qu'il devient de plus en plus évident que Georges Bush va l'emporter.
Georges Bush n'a pas de position précise sur la lutte contre le changement climatique, il a critiqué le protocole de Kyoto mais il s'est prononcé pour un marché du carbone et en tant que gouverneur il a soutenu des mécanismes de ce type pour d'autres polluants. Il faudra à la nouvelle administration des mois pour définir sa position et nommer ses nouveaux responsables. La seule certitude au moment où la victoire des Républicains se précise, c'est que le mandat confié aux négociateurs américains pour la COP6 n'a plus guère de valeur.


Trop d'incertitudes, la COP est suspendue


Face à cette impasse, le ministre de l'environnement néerlandais, qui préside la conférence, décide de suspendre la COP6. Le 20 janvier 2001 Georges Bush prête serment et le 29 mars il annonce que les États-Unis ne ratifieront pas le Protocole de Kyoto.

Une COP6bis a lieu en juillet 2001 à Bonn. A la surprise générale, elle permet de remettre le Protocole de Kyoto sur les rails. En réalité l'UE cède sur presque tout sans parvenir à ramener les États-Unis dans le processus, dont ils resteront à la marge pendant presque 15 ans.

La situation de la COP6 rappelle celle que nous connaissons en ce moment : un accord qui reste à préciser, une élection américaine qui s'annonce serrée et un candidat qui menace d'en retirer son pays. Il existe aussi des différences : l'Accord de Paris est déjà en vigueur, la situation entre les Etats-Unis et ses partenaires est moins tendue et le monde est devenu plus multipolaire. L'histoire ne repasse pas les plats…

Reste qu'en cas de victoire de Donald Trump, l'équation de la COP22 deviendrait un peu plus impossible et la tentation déjà forte d'en faire une COP pour rien pourrait l'emporter.


Publié le 8 novembre 2016 par Thibault Laconde



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Conférence sur le climat de Marrakech : Oubliez la COP22, bienvenue à la CMA1 !

On n'attendait pas grand chose de la conférence sur le climat qui s'ouvre demain au Maroc, mais l'entrée en vigueur à grande vitesse de l'Accord de Paris a tout changé : voilà que la COP22 sera aussi la CMA1, c'est-à-dire la première conférence des parties à l'Accord de Paris (CMA est l'accronyme de "COP serving as Meeting of the parties to the Paris Agreement").


Un programme de travail chargé pour la CMA1


Or l'Accord de Paris a renvoyé de très nombreuses questions à cette première réunion. La CMA1 doit en particulier préciser le fonctionnement de plusieurs mécanismes prévus par le texte, c'est le cas :
  • Des contributions nationales, les fameuses INDC, dont il faut arrêter le calendrier (article 4) 
  • Du mécanisme de réduction des émissions (art. 6)
  • Du renforcement des capacités (art. 11)
  • Du mécanisme de transparence par lequel les pays développés doivent rendre public tous les deux ans l'aide qu'ils apportent aux pays en développement (art. 13)
  • Des procédures permettant de s'assurer que l'Accord est bien respecté (art. 15)
La portée réelle de l'Accord de Paris dépendra largement de ces procédures qui dans une versions la ambitieuse peuvent empiéter sur la souveraineté des États. En tous cas, il n'est pas possible d'improviser des négociations sur des sujets aussi techniques et aussi sensibles.


Report probable mais à haut risque


Les décisions qui accompagnent l'Accord de Paris prévoyaient la création d'un groupe de travail spécial chargé de préparer la CMA1 (connu sous le petit nom d'APA dans les cercles spécialisés) et demandaient au GIEC de produire un rapport sur la mise en œuvre de l'Accord mais l'un et l'autre ont été pris de vitesse par l'entrée en vigueur du texte. Le rapport du GIEC doit paraitre en 2018 et l'APA ne s'est réuni qu'une seule fois à Bonn en mai... Il faut dire que l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris était prévue aux alentours de 2020, pas dès cette année.
La communauté internationale se trouve donc avec un programme de travail chargé sans avoir eu le temps de s'y préparer.

Par ailleurs, même si le texte est déjà en vigueur près de la moitié des pays n'ont pas encore terminé sa ratification. C'est le cas de gros émetteurs comme la Russie, l'Australie, le Royaume Uni, l'Italie ou le Japon mais aussi de nombreux pays d'Afrique et du Moyen Orient.
Pour l'instant, ces pays ne peuvent participer à la CMA1 qu'en tant qu'observateurs et ils sont en théorie exclus des décisions. Trancher des points sensibles dans ces conditions risquerait d'entrainer d'interminables contestations.

Cela fait au moins deux bonnes raisons de reporter les négociations sur la mise en œuvre de l'Accord de Paris à plus tard. Reste à savoir ce qu'on reporterait, et à quand.
Une échéance logique serait la COP24. De nombreux préparatifs pour la mise en œuvre de l'Accord doivent en effet s'achever en 2018 : le sixième rapport du GIEC, les travaux de l'APA, les recommandation du SBSTA (un autre organe de la Convention cadre) sur la comptabilisation des ressources financières, etc.
Mais un défi de la conférence de Marrakech est aussi de préserver la dynamique née de la COP21 et de l'entrée en vigueur très rapide de l'Accord de Paris. Un report en bloc de deux ans serait un très mauvais signal, beaucoup d'acteurs y verraient une façon pour les États de revenir sur les engagements qu'ils ont pris l'année dernière.

Il va donc falloir trouver un équilibre difficile et s'efforcer de progresser dans l'application du texte dès maintenant. Le sommet qui s'ouvre demain promet d'être plus compliqué et mouvementé que prévu...


Publié le 6 novembre 2016 par Thibault Laconde


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100 mots, expressions et acronymes pour comprendre les négociations climatiques et les COP

Vocabulaire, expression, acronymes sur le changement climatique et la COP21"Les INDC sont un bon signe pour la COP mais ça ne veut pas dire que le groupe parapluie et le G77+Chine accepteront d'en faire des QELROs, pour l'instant tout ça reste entre crochets." Vous suivez ?
Si vous vous intéressez aux négociations internationales sur le climat, vous vous êtes sans doute déjà gratté la tête devant ce type de propos ésotériques. Il n'y a pourtant rien de bien secret là dedans : il suffit de connaître les acronymes et les expressions employées par les négociateurs pour que tout s'éclaire...

D'où l'intérêt d'un bon glossaire !

Accès rapide :
A - B - C - D - E - F - G - H - I - J - K - L - M - N - O - P - Q - R - S - T - U - V - W - X - Y - Z

(Tous les mots en italique dans cet article font l'objet d'une entrée dans le lexique)

A


AAU  (Assigned Amount Unit) - Une AAU est un permis d'émission négociable attribué à un État dans le cadre du Protocole de Kyoto. A la fin d'une période d'engagement, chaque État doit posséder autant d'AAU qu'il a émis de tonnes équivalent CO2 de gaz à effet de serre, s'il en possède plus il peut les vendre, s'il lui en manque il peut en acheter ou en obtenir via les mécanismes de flexibilité (MOC et MDP). Ne pas confondre avec EUA, CER ou ERU.

Adaptation - L'adaptation désigne l'ensemble des actions, individuelles ou collectives, qui ont pour effet de réduire la vulnérabilité d'une communauté au changement climatique (par opposition à l'atténuation qui vise à réduire l'ampleur du phénomène lui-même).

Additionalité - Une action est dite additionnelle par rapport à un mécanisme si elle n'aurait pas pu avoir lieu sans recours à ce mécanisme. L'additionnalité est une condition centrale dans l'attribution de crédit-carbone que ce soit des CER, des ERU ou des opérations de compensation volontaire. Par exemple, un projet de réduction des émissions mené dans le cadre du MDP doit démontrer qu'il n'aurait pas pu atteindre l'équilibre financier sans la revente des CER. Le terme est parfois aussi utilisé dans le domaine de l'aide publique au développement, dans ce cas il est tout simplement synonyme de nouveaux financements (par opposition à la réaffectation d'un budget déjà prévu).

Annexe I - L'annexe 1 de la Convention-Climat liste les pays considérés comme développés. Ils sont au nombre de 42 (+ l'UE) dont les pays industrialisés et les "économies en transition".Cette liste est centrale dans l'application du principe de responsabilité commune mais différenciée (ou CBDR).

Annexe II - L'annexe II regroupe les 23 pays de l'annexe I également membres de l'OCDE (+ l'UE). Ces pays dit "industrialisés" sont supposés aider les autres à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à s'adapter au changement climatique.

Annexe B - L'annexe B est composée des pays de l'annexe I auxquels ont été attribués des objectifs d'émissions dans le cadre de la première ou de la deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto.

AOSIS (Alliance of Small Island States, Alliance des petits États Insulaires) - Coalition de 44 pays insulaires ou côtiers très exposés aux effets du changement climatique. Ce groupe est très actif pour réclamer un accord ambitieux notamment en matière d'atténuation et de pertes et dommages. Les pays de l'AOSIS sont également membres du G77 mais ils s'en distinguent régulièrement par un discours plus volontariste.

APA (Ad Hoc Working Group on the Paris Agreement) - Groupe de travail spécial chargé de préparer la mise en œuvre de l'Accord de Paris. Il doit terminer ses travaux en 2018.

APD (aide publique au développement) - Dons et prêts à conditions préférentielles versés par les pays développés aux pays en développement. L'APD est un moyen à la disposition des pays de l'annexe II pour s'acquiter de leur obligation d'aider les pays en développement dans leurs efforts d'adaptation au changement climatique mais les aides dans ce domaines sont rarement additionnelles.

Atténuation - L'atténuation ("mitigation" en anglais) regroupe l'ensemble des actions qui visent à réduire l'ampleur du changement climatique, c'est-à-dire à contrôler des émissions de gaz à effet de serre (par opposition à l'adaptation qui cherche à réduire la vulnérabilité).

AWG-ADP (Ad-hoc working group on the Durban Platform for enhanced action) - Groupe de travail établi lors de la conférence de Durban (COP17) pour préparer l'Accord de Paris.

B


BINGO - Près de 2000 organisations non-gouvernementales sont accréditées pour participer aux COP/CMP. Elles sont réparties par collectifs, le collectif BINGO regroupe les entreprises et leurs groupements. L'Union internationale des chemins de fer, l'Organisation internationale des constructeurs d'automobiles ou la Chambre de commerce internationale sont quelques-unes de organisations françaises au sein de ce collectif. Aujourd'hui, 15% environ des organisations accréditées pour les conférences de l'ONU appartiennent au collectif BINGO.

C


CBDR (Common but differenciated responsability, responsabilité commune mais différenciée) - Principe inscrit dans la Convention-Climat selon lequel les pays développés ont une responsabilité plus importante dans le réchauffement climatique et doivent fournir plus d'efforts pour résoudre le problème. Ce principe est à l'origine de la distinction entre pays de l'annexe I et pays hors-annexe I. (Pour plus de détails voir cet article)

CCNUCC (Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique, ou simplement Convention-climat) - voir UNFCCC

CCS (Carbon capture and storage, capture et stockage du carbone) - Technologies destinées à atténuer le changement climatique en captant le CO2 en sortie des installations industrielles puis en le séquestrant, généralement dans un réservoir souterrain. Ces technologies sont loin d'être matures mais laissent espérer une solution au changement climatique ne nécessitant pas de modifier significativement notre consommation d'énergie et donc nos modes de vie.

CER (Certified emission reduction) - Permis d'émission négociable d'une tonne équivalent CO2 produit grâce au MDP, c'est-à-dire en finançant un projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans un pays hors-annexe I. Un CER peut être échangé contre une AAU et permettre à un pays de l'annexe B de remplir ses engagements. Certains CER (les "Green CER") peuvent aussi être échangés contre des EUA et utilisés sur le marché du carbone européen. Ne pas confondre avec AAU, EUA, ou ERU.

CH4 - Formule chimique du méthane (ou "gaz naturel"). Le CH4 est à la fois un combustible et un gaz à effet de serre avec un PRG à 100 ans 28 fois supérieur au dioxyde de carbone. Il fait partie des gaz visés par le Protocole de Kyoto. Il est rejeté essentiellement par les fuites des installations gazières et par l'agriculture.

CMA (COP serving as Meeting of the Parties to the Paris Agreement) - Réunion annuelle des parties à l'Accord de Paris. Elle se tient en même temps que la COP bien que formellement distincte. Les pays qui n'ont pas encore ratifié l'Accord de Paris (par exemple la Russie, l'Australie ou la Grande Bretagne) ne participent pas aux CMA. La première CMA (ou CMA1) aura lieu lors de la COP22 de Marrakech.

CMP (COP serving as Meeting of the Parties to the Kyoto Protocol) - Réunion annuelle des parties au Protocole de Kyoto. Bien que formellement distinctes, les CMP ont lieu en même temps que les COP. Les pays qui n'adhèrent pas au protocole de Kyoto (notamment les Etats-Unis et le Canada) ne participent pas aux CMP même si ils sont étroitement associés. La conférence de Paris sur le Climat était la 11e CMP et la 21e COP, d'où l'appellation COP21/CMP11. On rencontre parfois l'acronyme MOP (Meeting of the Parties).

CO2 - Formule chimique du dioxyde de carbone. C'est le principal gaz à effet de serre d'origine humaine, il est produit notamment par la combustion d'énergies fossiles, la réaction de calcification dans les cimenteries et la déforestation. Il fait partie des gaz visés par le protocole de Kyoto.

Co-bénéfice - On parle de co-bénéfice lorsqu'un projet produit des effets positifs en plus de son objectif principal. Cette notion est souvent utilisée pour "climatiser" l'aide au développement (APD) mais par définition ces projets ne sont pas additionnels (ex : la construction d'un barrage hydroélectrique peut produire un co-bénéfice en matière d'adaptation si elle permet de mieux gérer la ressource en eau et de faire face à des sécheresses plus longues).

Compensation - Transfert d'une réduction d'émission entre deux personnes ou deux projets en général contre paiement. Le principe de la compensation a donné naissance aux marchés volontaires du carbone (voir cette histoire de la compensation carbone).

COP (Conference of the Parties) - Réunion annuelles des parties à l'UNFCCC. La Conférence de Paris sur le Climat était la 21e COP, ou COP21.

Convention-Climat - voir UNFCCC 

Crochétiser (bracketing) - voir entre crochets

D


Décision - Accord entre les parties à l'UNFCCC ou au Protocole de Kyoto, adopté respectivement dans une COP ou une CMP. Les décisions sont juridiquement contraignantes.

Différentiation - voir CBDR

E


EIT (Economy in transition, Économie en transition) - Anciens pays soviétiques de l'Annexe I.

ENGO - Près de 2000 organisations non-gouvernementales sont accréditées pour participer aux COP/CMP. Elles sont réparties par collectifs, le collectif ENGO regroupe les organisations de protection de l'environnement (par exemple Greenpeace ou le WWF). C'est, de loin, le plus nombreux : il représente environ 42% des organisations accréditées pour la COP21.

Émissions négatives (Négative emissions) - Gaz à effet de serre retirés de l'atmosphère par des méthodes écologiques (reforestation, gestion des sols...) ou technologiques. L'objectif de zéro émission nette fixé par l'Accord de Paris suppose le développement de ces filières. A ne pas confondre avec la CCS qui consiste à capter les gaz à effet de serre avant leur rejet dans l'atmosphère ou avec la compensation. Pour plus de détails consulter cette interview.

EnR (Énergie renouvelables) - Technologies permettant de produire de l'énergie sans consommer une ressource finie, en particulier sans énergie fossile ou combustible nucléaire.

Entre crochets - Lors des négociations climatiques, les points non-validés ou les variantes figurent entre crochets (par exemple, vous pouvez occuper 200 négociateurs pendant une journée entière en leur soumettant la phrase suivante : "We [shall] [should] do something"). Moins il y a de crochets, plus l'accord est proche...

Équivalent CO2 - Le calcul des PRG permet d'établir des équivalences entre gaz à effet de serre et d'exprimer l'ensemble des émissions par la quantité de CO2 qui aurait le même effet sur le climat à un horizon de temps fixé (en général un siècle). Par exemple, une tonne de méthane a un PRG à 100 ans de 25, donc une tonne de méthane "vaut" 25 tonnes équivalent CO2 (ou 21 TeqCO2).

ERU (Emission Reduction Unit) - Permis d'émission négociable d'une tonne équivalent CO2 produit grâce à la MOC, c'est-à-dire en finançant un projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans une économie en transition. Une ERU peut être échangée contre une AAU et permettre à un pays de l'annexe B de remplir ses engagements. Ne pas confondre avec AAU, EUA, ou CER.

ETS (European Trading Scheme) - Marché du carbone européen.

EUA (EU Allowance) - Permis d'émission d'une tonne équivalent CO2 utilisable dans le cadre du marché du carbone européen. Les EUA sont soit attribuées à titre gratuit aux entreprises concernées soit mises aux enchères. A la fin de la période, chaque entreprise doit présenter un nombre d'EUA correspondant à ses émissions de gaz à effet de serre, si elle en possède plus elle peut les vendre, s'il lui en manque elle peut en acheter, convertir des Green CER ou payer une amende. Ne pas confondre avec AAU, CER ou ERU.

F


Facilitateur - Négociateur chargé par le président de la conférence de consulter les différentes parties (généralement sur un sujet précis) puis de lui faire une proposition de consensus. Dans les COP, les facilitateurs travaillent généralement en binome, l'un issu d'un pays industrialisé, l'autre d'un pays en développement.

Fonds vert pour le climat (en anglais, Green Climate Fund) - Mécanisme financier crée lors de la COP16 de Cancun et rattaché à l'UNFCCC. Il a pour objectif de financer les projets d'atténuation et d'adaptation des pays en développement grâce aux fonds versés par les pays développés. Le montant et l'origine exacts des financements destinés au Fonds Vert restent débattus. Son siège se trouve à Songdo en Corée du Sud.

Fuite de carbone - Il s'agit des émissions qui se déplacent d'un pays de l'annexe B vers un pays dont les émissions ne sont pas limitées par le protocole de Kyoto, par exemple si le marché du carbone européen conduit des entreprises à délocaliser leurs activités polluantes vers la Chine ou l'Inde.

G


G77 + Chine - Groupe des pays en développement, il a été crée en 1964 par 77 pays, d'où son nom, mais en compte aujourd'hui plus de 130 dont la quasi-totalité des pays africains, sud-américains et asiatiques. C'est une coalition assez lâche avec des intérêts divergents notamment entre les pays les moins avancés ou l'AOSIS et les pays émergents.

GES (Gaz à effet de serre) - Gaz capable d'intercepter une partie du rayonnement infrarouge émis par la surface terrestre, et ainsi de réchauffer l'atmosphère. Le protocole de Kyoto a pour objectif de réguler les émissions de certains gaz à effet de serre dont le CO2, le CH4, le N2O, des HFC et le SF6, il existe d'autres notamment l'ozone et la vapeur d'eau.

GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) - Organe international crée en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l'Environnement afin de fournir une information scientifique pertinente aux gouvernements. Co-Prix Nobel de la Paix en 2007.

GHG (Greenhouse gases) - Voir GES

Groupe de l'intégrité environnementale - Coalition comprenant le Mexique, la Corée du Sud et la Suisse, elle se donne pour objectif de faciliter le dialogue entre pays riches et pays en développement.

Groupe parapluie - Coalition informelle regroupant en général les États-Unis, le Japon, la Russie, l’Australie, le Canada, l’Islande, la Nouvelle Zélande, la Norvège, et l’Ukraine. Il a pris la suite du JUSSCANNZ après le sommet de Kyoto. Pourquoi "groupe parapluie" ? Parce que tous les autres noms cool étaient déjà pris.

H


HFC (hydrofluorocarbure) - Famille de gaz qui a progressivement remplacé les CFC lorsque leur effet sur la couche d'ozone a été découvert. Les HFC ne présentent pas d'effet négatif pour l'ozone stratosphérique mais sont des gaz à effet de serre très puissants (avec un PRG parfois supérieur 1000).

High Ambition Coalition - Coalition en faveur d'un accord ambitieux formée dans les mois qui ont précédé la COP21. Elle compte une centaine de pays, notamment issus du G77 et de l'UE, et a été rejointe par le Brésil et les États-Unis pendant le sommet. Elle a été très active pour obtenir un accord juridiquement contraignant, une révision tous les 5 ans des engagements et l'objectif à long terme de zéro émission nette.

Hors-annexe I - Pays réputés en développement et ne figurant pas à l'annexe I de l'UNFCCC. Certains pays hors-annexe I ont un PIB par habitant supérieur à celui de pays de l'annexe I.

Hot air - Nom donné aux AAU excédentaires attribuées aux économies en transition dans le cadre du Protocole de Kyoto : en raison de la crise économique qui a suivi l'effondrement de l'URSS, les ex-pays soviétiques ont vu leurs émissions de gaz à effet de serre baisser rapidement et ont facilement atteint et dépassé leurs objectifs de réduction. Les AAU étant négociables, ils ont pu revendre leurs quotas d'émission à d'autres pays de l'annexe I qui ont ainsi atteint leurs objectifs sans réel effort d'atténuation.

I


Indaba - Mot zoulou désignant une réunion des anciens en vue de trouver un compromis sur un problème important. Il s'agit d'une méthode de consultation proposée pour la première fois par la présidence sud-africaine lors de la Conférence sur le climat de Durban (COP17) et largement utilisé dans la seconde semaine de la Conférence de Paris. Concrètement, c'est une réunion informelle portant généralement sur la recherche d'un compromis sur un sujet précis, à laquelle seuls les ministres ou les chefs de délégations (éventuellement accompagné d'un collaborateur) sont conviés.

INDC (Intended nationally determined contribution, en français : Contribution prévue  déterminée au niveau national, CPDN) - Dans le cadre de la plateforme de Durban (voir AWG-ADP), tous les pays ont été invités à communiquer avant la COP21 les réductions d'émission qu'ils envisagent de réaliser après 2020.  Les INDCs ont commencé à être remises au secrétariat de l'UNFCCC au printemps 2015. Presque tous les pays, dont la Chine, l'Union Européenne, la Russie, le Japon et les États-Unis, se sont acquittés de cette formalité dans les temps.

IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) - Voir GIEC

J


Juridiquement contraignant - En droit international, un accord juridiquement contraignant prime sur les lois nationales des pays qui l'ont ratifié, il peut être accompagné d'un mécanisme de contrôle du respect des engagements. A titre d'exemple, la Convention Européenne des Droits de l'Homme est juridiquement contraignante : si vous estimez qu'elle a été violée, vous pouvez saisir la CEDH et sa décision s'imposera même si elle est contraire aux lois du pays où vous résidez. Les traités internationaux et leurs protocoles additionnels, notamment, sont juridiquement contraignants. A l'inverse, un accord non-contraignant est un simple engagement politique sans valeur juridique. C'est le cas, par exemple, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Évidemment, dans les COP (comme dans toutes les négociations internationales, d'ailleurs), il est difficile d'obtenir un accord juridiquement contraignant : d'une part, les parties sont réticentes à prendre des engagements fermes, d'autre part un tel accord nécessite en général par une procédure de ratification longue et risquée politiquement (par exemple, aux Etats-Unis, les traités doivent être ratifiés par le Sénat à la majorité des deux-tiers). Lors de la COP17, à Durban, les parties se sont fixées comme objectif de parvenir en 2015 à "un protocole, un autre instrument légal ou une solution concertée ayant une force légale", ce qui laisse en suspens la nature exacte du futur accord de Paris.

JUSSCANNZ - Coalition de pays industrialisés pendant les négociations du protocole de Kyoto, elle a ensuite évolué pour former le groupe parapluie. Le nom vient de  l'acronyme en anglais pour Japon, États-Unis, Suisse, Canada, Australie, Norvège et Nouvelle-Zélande.

L


Landing zone - Terrain d'entente acceptable par tous, compromis respectant les lignes rouges de chaque parties. 

Legally binding - voir juridiquement contraignant

LGMA - Près de 2000 organisations non-gouvernementales sont accréditées pour participer aux COP/CMP. Elles sont réparties par collectifs, le collectif LGMA regroupe les collectivités locales. Au sein de ce collectif, on trouve par exemple la Fédération des municipalités canadiennes ou la Conseil américains des maires.Ce collectif est peu nombreux : 1% environ des organisations accréditées pour la COP21.

Ligne rouge - Limite au-delà de laquelle un pays n'acceptera pas l'accord, par opposition aux points sur lesquels il peut envisager de transiger. Comme l'unanimité est nécessaire, le succès de la négociation repose souvent sur la capacité des facilitateurs a proposer un terrain d'entente respectant les lignes rouges de toutes les parties.

LULUCF (land use, land-use change and forestry) - Ensemble d'activités liées à l'utilisation des sols (agriculture, déforestation, afforestation...), elles sont suceptibles d'entrainer des émissions de gaz à effet de serre mais aussi de capter du dioxyde de carbone (par exemple dans le cas d'un programme de reforestation).

M


MBM (Mesures basées sur le marché, en anglais : Market-based measures) - Terme employé par l'Organisation de l'Avion Civile Internationale pour désigner toute mesure visant à réduire les émissions sans recours à la réglementation. Cela comprend notamment les marchés du carbone, les taxes et redevance sur les émissions et la compensation .

MDP (Mécanisme de développement propre, en anglais : Clean development mechanism ou CDM) - Mécanisme de flexibilité du protocole de Kyoto permettant de produire des permis d'émission (en l'occurence des CER) en finançant un projet de réduction des émissions dans un pays hors-annexe 1.

MOC (Mise en œuvre conjointe, en anglais : Joint implementation ou JI) - Mécanisme de flexibilité du protocole de Kyoto permettant de transférer des crédits carbone d'une économie en transition vers un pays industrialisé lorsque celui-ci finance un projet de réduction des émissions sur le territoire du premier. Dans ce cas, le pays financeur se voit attribuer des ERU et le pays dans lequel est mis en œuvre le projet se fait retirer le nombre correspondant d'AAU.

N


N2O - Formule chimique du protoxyde d'azote (alias oxyde nitreux ou "gaz hilarant"). Le N2O fait partie des gaz à effet de serre visés par le protocole de Kyoto, son PRG est de 298 sur un siècle. Il est essentiellement produit par des activités agricoles.

Non-paper - Document officieux publié pendant une conférence pour servir de base de négociation.

P


Partie - Les parties sont les États et les organisations qui ont ratifié un accord international. Dans le contexte des négociations climatiques, il s'agit généralement des parties à la Convention-Climat de 1992.

Pertes et dommages (en anglais : loss and damage) - La Convention-climat reconnait que les pays industrialisés doivent aider les pays en développement à réduire leurs émissions et à s'adapter aux effets du changement climatique, mais il s'agit bien d'une aide et pas d'une compensation pour les dommages subis. Certains pays en développement souhaitent que les pays industrialisés soient tenus pour responsables des "pertes et dommages" qu'ils subissent à cause du réchauffement et qu'un mécanisme soit mis en place pour les indemniser.

PMA (Pays les moins avancés, en anglais : Least developped countries) - Groupe de 48 pays définis par l'ONU comme les plus pauvres de la planète, les PMA sont aussi une coalition dans les négociation internationale sur le climat. Ils sont particulièrement actifs sur les questions d'adaptation.

ppm (partie par million) - Unité de mesure de la concentration, notamment utilisée pour la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère : la concentration de CO2 dépasse aujourd'hui 400ppm alors qu'elle était aux alentours de 280ppm avant le début de l'ère industrielle.

PRG (Pouvoir ou potentiel de réchauffement global) - Il existe de nombreux gaz à effet de serre dont la durée de vie et l'impact sur le climat sont différents. Le PRG est la quantité d'énergie renvoyée vers la surface par une tonne du gaz considéré pendant une période choisie (en général un siècle) divisée par la quantité d'énergie renvoyée vers la surface par une tonne de CO2 pendant la même période. Cette mesure permet de comparer l'effet de différents gaz sur le climat : par exemple, selon le dernier rapport du GIEC, le PRG du CH4 sur un siècle est de 28, sur cette période on peut donc considérer qu'une tonne de méthane (CH4) est équivalente à 28 tonnes de CO2. Il s'agit d'une approximation (en 1995, le GIEC évaluez le PRG du méthane à 21) qui peut, de plus, donner une vision très différente en fonction de l'échelle de temps choisie : sur un siècle, le méthane représente environ 20% des émissions de gaz à effet de serre humaines loins derrière le CO2 (70%) mais sur 20 ans, leurs contributions au changement climatique deviennent à peu près équivalement (respectivement 44 et 50%).

Q


QUELROs (Quantified emissions limitation and reduction objectives) - Il s'agit des objectifs d'émissions attribuées aux parties de l'annexe B par le protocole de Kyoto. Ces objectifs sont quantifiés et juridiquement contraignants.

R


Recommandation - Acte sans valeur juridiquement contraignante adopté lors d'une COP ou d'une CMP.

REDD+ - Mécanisme destiné à réduire les émissions de CO2 liées à la déforestation et de la dégradation des forêts tropicales.

Résolution - Acte adopté lors d'une COP ou d'une CMP mais de portée inférieure à une décision.

RINGO - Près de 2000 organisations non-gouvernementales sont accréditées pour participer aux COP/CMP. Elles sont réparties par collectifs, le collectif RINGO regroupe les organisations de recherche et les organisations indépendantes. Concrètement, on y retrouve des universités, des think tanks et des ONG qui ne trouvent pas leurs place parmi les ENGO. ParisTech, l'INRA ou ATTAC font partie des organisations françaises au sein de ce collectif. Après le collectif RINGO est le plus nombreux après les ENGO, il représente 27% environ des organisations accréditée en 2015.

S


SF6 (Hexafluorure de soufre) - Un des gaz à effet de serre visé par le protocole de Kyoto. Son PRG à 100 ans est de 22.200. Il est principalement utilisé comme gaz inerte ou isolant dans l'industrie.

Shall/Should - "Shall" est un verbe anglais dont le sens juridique est ambigu : il peut signifier à la fois une obligation et une possibilité - la Constitution des Etats-Unis fournit des exemples fameux de ces deux sens et les procès visant à les distinguer font depuis longtemps la fortune des avocats. "Should" est la forme conditionnelle de "shall" ajoutant donc un degrès encore plus grand d'incertitude. L'arbitrage entre "shall" et "should" est un running gag des négociations climatiques : cette alternative entre une vague intention et une éventuelle volontée se trouve pratiquement à toutes les lignes des projets d'accord et chaque occurence peut donner lieu à d'interminables argumentations et marchandages entre négociateurs, suscitant la perplexité des observateurs et des non-anglophones.

T


TUNGO - Près de 2000 organisations non-gouvernementales sont accréditées pour participer aux COP/CMP. Elles sont réparties par collectifs, le collectif TUNGO regroupe les organisations de travailleurs et les syndicats. C'est l'un des collectif les moins nombreux. La Confédération paysanne ou la Confédération syndicale internationale, par exemple, font partie de ce collectif peu nombreux (seules 13 organisations accréditées pour le COP21).

U


UE (Union Européenne) - Dans les négociations climatiques, l'Union Européenne a un statut qui s'approche de celui d'un État : elle est partie à la convention et au protocole de Kyoto et représentent ses États-membres dans les discussions (par exemple, dans le cadre du protocole de Kyoto, les objectifs de réduction sont fixés au niveau européen). Cependant, elle ne dispose pas de droit de vote.

UNFCCC (United Nations Framework Convention on Climate Change) - Traité international adopté lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992 et destiné à "stabiliser [...] les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique". Il compte aujourd'hui 196 parties. Le terme peut aussi désigner les organes de la convention, notamment le secrétariat de l'UNFCCC basé à Bonn.

V


V20 - Groupe de 20 pays parmi les plus exposés au changement climatique. Il comprend certains membres de l'AOSIS mais aussi le Bangladesh, l'Ethiopie, le Népal, le Vietnam...


Y


YOUNGO - Près de 2000 organisations non-gouvernementales sont accréditées pour participer aux COP/CMP. Elles sont réparties par collectifs, le collectif YOUNGO regroupe les organisations de jeunes. Parmi les organisations accréditées au sein du collectif YOUNGO, on trouve, par exemple, l'Organisation mondiale du mouvement scout ou le Réseau français des étudiants pour le développement durable.Ce collectif représente environ 3% des organisations accréditées pour assister à la COP21.

Z


Zéro émission nette - Objectif de long terme fixé par l'article 4 de l'Accord de Paris ("parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la  deuxième  moitié  du  siècle"). Il suppose l'élimination de la plupart de nos émissions de gaz à effet de serre et la compensation du reliquat par des émissions négatives.


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Publié le 27 août 2015 par Thibault Laconde, dernière mise à jour le 1er novembre 2016


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