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Il est temps de parler sérieusement de la climatisation

Dernier exemple d'une stupéfiante série de records, la France vient de connaitre son mois de mai le plus chaud jamais enregistré. Et si cette vague de chaleur précoce peut paraitre assez bénine, ce n'est certainement pas le cas de celle qui a frappé le sous-continent indien en avril, ou de celle de juin dernier au Etats-Unis et au Canada, ou des trois vagues caniculaires de l'été 2020 en France...

Alors que la liste continue à s'allonger, parfois avec des températures approchant des limites physiologiques humaines, et que la protection contre la chaleur devient enjeu de santé publique, il temps de poser sérieusement la question de la climatisation. 


En finir avec un tabou : l'usage de la climatisation augmente en France, et il va continuer à augmenter

Vous vous souvenez probablement de la canicule nord-américaine, à la fin de juin 2021, et de l'image choc des "cooling centers", les refuges climatisés mis en place, par exemple, à Seattle et Vancouver pour acceuillir les habitants exténués par la chaleur. En France, nous n'avons pas encore vu ces images mais, depuis 2005, les établissements acceuillant des personnes agées doivent disposer d'une "zone refuge" où les pensionnaires peuvent se rafraichir. Et pour les autres personnes vulnérables, âgées, malades ou handicapées ? On leur recommandera, sans ironie, de se transporter dans un lieu public climatisé.

Si vous êtes pris par surprise et que vous devez gérer dans l'urgence une vague de chaleur inattendue, toutes ces idées sont raisonnables. Mais enfermer les personnes à risque dans une unique pièce climatisée ou leur demander d'aller passer leurs journées dans une galerie commerciale est un bien triste substitut à une vraie prévention... ne serait-ce que parce que l'impact sanitaire est autant causé par les chaleurs nocturnes que diurnes. Face à l'aggravation chronique des canicules, la seule solution durable pour les personnes vulnérables est de disposer d'un logement rafraîchi.

Appareils de climatisation en vente dans un supermarché français pendant la canicule
En parallèle, l'équipement en climatisation "de confort" augmente aussi à grande vitesse : en 2020, 800.000 climatiseurs ont été vendus en France. Pour comparaison en 2000 à peine plus de 300.000 foyers en étaient équipés ! Selon une enquête réalisée par l'ADEME, près d'un quart des particuliers possédaient un climatiseur en 2020, contre 14% en 2017.

Ces chiffres sont discutables : en 2018, l'Agence Internationale de l'Energie évaluait encore le taux d'équipement des foyers français à 5%. Mais il est clair que la climatisation se diffuse rapidement en France, comme d'ailleurs dans tout le sud de l'Europe. Toujours selon l'AIE, 12 millions de climatiseurs sont vendus chaque années dans l'UE, les 3/4 à usage résidentiel. Le nombre de climatiseurs en Europe aurait ainsi doublé entre 1990 et 2016 et devrait encore tripler avant 2050 pour atteindre 275 millions.

 

Les limites de la réglementation thermique

Même si la France a encore le climatiseur honteux, l'explosion de l'usage de la climatisation est déjà en cours. Et ce n'est pas la réglementation thermique des bâtiments qui sera en mesure d'infléchir cette tendance.

Jusqu'à récemment, elle écartait à demi-mot la climatisation pour les nouveaux logements. En effet, les consommations d'énergie maximales autorisées par mètre carré étaient a priori incompatibles avec son usage en dehors du pourtour méditerranéen. Cependant la climatisation n'était pas explicitement interdite et, dans la pratique, ces règles ne faisaient souvent que repousser son installation de quelques mois : beaucoup de logements neufs se retrouvaient très vite équipés après leur livraison.

La toute nouvelle réglementation environnementale 2020 reconnait cette réalité et change d'approche. Elle introduit le concept de "climatisation fictive" dans le calcul de la performance énergétique des futurs bâtiments : même si le projet ne la prévoit pas, une climatisation est comptabilisée dans la consommation d'énergie lorsque la température intérieure dépasse certains seuils.

Le message de la RE2020 : "Vous avez un projet de construction neuve non climatisée ? Bravo citoyen ! Mais on a vu vos plans et on sait que vous allez changer d'avis à la première vague de chaleur." La nouvelle réglementation thermique prend acte que l'équipement de certains logements ne pourra pas être évité.

 

Comment anticiper les effets de l'équipement en climatisation ?

C'est déjà un progrès puisque cette reglementation sanctionne indirectement les concepteurs de nouveaux projets qui n'assurent pas un confort thermique minimal en été. Malheureusement, elle ne porte que sur les logements neufs, c'est-à-dire sur une toute petite partie du problème. Pour les logements existants, les rayons des supermarchés sont déjà encombrés de climatiseurs mobiles attendant la prochaine vague de chaleur, et la ruée...

Est-ce que cela signifie qu'il est impossible d'endiguer l'usage de la climatisation ? Je pense que oui : avec la multiplication des vagues de chaleur estivales, il est illusoire d'espérer que les français vont arrêter d'acheter des climatiseurs et, une fois qu'ils seront équipés, il est illusoire de penser qu'ils ne les utiliseront pas.

La bonne question est plutôt : est-ce que les conséquences de cet usage croissant sont gérables, et comment peut-on en limiter les effets négatifs ? Une étude publiée récemment par Callendar et Colombus apporte un début de réponse.

Pour cette étude, nous avons simulé la consommation électrique d'un quartier du sud de la France pendant un été des prochaines décennies. Le quartier est composé de 100 logements climatisés dont les caractéristiques (surface, nombre de pièces, performance thermiques, etc.) sont basées sur une ville moyenne de la région Sud. Les besoins journaliers en électricité sont calculés à partir de ces caractéristiques et de conditions météos issues d'une projection du climat 2021-2050 réalisée par Météo France. 

Pour évaluer l'impact technique, économique et social de l'équipement en climatiseurs, nous avons réalisé plusieurs dizaines de simulations en faisant varier la vitesse de rénovation des logements, la façon dont la climatisation est utilisée, la performance des appareils, etc.

 

Climatiser sans drame : quelques pistes

Première conclusion : dans tous les cas, l'équipement en climatisation entraine une hausse de la consommation d'électricité et de la thermosensibilité. Climatiser a donc toujours un coût pour l'utilisateur et pour le système électrique, pas de surprise ici... Cependant il apparait très vite que le même niveau d'équipement en climatisation peut avoir des impacts très différents selon les hypothèses choisies.

Augmentation de la puissance électrique consommée par un quartier à cause de la climatisation
Puissance nécessaire à la climatisation du quartier pour différents scénarios (rénovation thermique, rendement des climatiseurs, etc.),
en fonction de la température moyenne de la journée
L'idée la plus immédiate est sans doute de mieux isoler les logements, mais ce n'est pas la meilleure. Cette solution est couteuse, longue à mettre en oeuvre et seule la rénovation complète des pires passoires thermiques permet des gains vraiment importants. Elle peut aussi être à double tranchant : une bonne isolation permet certes de maintenir la fraicheur à moindre coût dans les périodes les plus chaudes, mais l'absence de ventilation naturelle peut aussi inciter à abuser de la climatisation.

Améliorer l'efficacité des climatiseurs offre probablement un meilleurs rapport coût/efficacité surtout si cela peut être fait pendant que le taux d'équipement est encore limité. Et même sans progrès technique, il existe une réelle marge de progression. En Europe, la performance moyenne des climatiseurs reste faible par rapport à l'offre disponible. Equiper notre quartier avec les climatiseurs les plus performants disponibles sur le marché plutôt qu'avec le climatiseur moyen actuel permettrait par exemple de diviser par deux la consommation d'énergie nécessaire !

Enfin, les simulations montrent que le comportement de l'utilisateur est crucial : bien régler la température de commande, aérer avant de climatiser, fermer les volets en journée... Des actions simples et peu contraignantes permettent de réduire significativement la consommation d'électricité.

Ce dernier axe est particulièrement important, tout simplement parce que lorsque vous brancherez votre premier climatiseur, il n'y a aucune raison que vous sachiez l'utiliser efficacement : on vous a appris à bien utiliser l'éclairage ou le chauffage mais jamais la climatisation... Pour préparer les étés caniculaires des prochaines décennies, il est donc indispensable de développer l’éducation à l’utilisation efficace de la climatisation, et plus généralement la sensibilisation aux effets de la chaleurs et aux moyens de s’en protéger.

Publié le 31 mai 2022 par Thibault Laconde

 

Climat : plaidoyer pour l'équivalent-radiateur

A combien de radiateurs allumés pour l'éternité vos émissions de gaz à effet de serre sont-elles équivalentes ?
En tant que "professionnel" de la lutte contre le changement climatique, je suis régulièrement frappé par le contraste entre l'urgence existentielle, presque la panique, que je ressens et la légèreté avec laquelle nombre de mes interlocuteurs et la société dans son ensemble traite ce phénomène. Je ne crois pas être le seul…

Je pense que la façon dont nous mesurons le changement climatique y est pour quelque chose et j'aimerais vous proposer une façon, à mon avis, plus efficace de communiquer sur l'ampleur du phénomène.


Pourquoi les degrés ne marchent pas


Cela semble naturel : le changement climatique (à fortiori si on l'appelle réchauffement) s'exprime en température et se meure en degrés.

Exprimé de cette façon, le réchauffement actuel est évalué depuis la fin du XXIe siècle et très bien modélisé à l'échelle globale depuis les années 70 : l'incertitude porte beaucoup plus sur nos émissions de gaz à effet de serre dans les années qui viennent que sur leurs effets.
Les ordres de grandeurs sont désormais largement connus : à la louche, nous avons déjà gagné un degré par rapport au XIXe siècle et, en fonction de ce que nous émettons, le mercure devrait encore monter de 1 à 4°C d'ici à 2100. Projection moins connue : si nous ne parvenons pas à réduire nos émissions, la hausse se poursuivrait pour atteindre de l'ordre de 8°C supplémentaires en 2300 par rapport à l'ère préindustrielle.

Lorsqu'on regarde l'histoire des climats terrestres, il est évident que cela représente un choc qui défie l'imagination : rappelons que seuls 5°C environ nous séparent du dernier maximum glaciaire… Et pourtant toutes nos expériences quotidiennes nous disent qu'une augmentation de température ne change pas grand-chose, qu'elle est bénigne et, au pire, facile à compenser : si la température de la pièce où vous vous trouvez augmentait de 2°C, vous ne vous en rendriez probablement même pas compte, si vous vous en rendiez compte il a peu de chance que vous en ressentiez un quelconque inconvénient et même si c'était le cas il vous suffirait d'enlever une couche…

Je crois que nous avons tendance, même involontairement, à penser que ce qui est vrai pour nous l'est aussi pour la planète entière. Évidemment, ça ne marche pas comme ça.

Ajoutons un inconvénient supplémentaire : la mesure en degré rend apparemment notre contribution individuelle au problème négligeable et l'action futile : même si la température augmente fortement, notre responsabilité n'est que de l'ordre du milliardième de degrés, même le thermomètre le plus précis existant aujourd'hui ne pourrait pas la mesurer alors à quoi bon…


Alors comment mesurer et exprimer le réchauffement climatique ?


Si exprimer le changement climatique en degrés ne marche pas, existe-t-il une autre mesure permettant de communiquer l'ampleur du phénomène ?

En plus de faire passer l'énormité du changement en cours, une bonne mesure devrait pour moi réunir trois qualités :
  1. Elle devrait d'abord refléter le changement climatique dans sa globalité : exit donc des mesures d'impacts (hausse du niveau des océans, nombre jours anormalement chaud, etc.) qui sont certes parlantes mais ne portent que sur un aspect du phénomène.
  2. Elle devrait être largement compréhensible, donc a priori se rattacher à une grandeur que nous utilisons dans notre vie quotidienne ou pour laquelle il est possible de donner des équivalences évocatrices, même si nous manipulons des concentrations du même ordre lorsque nous salons nos plats, cela exclut je pense les concentrations en gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
  3. Finalement, elle devra être acceptée sur le plan scientifique.
Mon candidat : la puissance moyenne absorbée par la surface terrestre, exprimée en watt.

Cette façon d'évaluer le changement climatique est largement répandue dans la communauté scientifique. Elle figure même explicitement dans le nom donné aux 4 scénarios du 5e rapport du GIEC : RCP2.6, RCP4.5, RCP6.0 et RCP8.5 qui conduisent respectivement à une augmentation de la puissance absorbée (ou rayonnée : si la surface est en équilibre thermique cela revient au même) de 2,6, 4,5, 6 et 8,5 watt par mètres carrés.

Et même si tout le monde ne sait pas précisément ce qu'est un watt, il est facile de donner des équivalences parlantes : quelques watts c'est une ampoule, mille c'est une bouilloire domestique, un milliard c'est un réacteur nucléaire, etc.


Combien de radiateurs allumés pour l'éternité représentent vos émissions de gaz à effet de serre ?


Et pour ce qui est d'illustrer l'ampleur du phénomène, jugez par vous-même : dans le scénario RCP8.5, le scénario de laisser-faire, la puissance rayonnée augmenterait de 8,5W/m² c'est-à-dire, puisque la surface terrestre est de l'ordre de 500 millions de milliards de mètres carrés, que la puissance totale absorbée par notre planète devrait augmenter d'environ 4 millions de milliards de watts. A la louche, c'est comme si nous construisions quatre millions de réacteurs nucléaires qui fonctionneraient en permanence pour réchauffer le sol (pour comparaison, il y a moins de 500 réacteurs nucléaires en service dans le monde).

A cette échelle, notre contribution individuelle devient loin d'être négligeable : avec les émissions historiques complétées par le scénario RCP8.5, un être humain moyen vivant et émettant des gaz à effet de serre 1980 et 2060 est responsable d'un réchauffement d'à peu près 210 000 watts.
Figurez-vous la chose suivante : vous êtes né entouré de quelques deux cents radiateurs. Chaque mois où vous continuez à émettre des gaz à effet de serre, vous augmentez d'un ou deux crans la puissance d'un de vos radiateurs et si vous vivez toute votre vie au rythme d'émission actuel, vos 200 radiateurs, allumés à pleine puissance, vous survivront et réchaufferont la Terre bien après que vous l'ayez quitté.
Bien sur si vous êtes américain ou abonné aux vols en classe affaire ce sera plutôt de l'ordre de 500 radiateurs que vous laisserez dérrière vous...

Si on prend maintenant le scénario de réduction ambitieuse des émissions de gaz à effet de serre, le RCP2.6, la puissance totale absorbée par la Terre ne devrait plus augmenter "que" de 1,3 millions de milliards de watts, nous ne construisons donc plus qu'un million de réacteur nucléaires pour réchauffer la planète...
Dans ce scénario, si vous êtes né en 1980 et que vous vivez quatre-vingt ans avec un rythme d'émissions moyen, votre contribution au réchauffement sera encore d'un peu plus d'une centaine de radiateurs.

C'est beaucoup. Trop. Mais ça signifie aussi que les efforts, même limités, comptent : si, par exemple, vous renoncez à un seul voyage en avion, vous laisserez déjà un ou deux radiateurs de moins en quittant ce monde.

(Vous pouvez accéder ici au détail des calculs et des sources utilisées pour cet article)


Publié le 6 mai 2019 par Thibault Laconde

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[Message de service public] Pose lentement ce sèche-cheveux et tout ira bien (ou comment passer la pointe)

Vous avez remarquez ? Il fait froid.
Et avec le froid la consommation d'électricité augmente, particulièrement en France qui a le réseau électrique le plus thermosensible d'Europe. RTE prévoit une pointe de consommation au dessus de 93GW ce soir et demain matin.


La France va consommer 94GW d'électricité, alors qu'elle ne peut pas en produire plus de 90


Ces pointes de consommation posent problème car elles sont très au-dessus de nos consommations habituelles : pour une journée d'hiver normale, elle ne dépasse en général pas 70 ou 80GW. En janvier par exemple, la consommation maximale (le 15 à 19h) n'a été que de 77GW.
Répondre à une consommation telle que celle que nous allons probablement connaître ce soir, nécessite donc de démarrer tous les moyens de productions y compris les plus couteux et les plus polluants. A l'heure où j'écris le gaz représente 10% de la production d'électricité française et le charbon 3%, c'est beaucoup plus que d'habitude.
Mais cela ne suffira pas. Le parc électrique français ne peut produire que 90GW environ. Il faudra donc faire appel à l'effacement et surtout à nos voisins : les importations d'électricité sont en forte hausse depuis ce week-end alors que la France a été exportatrice pendant presque tous le mois de février.

Tout cela est risqué, coûte cher et pollue beaucoup mais grâce à ces efforts, l'électricité ne devrait pas manquer aujourd'hui.  Le risque de coupure reste cependant réel et il pourrait devenir plus important dans les prochaines années.


Ce que vous pouvez faire à votre niveau


Tout cela peut paraître lointain mais à la fin, le consommateur d'électricité, c'est nous : si il y a une pointe de consommation vers 19h, c'est bien parce que c'est l'heure à laquelle nous rentrons chez nous, nous remettons un peu de chauffage, nous allumons le four et nous démarrons une lessive.
Et les petites contributions ne sont pas négligeables lorsqu'elles sont mises bout à bout : si tous les ménages français éteignent une lampe (de 40W), la consommation globale baisse de 1GW c'est-à-dire l'équivalent de la production d'un réacteur nucléaire.
Vous pouvez donc réellement aider à passer sans encombre la pointe de consommation.

Comment faire ?
  • D'une manière générale, soyez particulièrement vigilants sur votre consommation d'électricité le soir autour de 19h et le matin entre 9h et 13h. 
  • Méfiez-vous de appareils chauffants (radiateurs électriques bien sur mais aussi fours, plaques de cuisson, bouilloire, cafetière, fer à repasser, etc.) qui sont d'énormes consommateurs d'électricité. Si vous êtes obligé de les utiliser, essayer de le faire en dehors des périodes tendues. 
  • Évitez les consommations inutiles même si elles vous semblent négligeables : ne laissez pas de lumière allumées, éteignez complètement votre ordinateur en quittant le bureau, débranchez les appareils en veille...
RTE propose quelques conseils complémentaires :

Réduire sa consommation d'électricité pendant les pics de consommation
(Cliquez sur l'image pour aggrandir)

Ce pic de consommation, c'est aussi l'occasion de se rappeler que le réseau électrique est un service public et que l'ensemble de ses utilisateurs, aussi bien producteurs que consommateurs, ont un rôle à jouer dans son bon fonctionnement. L'engagement des utilisateurs devient même de plus en plus crucial avec le développement des énergies renouvelables, alors autant s'y mettre tout de suite...


Publié le 27 février 2018 par Thibault Laconde



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[Infographie] Quelle est l'empreinte carbone de vos bonnes résolutions pour 2018 ?

Arrêter de fumer, moins boire, passer plus de temps en famille, manger plus sainement, bouger plus, etc. Vous vous apprêtez peut-être à prendre quelques unes de ces bonnes résolutions pour 2018.
Hé bien sachez qu'en plus d'être bons pour vous et votre santé, ces engagements contribuent souvent à protéger le climat. Vous serez surpris de voir à quel point vos bonnes résolutions peuvent réduire votre empreinte carbone pour cette nouvelle année... Une raison de plus de vous y tenir !

[Infographie] Quel est l'effet pour le climat de vos bonnes résolutions 2017 ?

On a parfois l'impression que le changement climatique est un sujet lointain sur lequel on ne peut pas faire grand chose. C'est la faute aux centrales à charbon chinoises, non ?
Hé bien, non... Notre mode de vie et nos habitudes influencent largement les émissions de gaz à effet de serre ! Vous serez surpris de voir à quel point les bonnes résolutions que vous vous apprêtez peut-être à prendre pour 2017, tout en étant bonnes pour vous, peuvent avoir un effet sur la quantité de carbone que vous allez émettre cette année.

2016, année écologique ? La réponse vue par 5 blogueurs.

Que nous réserve la nouvelle année dans le domaine de l'écologie et du développement durable ? Après un an largement placé sous le signe du climat, quel seront les sujets qui feront l'actualité en 2016 ?
Comme début 2014 et 2015, j'ai invité quelques blogueurs à plancher sur le sujet et à partager l'événement ou la tendance qui va, selon eux marquer, marquer cette année.

Comme chaque année, j'ai choisi des invités qui interviennent sur des sujets proches mais avec des angles et des styles très différents. A l'arrivée, il reste quand même un pont commun... Tous appellent à l'action !




"Des aménagements urbains mieux partagés en faveur des piétons et vélos." - Adrien Saumier




En 2016, l'année qui suit l'accord de Paris et l'engagement constant et renouvelé des villes pour lutter contre les dérèglements climatiques, les aménagements et mesures en faveur des déplacements doux, en particulier le vélo, monteront en puissance.
Pendant des décennies, les villes ont cherché à s'adapter avant tout à la voiture, élargissant les chaussées, poussant les piétons sur les rebords, chassant les vélos des rues. En France, Paris n'a échappé au pire que grâce au choc pétrolier, puisque étaient prévus la couverture totale du Canal Saint-Martin par une voie rapide, le doublement des voies sur berges, etc.
Depuis une petite vingtaine d'années le phénomène s'inverse et les villes aménagent des espaces dédiés aux circulations douces. Mais il semble que l'on passe de la logique de sanctuaires piétons (le centre-ville historique ou un espace commercial) à une logique globale de partage plus juste de l'espace urbain.
Ces nouveaux aménagements ne vont pas sans débats ou oppositions parfois virulentes. Les mauvaises habitudes de déplacements et l'étalement urbain rendent difficiles la nécessaire disparition des véhicules motorisés individuels en ville, et plus généralement dans les métropoles. Mais le mouvement est en marche : aujourd'hui, New York piétonnise Time Square, Los Angeles lance le plan Mobility 2035, Paris passe la majorité de ses rues à la limite de 30 km/h. Sans parler des centaines de villes moyennes dans le monde, y compris dans les pays dits en développement comme Sao Paulo ou Mexico, qui empruntent le même chemin que Copenhague et Amsterdam...


"In 2016, let's change the world !" - Fiamma Luzzati




"Le digital va imposer la concertation à grande échelle entre entreprise et parties prenantes." - Pierre-Yves Sanchis




2016 va connaître des bouleversements importants dans la manière dont les entreprises appréhendent la RSE et le Développement Durable, et ce, grâce au digital. En effet, les années précédentes ont permis aux entreprises de comprendre, parfois à leurs dépens, que le digital était la pierre angulaire de leur réputation. Elles ont aussi identifié, preuves et études à l’appui, que la perception de leur responsabilité sociale, sociétale et environnementale des entreprises comptait pour plus de 45% de leur réputation (Burson Marsteller, 2015).
2016 va plus que jamais amener les entreprises à reprendre en main leur communication grâce aux démarches RSE initiées, encore trop peu expliquées et vulgarisées auprès de leurs salariés, consommateurs, ONG, médias, institutions… Grâce au digital, certaines entreprises initieront d’ailleurs une écoute et un dialogue plus rapprochés avec leurs parties prenantes, afin d’identifier de nouvelles pistes de progrès et de s’assurer que la perception de leur performance RSE est bien alignée avec leur démarche.


"Vers une consommation différente et plus engagée..." - Aurélie Lombard



2016 sera ce que nous en ferons, alors plutôt qu'une tendance je vous donne une to-do-list où piocher des idées de consommation différente et/ou plus engagée.
Pour moi, consommer (ou même ne pas consommer d'ailleurs) est un acte politique fort, souvent méconnu et trop souvent sous-utilisé. Vous pouvez choisir entre la consommation collaborative (via les échanges, dons, partages dans les recycleries ou ressourceries et autres communautés : Sharevoisins, la Machine du Voisin...), la débrouille ( le « do it yourself » DIY, les repaircafés et maisons du vélo...) ou faire la part belle à l'Economie Sociale et Solidaire qui emploie 12,7% des salariés du privé et offre des services dans tous les secteurs.
Il est également possible de passer à une consommation alimentaire saine et bio à prix correct, tout en mangeant moins de viande et plus équilibré et en soutenant l'agriculture paysanne - sans oublier que manger bio, c'est lutter contre les OGM... Pour cela, vous pouvez passer par les Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (ou AMAP) ou les Jardins de Cocagne - qui ajoutent un volet insertion en plus.
Pour sauter un autre pas encore, un acte fort serait de quitter sa banque pour la NEF ou le Crédit Coopératif, qui investissent l'épargne dans des projets éthiques, solidaires et/ou écologiques ou de quitter EDF pour Enercoop (fournisseur d'énergie 100% renouvelable).
Alors, faites votre choix et à vous de jouer !



"L'heure est à l'engagement, à la traduction des paroles en actes." - Thibault Laconde



Comme d'habitude, je termine sur mon propre avis. Je crois que personne ne niera qu'en 2015 beaucoup de choses se sont mises en mouvement : la COP21 a ouvert la voie vers une nouvelle gestion internationale du climat et peut-être plus largement des biens communs mondiaux, le scandale Volkswagen nous a interrogé sur notre responsabilité de consommateur et notre confiance dans le savoir-faire technique pour répondre aux problèmes environnementaux, la chute du cours du pétrole montre à quel point nous sommes loin de maitriser l'économie de l'énergie... Je pourrais continuer longtemps cette liste.
Le monde est en train de changer, nous le sentons au moins confusément - et pas seulement dans le domaine de l'écologie ! Ces changements peuvent nous paralyser (comment agir lorsqu'on ne sait pas de quoi demain sera fait ?), ils doivent au contraire nous pousser à aller de l'avant : L'histoire nous enseigne justement que dans ces moments, demain est fait par ceux qui prennent l'initiative...
Or 2016 sera une année électorale ou pré-électorale dans de nombreux pays : aux États-Unis, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Russie... Ajoutons que, même sans élections, la Chine et le Brésil semblent avoir devant de sérieux changement politiques.
Les crises que nous traversons peuvent être l'occasion de réinventer notre monde si nous passons à l'action dès maintenant. Mais entendons-nous bien : il ne s'agit pas de ressasser encore et encore discours, théories et belles intentions, il nous faut mettre les mains dans le cambouis quitte à les salir un peu... On ne fait rien bouger sans confronter nos convictions aux réalités du terrain. L'heure est à l'engagement, à la traduction des paroles en actes.


Publié le 13 janvier 2016 par Thibault Laconde


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Six MOOCs pour mettre à jour ou développer vos connaissances sur le climat avant la COP21

Si vous avez passé l'âge d'aller à l'école mais pas celui d'apprendre, pourquoi ne pas profiter de cette rentrée pour suivre un cours sur le changement climatique ?
Grâce aux MOOC, ces cours en ligne, gratuits qui réunissent souvent des dizaines de milliers de participants, vous pouvez accéder aux leçons de quelques uns des meilleurs professeurs de la planète depuis chez vous et échanger avec d'autres étudiants de toutes origines. Plusieurs plateformes offrent des dizaines de ces cours (par exemple la francophone FUN, Coursera ou EdX).

A quelques semaines de la Conférence de Paris sur le Climat, vous pouvez en profiter pour approfondir vos connaissances sur le changement climatique. Après tout le sujet nous concerne tous...


Se faire une culture générale sur le changement climatique


Pour un tour d'horizon des questions climatiques, aussi bien sous l'angle scientifique que social et politiques, vous pouvez essayer "Causes et enjeux du changement climatique". Ce cours est francophone et fera intervenir quelques unes des "stars" françaises de la discipline, notamment le glaciologue Jean Jouzel (vice-président du GIEC depuis 2002). Début le 19 octobre...



Si vous êtes anglophone ou que vous voulez un cours qui démarre tout de suite, l'université de Melbourne propose elle-aussi un tour d'horizon de la question avec un cours de 13 semaines qui a commencé le 31 août.
Dans le cas où vous seriez intéressé surtout par les questions scientifiques liées au changement climatique, l'University of British Columbia vous promet que vous saurez en parler avec votre "vieil oncle grincheux" à la fin de ce cours de 7 semaines (à partir du 14 octobre).


Quelques cours plus spécialisés


Si vous êtes déjà familier avec les questions climatiques, il existe des MOOC qui vous permettront d'approfondir certains aspects. Par exemple :
  • Climate change and public health de l'Université du Winsconsin. Ce cours propose d'étudier les liens entre changement climatique et santé et comment la réduction des émissions de gaz à effet de serre peut avoir des effets positifs aussi dans le domaine de la santé publique. Début le 9 novembre pour 4 semaines.
  • Introduction to climate and water de l'Université (néerlandaise) de Delft s'intéresse plus particulièrement à l'eau et aux défis posés par le changement climatique dans ce domaine. Il a commencé le 1er septembre pour 7 semaine.
  • Making Sense of Climate Science Denial de l'Université du Queensland porte sur la question du climatosceptiscisme en décortiquant les arguments les plus fréquents et en apportant un éclairage sociologique sur le négationnisme scientifique. Il fait intervenir une brochette particulièrement impressionnante d'universitaires parmi les plus prestigieux sur les questions climatiques (Michael Mann, Naomi Oreskes, Benjamin Santer...).

Pour terminer si vous vous intéressez au climat et à la COP21, ces articles vous seront certainement aussi utiles :


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Série d'été : petites et grandes histoires de l'adaptation aux changements climatiques

Le blog part en vacances ! Retour prévu au alentour du 20 août avec une série d'articles pour reprendre en douceur la préparation de la conférence de Paris sur le climat...
En attendant, je vous ai préparé une série d'articles que j'espère originaux, peut-être divertissants, et en même temps instructifs. J'en publierai un par semaine a priori le mardi (sous réserve d'accès à internet).


Nous allons vers une hausse de la température de 2°C (au mieux). So what ?


Comme vous le savez certainement, sous l'effet de nos émissions de gaz à effet de serre, la température moyenne de la Terre a augmenté de 0.8°C depuis le début de l'ère industrielle. Le GIEC estime, dans son scénario le plus favorable, que cette hausse devrait se poursuivre pour atteindre 1.1 à 2.5°C à la fin du siècle - une augmentation beaucoup plus forte (au-delà de 5°C) n'étant pas écartée.
Voilà pour les chiffres.

Un des grands malheurs dans la lutte contre le changement climatique, c'est que pratiquement personne ne comprend la signification de ces variations de température. Nous allons vers une hausse de la température de 2°C au mieux, so what ?

On est évidemment tenté d'analyser ce chiffre sur la base de sa propre expérience : 2°C de plus = enlever une épaisseur. Ce sera un peu plus compliqué, nous disent les scientifiques, et de citer une longue liste des désastres probables : hausse du niveau des mers, augmentation de l'intensité des événements climatiques extrêmes, modification des zones de prévalence des maladies, baisse des rendements agricoles...
Mais en la matière il n'y a guère de certitudes : pour ne citer qu'un seul exemple, le GIEC a multiplié par deux ses prévisions quant à la hausse du niveau des mers entre son quatrième et son cinquième rapport !

Et même si les scientifiques pouvaient nous décrire avec précision et certitude les conséquences du réchauffement climatique sur notre environnement, cela ne nous dirait toujours pas comment nous allons, nous individus et sociétés, y réagir. En d'autres termes, quels seront les impacts économiques, sociaux et politiques des changements climatiques ?
Il y a 10 ans, l'ouragan Katrina a montré que l'effet d'un phénomène climatique ne peut pas être pensé indépendamment de ces facteurs. Que la première puissance mondiale ait eu tant de mal à faire face à une tempête sur son propre sol, que la catastrophe naturelle ait fait ressortir les préjugés raciaux et les biais médiatiques, que les égoïsmes aient si vite pris le dessus... Tout cela devrait nous alerter : peut-être surestimons-nous la capacité de nos sociétés à continuer à fonctionner dans un climat perturbé.


Regarder en arrière faute de pouvoir prévoir l'avenir


Mais essayer de décrire cet avenir ce serait donner plus dans la fiction que de la science. Plutôt que de tenter en vain de prévoir les réactions de nos sociétés au changement climatique en cours, il me semble préférable de regarder en arrière. L'espèce humaine a déjà été confronté à des changements climatiques, certes plus modestes que celui que nous connaissons actuellement mais il est sans doute possible d'apprendre de ces expériences.

Les progrès de la paléoclimatologie nous permettent désormais de connaître avec une bonne précision les évolutions du climat au cours des derniers millénaires. Ces données éclairent parfois d'un jour nouveau notre Histoire : nous avons tous entendu parler à l'école de la grande famine de 1315, de la peste noire et de la Guerre de 100 ans, mais qui sait que ces évènements sont contemporains de la fin de l'optimum climatique médiéval et de l'entrée dans un petit âge glaciaire ? Ce n'est peut-être pas un hasard...

illustration du petit age glaciaire à la fin du moyen age : les rivières gelées des tableaux de Bruegel
Un paysage d'hiver vu par Bruegel l'Ancien en 1565,
les rivières gelées représentées sur plusieurs de ses tableaux sont
souvent vues comme un témoignage du petit âge glaciaire

Comment nos ancêtres, plus ou moins lointains, ont-ils réagi face à la hausse ou à la baisse de quelques fractions de degrés de la température moyenne de la planète ? Quand cela leur a-t-il été favorable ? Comment ont-il essayer de s'adapter ? S'ils ont échoué, pourquoi ?
Voilà les histoires que je vais vous raconter au cours des prochaines semaines : les fortunes diverses des hommes préhistoriques confrontés aux crises climatiques, l'effondrement de la colonie viking du Groenland, les efforts des empereurs de Chine pour faire face aux variations de la mousson...

J'espère que ces articles vous plairont et je vous retrouve dans un mois !

Articles déjà parus dans cette série :


Disclaimer :
Tous les articles dans cette série sont basés sur des publications scientifiques (que je cite évidemment). Dans certains cas, les thèses exposées sont encore débattues. En général, il ne s'agit pas d'un débat sur les événements climatiques mais d'une discussion entre climatologues et historiens, ces derniers insistants sur d'autres causalités. Pour garder une lecture agréable, je ne rend pas compte de ces discussions mais, si vous êtes intéressé, un moteur de recherche scientifique vous permettra de les trouver très facilement.

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De la psychologie du climato-sceptique et de l'art de lui répondre

Il m'arrive assez régulièrement de trouver sur ce blog des commentaires qui mettent en doute l'existence du réchauffement climatique ou le rôle des émissions de gaz à effet de serre d'origine humaine dans ce changement. Cela va du simple troll jusqu'à de longues argumentations auxquelles l'auteur -presque toujours anonyme- a manifestement consacré du temps.
Pendant longtemps, j'ai regardé ces messages avec amusement. Et aussi un peu de curiosité : Qui sont ces inconnus qui arpentent le web pour faire partager leur lubie ? Qu'est-ce qui peut bien les motiver ? Et puis, il y a quelques mois, je me suis décidé à répondre à ces commentaires. Non parce que j'espère convaincre leurs auteurs mais parce que je ne veux pas laisser le champ libre à la désinformation sur mon blog, même dans les commentaires.

En même temps que je menais cette petite guérilla, je me suis penché sur la psychologie et les méthodes du climato-sceptique (qui, figurez-vous, sont des sujets de recherche tout à fait sérieux). Je vous propose dans cet article une rapide synthèse de ce que j'ai appris, à la fois par la pratique et au travers de ces travaux. Avec l'espoir que cela puisse être utiles aux blogueurs, journalistes, community managers ou autres qui font face aux mêmes personnes.


Climato-sceptique ou négationniste du climat ?


D'abord il convient de bien nommer les choses : je ne vais pas vous parler de doute scientifique. Ici il ne s'agit pas de personnes qui demandent des preuves avant d'adopter une opinion mais, au contraire, de personnes qui ont déjà une opinion arrêtée et qui évaluent la validité des arguments qui leur sont présentés en fonction de leurs convictions. Sauf exception, le "climatosceptique", paradoxalement, n'est pas un sceptique : il est certain d'avoir raison et le doute dont il se réclame ne s'applique qu'aux thèses qu'il rejette.
Pour faire cette distinction, l'anglais a deux termes climate skeptic et climate denier. Le second pourrait se traduire par "climato-négationniste", une expression qui n'a pas encore fait son chemin en français mais qui reflète bien la réalité du phénomène : comme  le négationiste historique, le négationniste scientifique défend une thèse manifestement erronée ("le changement climatique n'existe pas", "l'homme a été crée il y a 6000 ans", "il n'y a pas de lien entre HIV et SIDA", "les vaccins causent l'autisme", etc...), malgré un consensus scientifique écrasant soutenu par de nombreuses preuves.

Évidemment, si on laisse de coté les quelques individus qui y ont intérêt personnel ou professionnel, le négationnisme scientifique parait incompréhensible : qu'est-ce qui peut bien pousser un individu, qui généralement n'a pas les moyens d'effectuer ses propres recherches, à adopter et défendre une opinion à l'encontre du consensus scientifique ?
Cette question a fait l'objet de plusieurs études qui tendent à montrer que le négationnisme scientifique, comme le négationnisme historique, est généralement d'origine idéologique. On peut citer, par exemple, l'experience conduite par l'Université de Washington : des cobayes reçoivent une coupure de presse présentant un rapport sur le changement climatique, ils sont ensuite invités à évaluer cette menace. Il existe deux versions de l'article qui décrivent dans les mêmes termes la hausse des températures, le rôle de l'homme et les risques en cas d'inaction, la seule différence se trouve dans les conclusions : la première version recommande de réglementer les émissions de dioxyde de carbone, la seconde plaide pour une déréglementation de l'industrie nucléaire. Résultat : les lecteurs de tendance libérale-conservatrice auxquels on a soumis la version "réglementation" voient dans le changement climatique un danger moindre que ceux qui ont reçu la version "déréglementation", en fait ils l'évaluent même en dessous du groupe de contrôle (qui n'a lu aucun des deux articles). En d'autres termes, l'information reçue est inefficace lorsqu'elle est associée à une recommandation à laquelle le lecteur n'adhère pas, elle a même tendance à être contre-productive...

Pour le négationniste, consciemment ou non, une information ne peut être exacte que si elle est en accord avec sa représentation de soi et du monde. Dans le domaine scientifique, on parle pour décrire ce phénomène de lyssenkisme, du nom du biologiste soviétique Trofim Lyssenko qui crut pouvoir appliquer la lutte des classes à l'agronomie.
Parce qu'il est lyssenkiste, vous ne pourrez jamais convaincre un climatosceptique par un argument scientifique : en réalité, même s'il place la discussion sur le plan scientifique, ses objections sont d'ordres politiques, morales ou religieuses...


Comprendre les stratégies pour y répondre


Si vous voulez quand même lui répondre, sachez que dans la plupart des cas votre interlocuteur ne cherchera pas à étayer son opinion mais à affaiblir la votre. Selon une vieille stratégie théorisée par l'industrie du tabac il y a plus d'un demi-siècle, il est plus facile et aussi efficace de créer du doute... Pour cela, il peut recourir à trois méthodes : il peut soit 1) mettre en doute l'existence même d'un consensus scientifique, 2) attaquer les personnes (vous, les scientifiques, les institutions, etc.), 3) contester les raisonnements et les données scientifiques.
Si vous parvenez à classer les arguments de votre interlocuteur dans une des ces catégories, vous pourrez plus facilement y répondre :

  1. S'il met en doute le consensus

    La technique est assez simple, on pourrait résumer ainsi : "Je ne suis pas scientifique mais je sais qu'il existe des chercheurs qui doutent du réchauffement climatique. Attendons que le débat soit clos avant d'agir." Une compilation de la littérature conservatrice aux États-Unis a montré que c'est l'argument le plus souvent utilisé pour nier le changement climatique.
    Que répondre ? D'abord, on peut rappeler que 500 ans après la première circumnavigation, il existe encore un certain nombre de personnes convaincues que la Terre est plate : l'unanimité est hors de portée quel que soit le sujet... Mais ce n'est pas l'unanimité qui définit une certitude scientifique, c'est l'existence d'un nombre suffisant de preuves convergentes (en théorie des sciences, on parle de consilience) en particulier lorsqu'elles sont partagées par des scientifiques issus de plusieurs disciplines et de différentes origines géographiques.
    Cette condition est manifestement remplie pour le changement climatique. De nombreuses études ont tenté d'évaluer l'existence ou non d'un consensus dans la communauté scientifique. Bien qu'avec des méthodologies différentes (sondage, revue des publications, étude des prises de parole publiques...), elles sont toutes parvenues à un constat similaire : le consensus scientifique est de l'ordre de 97% depuis le début des années 90 (voir ici, ici, ici ou ici, entres autres).

  2. S'il s'attaque aux personnes

    Quel que soit le sujet, si vous pensez avoir raison contre 97% des scientifiques et 80 académies nationales des sciences, il faut bien que, en dépit des apparences, tous ces gens soient des idiots et/ou des conspirateurs. C'est pourquoi l'attaque ad hominem est pratiquement une figure obligée de tout discours négationniste. On en trouve de multiples avatars : des attaques ciblées contre certains chercheurs (le cas de Michael Mann est emblématique mais loin d'être unique) ou contre des figures médiatiques (Al Gore, par exemple), contre le GIEC ou les climatologues en général, voire tout simplement contre vous... Ces attaques ne se limitent pas à quelques commentaires de blogs : elles peuvent prendre la forme de procès abusifs, de plaintes auprès des autorités académiques, de diffamations, de piratages informatiques, de menaces, etc. (Lewandowsky et al., 2013) Et ça marche... il en résulte une forme d'autocensure qui a conduit les climatologues à ne pas publier leurs prévisions les plus pessimistes (Brysse et al., 2013).
    Que répondre ? Attaquer les personnes faute de pouvoir réfuter les idées est un recours traditionnel de l'obscurantisme, ne vous y laissez pas entraîner. Essayer plutôt de ramener la discussion dans le champ scientifique : la qualité de travaux ne dépend pas de leurs auteurs mais de leur contenu. Vous pouvez au passage rappeler que la liberté académique, c'est-à-dire la possibilité de conduire des recherches et d'en rendre compte même si elles déplaisent à tel ou tel groupe politique, économiques ou religieux, est indispensable au progrès scientifique (et, accessoirement, garantie en France par le Conseil Constitutionnel et le Code l'Education).

  3. Si son objection est d'ordre scientifique

    Ici, on a que l'embarra du choix : il peux s'agir de contester les données et les observations ("le réchauffement a cessé en 1998", "les mesures de température ne sont pas fiables", "les glaciers progressent"...), de mettre en doute les modèles ("on ne sait pas prévoir le temps qu'il fera dans deux semaines", "le GIEC a revu ses prévisions"...), de proposer des théories alternatives ("le soleil est responsable du réchauffement climatique", "ce sont les rayonnements cosmiques", "les volcans", etc.). Malgré leurs variétés, ces arguments reposent souvent sur la même chose : une méconnaissance du sujet, des raisonnements fallacieux (paralogisme, tautologie, fausse analogie, faux dilemme, etc.) et/ou un choix de données orienté - ce que les anglophones appellent "cherry picking".
    Que répondre ? Le plus souvent votre interlocuteur reprendra ce type d'argument d'un tiers, il peut être intéressant de lui en demander la source. En bout de chaine vous trouverez généralement une vraie publication scientifique qui a été mal comprise, parfois vous découvrirez que les auteurs de l'étude initiale eux-même ont mis en garde contre les mauvaises interprétations...
    Dans tous les cas, même si vous voyez les erreurs de votre interlocuteur, je vous conseille de partir du principe qu'il est de bonne foi et que lui-même pense que son argument est valide : plusieurs ressorts psychologiques, comme le biais de confirmation, peuvent expliquer que des personnes d'ordinaire rigoureuses acceptent un raisonnement faux. Expliquez l'erreur et faites preuve de pédagogie. Pour vous aider, vous pouvez trouver ici (en anglais) des réponses détaillées à la plupart des arguments climatosceptiques.


Quelques conseils pratiques


Avant de répondre à un climato-sceptique (ou à un négationniste scientifique, quel que soit le sujet), surtout sur internet, vous devez avoir conscience :
  • Que c'est un combat inégal : vous avez face à vous le plus souvent un anonyme, dont l'objectif n'est généralement pas de montrer qu'il a raison de mais de faire croire que vous avez tort, ce qui lui permet notamment de se contredire sans sourcilier d'une ligne à l'autre et de crier victoire si votre position varie d'un iota.
  • Mais que vous n'êtes pas seul : identifiez les passages clés de l'argumentation de votre contradicteur et passez-les à la moulinette d'un moteur de recherches, vous pourrez ainsi en déterminer l'origine et voir si d'autres ont déjà répondu. Si c'est le cas, n'hésitez pas à renvoyer vers les réponses existantes.
  • Que vous êtes maître de la discussion : soyez celui qui pose les questions, qui oriente les échanges, donne le ton... Une fois dépouillé du vocabulaire pseudo-scientifique, un "argument" climatosceptique se réduit en général à une série d'affirmations vagues et embrouillées, ne faites pas l'erreur d'essayer de répondre en fonction de ce que vous pensez avoir deviné de la position de votre interlocuteur. Commencez plutôt par lui faire énoncer de façon claire (et si possible sourcée) quelle est sa thèse, ensuite vous pourrez argumenter sans chasser des fantômes. A ce moment-là, il changera souvent de sujet ("Expliquez-moi plutôt pourquoi etc."), à vous de garder une discussion suivie et centrée sur le sujet initial.
  • Que vous ne vous adressez pas à votre interlocuteur mais aux autres lecteurs : résistez à la tentation de forcer le trait ou d'amener la discussions sur un plan personnel (les qualifications du commentateur, ses motivations...), contentez vous de démonter son raisonnement ou les faits qu'il avance de façon aussi précise et rigoureuse que possible.

Bonne chance !



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Rencontre avec les artisans de la COP21 - épisode 9 : Anne-Sophie Novel et Place to B

La réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est pas qu'une question scientifique et technologique : nous connaissons bien désormais le changement climatique, ses mécanismes et ses conséquences probables, reste à l'expliquer au public et à convaincre les citoyens d'agir... Les déclarations de fin de COP et les interminables rapports du GIEC ne sont certainement pas le meilleurs outil pour ça : il faut inventer une façon de raconter le changement climatique et de mobiliser.
Voilà en quelques mots l'état d'esprit qui a encouragé Anne-Sophie Novel, journaliste, auteur et blogueuse (notamment chez Ecolo-Info), à lancer Place to B. Elle nous explique de quoi il s'agit :


Place to B, c'est d'abord une auberge de jeunesse située près de la gare du Nord (donc à portée immédiate du Bourget où se tiendra la COP21 à proprement parler) et réquisitionnée pour héberger 600 participants venus du monde entier. Ce cera aussi un espace de coworking avec des conférences de presse, des points d'avancement sur les négociations, des spectacles, des projections... Et, enfin, un "News Fab Lab" (ou fabrique d'un récit différent) où activistes, auteurs et créateurs pourront se rencontrer pour chercher de nouvelles façons de parler des enjeux climatiques.

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Rencontre avec les artisans de la COP21 - épisode 8 : Yves Mathieu et le débat citoyen planétaire

La lutte contre le changement climatique n'est pas qu'une question d'experts et les sommets de l'ONU sur le climat ne sont pas réservés aux diplomates. Chaque habitant de la planète, quelle que soit sont origine, est concerné puisqu'il est à la fois victime potentielle du réchauffement et contributeur à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Mais comment prendre en compte l'avis des citoyens dans des discussions aussi complexes ? C'est à ce défi que s'attaque le "débat citoyen planétaire sur l'énergie et le climat" organisé le 6 juin avec le soutien de l'UNFCCC. Yves Mathieu, codirecteur de Missions Publiques, est un des initiateurs du projet. Il nous explique de quoi il s'agit :




Le débat citoyen planétaire est un exercice de démocratie participative d'une dimension inédite : le 6 juin, des panels de citoyens seront réunis dans plus d'une centaine de pays. Selon un protocole identique pour tous, ils échangeront leurs points de vue et répondront à 30 questions sur les enjeux de la COP21. Leurs réponses seront mises en ligne en temps réel sur le site du World Wide Views où l'on verra se dessiner au fur et à mesure que les discussions avances dans chaque créneaux horaires une opinion mondiale sur le changement climatique. Les résultats seront ensuite consolidés et analysés et remis aux décideurs lors de la conférence de Paris.

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